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[RP]La Grande Chevauchée-Mode d’emploi.

Hortense1
[Est-ce vraiment l’heure de se coucher ?]

Le rire. La plus douce des drogues. La meilleure manière de se laisser aller à l’oubli. Oublier les tourments qui torturent son esprit. Vivre le moment présent. Une véritable injection de bonheur pur. Il fallait l’admettre, les deux frères n’y étaient pas étrangers. La Brune ne savait pas s’ils avaient conscience de l’influence qu’ils exerçaient sur elle. Ils lui avaient apporté un souffle de vie, une fraîcheur trop longtemps perdue.

Et là, vautrée sur le sol, elle n’avait que faire de tout ce qui pouvait être passé ou futur. Seul lui importait d’être là, vivante, en leur compagnie. Elle saisit tout de même l’occasion offerte ; par le cadet Salar, de reprendre contenance. Attrapant la main tendue, Hortense prit appui sur ses jambes tant bien que mal, refrénant une nouvelle envie de pouffer, impossible cependant de retenir un nouveau commentaire.


« Ouais, hein… N’allez pas trouver une excuse pour me mettre dans votre couche Al’ ! »

Hum, finalement, le repos serait peut-être bien mérité. Les divagations de pochtronne peuvent parfois causer des malentendus alors autant couper court. Sans doute qu’un petit somme lui remettrait les idées en place, quoique c’était une toute autre idée qui s’insinuait dans son esprit. Et une fois sur sa couche de fortune, emmitouflée dans sa couverture, cette dernière se précisa.

La jeune brune attendit, prêtant l’oreille aux sons alentours, guettant la respiration caractéristique de l’homme endormi. Sans doute, que le sommeil vint la cueillir à son tour car quand elle rouvrit les yeux, elle ne put que constater le calme d’une nuit fraiche. Quelques braises chancelaient encore, lui fournissant la luminosité nécessaire pour apercevoir la silhouette du blond remplissant sa tâche. Essuyant les dernières preuves de son roupillon, Hortense s’efforça de se lever. La couverture sur les épaules, ses bottes la conduisirent au côté du veilleur. Hésitant sur les mots qu’elle désirait prononcer, la brune resta silencieuse avant d’opter pour la banalité d’un échange amical.

« Alors, pas trop fatiguant de veiller sur une bande de soiffards ? »

Plantant ses émeraudes sur le blond, elle sut qu’en prononçant une telle question, elle ne prendrait aucun risque. Mais Dieu que le risque était attrayant…


Equemont
Les phrases naïves échangées par Al et Hortense eurent le don de rendre Equemont nerveux. Cependant il ne chercha à rien montrer et s'emmitoufla dans sa couverture lorsqu'ils partirent ronfler. Ce genre de moments, ils les goûtaient, parce qu'il veillait sur eux, ayant pleinement contrôle de la situation.

Les yeux perdus dans le feu, il laissa son imagination vaquer à de lointaines pensées oiseuses. Il entendait les bruits des bêtes des bois à la fois attirées et apeurées par la flambée, et parmi tout cela il discernait les respirations de ces compagnons. Le sommeil du bienheureux semblait les avoir envahis.

De nouveau le blond alla raviver les braises pour ne pas attraper la mort, à cause du vent qui ne cessait pas, puis il s'assit au plus près des flammes. Sortant son épée, il la ficha dans le sol entre ses jambes. Il avait près cette habitude de garde dans le cas d'une attaque impromptue.

Quelques heures plus tard, Equemont n'était pas encore tombé dans les affres de la nuit. Clairement, il entendit une personne se lever et reconnut avec un sourire de contentement le pas léger de la brune mais resta en silence, jouant celui qui n'a rien vu. Hortense fit une halte marquée, comme si elle hésitait à approcher. Le blond se demanda bien comment elle allait l'aborder.


Alors, pas trop fatiguant de veiller sur une bande de soiffards ?
Vous reconnaissez donc bien votre crime ?


D'un geste de la main il l'invita à s'installer à son côté. Prenant sa couverture il en couvrit les épaules de la jeune femme.

N'allez pas prendre froid tout de même.

Délicatement il avait posé ses mains sur ses épaules, probablement un peu trop longtemps pour que cela soit neutre. Avec douceur il se serra contre elle et ferma les yeux.

Bientôt nous serons à Carcassonne. Vous avez encore des amis là-bas ?

Ouais, c'était banal. Mais il fallait bien commencer par quelque chose.

Je ne sais pas ce que nous feront là-bas, vous avez des projets ?

Il lui tendait la perche pour parler, même si son désir était bien ailleurs. Mais ça, il n'était pas assez fou pour se démasquer aussi rapidement.
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Hortense1
[Confidences pour confidences]

Les minces flammes dorées de leur feu de camp vinrent se refléter dans ses prunelles. Léger frisson au contact de ses mains sur ses épaules. A peine décontenancée, la Brune se laissa glisser sur le banc de fortune. La discussion était engagée. Moment privilégié que d’être seule à ses côtés. Instant opportun pour se laisser aller à confesse.

« Bientôt nous serons à Carcassonne. Vous avez encore des amis là-bas ? »

« Il y aura bien quelques têtes connues, de là à parler d’amis, je ne sais. Ceux qui m’importent sont sur les routes eux aussi. J’ai bien peur que Carcassonne ait perdu de son attrait. Puis, il devrait y avoir un fantôme aussi… »

Hortense marqua une pause. Un bref silence, comme pour peser ses propres mots. Les questions du blond n’avaient rien d’anodines. Il cherchait des réponses, il la poussait à s’ouvrir, à révéler par la même occasion les méandres de ses pensées. Instinctivement, sa main vint toucher la précieuse clé à son cou. Sa voix s’éleva à nouveau comme dans un murmure.

« … en soit il me reste une affaire à régler, du moins une lettre à écrire. Une lettre pour ne plus être hantée. Ensuite nous repartirons.»

Les termes employés n’étaient sans doute clairs que pour son propre esprit. Mais elle le savait assez perspicace pour se douter de tout le poids qu’ils contenaient. Le sujet n’était pas des plus simples à aborder.

« C’est mon premier projet. Le deuxième se profile comme étant un cheval à la robe blanche. »

Un tendre sourire se dessina sur ses lèvres tandis que sa tête vint reposer sur son épaule avec délicatesse.

« Pour le reste, n’avons-nous pas toutes les possibilités à notre portée ? »




Equemont
Equemont du Salar scrute Hortense.

Non qu'il veuille la reluquer, mais parce qu'il veut sonder son âme.
Elle semble sur le point de lui livrer quelques confidences attendues depuis si longtemps. Conscient de l'intime honneur qui lui est fait, il ferme les yeux et cherche à retenir tout ce qu'elle dira, avec cette mémoire du cœur, mémoire qui ne flanche jamais.

Le jeune homme réalise que jamais elle n'avait parlé de ses amis, et qu'à vrai dire il n'était pas capable d'en nommer un seul.

Un fantôme.

Oh oui ! Il connaissait l'existence de ce fantôme, symbolisée par une clé, passe pour ouvrir son âme. Il remarque son geste compulsif. Elle faisait toujours ce mouvement lorsqu'elle évoquait sa propre personne.

Hum. Une lettre... Le visage du blond, malgré la nuit, laisse transparaître un petit étonnement bordé d'une pointe de jalousie. Il la réprime vivement. Ainsi cette homme qui l'avait tant fait souffrir existait encore. Le nuage annoncé par cette révélation lui obscurcit l'âme. Il n'accepterait pas qu'il la fasse encore souffrir. Elle n'accepterait pas qu'il se mêle de cette affaire. Aussi encore une fois, il devrait jouer l'ignorant et attendre sans pouvoir agir. Cela lui coûterait.

Lorsqu'elle évoque le cheval blanc, le sourire revient sur ses lèvres, et délicatement il lui passe le bras autour des épaules, puis accueille avec frémissement la brune tête sur sa musculeuse épaule.


Pour le reste, n’avons-nous pas toutes les possibilités à notre portée ?

D'un rapide regard, Equemont vérifie que son frère ronfle encore, puis se penche vers le cou de la jeune femme pour lui poser un délicat baiser.

Vous croyez ? ajoute-t-il en guise de sous-titre.

Peut-être bien, oui. En tout cas je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous que vous soyez libérée.

Equemont hésita.

Hortense... Aidez-moi à porter votre fardeau, confiez-moi votre clé.

Laissant ses doigts glisser le long de son cou, il tire subtilement sur la fine chaîne argentée pour la sortir de son corset. La fixant dans la nuit il ajoute en murmurant dans son oreille :

Ce sera notre secret...
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Hortense1
Les yeux fermés, la Brune s’abreuve des paroles de son confident. En un éclair, elle s’interroge. Comment avait-elle pu en arriver jusqu’ici ? Prête à tout remettre entre les mains d’un seul homme. Passé, présent, futur.

Ce bras qui l’entourait vint comme une douce délivrance. La tendresse du baiser furtif lui serra le cœur. Elle devait se remettre à l’évidence même que le jeune homme avait su réveillé ses sens. Un instant, elle crut se lever et fuir. Mais elle en fut tout bonnement incapable. Ils étaient bien là, tableau éphémère d’une passion inavouée. Moments intimes volés à la faveur de la nuit.

Hortense perçut son hésitation. Il la connaissait assez pour savoir qu’une seule phrase non maitrisée risquait de la faire se refermer. Aussi vite qu’elle s’était livrée à demi-mot. Le propre même d’une savonnette, réussir à la saisir sans qu’elle nous glisse entre les doigts.


« Hortense... Aidez-moi à porter votre fardeau, confiez-moi votre clé. »

Un appel à l’aide qui lui offrait une échappatoire. La Brune eu un nouveau frisson tandis que la clé s’enfuyait de sa cachette. S’en rendait-il compte, mais à cette seconde précise, il était irrésistible. Aussi irrésistible qu’elle lui octroya le droit de s’emparer de la chaînette argentée. Elle lui répondit à son tour dans un murmure :

« Bientôt, Equemont, je ferais de mes secrets les vôtres.»

Délicat baiser sur sa joue.

« Pour l’heure, il serait raisonnable que je m’en retourne à ma couche. »

Dernière étreinte avant de se retirer en direction des dormeurs. Trouver le sommeil lui serait impossible. Sans doute y verrait elle plus clair à la faveur de l’aube.



Equemont
Un sentiment confus prit le jeune homme. Il voyait repasser devant lui les derniers mois qui avaient conduit à cette soirée, où la tête aimée reposait sur son épaule. Il aimait offrir le siège de sa puissance à Hortense, elle qui n'en avait pas besoin. Oh oui, il aimait cette gratuité qui caractérisait leur relation. Ils étaient deux êtres épris de liberté et fondamentalement, ils n'avaient pas besoin l'un de l'autre.

Equemont le fier resurgissait un peu dans ce geste, voulant marquer qu'il était l'homme et que c'était à lui de porter le poids des jours. Mais au fond de lui, il savait à quelle point la femme supportait mieux la douleur, parce qu'elle était inscrite dans son corps.

Il se souvint d'un épisode de jeunesse où avec sa sœur Esébia, ils s'étaient mis en tête de construire une cabane dans le parce du haras. Leur habileté avait été si grande que tout s'était effondré sur eux avec fracas. Equemont s'était pris une lourde bûche sur la jambe. Il eut l'impression de mourir. Esébia s'était fait écraser le bras par un rondin. L'enfant mâle se souvint très bien que ce fut sa sœur qui vint à son secours. Depuis, il avait inscrit ça dans sa tête, l'homme devait devenir courageux, alors que la femme l'était naturellement pour ceux qu'elle aimait. Enfin pouvait-on être naturellement courageux ? La femme pouvait finalement être inconsciente par amour. Une femme était toujours une mère en puissance. Il ne fallait pas l'oublier. Mais elles aimaient aussi qu'un homme prenne soin d'elles, qu'il les protège avec douceur et force.

Bref voyez quel four ardent était le cerveau du blond à ce moment où assis à côté de la femme aimée en cachette, elle lui promit de lui offrir ses secrets. Si elle savait à quel point elle l'intimidait, elle rirait jusqu'aux éclats. Mais c'était ce qu'il aimait, être toujours dans la surprise de sa réaction, ne jamais ni la posséder ni la maîtriser. Combien de fois avait-il pu faire ce qu'il voulait des femmes. Celle-là lui résistait en se donnant.

Et d'ailleurs elle se déroba. Sage décision... Equemont n'eut pas été maître de lui...


Dormez bien, et surtout dans votre couche hein !

Pointe d'humour foireuse pour déguiser une frustration. Il regarda sa silhouette s'enfuir dans les ténèbres.

Replaçant la couverture sur ses épaules, il eut une idée quelque peu osée. Son frère lui pardonnerait, il l’espérait, mais le froid commençait à le gagner et il devait apaiser son esprit. Fouillant dans la besace du jeune Salar, il sortit sa pipe et son tabac. Il savait qu'Aloan ne s'en séparait jamais. Tranquillement installé, il alluma la pipe préparée avec un tison rouge et se mit à tirer sur l'instrument aussi énergiquement que la complexité de sa situation l'exigeait.

Concrètement, il était dans la merde.

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Aloan
[Au plus noir de la nuit...]

Il se débattait contre des ombres. Courant, tentant par tous les moyens de s'enfuir, il se savait poursuivi par des ennemis invisibles. Puis soudain il se sentit basculer en arrière et tomber, tomber...

Il ouvrit les yeux, couché sur sa couverture, le front en sueur. Les brumes du cauchemar s'évanouirent bien vite et firent place à la fraîcheur de la nuit.
Un frisson le secoua et Aloan se redressa sur sa couche. Cela faisait des mois qu'il n'avait pas fait ce rêve. Ce rêve qui était plutôt un souvenir refoulé, celui de la bataille en Anjou. Il pouvait ressentir à nouveau le bruit de ses os se brisant sous les coups et le cri de douleur qui l'avait transpercé alors.

Ramassant sa couverture, il se leva et alla rejoindre son frère qui veillait toujours. Ce dernier semblait perdu dans ses pensées et l'espace d'un instant, le cadet crut qu'il était même endormi, mais les volutes de fumée qui s'élevaient au dessus de la tête d'Equemont lui firent comprendre qu'il n'en était rien.


- Quelle heure est-il? dit-il en s'asseyant près de son frère, la couverture serrée autour de ses épaules. Tu ne m'as pas réveillé. Tu n'as donc pas sommeil?

Obliquant un regard vers son aîné, il se sentait à présent tout à fait réveillé.

- Je faisais un mauvais rêve... Cela faisait bien longtemps que ça ne s'était plus produit.

Puis tendant la main:

- Tiens, je prendrais bien une bouffée pour achever de faire fuir ces démons endormis dans ma tête...
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Equemont
Fumer l’apaisait. Et à vrai dire, il en avait besoin.

Un bouillonnement confus avait laissé place à un calme relatif. Pourtant, la nuit ne vint pas encore l'attirer. Il essayerait de tenir pour que ses compagnons puissent se reposer de tout leur saoul. Les flammèches constamment ravivées par le blond éclairaient la nuit. Soudain, il entendit un bruit étrange venant de la forêt.

L'épée à la main, Equemont fut sur ses pieds en moins d'une seconde. Prenant une bûche enflammée, il alla dans la direction du feu, avec lenteur, guettant le moindre signe de vie.


Hola ! Qui vive ?

Il avait parlé fort, en tout cas suffisamment pour que ces compagnons l'entendent. Avec précaution il s'approcha de ce qui lui avait semblé être la source des bruissements qui s'étaient tus. Soudain il réalisa qu'il était à la hauteur d'Aloan et que celui-ci était en sueur. Equemont réalisa ce qui s'était passé. Ne voulant pas gêner son frère, il se précipita pour retrouver sa place.

Encore une fois, il fit semblant de ne pas l'avoir entendu lorsqu'il se présenta près du feu.
L'heure, il n'en savait fichtrement rien. Et si il l'avait réveillé, mais l'autre ne le savait pas.


Non je n'ai pas sommeil, j'ai beaucoup à penser tu sais. Et toi ça va ?

Jamais il n'avait pensé que son frère eut été pourchassé par de mauvais rêves. D'une certaine manière cela le rassura, c'était le lot des adultes, une fois les songes d'enfance passés. Il lui passa la pipe avoir tiré un coup ferme pour en garder le goût.

Al tu es le plus beau cadeau qui m'ait été fait.

Oui l'heure était aux déclarations. Si souvent devant les autres, les deux frères s'affrontaient, avec pour l'aîné un particulier besoin d'affirmer son autorité, Equemont ne souhaitait pas voir toutes leurs relations sous ce signe. Aussi il avait décidé de se confier.

Tu sais chaque jour, je pensais à toi en Terre Sainte.

Les yeux fixés sur le feu, l'ambiance était à l'intimité. Baissant la voix, le blond continua.

C'est aussi ton visage, encore enfantin en ma mémoire, qui a présidé le choix du retour.

Maintenant nous avons quitté Nevers. Nous allons sur les traces de Père. Nous irons nous recueillir sur la tombe de Mère. Je ne sais même ce qu'est devenu le véritable Haras du Salar.


Tourne le regard vers son frère, pour marquer que c'est l'instant clé de sa confession.

Ça risque de secouer un peu. Il va falloir revivre un peu tout ça...

Geste vague de la main, le frère sait forcément ce qu'il évoque.

Il va falloir être forts, mais nous sommes deux, les deux derniers Salar.

Sourire. Terminer avec une petite pointe d'ironie permet toujours de dédramatiser.
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Aloan
Le blond écoutait son aîné. Il tira quelques bouffées de sa pipe - et réalisa par là même qu'il s'agissait de la sienne - et ne l'interrompit pas. C'était vrai qu'ils ne s'ouvraient pas souvent l'un à l'autre. Fierté de mâles. Fierté de frères qui n'osaient pas se dire qu'ils s'aimaient quand c'était pourtant l'évidence.
Aloan l'écouta parler de la Terre Sainte. Il ne savait presque rien de ces années passées là-bas par son aîné, rien d'autre qu'il s'y était battu et y avait gagné en sagesse et en rédemption.

Seulement son frère oubliait que pendant ce temps, Aloan avait lui aussi du se battre. Contre l'autorité de son père, puis contre son mal de vivre. Il n'avait pas passé le temps à jouer avec ses petits soldats de bois, le coeur lourd et les yeux humides, fantasmant le retour de son frère modèle.


- Tu tiens vraiment à retourner au Salar, alors...

Le regard du cadet se fit plus sombre et il fixa pendant un instant le rougeoiement des braises devant lui.

- Tu sais, quand je suis parti, je me suis promis de ne jamais y remettre les pieds. Je me le suis juré au nom des années que j'ai passées à endurer la colère de Père, ses coups de ceinture et puis...

L'émotion grandissait et faisait trembler sa voix. Il tenta de l'endiguer pour poursuivre son récit.

- ... tu ne sais pas tout. Avant de mourir, notre père s'était mis à boire. Beaucoup et seul. Lorsque je revenais au village, je le trouvais souvent évanoui et débraillé. Les gens du village le voyaient bien eux aussi et ils s'apitoyaient sur son sort. "Le pauvre homme a perdu sa femme, sa fille puis son fils aîné. Il ne lui reste plus que le petit." Et le petit c'était moi, Kem. J'étais soi-disant tout ce qui lui restait. Mais moi j'étouffais, je voulais m'en aller aussi, tu comprends?

Il se tourna pour regarder son frère dans les yeux et appuyer son propos.

- Alors je ne supporterai pas de retourner là-bas et de lire dans le regard des gens la culpabilité, le mépris. Parce que c'est tout ce qui nous attend, mon frère. C'est tout ce qui reste de notre héritage...
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Equemont
Le jeune Aloan du Salar confiait quelques confidences à son frère.

Autour du feu, ils goutaient leur fraternité dans un mélange de silence et de secrets dévoilés à mi-mots. Fermant les yeux, Equemont se sentit troublé par ces révélations. Il est vrai que le blond connaissait déjà les comportements de leur père, mais en réalité, jamais ils n'avaient évoqué ce sujet de vive-voix.

Avec respect, il écouta sans l'interrompre. Une partie de leur vie s'était déroulée séparément et une part de chacun des deux restait ténébreuse pour l'autre. Mais un fait était qu'Equemont avait fuit au loin, se battant contre les Maures et surtout contre ses propres démons. Cette épreuve, il avait cherché à la surmonter jour après jour, heure après heure, donnant un sens nouveau à son existence.

Ce qu'il allait livrer autour de ce feu, ce soir-là, était le fruit de toutes ces années de mûrissement.

Aussi avec sérieux, Equemont avec une voix claire et distincte se lança :


Un homme est toujours partagé entre là d'où il vient et là où il va. L'un ne va pas sans l'autre.

Aloan, mon frère, si tu ne regardes pas en face ton passé, si tu ne l'affrontes pas, tu ne pourras être debout devant les hommes. Et si je puis t'affirmer une chose, c'est que tu n'es plus ce petit marmot espiègle d'antan. Il ne s'agit même pas de fierté, même pas de mépris.

Il s'agit de toi.


Il posa avec délicatesse son bras sur les épaules de son frère.

Regarde plutôt ce que tu as reçu. Plutôt que ce qui n'a pas fonctionné. Tu es un sensible, intelligent et cultivé. Le résultat n'est pas si mal !

Sourire.

Et à vrai dire les coups de cravache ne t'ont pas tant déformé le minois !

Equemont le fixe en se penchant proche de son visage.

Je te supplie de venir avec moi enterrer nos fantômes. Et puis nous irons fleurir la tombe d'Esébia.

Pour elle, viens, je t'en prie.


Equemont avait mêlé plusieurs arguments pour tenter de faire venir son frère. Des années loin de chez lui avaient appris qu'un homme sans passé est une âme sans consistance. L'humanité était faite de ces exemples d'hommes qui se laissaient aller à la boisson et à la débauche. Pourtant l'homme était fils de l'homme et pour devenir père il fallait être fils. Il n'y avait dans ce domaine pas de recette miracle sinon le long labeur des jours.

Si peut-être existait-il une méthode qui dépassait toutes les autres, l'amour. Et c'est bien par celui qu'ils échangeaient fraternellement qu'ils allaient avancer.


Tu sais finalement le meilleur moyen de se guérir, c'est encore d'agir comme si on était guéri.*

* D'après François Hertel

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