Tigist
Point de jour, le crépuscule tombe sur lalentour de Toulouse, et rien nest vraiment noir que les ombres, le ciel est dun bleu sombre et celle qui le jauge dun regard est marron. Elle nest pas noire, elle nest pas noire. Elle nest pas si différente, elle nest pas cette différence. Etre différente, cest être atteignable. Le pas se presse pour rejoindre la chaumière qui a su attirer son attention, perdue loin de Toulouse, elle la vu en déambulant lavant-veille, cherchant un Colosse disparu, et la acheté. Cest son chez elle, loin de tous, et seule avec elle-même. Loin et seule, voilà ce qui caractérise sa vie. Loin des siens, et seule, parce quelle na pas damis, elle la dit. Un bruit la fait sursauter alors quelle presse le pas, espérant atteindre la masure avant que ce qui a provoqué le bruit ne se rapproche, et quand la main se resserre sur la poignée, le grincement qui exulte des gonds de la porte lui fait hérisser les poils sur la nuque. Tout nest que peur, que frayeur.
Là où daucun verrait des ombres, elle voit des menaces. Si on entend un bruit, cest que le danger sapproche et non pas le fruit dun hasard mélodieux. Elle craint pour sa vie, et pas même la présence imposante du Colosse ne saurait taire cela, ni même la nonchalance de la Lune ou du Chardon, cest pire que tout, cest à lintérieur et ça la ronge, comme on grignoterait petit à petit une noix, elle est la noix, et la peur lampute de moitié, la moitié de sa fierté. Pourquoi ? Les questions la taraudent, et comme elle claque la porte pour faire taire les questions et les rumeurs villageoises. Ils parlent trop ces gens, ils parlent et la tête la lance de les écouter parler. Trop de bruit.
Chut. Taisez-vous. Elle souffre de vous écouter.
La main se presse maladroitement sur la tempe pour faire taire le bourdonnement lancinant qui a montré le bout de son nez avec les questions. Tourbillon infernal, elle napprécie même pas ce qui lentoure, trop occupée à faire reculer la douleur. Mais Tigist, tant que tu penses, tu souffres, et tant que tu souffres, tu crains, et la peur amène les questions. Pourquoi ?
Le coeur manque un battement, le bruit sest rapproché, et elle la entendu gratter à la porte, les doigts glissent fébriles jusquà la botte dont elle sort le couteau de chasse quelle a acheté, sans penser réellement à lutiliser comment le pourrait-elle, elle ne sait pas.- elle attend, elle guette. Si la mort vient et la prend ici, ce serait trop bête. Elle aura tout perdu, elle naura rien connu. Et le goût du miel ? Un hoquet qui se perd dans la gorge, qui signore dun revers dorgueil. Lombre se fait plus proche qui joue à travers le verre mal taillé de la fenêtre, et elle ose la folle, lidiote, elle court aux devants de ce quelle pense être un envoyé de son père. La porte souvre sur une furie noire, lame pointée en avant qui voudrait pourfendre là où on lui a dit. Là où il a montré avec son doigt, là où rien ne règne que la tourmente et un rythme endiablé. Cest con un cur, ça tape, ça tape, sans jamais chercher à comprendre la raison du tapage. Oui mais pourquoi tu tapes si fort dans la poitrine mon cur ? Cest le goût du miel, de la peur, de la déraison, de linvisible danger. Ils veulent la tuer, et elle veut mourir, oui mais pas tout de suite.
Il y a le goût du miel.
Et il y a ce chat devant elle qui a reculé quand la porte sest ouverte, avant davancer méfiant. La méfiance est dusage entre bêtes, et elle ne rechignera pas à leur être associée quand bien même, elle les déteste pour leurs façons imprévisibles. Et cest le cas de le dire, puisque lanimal sapproche et quémande dun miaulement rauque, le poil abimé davoir trop trainé, lil aux aguets davoir trop surveillé.
-« Tu tes perdu ? »*
Elle aussi. La lame est posée au sol tandis quelle saccroupit pour se mettre à hauteur de félin, elle observe silencieusement, et ne fera pas le premier pas. Méfiante gelada qui attend lentourloupe, et qui pourtant se laisserait duper par les airs dignes de lanimal. La main ose delle-même, savance dans le pelage. Cest une confession, une communion. Le ronronnement sélève et résonne dans le vide de la bâtisse, il lapaise même, et elle se prend à espérer peut-être un peu plus, alors la main se glisse sous le ventre et la Gelada entreprend de porter lanimal. Imprévisible raclure qui se débat et feule, rechignant à être porté et qui profite de laubaine pour tenter un coup de griffe arrêté du dos du bras pour ne pas avoir à en subir les ravages sur la gorge ébène tendue. Car elle lui faisait confiance et navait plus peur, et il a voulu commettre lirréparable.
Porte est refermée, tandis que les doigts se saisissent de larme de boucher au sol. Acculé, le chat et tant pis pour les griffes. Il a voulu la tuer. Cest la peur qui parle, la peur et la haine, cest linstinct et lhérédité. Elle est folle comme son père, comme la lame qui senfonce à plusieurs reprises dans le corps du félin pris au piège dans un coin de la masure.
Et ça sapaise enfin.. Cest extatique. Il a voulu la tuer, il est mort, si tout pouvait être aussi simple. Elle titube dun pas en arrière, et cest le corps qui prend le dessus, lors que lesprit derechef, reprend sa course infernale, elle part. La maison reste là, seul récipiendaire du cadavre dun chat. Et la Gelada reprend la route jusquau bourg, mains tâchées du sang de linfortuné qui a joué sur la corde raide de sa folie.
Quils viennent. Quils viennent et elle les tuera. Pas ce soir, ce soir, le choc est dur à encaisser.
On a voulu la tuer. Encore.
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[* en amharique.]
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Tigist est éthiopienne. | L'essentiel est dans les cheveux.
Là où daucun verrait des ombres, elle voit des menaces. Si on entend un bruit, cest que le danger sapproche et non pas le fruit dun hasard mélodieux. Elle craint pour sa vie, et pas même la présence imposante du Colosse ne saurait taire cela, ni même la nonchalance de la Lune ou du Chardon, cest pire que tout, cest à lintérieur et ça la ronge, comme on grignoterait petit à petit une noix, elle est la noix, et la peur lampute de moitié, la moitié de sa fierté. Pourquoi ? Les questions la taraudent, et comme elle claque la porte pour faire taire les questions et les rumeurs villageoises. Ils parlent trop ces gens, ils parlent et la tête la lance de les écouter parler. Trop de bruit.
Chut. Taisez-vous. Elle souffre de vous écouter.
La main se presse maladroitement sur la tempe pour faire taire le bourdonnement lancinant qui a montré le bout de son nez avec les questions. Tourbillon infernal, elle napprécie même pas ce qui lentoure, trop occupée à faire reculer la douleur. Mais Tigist, tant que tu penses, tu souffres, et tant que tu souffres, tu crains, et la peur amène les questions. Pourquoi ?
Le coeur manque un battement, le bruit sest rapproché, et elle la entendu gratter à la porte, les doigts glissent fébriles jusquà la botte dont elle sort le couteau de chasse quelle a acheté, sans penser réellement à lutiliser comment le pourrait-elle, elle ne sait pas.- elle attend, elle guette. Si la mort vient et la prend ici, ce serait trop bête. Elle aura tout perdu, elle naura rien connu. Et le goût du miel ? Un hoquet qui se perd dans la gorge, qui signore dun revers dorgueil. Lombre se fait plus proche qui joue à travers le verre mal taillé de la fenêtre, et elle ose la folle, lidiote, elle court aux devants de ce quelle pense être un envoyé de son père. La porte souvre sur une furie noire, lame pointée en avant qui voudrait pourfendre là où on lui a dit. Là où il a montré avec son doigt, là où rien ne règne que la tourmente et un rythme endiablé. Cest con un cur, ça tape, ça tape, sans jamais chercher à comprendre la raison du tapage. Oui mais pourquoi tu tapes si fort dans la poitrine mon cur ? Cest le goût du miel, de la peur, de la déraison, de linvisible danger. Ils veulent la tuer, et elle veut mourir, oui mais pas tout de suite.
Il y a le goût du miel.
Et il y a ce chat devant elle qui a reculé quand la porte sest ouverte, avant davancer méfiant. La méfiance est dusage entre bêtes, et elle ne rechignera pas à leur être associée quand bien même, elle les déteste pour leurs façons imprévisibles. Et cest le cas de le dire, puisque lanimal sapproche et quémande dun miaulement rauque, le poil abimé davoir trop trainé, lil aux aguets davoir trop surveillé.
-« Tu tes perdu ? »*
Elle aussi. La lame est posée au sol tandis quelle saccroupit pour se mettre à hauteur de félin, elle observe silencieusement, et ne fera pas le premier pas. Méfiante gelada qui attend lentourloupe, et qui pourtant se laisserait duper par les airs dignes de lanimal. La main ose delle-même, savance dans le pelage. Cest une confession, une communion. Le ronronnement sélève et résonne dans le vide de la bâtisse, il lapaise même, et elle se prend à espérer peut-être un peu plus, alors la main se glisse sous le ventre et la Gelada entreprend de porter lanimal. Imprévisible raclure qui se débat et feule, rechignant à être porté et qui profite de laubaine pour tenter un coup de griffe arrêté du dos du bras pour ne pas avoir à en subir les ravages sur la gorge ébène tendue. Car elle lui faisait confiance et navait plus peur, et il a voulu commettre lirréparable.
Porte est refermée, tandis que les doigts se saisissent de larme de boucher au sol. Acculé, le chat et tant pis pour les griffes. Il a voulu la tuer. Cest la peur qui parle, la peur et la haine, cest linstinct et lhérédité. Elle est folle comme son père, comme la lame qui senfonce à plusieurs reprises dans le corps du félin pris au piège dans un coin de la masure.
Et ça sapaise enfin.. Cest extatique. Il a voulu la tuer, il est mort, si tout pouvait être aussi simple. Elle titube dun pas en arrière, et cest le corps qui prend le dessus, lors que lesprit derechef, reprend sa course infernale, elle part. La maison reste là, seul récipiendaire du cadavre dun chat. Et la Gelada reprend la route jusquau bourg, mains tâchées du sang de linfortuné qui a joué sur la corde raide de sa folie.
Quils viennent. Quils viennent et elle les tuera. Pas ce soir, ce soir, le choc est dur à encaisser.
On a voulu la tuer. Encore.
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[* en amharique.]
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Tigist est éthiopienne. | L'essentiel est dans les cheveux.