Estuardo
- Par ici
- 'Tain c'est loin
- T'imagines quand l'cercueil y s'ra plein?
- Bordel
- Fermez-la ouais, un peu dé respect pour les morts!
- Toi, l'étranger, tu la fermes.
- Nous, les morts, c'est des sous, point barre.
- Ouais.
- Non mais va pas v'loir l'enterrer au cim'tière ta ptite dame, hein?
- C'est p'tain d'loin le cim'tière, y peuvent pas crever plus prés les gens?
- C'est bon, on est arrivés, restez lá et fermez-la oui?
- M'ouairf.
- T'a peur qu'on fasse peur á ta tite dame, l'étranger?
Estuardo fit mine de ne pas entendre, et ignora les petits rires qui fusaient derrière lui. Il se dit que franchement, il aura pu tomber sur des croque-morts un peu plus sympathiques, puis il se souvint de sa bourse maintenant vide et fit un geste des épaules. Tant pis. On fait c'qu'on peut avec c'qu'on a. Il jeta un petit regard en arrière. Les deux jeunes hommes avaient déposé le cercueil á terre, l'un d'eux s'était assit sur le bord de celui-ci, et l'autre s'était posé contre un arbre. Estuardo ne se souvenait pas très bien de tous les événements de la veille, trop de choses s'y étaient passées, mais il eu un léger sourire et imaginant que cet arbre, c'était sans doute celui sur lequel il était monté pour espionner la rousse qui prenait son bain. Shirine, quoi. Vraiment, il y a des gens doués pour rentrer sans faire exprès dans des situations étranger, et Estuardo semblait être l'un de ces gens. D'ailleurs, rien qu'en prenant en compte la veille, il avait sans doute rompu un record. Il était passé d'espionner une belle rousse dans son bain, á être presque empoisonné par une sorcière, voir ladite sorcière mourir presque dans ses bras, partager le lit avec la rousse du début, et finalement revenir avec un cercueil pour la sorcière et deux jeunes croque-morts complètement stupides, qui se faisaient un plaisir fou de lui faire remarquer que c'était un étranger, et dappeler Shirine "sa ptite dame".
Estuardo en était arrivé á se demander s'ils avaient remarqué qu'il avait eu une nuit... d'amour?. Non, sans doute pas d'amour. De sexe, simplement. Même si sur le coup, Estuardo avait vraiment aimé Shirine. Pouvait-on faire autrement?
Il ouvrit la porte, et dans un premier temps ne remarqua rien d'étrange. Il se demanda si Shirine s'était levée, et si elle était allée visiter la chambre de Brunehault. Il posa sur la table la bouteille de lait et la miche de pain qu'il avait apporté, et sans plus, entra dans la chambre de Brunehault. Enfin, celle qui devait être la chambre de Brunehault avant la nuit dernière, la chambre oú il avait dormit avec Shirine.
Il vit le lit vide et froid, avec un mélange de surprise et dembêtement. Il sapprêta alors á se rendre dans l'autre chambre, discrètement, pensant que sans doute il y trouverait Shirine au chevet du cadavre de son amie. Mais en passant par la grande salle, il remarqua, sur la table, la bourse. Intrigué, il s'en approcha et vit les mots ajoutés par Shirine á son propre mot.
- Hija de puta...
(fille de pute...)
Il sortit de sa sacoche son encrier et sa plume et ajouta, sous les mots de Shirine, un seul mot: "Non".
Il était légèrement en colère, mais ne perdit pas son calme. Il prit la bourse que Shirine avait laissé, et transféra dans sa propre bourse vide les écus exacts que lui avaient coûté le lait, le pain et le cercueil, puis, il rentra dans la chambre occupée par le cadavre.
La chambre était exactement comme ils l'avaient laissée la veille, lui et la rousse. L'agacement d'Estuardo monta en lui. Shirine n'avait même pas eu la décence de visiter celle pour qui elle avait pleuré la veille.
- Eh! On s'bouge ouais? N'a pas tout l'temps du monde 'tain!
L'un des deux garçons, le plus grand (ça devait sans doute être le fils ou le neveu ou quelque chose dans le genre, du croque-mort original) était entré dans la maison.
- Cassez-vous. Laissez lé cercueil. J'irais vous chercher si y'en ai besoin.
Il avait crié. Les deux autres ne se firent pas prier, et s'en allèrent. Il entendit, par la fenêtre, quelques bribes de leur discussion joyeuse. Quelque chose sur l'étranger, la ptite dame, le cocu, et les disputes maritales. Cela ne fit qu'augmenter son énervement. Vraiment, il avait pas choisit de tomber pile poile d'un arbre au moment ou une sorcière était sur le point de rendre son dernier soupir. Vraiment, c'était quand même pas lui qui avait obligé Shirine á l'embrasser. Le minimum de décence aurait quand même voulut qu'elle le remercia de s'occuper de l'enterrement de quelqu'un qui était complètement étranger pour Estuardo, et qui était supposé être chère á Shirine.
Il sortit de la chambre du cadavre et se rendit dans la salle. Il était énervé et n'avait plus rien á faire ici. Pourtant, il ne partit pas. Il se servit un peu de tisane, refroidie maintenant, et en bu quelques gorgées. Il s'assit face á la table et mangea un bout de pain. Il se leva et sortit de la maison, voir si Shirine revenait. Mais rien. Niette. Pas l'ombre de la rouquine. Avec moults efforts, il traîna le cercueil á l'intérieur et se rassit sur une chaise.
Et il attendit. Mais il était inquiet. Superstitieux qu'il était, il ne se sentait pas vraiment á l'aise en étant seul dans une maison avec un cadavre de l'autre côté du mur. Et plus le temps passé, plus il ruminait et grommelait en espagnol toute sorte de méchancetés sur Shirine. Déloyale. Couarde. Insouciante. Inconsciente. Cruelle. Amie d'une sorcière.
Finalement, la présence de Brunehault fut trop forte pour être ignorée. Il prit un bout de tissus trouvé dans la cuisine et le trempa dans le sceau plein d'eau qu'il y avait. Il se rendit dans la chambre mortuaire, d'un pas décidé.
Quand il entra, toute conviction seffaça. Il fit bien attention á laisser la porte de la chambre ouverte.
- Bon... yé vais té laver un peu... Jespère qué tu m'en voudras pas... Yé crois qué Shirine t'aimait bien, hein? Yé sais pas pourquoi... mais bon, c'est plus très important, maintenant, n'est-ce pas?
Le son de sa propre voix lui donnait confiance, et il s'approcha du cadavre. Il était désormais froid comme de la pierre, et dur. Voilà, il s'était bien dit qu'il aurait fallut s'en occuper avant! Il essaya á trois reprises de mettre droits les bras de Brunehault, mais se fut vain. Il sentait que s'il insistait trop, il allait la briser, alors, il se contenta de lui laver les mains et le visage.
- Yespère qu'on pourra té faire rentrer dans lé cercueil... avec les bras comme ça... C'est pas ma faute, hein... tou as bien vu qué Shirine s'est lancée sur moé... Non, évidemment tou n'as rien vu... Bon, peut-être, si ton âme était encore lá...
Il frémit á cette idée. Et si son âme était encore lá, lá, tout de suite, maintenant? Il se hâta de finir de lui laver le visage jaunâtre et tenta, bien que mal, de lui accommoder un peu les cheveux, puis sortit de la chambre.
Il s'assit sortit un autre verre et l'empli de lait, et le laissa sur la table. Puis, finalement, il s'assit sur une chaise, et mis ses pieds sur une autre. Il attendait Shirine. Il ne savait pas ce qu'il lui dirait quand elle reviendrait, si elle revenait, et ne savait pas ce qu'il ferait si la nuit tombait et qu'elle ne revenait pas. Mais il préféra ne pas trop penser á toutes ces possibilités. Il se força de penser á autre chose. A son champ de maïs qui devait être entrain de pousser tranquilou. A son amie Souvenir qui devait être entrain de se demander oú diantre avait-t-il passé la nuit. A la cicatrice en forme de rose sous le sein de Shirine. Non non! Autre chose... á Christina, partie en mer, au concours de tir-á-l'arc de Nîmes, á sa mère et á son père, qui s'était sans doute aussi demandé, jadis, oú était-t-il passé, mais qui, désormais, devait l'avoir oublié, ou au moins avait du faire tous ses efforts pour l'oublier. Il pensa un peu á tout et á n'importe quoi, et doucement, il s'endormit.
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Images originales de Nesskain, modifiées
- 'Tain c'est loin
- T'imagines quand l'cercueil y s'ra plein?
- Bordel
- Fermez-la ouais, un peu dé respect pour les morts!
- Toi, l'étranger, tu la fermes.
- Nous, les morts, c'est des sous, point barre.
- Ouais.
- Non mais va pas v'loir l'enterrer au cim'tière ta ptite dame, hein?
- C'est p'tain d'loin le cim'tière, y peuvent pas crever plus prés les gens?
- C'est bon, on est arrivés, restez lá et fermez-la oui?
- M'ouairf.
- T'a peur qu'on fasse peur á ta tite dame, l'étranger?
Estuardo fit mine de ne pas entendre, et ignora les petits rires qui fusaient derrière lui. Il se dit que franchement, il aura pu tomber sur des croque-morts un peu plus sympathiques, puis il se souvint de sa bourse maintenant vide et fit un geste des épaules. Tant pis. On fait c'qu'on peut avec c'qu'on a. Il jeta un petit regard en arrière. Les deux jeunes hommes avaient déposé le cercueil á terre, l'un d'eux s'était assit sur le bord de celui-ci, et l'autre s'était posé contre un arbre. Estuardo ne se souvenait pas très bien de tous les événements de la veille, trop de choses s'y étaient passées, mais il eu un léger sourire et imaginant que cet arbre, c'était sans doute celui sur lequel il était monté pour espionner la rousse qui prenait son bain. Shirine, quoi. Vraiment, il y a des gens doués pour rentrer sans faire exprès dans des situations étranger, et Estuardo semblait être l'un de ces gens. D'ailleurs, rien qu'en prenant en compte la veille, il avait sans doute rompu un record. Il était passé d'espionner une belle rousse dans son bain, á être presque empoisonné par une sorcière, voir ladite sorcière mourir presque dans ses bras, partager le lit avec la rousse du début, et finalement revenir avec un cercueil pour la sorcière et deux jeunes croque-morts complètement stupides, qui se faisaient un plaisir fou de lui faire remarquer que c'était un étranger, et dappeler Shirine "sa ptite dame".
Estuardo en était arrivé á se demander s'ils avaient remarqué qu'il avait eu une nuit... d'amour?. Non, sans doute pas d'amour. De sexe, simplement. Même si sur le coup, Estuardo avait vraiment aimé Shirine. Pouvait-on faire autrement?
Il ouvrit la porte, et dans un premier temps ne remarqua rien d'étrange. Il se demanda si Shirine s'était levée, et si elle était allée visiter la chambre de Brunehault. Il posa sur la table la bouteille de lait et la miche de pain qu'il avait apporté, et sans plus, entra dans la chambre de Brunehault. Enfin, celle qui devait être la chambre de Brunehault avant la nuit dernière, la chambre oú il avait dormit avec Shirine.
Il vit le lit vide et froid, avec un mélange de surprise et dembêtement. Il sapprêta alors á se rendre dans l'autre chambre, discrètement, pensant que sans doute il y trouverait Shirine au chevet du cadavre de son amie. Mais en passant par la grande salle, il remarqua, sur la table, la bourse. Intrigué, il s'en approcha et vit les mots ajoutés par Shirine á son propre mot.
- Hija de puta...
(fille de pute...)
Il sortit de sa sacoche son encrier et sa plume et ajouta, sous les mots de Shirine, un seul mot: "Non".
Il était légèrement en colère, mais ne perdit pas son calme. Il prit la bourse que Shirine avait laissé, et transféra dans sa propre bourse vide les écus exacts que lui avaient coûté le lait, le pain et le cercueil, puis, il rentra dans la chambre occupée par le cadavre.
La chambre était exactement comme ils l'avaient laissée la veille, lui et la rousse. L'agacement d'Estuardo monta en lui. Shirine n'avait même pas eu la décence de visiter celle pour qui elle avait pleuré la veille.
- Eh! On s'bouge ouais? N'a pas tout l'temps du monde 'tain!
L'un des deux garçons, le plus grand (ça devait sans doute être le fils ou le neveu ou quelque chose dans le genre, du croque-mort original) était entré dans la maison.
- Cassez-vous. Laissez lé cercueil. J'irais vous chercher si y'en ai besoin.
Il avait crié. Les deux autres ne se firent pas prier, et s'en allèrent. Il entendit, par la fenêtre, quelques bribes de leur discussion joyeuse. Quelque chose sur l'étranger, la ptite dame, le cocu, et les disputes maritales. Cela ne fit qu'augmenter son énervement. Vraiment, il avait pas choisit de tomber pile poile d'un arbre au moment ou une sorcière était sur le point de rendre son dernier soupir. Vraiment, c'était quand même pas lui qui avait obligé Shirine á l'embrasser. Le minimum de décence aurait quand même voulut qu'elle le remercia de s'occuper de l'enterrement de quelqu'un qui était complètement étranger pour Estuardo, et qui était supposé être chère á Shirine.
Il sortit de la chambre du cadavre et se rendit dans la salle. Il était énervé et n'avait plus rien á faire ici. Pourtant, il ne partit pas. Il se servit un peu de tisane, refroidie maintenant, et en bu quelques gorgées. Il s'assit face á la table et mangea un bout de pain. Il se leva et sortit de la maison, voir si Shirine revenait. Mais rien. Niette. Pas l'ombre de la rouquine. Avec moults efforts, il traîna le cercueil á l'intérieur et se rassit sur une chaise.
Et il attendit. Mais il était inquiet. Superstitieux qu'il était, il ne se sentait pas vraiment á l'aise en étant seul dans une maison avec un cadavre de l'autre côté du mur. Et plus le temps passé, plus il ruminait et grommelait en espagnol toute sorte de méchancetés sur Shirine. Déloyale. Couarde. Insouciante. Inconsciente. Cruelle. Amie d'une sorcière.
Finalement, la présence de Brunehault fut trop forte pour être ignorée. Il prit un bout de tissus trouvé dans la cuisine et le trempa dans le sceau plein d'eau qu'il y avait. Il se rendit dans la chambre mortuaire, d'un pas décidé.
Quand il entra, toute conviction seffaça. Il fit bien attention á laisser la porte de la chambre ouverte.
- Bon... yé vais té laver un peu... Jespère qué tu m'en voudras pas... Yé crois qué Shirine t'aimait bien, hein? Yé sais pas pourquoi... mais bon, c'est plus très important, maintenant, n'est-ce pas?
Le son de sa propre voix lui donnait confiance, et il s'approcha du cadavre. Il était désormais froid comme de la pierre, et dur. Voilà, il s'était bien dit qu'il aurait fallut s'en occuper avant! Il essaya á trois reprises de mettre droits les bras de Brunehault, mais se fut vain. Il sentait que s'il insistait trop, il allait la briser, alors, il se contenta de lui laver les mains et le visage.
- Yespère qu'on pourra té faire rentrer dans lé cercueil... avec les bras comme ça... C'est pas ma faute, hein... tou as bien vu qué Shirine s'est lancée sur moé... Non, évidemment tou n'as rien vu... Bon, peut-être, si ton âme était encore lá...
Il frémit á cette idée. Et si son âme était encore lá, lá, tout de suite, maintenant? Il se hâta de finir de lui laver le visage jaunâtre et tenta, bien que mal, de lui accommoder un peu les cheveux, puis sortit de la chambre.
Il s'assit sortit un autre verre et l'empli de lait, et le laissa sur la table. Puis, finalement, il s'assit sur une chaise, et mis ses pieds sur une autre. Il attendait Shirine. Il ne savait pas ce qu'il lui dirait quand elle reviendrait, si elle revenait, et ne savait pas ce qu'il ferait si la nuit tombait et qu'elle ne revenait pas. Mais il préféra ne pas trop penser á toutes ces possibilités. Il se força de penser á autre chose. A son champ de maïs qui devait être entrain de pousser tranquilou. A son amie Souvenir qui devait être entrain de se demander oú diantre avait-t-il passé la nuit. A la cicatrice en forme de rose sous le sein de Shirine. Non non! Autre chose... á Christina, partie en mer, au concours de tir-á-l'arc de Nîmes, á sa mère et á son père, qui s'était sans doute aussi demandé, jadis, oú était-t-il passé, mais qui, désormais, devait l'avoir oublié, ou au moins avait du faire tous ses efforts pour l'oublier. Il pensa un peu á tout et á n'importe quoi, et doucement, il s'endormit.
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Images originales de Nesskain, modifiées