--Andree
Le lieu n’avait pas son importance, dès qu’un troubadour était dans une pièce, qu’il s’agisse d’un salon privé ou comme icelieu d’une taverne, celui qui tenait le Luth était celui qui en général après une belle balade, se retrouvait ; même sans le sou ; avoir en plus de l’oreille attentive, le giron de la divine.
Pas une seule fausse note, pas d’anicroche, Le félibre suivait le schéma des siens en charmeur aguerri. S’il était un temps soit peu ambitieux, à la cour et dans les salons, il aurait plus que son soûl de vestale à immoler. Il avait l’art et le maintient des hommes qui en quelques gestes enjôleurs obtiennent faveurs. Cette façon aguicheuse de prendre la main, de la portée à ses lèvres sans la lacher, de maintenir le contact avec une œillade. Le miel dans sa bouche en faisant de sa prisonnière, le temps d’un instant fugace la reine de sa ruche ; comme si le fait de savoir son prénom pouvait changer à jamais sa propre destinée.
Amusée, Andrée se prêta au jeu. Elle se perdit dans son océan, laissa sa voix la porter. Il était le chant de la sirène emportant dans la tempête les marins envoutés. Charmée qu’elle semblait par les vers encensés, elle entrouvrit ses lèvres, ses perles brillants faussement, elle se recula prête à le remercier dans une révérence pudique à la mode du moment lorsque le mercenaire sur le retour mis fin à son divertissement. Avant de faire tomber le masque de la candeur, elle se pencha vers Tessay pour lui susurrer son nom « Andrée. »
Ce qui arriva par la suite, réveilla son humeur. La poupée de salon céda sa place à la De Brinvilliers. Le moulage immaculé arbora un pli cruel au niveau de la commissure de ses lèvres, le regard qui tantôt jouait sur la naïveté, la complaisance était à présent plus noir. Pétrie depuis la plus tendre enfance, pour être une arme par une mère ambitieuse, elle jubilait.
Un rapide coup d’œil pour évaluer la situation en évoluant dans la salle jusqu’à sa capeline. Barent faisant un ménage printanier. Une tavernière tétanisée ou semblant l’être, un barde en compagnie du chaud lapin. Ne perdant ni de sa verve ni de sa répartie malgré une situation qui forcerait n’importe quel individu à fuir. Et elle…pas tout à fait…Andrée se tourna.
Evidemment, personne ,n’avait pensé à faire le guet…et elle en tête de liste. Pour se rattraper, elle défit quelques boutons de son corset, garda son appareil fermé entre les doigts, se recomposa un sourire angélique de poupée en céramique et se jeta en gourgandine sur le nouvel arrivant. Le volant de son jupon virevoltant au pas de sa course, s’accrocha à l’homme comme une catin de comptoir. A défaut de le faire quitter sa garde, il aurait plus de mal à dégainer avec elle sur les bras.
Imaginez, bel inconnu, minauda-t-elle le souffle court, que ces jeunes gens se battent pour savoir lequel m’aura dans son lit cette nuit…Elle accentua ses paroles en un papillotement de cils. Rien de bien grave…vous me le concédez…l’attrapa par le menton cajoleuse pour qu’il la fixe. N’est-ce pas ?
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