Ingeburge
[Conflans-lès-Sens, joyeux bordel des Lames d'Amahir]
C'était en tous les cas l'idée.
Ça l'avait déjà été en Orléanais et résultat, des nèfles. Durant plusieurs semaines, ils avaient rempli leur mission de surveillance, attendant, patientant, se demandant si en face, ça oserait se bouger pour se castagner un peu. Finalement, rien, juste la tenue d'une position présentée comme stratégique jusqu'à ce que ça ne le soit plus... Et maintenant que la longue colonne que formaient chariots du ravitaillement, de l'équipement et du matériel des physiciens, des hommes d'armes à pied, des nobles combattants juchés sur leurs destriers, des divers grouillots eux aussi à pince et des ribaudes... Ingeburge sursauta légèrement alors que ses prunelles pâles balayaient les entours. L'armée qu'elle avait ralliée était-elle suivie de ce train habituel de filles aux murs légères accoutumées à emprunter le sillage de la soldatesque? C'était en tous les cas la coutume, et un chef de guerre l'eût voulu qu'il n'aurait pu s'en débarrasser sans devoir batailler, y perdant des forces nécessaires au seul combat qu'il convenait de livrer. Mais voilà, là, y en avait-il? Elle l'ignorait totalement, ayant vécu ces dernières semaines en recluse, bien à l'abri de son pavillon de toile écarlate. La question l'absorba une demi-seconde alors qu'elle tournait la tête en arrière pour essayer de voir si là-bas, à la fin de la file, il y en avaient des ribaudes. En tous les cas, le cortège était donc formé de chariots lourdement chargés et de toute une foule marchant ou chevauchant selon le statut social et le rôle assigné et se présentait aux abords de Conflans.
Montargis avait été quitté la veille, car dingue, il y avait Montargis sur la route, ce que certains avaient semblé oublier dans leurs plans si bien ficelés. Sur la route entre la capitale du duché orléanais et la cité montargoise, les yeux d'Ingeburge s'étaient reportés vers le nord-ouest, ou en tous les cas ce qu'elle pensait être le nord-ouest et elle avait songé à ses terres de Dourdan, si proches mais pourtant si inaccessibles, mission de protection du Domaine royal oblige. Et maintenant qu'on allait bivouaquer un peu dans la région sénonaise, elle pensait à Auxerre qui était encore plus près et dont on se rapprocherait encore en remontant vers Troyes. Là en cet instant résidait le seul intérêt de ce coin de Champagne qu'ils avaient rejoint. S'adressant au prince de Montlhéry près duquel elle chevauchait, elle lança :
Eh bien, nous voici en Champagne, là où d'aucuns ont prétendu que nous ne viendrions jamais.
Té. Clair qu'après s'être emmerdés durant plus d'un mois à surveiller la frontière orléanaise avec le Berry, dans l'hypothétique espoir de cogner sur du Berrichon, ils allaient évidemment refuser de se rendre en Champagne pour étriller du malandrin! C'est vrai quoi, entre glander dans le froid au fin fond de la brousse blésoise et aller viander du brigand et du pillard, le choix était vite vu, d'autant plus que dans cette armée-là, privée, il n'y avait que des volontaires.
Puis à l'é-p-o-u-x qui était forcément non loin, une petite remarque :
Ne vous inquiétez pas, je ne compte pas trépasser. Et si c'est le cas, ma foi, je reviendrai.
Mais non, elle n'en avait pas fini et elle commençait à cumuler une petite expérience en matière de résurrection. Non, elle n'en avait pas fini, avec lui notamment et vu la tête qu'il avait tirée après la bataille d'Essoyes qui l'avait vue tomber au champ d'honneur, elle n'avait de toute façon pas le droit de mourir. Le cortège progressait toujours, charriant, tractant toute une masse de guerriers, de valets, d'animaux et au milieu du bruit des cliquetis métalliques, des hennissements, des bavardages, du claquement des bannières des nobles rassemblés, du martèlement des sabots et des éclats de voix, elle portait une regard indifférent sur ce qui les entourait. Ils n'étaient pas venus en visite d'agrément, ils étaient là pour combattre et plus que prêts à lam(es)iner gaiement!
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C'était en tous les cas l'idée.
Ça l'avait déjà été en Orléanais et résultat, des nèfles. Durant plusieurs semaines, ils avaient rempli leur mission de surveillance, attendant, patientant, se demandant si en face, ça oserait se bouger pour se castagner un peu. Finalement, rien, juste la tenue d'une position présentée comme stratégique jusqu'à ce que ça ne le soit plus... Et maintenant que la longue colonne que formaient chariots du ravitaillement, de l'équipement et du matériel des physiciens, des hommes d'armes à pied, des nobles combattants juchés sur leurs destriers, des divers grouillots eux aussi à pince et des ribaudes... Ingeburge sursauta légèrement alors que ses prunelles pâles balayaient les entours. L'armée qu'elle avait ralliée était-elle suivie de ce train habituel de filles aux murs légères accoutumées à emprunter le sillage de la soldatesque? C'était en tous les cas la coutume, et un chef de guerre l'eût voulu qu'il n'aurait pu s'en débarrasser sans devoir batailler, y perdant des forces nécessaires au seul combat qu'il convenait de livrer. Mais voilà, là, y en avait-il? Elle l'ignorait totalement, ayant vécu ces dernières semaines en recluse, bien à l'abri de son pavillon de toile écarlate. La question l'absorba une demi-seconde alors qu'elle tournait la tête en arrière pour essayer de voir si là-bas, à la fin de la file, il y en avaient des ribaudes. En tous les cas, le cortège était donc formé de chariots lourdement chargés et de toute une foule marchant ou chevauchant selon le statut social et le rôle assigné et se présentait aux abords de Conflans.
Montargis avait été quitté la veille, car dingue, il y avait Montargis sur la route, ce que certains avaient semblé oublier dans leurs plans si bien ficelés. Sur la route entre la capitale du duché orléanais et la cité montargoise, les yeux d'Ingeburge s'étaient reportés vers le nord-ouest, ou en tous les cas ce qu'elle pensait être le nord-ouest et elle avait songé à ses terres de Dourdan, si proches mais pourtant si inaccessibles, mission de protection du Domaine royal oblige. Et maintenant qu'on allait bivouaquer un peu dans la région sénonaise, elle pensait à Auxerre qui était encore plus près et dont on se rapprocherait encore en remontant vers Troyes. Là en cet instant résidait le seul intérêt de ce coin de Champagne qu'ils avaient rejoint. S'adressant au prince de Montlhéry près duquel elle chevauchait, elle lança :
Eh bien, nous voici en Champagne, là où d'aucuns ont prétendu que nous ne viendrions jamais.
Té. Clair qu'après s'être emmerdés durant plus d'un mois à surveiller la frontière orléanaise avec le Berry, dans l'hypothétique espoir de cogner sur du Berrichon, ils allaient évidemment refuser de se rendre en Champagne pour étriller du malandrin! C'est vrai quoi, entre glander dans le froid au fin fond de la brousse blésoise et aller viander du brigand et du pillard, le choix était vite vu, d'autant plus que dans cette armée-là, privée, il n'y avait que des volontaires.
Puis à l'é-p-o-u-x qui était forcément non loin, une petite remarque :
Ne vous inquiétez pas, je ne compte pas trépasser. Et si c'est le cas, ma foi, je reviendrai.
Mais non, elle n'en avait pas fini et elle commençait à cumuler une petite expérience en matière de résurrection. Non, elle n'en avait pas fini, avec lui notamment et vu la tête qu'il avait tirée après la bataille d'Essoyes qui l'avait vue tomber au champ d'honneur, elle n'avait de toute façon pas le droit de mourir. Le cortège progressait toujours, charriant, tractant toute une masse de guerriers, de valets, d'animaux et au milieu du bruit des cliquetis métalliques, des hennissements, des bavardages, du claquement des bannières des nobles rassemblés, du martèlement des sabots et des éclats de voix, elle portait une regard indifférent sur ce qui les entourait. Ils n'étaient pas venus en visite d'agrément, ils étaient là pour combattre et plus que prêts à lam(es)iner gaiement!
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