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[RP] Peut-on aller deux fois au būcher ?

Shirine
Elle aurait pu remettre ça. Encore. Et pendant des jours entiers. Elle croit qu'ils vont remettre ça alors qu'Estuardo la plaque dos au sol et enlève doucement sa chemise. Elle s'y prépare souriante. Puis fait la moue en constatant qu'il n'avait fait que la provoquer, la taquiner. Elle se redresse sur ses coudes et lui lance un regard noir avant de lui souffler :

Me las pagarás !*

Les mêmes mots menaçants, mais avec une portée bien différente cette fois, un contexte tout autre. Elle aussi, elle sait jouer avec le désir des hommes. Il l'apprendra à ses dépends.
Elle sourit à son tour, en coin, puis se lève et attrape les vêtements qu'il lui tend pour les enfiler. Elle ne le regarde plus, mais prend son temps pour s'habiller, adoptant les postures les plus sensuelles possibles. Mais avec le plus grand détachement qu'il lui est possible d'avoir. Qu'il observe bien comme il ne pourra bientôt plus se passer de son corps.

Elle passe une main dans ses cheveux pour les faire cascader dans son dos puis s'approche pour piquer une morceau de pain qu'elle avale sans grande envie. Elle se souvient qu'elle n'a pas mangé depuis la mort de Brunehault, et surtout, qu'elle ne ressent pas spécialement la fin.

La maigre pitance avalée, elle passe une main dans la nuque de l'aragonais, se collant contre lui, puis lui offre un baiser langoureux qu'elle prend soin de rompre rapidement. Puis elle le prend par la main et l’entraîne à l'extérieur.

Il ne fait pas trop mauvais. La journée semble bien avancée, preuve en est du soleil déjà haut dans le ciel arlésien. Shirine flâne sur le chemin menant à sa forge, profitant de sortir en tenant un homme par la main comme s'il était son fiancé, chose qu'elle ne fait jamais. Elle finit même par passer une main sur sa taille et l'invite à la prendre par les épaules. Elle se colle contre lui, sourire aux lèvres. Elle ne manquerait pas de faire jaser la ville entière. La rousse indépendante et éternelle célibataire aurait-elle trouvée chausse à son pied ? Provoquer des rumeurs l'amuse énormément.

Bientôt, le couple arrive devant la forge. La Sicaire lâche son amant pour en ouvrir la porte qu'elle referme derrière eux. Pas question non plus d'ouvrir aujourd'hui. De quoi alimenter davantage les commérages. Bien entendu, tout est comme elle l'a laissé la veille. Elle s'avance vers le four pour l'allumer, une faible lumière filtre désespérément par une fenetre encrassée d'un peu de suie mais surtout de poussière.


Je te laisse faire le tour toi même, je te fais pas visiter.

Du genre, fais comme chez toi.

Aux pieds de Shirine trône le soufflet qu'elle mettra sur les bords du foyer pour alimenter le feu, près d'elle, sur le mur, se trouvent accrochés de nombreux outils d'aide à son travail : pinces, marteaux, masses, brosses etc... En dessous, une table avec un bordel monstre de pièces de fer brut, prêtes à être forgées, de manches en bois et autres matières utiles à ses confections. De l'autre côté du four, son tas de bois pour le feu. Au milieu de la pièce trône l'enclume et à côté un seau d'eau. Dans un autre coin, quelques haches et quelques épées sans grands intérêts, prêtes à la vente. Puis, dans un coin sombre et reculé, sur une table mieux rangée que la précédente, trônent quelques pièces d'orfèvrerie, des bijoux surtout, plus ou moins réussis. Son petit secret pour le moment, et explication de la douceur de ses mains : la rouquine ne s'adonne qu'en cas d'extrême nécessité aux travaux très physiques du forgeage, lui épargnant ainsi bien souvent les ampoules et les cals. Juste pour gagner sa vie, le temps d'affiner son art caché.


Tu veux commencer par quoi ? demande-t-elle à l'aragonais alors que le feu s'élève dans le four.

*Tu me le paieras !

_________________
Estuardo
Sans trop attendre sa réponse, Shirine attrape une lame d'épée qu'elle n'avait pas encore terminé de forger et la glisse dans le coeur du feu. Le temps que la lame devienne jaune, elle se retourne pour observer l'aragonais. Que se serait-il passé s'il n'avait pas été là ? Qu'aurait-elle fait de Brunehault ? Aurait-elle laissé son corps pourrir dans sa chambre ?
    « Fui solo como un túnel. De mí huían los pájaros
    y en mí la noche entraba su invasión poderosa.
    Para sobrevivirme te forjé como un arma,
    como una flecha en mi arco, como una piedra en mi honda. »*

Il fut sans doute sa lumière, sa lucidité dans ce moment de sa vie où elle fut incapable de réfléchir. La rouquine finit par sortir de sa contemplation doublée des souvenirs de leurs nuits torrides. Elle se surprend à ne pas vouloir qu'il parte.

Elle s'approche de l'établis pour prendre des gants qu'elle tend à Estuardo dans un sourire. Elle attend qu'il les mette puis lui met un marteau entre les mains.


Tiens, il te reste plus qu'à prendre la lame dans le feu, la poser sur l'enclume et t'acharner dessus.

Elle esquisse un sourire rêveur en posant une de ses mains fines sur ses biceps.

Ça devrait pas être trop dur pour toi, tu as des bras de forgeron. On dirait que t'es né pour ça.

L'Aragonais l'observe et le contact de cette main de forgeronne, qu'à première vue semble fragile, laisse échapper un sourire sur ses lèvres. Il l'observait prendre le contrôle de la situation et au fond de lui était ravit de se laisser ainsi mener. Des journées animées s'étaient passées, et toute la colère, la tristesse et l’incompréhension qu'ils s'étaient forgés l'un contre l'autre et les deux contre l’existence avait trouvé un point de fuite, une mélodie sur laquelle s’harmoniser. Quand deux corps battent la même cadence, il importe peu de savoir à quel rythme chantent les esprits, et la cacophonie s'entend symphonique. Qui était-elle?
    En torno a mí estoy viendo tu cintura de niebla
    y tu silencio acosa mis horas perseguidas,
    y eres tú con tus brazos de piedra transparente
    donde mis besos anclan y mi húmeda ansia anida. **

En passant à côté d'elle, il laisse ses lèvres frôler le creux du cou où se reposent des mèches rousses. Il enfile ses mains à l'intérieur des gants et prends la lame chaude. A peine reposé sur l'enclume, le métal tourne au rouge. A partir de ce moment, Estuardo pensera toujours à la rousseur de Shirine quand sa propre forge sera envahie par les reflets de cette couleur. De l'autre main, il attrape le marteau, jamais trop loin.

Cling!

- Así?
[Comme ça?]
Cling!
- C'est ici qué tu viens té réfugier?
Cling!
- Retrouver lé calme?
Cling!
- Lé contrôle dé toi-même?

Le bruit l’entraîne, et il lui semble se retrouver dans un univers parallèle, où il connaîtrait Shirine depuis toujours, où la bulle qui les entoure envahit un tout complet et absolu. Cling! Cling! Cling!


[*« Je fus comme un tunnel. Déserté des oiseaux,
la nuit m'envahissait de toute sa puissance.
Pour survivre j'ai dû te forger comme une arme
et tu es la flèche à mon arc, tu es la pierre dans ma fronde. »
** « Je vois autour de moi ta ceinture de brume,
mes heures poursuivies traquées par ton silence,
c'est en toi, en tes bras de pierre transparente
que mes baisers se sont ancrés, au nid de mon désir humide. »
Pablo Neruda]

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Images originales de Nesskain, modifiées
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