Estuardo
- "- S'il te plaît... apprivoise-moi !"
Le Petit Prince, Antoine de Saint-Exupéry
Le soigner? Il allait pas se laisser toucher par une sorcière quand même! Manquait plus que ça! L'aragonais regardait d'un air de soupçon la vielle femme Brunehault aux dires de la rouquine. Elle n'avait plus rien de brune et plus rien de haute, soit dit en passant, alors il manqua presque de sourire en entendant le prénom. Mais son sourire devint une sorte de grimace, parce qu'il avait l'impression de sêtre embarqué dans une histoire qu'il ne saurait gérer. Une sorcière qui propose de le faire rentrer, n'est jamais une bonne idée. Et ça, pour sorcière, elle devait lêtre: si elle savait soigner, qu'elle était sans âge, qu'elle avait des petits yeux malins, aucune autre explication n'était possible.
Pourtant, Estuardo ne se voyait pas non plus rebrousser chemin, retourner á Nîmes á des heures pareilles, seul sur les chemins, et avec une cervelle sur le point d'exploser. Le dilemme était palpitant. Et puis, c'était vrai qu'il avait mal, qu'il était encore étourdit, et qu'il commençait á sentir le froid rentrer dans sa peau, depuis son fessier mouillé et humide (á cause de la terre, croyez pas!) jusqu'aux derniers de ses doigts, de ses cheveux même, et au creux du ventre. Il avait faim, en plus. Et puis, il commençait á avoir la gueule de bois. Il y avait rien de plus horrible au monde qu'avoir la gueule de bois sans avoir dormit après boire. Mais la chute, la peur, l'angoisse et lincompréhension avaient tout fait pour le ramener á un état de conscience quasi-normal, faisant des écus dépensés en bière un complet gâchis. Maintenant il ne savait plus si le mal de tête était du au coup ou á l'alcool. Sans doute aux deux.
Il jeta encore un regard á Brunehault, doutant. Puis, des mots pas très doux vinrent trancher l'affaire. Certes, ce que la rouquine avait fait, c'était le menacer, mais aussi, l'avait-t-elle fait en espagnol, et cette langue ne pouvait que réconforter Estuardo, si loin du pays.
-Lo... lo prometo...
(Promis)
Il posa ses deux mains á terre, fléchit ses genoux avec difficultés, et peu á peu ses muscles commencèrent l'ardue labeur de réagir aux ordres embrouillées de son cerveau. Il dut faire un énorme effort de concentration pour réussir á mettre son poids sur les jambes et sur une main, gardée á terre pour le soutenir accroupit. Son visage se déformait dans une grimace de douleur, et pourtant il réussit á se lever. Il le fit sans doute trop vite, ou telle était son impression, puisqu'il du faire deux pas hésitants en arrière avant de retrouver léquilibre.
-Moé c'est Estuardo...
Il parlait á Brunehault. Il ne lui accordait pas sa confiance, mais n'était pas assez bête pour la provoquer en un tel état á un tel moment. Puis, même si cela n'avait aucun sens pour lui, la rouquine semblait, elle, confier aveuglement dans une sorcière. Entrer l'aiderait, il pourrait l'avoir á lil, comprendre ses propos, et lempêcher de faire mal á la jeune fille. Enfin, c'est ce qu'il se disait. Il voulait surtout entrer pour prendre un peu de chaleur et sasseoir dans un endroit plus confortable...
-Yé prendrais bien un truc á boire avant dé partir, si ça né vous dérange pas...
Il parlait en français vu que la rousse l'avait ainsi voulut, et pour ne pas tomber en disgrâce devant la sorcière, qui sans doute saurait lui administrer du poison si elle ne l'aimait pas assez...