Equemont
[Juin 1449, haras du Salar, près de Béziers]
Tout proche du marais, le jeune Equemont mirait son profil en cours de virilisation. Souvent, il soffrait ce petit plaisir narcissique pour sassurer que le Très-Haut lavait bien doté. Sa musculature était en effet plutôt plaisante pour un jeunot. Il tenait ça de son père qui, il faut le rappeler, était considéré comme une force de la nature.
Le voilà donc penché sur cet étang, le fessier en vitrine, senferrant dans le vice de Narcisse sans en avoir la moindre conscience. Peu de temps suffirait pour que son père se rende compte de son absence et lance les cerbères du haras pour le chercher et le rosser. Ce genre de situation où il ny avait plus de messire Equemont qui tienne mais simplement des ouilles et des aïes. On lui avait confié un travail tout à fait déshonorant : ramasser le crottin, pour le sanctionner de la dernière raclée mise à son petit frère Aloan.
Repu de lui-même, Equemont se laissa glisser sur les talons, pour savachir. Voyant une relation directe entre ses épaules et la petite soubrette séduite quelques jours plus tôt, son rêve démarra au quart de tour. Les formes rebondies de la donzelle lui collaient au fond de la rétine, voire au fond des braies. Sous toutes les coutures, il revit ces instants, se figurant glorieusement dêtre un charmeur accompli et irrésistible. Le pas ne fut pas grand pour simaginer chevalier revenant de guerre, devant lequel tout le monde sinclinait. Il sentait au fond de lui ce désir de posséder, de dominer et de séduire. Cétait son destin, il en était persuadé jusquau tréfonds de ses entrailles.
Finalement personne ne comprenait rien à sa vocation. Son précepteur le moquait en lui montrant ses lacunes, son père le rappelait à des devoirs bien primaires, en insistant surtout sur sa paresse chronique, sa mère lui souriait avec bonté dans un mélange de fierté et de moquerie, seule sa sur jumelle Esébia était différente. Il ne fallait même pas évoquer Aloan dont le jeu principal semblait être de lui pourrir lexistence.
Ce sentiment d'incompréhension, il loffrait en tartines plaintives à sa sur qui courageusement lécoutait et le réconfortait. Cétait une sainte. Elle cherchait constamment à mettre du liant dans la famille, entre ses propre géniteurs, entre ses frères, entre la maquignon Berhuldin et les garçons décurie. Finalement Equemont ne lui reprochait que dêtre coincée.
Lui tremblait et courbait léchine devant le paternel qui faisait reposer sur lui une grande responsabilité. Le jeune se surprenait à des crises de fureurs contre son père, et de temps en temps imaginait à quel point il voulait le faire souffrir et prendre sa place. Il ferait de toute façon un meilleur maquignon que lui. Son père était un nul, incapable de satisfaire sa mère, ne comprenant pas ses enfants, brusquant ses employés. Un jour, lui, Equemont du Salar serait plus puissant et plus fort que lui et il viendrait le narguer en lui expliquant quil navait aucune valeur.
Mâchouillant une brindille, le blond entendit au loin son père rugir son nom avec rage. Les minutes qui allaient suivre s'annonçaient sanglantes, la cravache choisirait probablement comme piste de danse son propre dos.
Se redressant sur ses gambettes, Equemont inspecta ses vêtements, cherchant à mieux mettre en valeur son corps de beau gosse. Il ne devait pas souffrir dun mauvais emballage. Tout en remettant son col, il saperçut quun peu de terre humide sétait collé à son menton. Et le voilà à nouveau le popotin érigé en montagne et la face en cours de récurage, faudrait pas gâcher ce joli minois tout de même !
_________________
Tout proche du marais, le jeune Equemont mirait son profil en cours de virilisation. Souvent, il soffrait ce petit plaisir narcissique pour sassurer que le Très-Haut lavait bien doté. Sa musculature était en effet plutôt plaisante pour un jeunot. Il tenait ça de son père qui, il faut le rappeler, était considéré comme une force de la nature.
Le voilà donc penché sur cet étang, le fessier en vitrine, senferrant dans le vice de Narcisse sans en avoir la moindre conscience. Peu de temps suffirait pour que son père se rende compte de son absence et lance les cerbères du haras pour le chercher et le rosser. Ce genre de situation où il ny avait plus de messire Equemont qui tienne mais simplement des ouilles et des aïes. On lui avait confié un travail tout à fait déshonorant : ramasser le crottin, pour le sanctionner de la dernière raclée mise à son petit frère Aloan.
Repu de lui-même, Equemont se laissa glisser sur les talons, pour savachir. Voyant une relation directe entre ses épaules et la petite soubrette séduite quelques jours plus tôt, son rêve démarra au quart de tour. Les formes rebondies de la donzelle lui collaient au fond de la rétine, voire au fond des braies. Sous toutes les coutures, il revit ces instants, se figurant glorieusement dêtre un charmeur accompli et irrésistible. Le pas ne fut pas grand pour simaginer chevalier revenant de guerre, devant lequel tout le monde sinclinait. Il sentait au fond de lui ce désir de posséder, de dominer et de séduire. Cétait son destin, il en était persuadé jusquau tréfonds de ses entrailles.
Finalement personne ne comprenait rien à sa vocation. Son précepteur le moquait en lui montrant ses lacunes, son père le rappelait à des devoirs bien primaires, en insistant surtout sur sa paresse chronique, sa mère lui souriait avec bonté dans un mélange de fierté et de moquerie, seule sa sur jumelle Esébia était différente. Il ne fallait même pas évoquer Aloan dont le jeu principal semblait être de lui pourrir lexistence.
Ce sentiment d'incompréhension, il loffrait en tartines plaintives à sa sur qui courageusement lécoutait et le réconfortait. Cétait une sainte. Elle cherchait constamment à mettre du liant dans la famille, entre ses propre géniteurs, entre ses frères, entre la maquignon Berhuldin et les garçons décurie. Finalement Equemont ne lui reprochait que dêtre coincée.
Lui tremblait et courbait léchine devant le paternel qui faisait reposer sur lui une grande responsabilité. Le jeune se surprenait à des crises de fureurs contre son père, et de temps en temps imaginait à quel point il voulait le faire souffrir et prendre sa place. Il ferait de toute façon un meilleur maquignon que lui. Son père était un nul, incapable de satisfaire sa mère, ne comprenant pas ses enfants, brusquant ses employés. Un jour, lui, Equemont du Salar serait plus puissant et plus fort que lui et il viendrait le narguer en lui expliquant quil navait aucune valeur.
Mâchouillant une brindille, le blond entendit au loin son père rugir son nom avec rage. Les minutes qui allaient suivre s'annonçaient sanglantes, la cravache choisirait probablement comme piste de danse son propre dos.
Se redressant sur ses gambettes, Equemont inspecta ses vêtements, cherchant à mieux mettre en valeur son corps de beau gosse. Il ne devait pas souffrir dun mauvais emballage. Tout en remettant son col, il saperçut quun peu de terre humide sétait collé à son menton. Et le voilà à nouveau le popotin érigé en montagne et la face en cours de récurage, faudrait pas gâcher ce joli minois tout de même !
* d'après Albert Camus
_________________