Bossuet
- "Ô rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?"*
De lubie en nouvelle lubie, les Piques parcourent en tout sens la grande plaine des désir inassouvis. Ainsi aujourd'hui cherchent ils la gloire intemporel d'une statue à leur effigie. en fait , en lieu de Pique, il ne s'agit que du poète et de sa soeur. Par ailleurs sa sur aimé et aimante, selon l'avis tout à fait objectif du poète qu'il est, "ferait mieux de se concentrer sur la tache délicate de peigner les poils de son cul, et ainsi laisser les mots à ceux qui savent s'en servir."
Ainsi donc, entre Bossuet, Grayne et l'actuelle dirigeante de Saumur, se conclue un marché visqueux de méfiance et de radinerie patentée.
Un poème en son honneur, clamé en place publique, contre une statue à son image. Pas n'importe quelle statue attention, belle et prestigieuse, outrancière pourquoi pas, et forcement insultante pour le gout commun. A son image donc. Le tout orné d'une plaque où se liraient les mots suivants:
- "En l'hommage à Bossuet, bienfaiteur de Saumur.
Puissent ses vers vous bouffer jusqu'à l'os."
Le Bossuet, luth en main et tenue des grands jours, paré de plus de fourrures décrépite et de velours sales qu'une baronne allemande désargentée un jour de Jacquerie, se hisse sur un tonneau tout devant la mairie, et tel un conquérant, appel à l'attention du "bon" peuple de Saumur. Une fois une petite foule réuni bon gré mal gré, contre promesse d'un tour de magie, d'une pluie de piéce d'or ou d'une présentation d'un quelconque produit aphrodisiaque il démarre. Le poète est homme de scène, et sans mourir sur les planche il y a tout de même bien vécu. Il clame comme un forçat, travaillant son auditoire à grand coup de gestuel théâtrale.
J'adresse ces modestes rimes à Chalva, Mairesse en ces lieux, Maitresse de qui veut.
Un instant de silence, comme une brise légère d'avant tempête.
A toi chalva, ni femme ni autre, ni même parfaite
Ces fringantes et jeunette dans ton ombre palissent,
Quand bien même tes culottes tu compisses,
A toi sans peur, sans tache ni reproche ni rien en fait,
Le poète fait de grand geste, tel un chevalier éperdu d'une princesse étrangère, avec dans le regard ce petit je-ne-sais d'héroïsme tragique.
A toi Mairesse, qui nest maire de rien,
Sinon dun trou, bourbeux et sans un violon,
Emplit daisance, telle la fosse du même nom,
A toi seule lueur dans cette marée de vaurien,
Son regard se porte sur les foules, qu'il voit forcement immense et toute à lui, Alexandre jaugeant ses troupes, césar contemplant ses légions, une espadrille menaçant une araignée.
A toi mon épousée dun instant je te déclare,
Là, tout devant ces Dieux du vin assoupis,
Vois ta bassesse emporter jusquà mon art.
Et pour l'envoi, le poète pose un genou, comme un prétendant invitant sa dame au bal.
A toi, Étoile pastiche au parfum refroidi,
Grande scélérate, des muses le rebut,
Crève ainsi, de vers repue, et le con rougi.
Après les quelques instant de silence qui marque la fin d'une tirade, il tire une acrobatique révérence depuis son tonneau, puis en descend souplement. Voilà, que la statue en soit d'autant plus "belle".
*Le Cid, Corneille.
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