Citation:Je pars pour Dole cette nuit. Ce petit raccroc vers le Nord me permet d'éviter le désert des nuds au Sud. Et passé ces derniers mois sans trop marcher, et oublier ma lame courbe, me semble moins con d'éviter les landes pleines de trousseurs. A dire vrai, je pense avoir perdu pas mal de ma superbe des temps d'avant - saviez-vous que j'avais torché le cul d'un imbécile sur les routes helvètes ? J'étais fort jouasse.
Mais dans les temps qui viennent, par prudence, si je devais croiser un mastoc sur mon chemin, un bien entraîné, j'adopterai mon ancienne tactique : courber l'échine pendant que ça pleut des coups - car souvent ils frappent même après m'avoir fait les poches, poches que je vide toujours aisément, ayant quelque respect pour toute forme de métier. Vous n'avez donc pas à vous en faire, si je ne suis pas un guerrier, je fais un très bon sac à coups.
Le pis à l'époque, dans ma vie d'amant, était même de n'en garder aucune trace. M'avez-vous déjà décelé une cicatrice de guerrier ? Une longue estafilade de bretteur ? Que nenni. Je n'ai jamais su me faire frapper avec gloire - j'aurai au moins sauvé ma peau jusqu'ici. Mais que n'imaginâtes-vous la déception des donzelles de ma jeunesse. Quoi messire, n'avez pas de marques de guerre ? N'êtes qu'un pleutre ! Aujourd'hui je me marre. Alors que je fais des efforts en société - efforts tous relatifs - on me juge encore étrange, taciturne, froid, et autres foutaises. A croire que les cicatrices dans l'âme marquent la gueule au fer rouge.
Et que les femmes sont barbantes à me déclarer intriguant, à attendre même, que je le sois, alors que je ne fais que répondre, direct, à leurs questions - toujours les mêmes questions, toujours la même fausse retenue, à attendre de se faire tirer les vers du nez pour se sentir, un petit moment, centre de mon intérêt. Les plus bêtes des femelles me haïssent, car je refuse de les entraver. Celles qui ont un peu d'esprit veulent me faire parler, pour alimenter leurs fantasmes idiots. Cette ironie, elles ignorent qu'elles ont toutes le même ! Car je sais que je plais - loin de plaire à toutes les femmes, mais certaines, d'un certain profil. Celles qui cherchent du neuf, de l'encainallade avec vagabond à sale gueule, à se salir un peu, à compter pour quelques minutes, ces minutes où elles se feront vaillamment prendre par l'arrière, car elles croient que c'est là la fin de toutes les fins. Je hais ces femmes qui me disent intriguant, ou mystérieux, ou autre, car en me nommant ainsi elle cherchent à me mettre collet au cou, m'enfermer dans le rôle de leur amant souterrain.
Au reste, j'ai dernièrement escorté une gamine blonde, assez futée pour une noble, qui m'a fait le repos de ne point s'intéresser à moi. Elle avait un homme dans la tête. Je ne sais pourquoi les jeunes amoureuses se prennent souvent au jeu de la confidence avec moi, mais je prends un certain plaisir à disserter de leurs émois. Peut-être, très simplement, parce que ces dialogues détachés, en dehors de moi, ne me pèsent pas.
Je serai à Toulouse dans la vingtaine. Et je me fous pas mal que vous soyez chauve, ou teinte, ou manchote, ou défigurée. Vous êtes la seule qui sache m'aimer sans me peser, la seule pour laquelle je pourrais courir après, vous êtes mes rêves de cuisses, d'ailleurs, mes braies se tendraient rien que pour vos yeux. Êtes d'ailleurs la seule personne qui m'ait jamais fait pensé à remplir des coins dans ma vie. Et si vous vous sentez bien seule en étant chauve, alors j'irai me tondre le crâne aussi. Je tisserai une petite bourse avec mes cheveux, et ferai verser un écu dedans à chaque troufiotte qui me traitera dintrigant. Qui sait, dans une trentaine d'années, je pourrai me payer une nouvelle chemise.
A vous dévoué.
Johannes