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[RP] Un bon croquis vaut mieux qu'un long discours*

Umbra
L'Ombre profita de son halte à la Capitale pour faire quelques emplettes. Après avoir posté son courrier aux Halles, Umbra longea les enseignes jusqu'à s'enfoncer dans une discrète ruelle. Poussant la porte de l'Aphrodite , un frisson ébroua sa carcasse usée. La Noiraude dans un lupanar? Non, vous vous trompez... Regardez plus attentivement.

Sa démarche hésitante la mena jusqu'à l'Empreinte. Au détour d'un chemin trop près de la maison de luxure se trouvait un petit atelier. Là-bas paraitrait-il qu'une artiste se terrait, c'est ce que venait vérifier la Boiteuse. Malgré son avarice, Ombeline était prête à mettre le prix pour satisfaire son orgueil. Faire pâlir de jalousie ses connaissances, attiser la colère de ses ennemis en exhibant une fresque dédiée à son image. Bien qu'elle soit moche, l'art attirerait surement des convoitises. Trêve de paresse. De son unique main, la Bâtarde poussa l'huis de l'antre du peintre. Moult fragrances plus ou moins connus embaumaient l'atmosphère avant même de mettre un pied dans la salle de l'artiste. Corneille prit place sur un banc et patienta en silence. Tendant l'oreille, elle espérait entendre le peintre à l'oeuvre. Les huiles ont une forte odeur, utilisées en cuisine ou en peinture, elles comblent toujours la gourmandise...


* Citation de Napoléon

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Axelle
Un bras. Si la bestiole n’avait aucune difficulté à reproduire les visages, les trognes, les minois, les tronches, belles ou laides, jeunes ou vielles sans l’ombre d’une difficulté, elle devait bien avouer que les bras lui donnaient bien plus de fil à retordre pour leur insuffler souplesse et expression en quelques coups de fusain. Alors sous les poutres de son nouvel atelier parisien, elle s’entrainait, appliquée, silencieuse et curieusement patiente, retravaillant ses traits pour enfin arriver au naturel qu’elle souhaitait, Remontant le museau de ses feuillets, elle grignota son index d’un regard critique quand le coin de son œil perçu une tache rousse qui n’avait rien à fiche là.

Remontant vivement ses billes noires, elle surprit son spectateur inopiné. Un chat tigré de roux aux babines blanches, efflanqué et déplumé la dévisageant de ses mirettes jaunes. Il n’en fallut pas moins pour que la belle concentration ne s’effrite et, bondissant de derrière sa table comme une furie, la Bestiole claqua des mains en éructant des « oust » à tout va. Le matou tortilla ses moustaches blanches avant de filer et de dévaler l’escalier suivit par la gitane bien décidée à lui montrer le chemin de la sortie sans passer par la case : « Minou, minou viens par là, t’as soif toi, t'veux un peu de lait ? Qu’t’es beau ! ». Et en plein milieu du salon d’accueil, sourire en biais sur le coin de la figure, fière d’avoir effrayé un vulgaire chat errant, elle allait remonter à ses esquisses, quand elle découvrit, non plus un chat, mais une femme toute aussi efflanquée, sagement assise et dont la mine lui disait vaguement quelque chose. Sourcils dressés de ne pas même l’avoir entendu entrer, elle pencha la tête.


‘Jour. S’vous venez pour aut’chose qu’un bol d’lait, vaut mieux appeler, z’auriez pu rester là longtemps. Léger sourire qui se glisse à droite de sa bouche. J’suis Axelle.
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Umbra
L'Ombre profitait du calme ambiant pour se reposer de son voyage. Sa jambe abimée supportait encore mal les chocs. Bien qu'elle ait effectuée une bonne partie du trajet assise dans une charrette, le trajet fut long et fatiguant. Les yeux mi-clos, à mi-chemin entre la conscience et l'inconscience, Umbra voguait dans un état semi-léthargique. Un affreux miaulement suivi de pas la sortirent de sa torpeur. Le brouhaha dégringola les escaliers avant qu'un chat jaillisse dans le champ de vision de la Noiraude et n'en déguerpisse aussitôt. S'en suivi alors l'apparition du peintre.

‘Jour. S’vous venez pour aut’chose qu’un bol d’lait, vaut mieux appeler, z’auriez pu rester là longtemps. J’suis Axelle.

Ombeline prit appui sur son bâton de marche pour se relever et répondit d'un air beaucoup moins mutin:

Le Bonjour, Axelle. N'ayez crainte, la mendicité n'est pas mon fort. Je viens à vous car j'ai ouïe dire par une connaissance commune que vous étiez une artiste...

Détaillant le faciès de son interlocutrice, la Bâtarde reprit:

Je vous avouerai que votre visage ne m'est pas inconnu...Ne nous serions-nous pas déjà rencontrer par le passé?

Bien que le nom ne lui disait pas grand chose, Tynop ayant été très vague lors de leur discussion, la Manchote avait l'impression d'avoir déjà vu l'hôte de l'Empreinte.
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Axelle
Aïe.

Son sens tout personnel de la diplomatie s’en prenait encore un sacré coup dans l’aile. Mais cette fois ci, la Bestiole avait fait fort et égratignant son hôte dès les premiers mots qui avaient franchi le seuil de ses lèvres. Et involontairement, qui plus était. Pourtant, l’ancienne gamine des rues, mendiant au tintement de son grelot, savait plus que quiconque combien la moindre allusion à cette pratique était blessante. Mais curieusement interpellée par les flancs similairement efflanqués de la femme et du chat, la comparaison n’avait pu que jaillir.

La Bestiole plissa le nez, piteuse, mais ne s’attarda pas davantage à sa bévue bien que s’interdisant de justesse de proposer à la brune claudiquant un verre de lait.

« Je vous avouerai que votre visage ne m'est pas inconnu...Ne nous serions-nous pas déjà rencontrer par le passé? »

Si Axelle n’avait pas été si saoule ou si concentrée à cette tâche rocambolesque que les deux blondins lui avaient confiée, certainement, elle si captivée par les visages, aurait-elle replacé celui-ci sans hésitation dans son contexte. Mais rien. Même si effectivement elle n’observait pas ces traits pour la première fois, il lui était impossible de savoir où, comment ou pourquoi.

Et pourtant, tortillant sa bouche, elle mettait du cœur à l’ouvrage mais irrémédiablement sa cervelle boudait.


C’qui cette connaissance ? Cause qu’moi non plus, vot’ trogne m’est pas inconnue. J’ai croisé plein d’monde à un mariage d’blondinets et à la réception d’un borgne, mais trop en si peu d’temps pour m’souvenir bien. Et ceci n’était pas faux non plus, et, du moins l’espérait-elle, plus diplomatiquement correct qu’un « j’vous remets pas ». Artiste, non, c'trop pompeux j'aime pas, mais peintre, oui, j'l'suis.
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Umbra
Toujours en appuie sur sa canne, l'intégralité de sa carcasse recouverte par les lourds pans laineux de sa cape, l'Ombre faisait face à son interlocutrice. Cette dernière aurait pu la dévisager pendant des heures, qu'à coup sûr, elle ne se souviendrait pas de la Corneille. Et pourquoi ça? Non, le fait de remettre en doute la mémoire visuelle d'Axelle mais simplement qu' Umbra a le don de ne pas marquer les esprits. Sa senestre manquante, sa démarche hésitante, sa mèche blanche parmi sa tignasse brune, son regard cerné, l'épuisement ancré dans son être... Tous ces petits détails qui pourraient la rendre peu commune n'étaient rien. Cela dit, tant mieux, plus vite la Noiraude était effacée de la tête des gens, mieux elle se portait. En somme, c'est pour cela qu'elle ne broncha pas quand le peintre la décortiqua des yeux.

La connaissance en question est le "blondinet" fraichement marié...Mais qu'importe, si je suis là aujourd'hui, c'est pour vous commander une fresque...Cela est-il dans vos cordes? Ou si je puis me permettre dans vos pinceaux?

La boutade accompagnée d'un léger sourire en coin ou comment dire avec subtilité qu'Ombeline a envie de se faire refaire le portrait...
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Axelle
Mystère résolu ! Et surtout contentement de la mission accomplie. Tynop semblait suffisamment satisfait de sa pseudo cérémonie de mariage pour lui envoyer des clients. Le blondin lui plaisait quand elle s’amusait à le découvrir plein de générosité derrière ces manières de vaurien.

Mais le moment était venu de s’intéresser à la femme devant elle. Pour le moins surprenante d’ailleurs. Même si elle ne voyait que peu d’elle, quelque chose dans son attitude l’intriguait suffisamment pour la commande lui plaise et l’inspire d’avance. A n’en pas douter, sous ses frusques pas plus apprêtées que les siennes, se cachait une histoire captivante. La bestiole n’avait besoin de rien de plus.


Oui, j’peux. Mes pinceaux sont prêts. La gitane avait bien remarqué la canne et la démarche difficile, pourtant sans tendre son bras pour proposer une aide quelconque, certaine d’une nouvelle bourde, elle pointa du menton l’escalier tout en commençant elle-même à le gravir.

Arrivée au cœur de l’atelier, se glissant derrière sa table sans se retourner pour s’assurer avoir été suivie, elle lança simplement,
L’fauteuil aussi vous attend. Dites moi tout sur c’qu’vous voulez.
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Umbra
L'Ombre gravit, dans le dos du peintre, les degrés sans mal apparent. Sur le seuil de l'atelier, elle se stoppa un court instant pour balayer la salle du regard. Un foutoir pas possible régnait dans l'antre mais à jauger l'artiste, Umbra ne s'attendait pas à un bureau en ordre. C'était la première fois qu'elle pénétrait dans ce genre d'endroit et comme à chaque nouvelle découverte, la Noiraude prenait le temps d'analyser l'environnement. Il y avait tant à détailler dans cette pièce: les palettes colorées attiraient son regard avant qu'un croquis ne capte l'attention de ce dernier. Ne sachant plus où donner de la tête, Ombeline emplit ses poumons d'une longue bouffée d'air parfumé d'huiles et de poussière avant de prendre place sur le dit-fauteuil.

De quoi avait-elle l'air à cet instant, assise sur le siège? La Bâtarde maintenait une posture droite malgré ses épaules déjà voutées, la tignasse en bataille. Ce n'était pourtant pas sur un coup de tête qu'elle décida de passer par l'Empreinte lors de son séjour dans la Capitale. Mais à quoi bon paraitre parée si ce n'était pas la vérité? La Manchote n'avait fait aucun effort de présentation et ne s'en portait pas plus mal ainsi. Plus ou moins à son aise, elle déclara:


Je souhaiterai une fresque à mon image.

Commande banale, n'est-il pas? Mais la Fouine peignait-elle régulièrement des portraits d'ombres? Aujourd'hui, elle devra délaisser ses teintes vives pour ne travailler qu'en nuances de gris. Quelque chose de terne, de moche. Quelque part d'identité...

Je vous prierai de rester sobre, ne tachez pas d'embellir la réalité. Ne cherchez pas non plus à me deviner.

Dessinez simplement. Le souhait était clair, la vanité humble.

Umbra dégrafa sa cape et laissa choir les sombres pans de cette dernière sur le dossier, laissant paraitre une brigandine légère et une senestre manquante, moignon bandé au niveau du poignet. Surement Axelle tiquerait rapidement que l'accoutrement ne collait pas à sa carcasse. Les mailles de l'habit alourdissaient une stature déjà trop frêle et la maigre clarté du jour se reflétait sur le vêtement métallique, illuminant le teint blafard de la Noiraude.

Sans prendre de pose hautaine ni de traits assurés, Ombeline laissa courir ses iris de jais sur le décor neuf en attendant la réaction du peintre.

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Axelle
« Ne cherchez pas non plus à me deviner. »

L’ordre fut accueilli dans un léger sourire, et même si aucune parole ne franchit le seuil des lèvres de la peintre, l’œillade lancée à la brune pétillait d’amusement.

Comment veux tu qu’j’te peigne si j’te devine pas ? S’tu veux rien dévoiler d’toi, fallait pas franchir cette porte. Et franchement, t’crois vraiment qu’ta trogne, tes frusque m’racontent rien ? Et ta façon d’avoir attendu sans un bruit, sans t’faire remarquer ? T’crois qu’vraiment qu’ça m’cause pas ? Ta façon abrupte d’me causer, tes blessures ? T’fais pas dans la dentelle toi hein, t’sais c’que tu veux même si t’es timide, non, pas timide, t’aimes pas t’montrer, ou t’aimes pas trop l’regard des autres. P’têt même qu’aimes pas trop les autres tout court. Tu t’trouves moche, mais t’assumes, t’veux pas montrer, mais rien cacher non plus, j’te pense donc plutôt loyale dans ton genre, même s’tu traines avec Tynop… Moi, j’sais pas si t’es moche, m’en moque en fait, j’dirais plutôt qu’t’es abimée. Et dernière chose, pour l’moment, vu comment qu’tu lorgnes mon foutoir, t’es pas si insensible qu’tu voudrais bien l’faire croire, mais fichtrement prudente et réfléchie, habituée à prendre tes marques pour savoir où tu fous les pieds, faut dire qu’avec une patte en moins, ça s’comprend.

Brunette pour t’peindre, qu’tu’l’veuilles ou non, j’vais t’deviner encore, mais j’suis pas là pour t’juger. T’peux bien être qui ça t’chantes, moi, j’suis là pour t’peindre et gagner ma croute.


Rebaissant son regard sur sa table en installant une toile vierge, la Bestiole lâcha, gentiment moqueuse.


J’suis gitane, mais j’lis pas dans une boule d’cristal, et si peux peindre c’que j’vois devant mes yeux, j’peux pas écrire c’qu’j’sais pas. Vot'nom par exemple, pis si vous voulez un texte avec.

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Umbra
L'Ombre était déjà loin dans sa tête quand les propos d'Axelle la ramena à la réalité. Naïve et prétentieuse à penser que juste le fait de s'installer suffirait pour l'artiste. Comment pourrait-elle peindre un portrait à son image si elle ne voyait qu'un reflet flou et silencieux? Umbra se tourna dans le siège et vint quérir de son unique main un vélin froissé dormant dans une des poches intérieurs de sa cape. Elle tendit ce dernier à la bohémienne avant de préciser:

J'augmente volontiers la somme de la fresque si vous jurez par votre sang que vous garderez le secret sur ce parchemin et votre travail.

Les doigts noueux de la Noiraude étranglait nerveusement le cuir fin attendant une réponse de son interlocutrice. Jurer de son sang est un terme plus fort dans son esprit que jurer sur l'autel car ce n'est pas Dieu qui sera témoin et vengeur si tromperie il y a, c'est elle qui réglera tout ça sans miséricorde.

Combien pour le portrait en supplément?

Les traits austères d'Ombeline voilaient aisément son anxiété et elle pensait que rajouter une phrase anodine à la suite de la menace ferait mieux digérer la pilule tant en masquant davantage la crainte vis à vis des informations contenues sur le pli. Tout de même, ce n'est pas n'importe quoi qui sommeille à l'intérieur, c'est une identité...Son identité.
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Axelle
Les amandes noires, jusque là amusées par la femme qui se soumettait à leur examen s’assombrirent soudain et, aussi tranchantes que la lame implicitement promise, glissèrent un bref instant avant de remonter se planter dans les yeux de son interlocutrice.

T’aimes le sang ? Apprends alors qu’il ne m’fait pas peur. Ni le mien et encore moins le tien. Cherche pas à m’intimider, t’as pas les armes pour et encore moins la légitimité d’le faire en ces lieux.


Lentement elle reposa son pinceau sans esquisser le moindre geste vers le parchemin, puis d’une voix basse, sans hésitation.
Les prix sont les prix, on m’appâte pas avec une poignée d’écus. La fresque, c’est 100 écus, l’portrait 50. J’ne jure rien. Ni à vous, ni à personne. Ni sur mon sang, ni sur ma tête, ni sur mon cul. J’ai aut’chose à fiche. Croyez pas qu’vot’sort, quand vous aurez franchi le seuil d’mon atelier, m’intéressera plus qu’celui d’une mouche. M’faites confiance pour vous peindre, ou m’faites pas confiance, c’t’à vous de voir. Et sans la lâcher du regard, elle attendit stoïque la décision de l’Ombre.

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Umbra
"M’faites confiance pour vous peindre, ou m’faites pas confiance, c’t’à vous de voir."

Est-ce la vanité ou la raison qui l'emporta dans sa décision? Le fait que le dextre toujours tendue, l'Ombre agita légèrement le vélin, invitant Axelle à s'en emparer. Non, il n'était point question de confiance dans cet échange mais d'orgueil pur. Oui, Umbra voulait voir son portrait défraichi trôner aux côtés d'un blason maudit, d'une identité reniée. Son image ne pouvait être réelle sans la tâche qui encrasse le beau tableau, sans cette existence bafouée. Sinon, ce n'était pas elle mais le simple ombrage de vie qu'on lui a toujours destiné. Aujourd'hui, sur cette fresque, la Noiraude faisait un beau pied de nez à ses familles. Ombeline Lisreux Corleone et ses couleurs affichées au grand jour. Alors que tous ne désirait que sa disparition, voilà qu'elle s'exhiberait parée d'huiles et de pigments. Le regard d'autrui dévisagerait cette peinture tandis que les concernés pâliraient de rage ou de peur. La Bâtarde s'encrait sur la toile au grand dam de beaucoup.

Les menaces n'avaient pas l'air de fonctionner avec l'artiste mais qu'importe tant que tout est exécuté selon le bon vouloir de la Manchote. La vulgarité du peintre ne faisait pas ciller non plus la commanditaire qui ajouta sur un ton bien moins condescendant:


Pour la fresque, j'aimerai que vous orniez le fond de sombres corneilles. Quand au nom et au blason, faites simple, sans fioritures, je vous prie. Vous verrons le portrait après coup...

L'Ombre semblait déjà avoir une vague idée du tableau et sans demander la perfection, tendait à quelque chose de très similaire à ses attentes. Sûrement devrait-elle reprendre plusieurs fois la bohémienne? Si, par miracle, Umbra ne se sous-estimait pas aujourd'hui, son entourage en prenait pour son grade. Les iris de jais méfiantes au possible ne quittaient pas l'inestimable parchemin de leur trajectoire.

Redressant son poitrail décharné, la Noiraude reprit sa pseudo pose, mal à l'aise dans sa brigandine trop lumineuse à cause de la clarté du jour et patienta que la séance débute.

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Axelle
Si le ton de l’Ombre s’arrachait d’une fausse affabilité, la peintre n’en pris aucun ombrage, préférant de loin la franchise aux manières travesties, surtout lorsque ses propres mots avaient, eux, été parfaitement saisis.

Nul besoin était d’en dire davantage, les deux femmes s’étaient parfaitement comprises. Le travail pouvait donc commencer sans le moindre mal entendu.

Sa dextre gitane daigna donc s’avancer vers le parchemin tout en hochant la tête aux nouvelles demandes, taiseuse quand tout avait été dit. L’ouvrant, elle lu, sans que le moindre haussement de sourcil ne vienne troubler son visage. Ce nom, elle l’avait déjà tracé sur d’autres fresques, et pour dire vrai, si elle n’oublierait pas le visage face à elle, le patronyme lui, se perdrait dans sa mémoire à peine la peinture sèche.

Elle resta un moment immobile, relevant le regard vers l’Ombre, la détaillant avec l’impudeur que lui permettait sa tache, fouillant encore et encore dans les prunelles opposées.


Retirez vot’machin d’ferraille là, ça m’fait mal aux yeux, pis ça foutra la toile en l’air.


C’était un ordre. En aucun cas la demande ne souffrirait de discutions.


M’laisseras-tu deviner tout seule, ou auras-tu l’cran d’t’désaper devant des yeux inconnus ?

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Umbra
Les pupilles gitanes disséquaient le portrait de l'Ombre jusqu'à percer le mystère de son être. Un regard indécent qui, paradoxalement, ne dérangeait pas cette dernière. Des yeux qui voyaient plus loin que l'image pour illustrer l'idée. Axelle devenait la glace réfléchissant le reflet d'Umbra. Une réflexion immuable que le peintre s'efforcerait de reproduire à l'ombre près.

Retirez vot’machin d’ferraille là, ça m’fait mal aux yeux, pis ça foutra la toile en l’air.

Les sourcils de la Noiraude s'arquèrent d'incompréhension ou plutôt de surprise. Se dénuder, maintenant? Il était certain que la brigandine était loin d'être un vêtement adapté à sa stature ni à son état d'esprit mais de là à se déshabiller devant une inconnue... Pourtant, ce n'était pas une suggestion. Aucune allusion obscène ne découlait de ces propos, il n’y avait donc pas de quoi s’outrager à la demande.

Ombeline, de nature pudibonde, retira tant bien que mal son haut, exhibant une poitrine succincte dont les côtes se dessinaient plus que les seins. La longueur de son épaisse tignasse voilait aisément les pâles mamelons, redonnant une certaine candeur au buste atrophié. Sur le cuir blafard recouvrant sa carcasse réfléchissaient les marques nacrées d'une morsure canine que la Bâtarde ne chercha pas à cacher par sa masse brune. Les épaules légèrement repliées sur elles-mêmes pour recroqueviller davantage la carrure déjà tassée, de quoi avait-elle l'air exactement?

La Manchote, bras ballant sur ses cuisses abîmées, ne semblait tenir debout que par miracle. Il est vrai que sa survie relevait actuellement du prodige. Si personne ne lui souhaitait la mort, c'est elle qui allait la chercher mais à ce petit jeu, l'Ombre était bien démunie face au monde. Son corps en avait malheureusement fait les frais à plusieurs reprises. Mais de toutes ses cicatrices et ses souvenirs, là n'était pas la question. Umbra avait commandé un portrait ainsi attardons-nous sur ce faciès ravagé.

Seize années derrière ce masque que le temps et les épreuves avaient déjà rendus amer. La Noiraude faisait bien plus âgée qu’elle ne l’était, à force d’user d’ironie, la commissure de ses lèvres s’était fendue d’une ride. Là était la seule expression lisible sur son visage, tout le reste n’était qu’une peau livide et souple, épousant les os proéminant de joues creuses. Un regard sombre, las, cerné d’épuisement. La petite étincelle pétillante dans ses iris de jais s’était éteinte, il y a bien longtemps, si un jour, elle s’embrasa…

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Axelle
Le regard sombre rivé à celui de son étrange cliente, la peintre attendit, alerte à la moindre réaction qui se dessinerait sur le visage de la brune à sa demande.

Un haussement surpris des sourcils.

Axelle s’attendait à une flopée de rebuffades, ou plutôt à une phrase assassine, mais pourtant rien ne franchit le seuil des lèvres pales de son modèle du jour, et d’une cambrure de l’épaule, la femme obéissait et se dévêtait.

Axelle détourna alors les yeux, sachant qu’il était bien plus dérangeant de se dénuder que d’être nue. Et les gestes lents et posés, elle reprit d’installer son matériel, volontairement indifférente de ce qui se jouait à quelques souffles d’elle. Si la gitane fouillait les âmes pour leur dérober leurs secrets, à sa façon, elle savait rester pudique et discrète, ne prenant que ce dont elle avait besoin pour que sa dextre s’anime.

Quand le coin de ses mirettes ne décela plus l’ombre mouvante d’un seul geste, elle releva enfin le regard, et fut touchée par la fragilité qui s’offrait à elle. Toutes les brigantines, toutes les armes, toutes les cicatrices, tous les crimes et les mots âpres jamais n’avaient le pouvoir de détruire la vulnérabilité d’une femme. Bien au contraire. Tous ses masques défensifs ne lui conféraient que plus d’emphase encore. Et c’est bien ce qu’elle vit à cette instant.

Alors sans plus de mots, laissant le silence se remplir du chuintement de ses pinceaux, elle peint. Longuement. Appliquée. Lointaine et présente plus que jamais. Jusqu’à ce qu’enfin, le cliquetis de son pinceau sur le bois taché de la table ne sonne la fin de la séance. Oubliant un moment l’Ombre, elle détailla son travail avec attention, l’œil plissé et finalement, y apposa son empreinte.

Remontant le museau, elle souleva la toile et la retourna vers le jugement de la brune sans un mot, mais le regard inquisiteur, ayant appris depuis longtemps que le contentement ou la déception ne s’endentaient pas, mais se lisaient dans la lueur des prunelles.





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[url=http://forum2.lesroyaumes.com/viewforum.php?f=10356][img]http://img15.hostingpics.net/pics/247994umbraban4.png[/img][/url]

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Umbra
Le corps dévêtu, le cœur à nu, l’Ombre posa longuement, silencieusement. Le pinceau caressait la toile avec une douceur paradoxale à la violence de l’image qu’il reproduisait. Le modèle gardait les yeux dans le vague, perdue dans des pensées aussi sombres que les teintes employées…

Quelques heures plus tard, Axelle présenta son œuvre et le choc fut plus terrifiant que son reflet devant un miroir. Le regard impassible, Umbra se dévisageait sur la peinture. Le peintre avait percé bien plus loin qu’elle ne l’aurait imaginé et cette vision avait quelque chose de déroutant. Ancré dans la fresque, cet être usé était la copie parfaite de la Noiraude immobile sur le fauteuil. L’Artiste avait un don, elle n’en doutait plus mais cette conclusion la laissait dubitative. Comment pouvait-elle voir toute cette lassitude ? Comment percevait-elle tout ce spleen ? Le résultat était là, identique à la triste réalité.

Ombeline était très impressionnée par ce talent, Tynop n’avait pas menti. Comment aurait-elle pu savoir qu’au fond de la cour d’un bordel parisien se trouverait une fouine à l’empreinte aussi poignante. Mais de toutes ces éloges, la Bâtarde ne dit mot. Elle se contenta d’un hochement grave de la tête en signe d’approbation avant de rompre le mutisme pesant :


Pouvez-vous me rendre le vélin, je vous prie?

Le blason avait été dessiné à la perfection et son orgueil fut atteint de plein fouet en voyant les noms poindre au près de son reflet. Cependant, la Manchote, prise d’une soudaine pudeur, se résigna à l’exhiber aux yeux du monde comme elle l’avait prévu. La fresque était trop expressive sur ses états d’âme. On la sentait détruite et toutes ces faiblesses, l’Ombre n’avait pas la force de les montrer en public. Ce tableau ornerait sa demeure saumuroise, comblant sa vanité les soirs de doute.

Serait-il possible de compléter la commande d’un portait du même genre ?

Histoire de satisfaire sa superbe même dans le plus grand désarroi de l’existence. Se réjouir d’une image de soi quand nous ne sommes personne.
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