Joshin
Avant d'aller jusqu'à la maison, elle s'arrêta à l'auberge. Peut-être y trouverait-elle Elena, veillant comme toujours à ce que tout se passe le mieux possible pendant son absence.
La porte était ouverte, et en effet, elle aperçut Elena qui s'affairait, suivant son habitude. Elle alla rapidement vers elle, la prit dans ses bras, et l'embrassa avec affection. Le temps et les épreuves subies ensemble avaient tissé entre elles des liens d'amitié qui ne ressemblaient en rien aux relations entre maitresse et gouvernante, comme celà avait été le cas lorsqu'elle était arrivée.
- Me voici enfin de retour, ma bonne Elena, et je suis heureuse de vous trouver ici. Comment allez-vous? N'avez-vous pas eu de problèmes particuliers pendant mon absence? Vous m'écriviez toujours que tout allait bien, mais je sais aussi que vous ne voulez pas m'inquiéter...
Un large sourire éclaira le visage d'Elena:
- Je suis bien contente de vous savoir rentrée, et entière, en plus. J'espère que ces maudites guerres sont finies, du moins pour un moment, et que vous allez pouvoir rester un peu ici pour vous occuper de vos affaires...
Elle s'interrompit brusquement, et Joshin n'eut pas de peine à deviner ce que la gouvernante n'osait dire: elle ne comprenait pas que sa maîtresse soit toujours partie sur les chemins, et surtout, les enfants lui manquaient terriblement, même si elle en parlait rarement, tout comme Joshin d'ailleurs. Celle-ci fit mine d'ignorer le front soudain soucieux d'Elena et, reculant de deux pas, la considéra avec attention:
- Il me semble vous voir en bonne forme, et je m'en réjouis. Si vous voulez bien, nous allons rentrer ensemble à la maison, et chemin faisant, vous me raconterez toutes les nouvelles de Patay. Avez-vous eu quelques visiteurs à l'auberge? Je vous vois bien affairée à tout ranger...
Elena se fit volubile:
- Plusieurs personnes sont passées, certaines connues, d'autres pas. Messire Vitali est reparti peu de temps après votre départ, puis il y a eu une jeune fille qui est passée... j'ai regretté qu'elle ne reste pas, je crois que nous nous serions bien entendues. Dame Leanore est passée en coup de vent, j'ai à peine eu le temps de la saluer, elle n'est pas restée très longtemps à Patay. La dernière visite a été celle de votre ami messire Silfiac, il pensait vous trouver là, et de fait il est venu deux fois. Nous avons passé un moment agréable, je lui ai servi le cidre du maitre, celui que je garde pour les grandes occasions, mais je sais qu'il est de vos amis. Il m'a dit qu'il partait à Blois, je ne sais s'il reviendra.
Quelle malchance... être au loin alors que Silfiac s'arrêtait à l'auberge:
- Je regrette de l'avoir manqué, j'espère qu'il reviendra. Sinon, Blois n'est pas si loin, je pourrais peut-être y faire un saut...
Le regard que lui jeta Elena voulait clairement dire: à peine arrivée, elle parle déjà de repartir... Joshin se mit à rire, et, après avoir fermé la porte de l'auberge, elle prit avec Elena le chemin de sa maison.
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