Edorazio
Edorazio regarda en souriant les futurs fidèles et leurs parrains faire leurs voeux, réciter le credo aristotélicien...
Il y avait là de nombreuses personnes qu'il appréciait. Il avait, en fait, rencontré pratiquement toutes les personnes présentes au cours de ses voyages en Provence.
Son regard se posa paternellement sur Isolde. La Novice Isolde, trop fière et trop rebelle que pour accepter d'obéir à celui qui devait la commander, et dont elle croyait que le pouvoir avait été usurpé. Trop blessée, aussi, dans sa chair et son âme.
Et pourtant, fallait-il qu'il l'aime pour essayer de la sauver malgré elle ? Malgré son impertinence, ses fautes à répétitions, son comportement odieux à l'égard des autres Novices qu'elle traitait de gamins, sa rébellion constante...
Fallait-il qu'il l'aime, pour mettre en péril son destin et celui de l'Ordre qu'on lui avait confié, dans le seul but de la sauver d'elle-même, de lui donner une chance de se rattraper ? Ou bien faisait-il cela par respect pour la mémoire de Xolotl, qu'elle avait aimée et qui, lui, lui aurait donnée sa chance ?
Devant le danger qu'elle représentait, Benedictus aurait prêché l'exclusion directe. Sans tergiverser, pour le bien du salut commun. Et pour le respect des Règles. Mais le Créateur de l'Ordre, il y a deux ans, lui avait aussi enseigné que "Avant de courir, il faut savoir ramper : un vrai chef est quelqu'un qui sait aussi obéir, et qui n'a pas peur de partager la compagnie de ses hommes." Isolde désirait devenir chef. Mais elle ne présentait encore aucune de ces deux qualités.
Toutefois, elle avait promis de s'efforcer à l'humilité.
Elle avait encore tant de choses à apprendre...
Xolotl, lui, aurait cherché à sauver son âme, à l'aider. Ce que Xolotl lui avait enseigné était une phrase puissante et très aristotélicienne : "Il est plus important et louable de sauver une âme des Enfers en convertissant un pécheur, que de brûler dix Hérétiques pour les empêcher de nuire."
Le premier Grand Maistre avait représenté la force, la foi furieuse et la discipline. Il était tombé en se convertissant à l'averroïsme, avant d'expier ses fautes par un voyage en Terre Sainte, d'où il avait ramené reliques et enseignements... ainsi qu'une foi aristotélicienne profonde et renouvelée.
Le second Grand Maistre avait représenté la compréhension, la foi compassive et l'amitié sans conditions. Il avait chût, vaincu par la maladie d'amour et la consomption, pour faire acte d'apostasie le jour de son trépas. Afin que son corps puisse être à jamais lié à celui de son amante spinoziste, dans la mort.
Mais lui, le troisième Grand Maistre, qu'allait-il faire ? Il avait des relations d'amitié et de respect avec des averroïstes et des spinozistes. Et pourtant, sa foi était profonde et brûlante. Il craignait les Enfers plus que la mort et avait l'étrange impression que ses professeurs l'avaient abandonné avant qu'il ne soit complètement prêt. Malgré tout et malgré ses erreurs, ses oeuvres réussissaient.
Isolde récita le credo et il regarda Kay, à ses côtés. Cet homme le haïssait et le méprisait tout à la fois. Pourquoi cela ? Il ne lui avait causé aucun tort... du moins à ce qu'il sache. Il devait pourtant y avoir une raison.
Cet homme avait eu une mauvaise influence sur Isolde, déjà epprouvée par son voyage depuis le Poitou... et un brigand incendiaire d'églises avait achevé de la mal-pétrir.
Qu'Isolde ne l'ait pas prévenu de son baptême n'était pas une faute en soi, mais elle aurait pourtant dû, par respect pour sa "famille", les prévenir. Qu'ils puissent tous y assister, comme il se devait normalement.
Frère Édoras soupira. Il partirait à Rome afin de demander aux membres des autres Ordres, et aux ecclesiastiques, leurs conseils sur la question. Cela serait l'occasion de renouer le dialogue avec leurs frères aristotéliciens romains.
"De quelque mal, il nait toujours un bien. Il suffit de garder l'espoir, et l'amour."
Peut-être sera-ce cela, ce qu'il enseignera aux générations futures ?
Peut-être. Son coeur lui disait que, de toute façon, il n'était pas encore assez accompli, lui-même, que pour se hisser à la hauteur de ses prédécesseurs.
S'il ne perdait jamais la foi ni ne faillissait, peut-être alors en serait-il digne, ayant réparé leurs erreurs. De lourdes tares, un fardeau empesé dont il avait hérité.
Où était son libre arbitre, don du Très-Haut, dans tout cela ?
Sans doute dans la façon d'agir pour le mieux...
Atavis et armis : ex ungue Leonem.
Par ce baptême, l'âme d'Isolde se retrouvait blanchie. Elle entrait dans la grande communauté des fidèles : ce jour devait être un jour de fête et de joie. Si elle avait prévenu les membres de l'Ordre, ils auraient pu organiser une belle célébration au réfectoire, avec des fleurs et des chants. Tant pis, on essayerait tout de même de faire quelque chose : elle y avait droit. Peut-être trouverait-on aussi le temps de faire quelques traditionnels biscuits à la canelle et à la menthe. Mais au fait, qui était son parrain ? En avait-elle seulement un ?
Quoi qu'il en soit, elle entrait dans l'Église. Et cela était bien.
Per gloriam Dei.
Il y avait là de nombreuses personnes qu'il appréciait. Il avait, en fait, rencontré pratiquement toutes les personnes présentes au cours de ses voyages en Provence.
Son regard se posa paternellement sur Isolde. La Novice Isolde, trop fière et trop rebelle que pour accepter d'obéir à celui qui devait la commander, et dont elle croyait que le pouvoir avait été usurpé. Trop blessée, aussi, dans sa chair et son âme.
Et pourtant, fallait-il qu'il l'aime pour essayer de la sauver malgré elle ? Malgré son impertinence, ses fautes à répétitions, son comportement odieux à l'égard des autres Novices qu'elle traitait de gamins, sa rébellion constante...
Fallait-il qu'il l'aime, pour mettre en péril son destin et celui de l'Ordre qu'on lui avait confié, dans le seul but de la sauver d'elle-même, de lui donner une chance de se rattraper ? Ou bien faisait-il cela par respect pour la mémoire de Xolotl, qu'elle avait aimée et qui, lui, lui aurait donnée sa chance ?
Devant le danger qu'elle représentait, Benedictus aurait prêché l'exclusion directe. Sans tergiverser, pour le bien du salut commun. Et pour le respect des Règles. Mais le Créateur de l'Ordre, il y a deux ans, lui avait aussi enseigné que "Avant de courir, il faut savoir ramper : un vrai chef est quelqu'un qui sait aussi obéir, et qui n'a pas peur de partager la compagnie de ses hommes." Isolde désirait devenir chef. Mais elle ne présentait encore aucune de ces deux qualités.
Toutefois, elle avait promis de s'efforcer à l'humilité.
Elle avait encore tant de choses à apprendre...
Xolotl, lui, aurait cherché à sauver son âme, à l'aider. Ce que Xolotl lui avait enseigné était une phrase puissante et très aristotélicienne : "Il est plus important et louable de sauver une âme des Enfers en convertissant un pécheur, que de brûler dix Hérétiques pour les empêcher de nuire."
Le premier Grand Maistre avait représenté la force, la foi furieuse et la discipline. Il était tombé en se convertissant à l'averroïsme, avant d'expier ses fautes par un voyage en Terre Sainte, d'où il avait ramené reliques et enseignements... ainsi qu'une foi aristotélicienne profonde et renouvelée.
Le second Grand Maistre avait représenté la compréhension, la foi compassive et l'amitié sans conditions. Il avait chût, vaincu par la maladie d'amour et la consomption, pour faire acte d'apostasie le jour de son trépas. Afin que son corps puisse être à jamais lié à celui de son amante spinoziste, dans la mort.
Mais lui, le troisième Grand Maistre, qu'allait-il faire ? Il avait des relations d'amitié et de respect avec des averroïstes et des spinozistes. Et pourtant, sa foi était profonde et brûlante. Il craignait les Enfers plus que la mort et avait l'étrange impression que ses professeurs l'avaient abandonné avant qu'il ne soit complètement prêt. Malgré tout et malgré ses erreurs, ses oeuvres réussissaient.
Isolde récita le credo et il regarda Kay, à ses côtés. Cet homme le haïssait et le méprisait tout à la fois. Pourquoi cela ? Il ne lui avait causé aucun tort... du moins à ce qu'il sache. Il devait pourtant y avoir une raison.
Cet homme avait eu une mauvaise influence sur Isolde, déjà epprouvée par son voyage depuis le Poitou... et un brigand incendiaire d'églises avait achevé de la mal-pétrir.
Qu'Isolde ne l'ait pas prévenu de son baptême n'était pas une faute en soi, mais elle aurait pourtant dû, par respect pour sa "famille", les prévenir. Qu'ils puissent tous y assister, comme il se devait normalement.
Frère Édoras soupira. Il partirait à Rome afin de demander aux membres des autres Ordres, et aux ecclesiastiques, leurs conseils sur la question. Cela serait l'occasion de renouer le dialogue avec leurs frères aristotéliciens romains.
"De quelque mal, il nait toujours un bien. Il suffit de garder l'espoir, et l'amour."
Peut-être sera-ce cela, ce qu'il enseignera aux générations futures ?
Peut-être. Son coeur lui disait que, de toute façon, il n'était pas encore assez accompli, lui-même, que pour se hisser à la hauteur de ses prédécesseurs.
S'il ne perdait jamais la foi ni ne faillissait, peut-être alors en serait-il digne, ayant réparé leurs erreurs. De lourdes tares, un fardeau empesé dont il avait hérité.
Où était son libre arbitre, don du Très-Haut, dans tout cela ?
Sans doute dans la façon d'agir pour le mieux...
Atavis et armis : ex ungue Leonem.
Par ce baptême, l'âme d'Isolde se retrouvait blanchie. Elle entrait dans la grande communauté des fidèles : ce jour devait être un jour de fête et de joie. Si elle avait prévenu les membres de l'Ordre, ils auraient pu organiser une belle célébration au réfectoire, avec des fleurs et des chants. Tant pis, on essayerait tout de même de faire quelque chose : elle y avait droit. Peut-être trouverait-on aussi le temps de faire quelques traditionnels biscuits à la canelle et à la menthe. Mais au fait, qui était son parrain ? En avait-elle seulement un ?
Quoi qu'il en soit, elle entrait dans l'Église. Et cela était bien.
Per gloriam Dei.