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[RP] La mare des cauchemars

Umbra
-Et si les lacs, les rivières et les océans prenaient source dans nos tourments ? Si toutes les larmes versées depuis la nuit des temps restaient prisonnières de la Terre. La Planète bleue est un monde malheureux.-

[Auf den Wellen wird gefochten]*
Sur les vagues, il y a des massacres

Après une première expérience éprouvante, l’Ombre s’était définitivement attachée à Triora. Elle lui avait promis sa protection et en prime, lui offrait son affection. Enfin, ça…Pas dit que l’être juvénile et difforme ne le sente véritablement dans son attitude. Éternellement froide dans les paroles, inlassablement distante dans les gestes, pour sûr, la Rouquine n’était pas choyée ni câlinée. Cependant, pour qui gage de connaitre la Noiraude –ce dernier étant obligatoirement un menteur-, serait forcé d’admettre l’attention portée par cette dernière. Passant ses insomnies à veiller sur le sommeil agité de la Sorcière, prenant sa défense à la moindre occasion quitte à se piquer à plus fort que soi, s’évertuant à pallier au moindre de ses besoins même dans la misère. Petit à petit, Ombeline se muait en une sorte de grande sœur, l’apparence infantile de son amie aidant bien pour la métaphore.

Et pourtant, de chaque côté, l’image renvoyait une fausse impression. Si la Bâtarde paraissait forte et fière, la fresque, ornant les murs de sa demeure saumuroise, n’illustrait que sa faiblesse et son usure. Tout comme l’enfant que la Corneille avait pris sous son aile qui, en réalité, n’en était pas une. Bien que la Manchote en avait conscience, elle le niait catégoriquement. Ce petit corps tout frêle prêt à se briser comme une brindille en un claquement de doigts, c’était à ce reflet que l’Ombre s’était liée.


[1, chemin des Pendus, à Saumur, un soir d’automne 1461]

Lors de son séjour en Anjou, Umbra avait profité de sa maigre richesse afin de s’octroyer un logis décent. Une maisonnée à deux pas du marché et encore moins loin des tavernes. Si seule, son terrain lui paraissait démesurément vide et vaste, à deux…il en était une toute autre histoire.
Campagnol et sa vermine logeaient aux côtés de la Noiraude et même si cette dernière râlait souvent de la présence des souris domestiques, du corbeau parleur et des tas de grimoires et autres étrangetés qui lui " bouffaient son espace vitale", elle taisait volontiers les rares fois de panique et de tristesse quand Triora découchait. Ce soir là, la Noiraude s’activait maladroitement d’un bout à l’autre de la singulière pièce de sa bicoque en attendant le retour de la Rouquine et de sa marmaille. Plus tôt dans la journée, elle avait fait l’acquisition d’un baquet et se démenait à ce qu’il soit d’usage lorsque la Sorcière arriverait.

De son unique main, Ombeline avait tenté de tendre un drap propre dans le fond de cuve mais qu’elle tirait un coté, c’est l’autre qui tombait et vice versa. Ne souhaitant batailler vainement au risque de mettre en périls ses nerfs peu solides, elle s’attaqua à la suite de ses activités. En jonglant avec deux seaux, elle allait puiser de l’eau avec le second quand le premier chauffait dans l’âtre. Avant que l’eau ne frémisse au dessus des flammes, elle allait le verser dans le bain avant de ressortir à nouveau pour le remplir tandis que le premier se réchauffait dans l’âtre. L’organisation du remplissage du baquet était déjà assez ardue en soi mais rajouter à cela, le boitement de la Bâtarde et ôtez-lui l’usage de sa senestre. En somme, la moitié des seaux se renversaient sur le sol avant d’atteindre l’étuve de bois. Les murs de chaux gardaient la moiteur ambiante et comme s’ils suintaient, la glaise recouvrant les parois brillait. Le sol composé de terre battue ne ressemblaient plus qu’une grosse flaque de boue après quelques allées et venues.

La Manchote s’était usée à la tâche pour finalement ravager plus son habitat que l’embellir. D’un œil noir, elle jaugeait l’étendue de ses dégâts quand la porte s’ouvrit dans son dos.


Paroles de Reise, Reise de Rammstein

_________________
Triora
L’expérience de la crypte n'as pas donné les résultats escomptés ... Ils étaient trop parfait ... A tel point que cela devenait imprévisible ... L'enfant qui n'en était pas une savait que cette expérience marquerait , si pas a jamais au moins pour très longtemps , son amie ... Mais ... Une demeure ... Un lit , une simple couverture , de la paille en guise de sommier et quelques planches de bois, Quatre mur qui ne sont pas recouvert d'une odeur mortuaire fétide , des repas ... Chaud parfois , même ! Et un sentiment de reconnaissance...

La sorcière dénaturée essaie tant bien que mal de rendre les choses que l'ombreline lui offre ... Des petits soins contre des maux bénins de temps a autre , une leçon sur des domaines que seule la rousse connait , dévoiler certaine chose qu'elle a découverte ...Puis la promesse de montrer une chose ... Je ne pourrais pas ...

Saumur , entre le marché et le chemin des pendus

La sorcière marchait silencieusement au centre de la ruelle , habillée d'une capeline brune trop grande qui traînait misérablement au sol. Le visage fermé dans le tissu de laine rêche caché dans une ombre ... Le bas de son visage est visible laissant ses mimics déformées marquer le visage enfantin ... Corrompu par de profondes rides qui marquent la partie droite du visage qui change chaque sourire , chaque regard en quelques choses de malsain , mauvais ... Perturbant ... Traînant des pieds sur la route boueuse elle réfléchissait a voix haute

Pourrais-je vraiment montrer ... Elle est habituée au blessure ... Même si moi... C'est ...

La lame froide qu'elle cachait sous sa tunique dans son dos tapotait sur une plaie douloureuse de son passé ... Plusieurs a vrai dire ... L'empêchant de penser pleinement ce qui , habituellement , n'est pas autant un supplice ... c'est même parfois rassurant ... Mais inutile vu le physique chétif de la sorcière qui , physiquement , se brise sans difficulté ... Pour briser son esprit ... Il faudrait plus que tout une vie ... Ou les bons moyens ...

Peu a peu sa marche la menait a la route des pendus ... Proche du marché mais néanmoins caché de la vue des bonne gens ... Et quelques tavernes de bas quartiers , bordel et tant d'autre ... Ayant déja logée dans pire endroit , ce lieu lui plaisait grandement ... Et la maison de son amie était mieux qu'une crypte ... Même si le froid se faisait de plus en plus sentir et que la peur la plus évidente de vivre dans cette demeure n'était pas le froid mais qu'un loup vienne souffler devant la porte pour la voir s'envoler ... Cette vision ne manqua pas de la faire rire doucement Rejoignant le "jardin" de la demeure qui n'était rien d'autre qu'un lieu de terre durcie et infertile a force que des gens posent les pieds dessus ... Elle s'arrête un instant devant la porte qui , bien entendu , faisait pas loin de 3 a 4 pieds de plus qu'elle ...

Un semblant de sourire joyeux vient défigurer son visage un court instant , la main se posant sur la poignée froide de la chaumière .... Et ...

jarnibleu !?

Le regard plongé au sol couvert de boue ... Puis sur le baquet et son amie , l'oei déformé semble se moquer de la situation en dansant a travers la pièce... La rousse n'a pas su fermer son claper a temps ... quelque peu embêtée ... Mais ...

... C'est ... Un bain ?

Le visage grisé enfantin découvert portant la teinte des défunts semble embêtée ... Et touché

Merci

Intérieurement sonnait "Je ne suis pas prête a te montrer ... Tout ça ...
_________________
Umbra
jarnibleu !? ... C'est ... Un bain ?

Toujours dos à l’entrante, l’Ombre restait figée devant la mare de boue à ses pieds. En moins d’une heure, elle avait réussie à ravager son intérieur. Combien de temps allait-elle mettre à le nettoyer ? Pour ne pas poser ses iris colériques sur son amie, Umbra s’avança jusqu’à l’âtre et attisa sèchement le feu. Du bout de son tisonnier, elle éventra silencieusement la bûche déjà bien consumée avant d’en rajouter une dans l’espoir de sécher la pièce. Les semelles de ses bottes s’enlisaient dans le sol comme sur un parterre forestier après l’orage.

Merci

La Noiraude soupira longuement en lâchant du regard la cheminée flamboyante pour enfin prêter attention à la Rouquine. Une œillade désolée devança ses propos :

Ce n’est pas digne des thermes parisiens mais je pense que ça suffira pour le moment. L’eau est juste chaude, tu ne devrais pas tarder…

D’un geste vague de sa dextre, Ombeline invita la Sorcière à s’approcher du baquet. Sans attendre la réaction de Petit-Œil, elle partit quérir le foin qui matelassait sa misérable paillasse.

Les deux jeunes femmes partageaient maintenant leurs quotidiens depuis un bon mois si ce n’était plus. Elles mangeaient et dormaient ensemble sans pour autant s’étouffer ou manquer d’intimité. Pudique l’une de l’autre, elles avaient réussie à garder leurs jardins secrets malgré leur proximité journalière et tout cela, sans aucune concession.

La Bâtarde prenait soin de tourner le dos à Triora quand celle-ci devait se dévêtir et inversement. Elle ne gardait que le souvenir d’étranges marques sur les avant-bras de son amie quand cette dernière lui avait montré mais tout restait encore vague dans son esprit. Surement la Rouquine se rappelait-elle de la cicatrice à sa cuisse qu’elle avait soignée après l’intervention de Fleur. Depuis le temps, la plaie s’était refermée pour laisser une affreuse entaille rougeoyante.

Cette nuit là aussi, la Manchote s'évertua à ne pas gêner la pudeur de la Sorcière. Gardant les yeux au sol, elle s’activait autour du baquet fumant à étaler la paille pour ne pas noyer davantage le sol.

Les rares bains qu’elles avaient pris depuis leur rencontre n’avaient jamais été commun. Quand l’une se lavait, l’autre vaquait à ses occupations dans une autre pièce. Hélas, ici, il n’y avait qu’un espace singulier. La Boiteuse avait comblé le pourtour de l’étuve sans entendre le bruissement de l’eau et sans relever le regard, rajouta :


Laisse ta tunique sur le bord du bassin, je l’étendrai près de la cheminée pour qu’elle soit chaude quand tu te rhabilleras.
_________________
Triora
La sorcière s'approche lentement du baquet pour observer l'eau qui commence a s'évaporer légèrement , formant une petite brume qui se retransforme en eau glacée au contact du torchis qui recouvre les murs, faisant oublier la boue dans laquelle ses pieds trempent. Combien de temps cela faisait depuis un vrai bain chaud ... Quatre ? Cinq ans ? Trop longtemps en tout cas ...

C'est déjà parfait ... Je t'assure

Les mots étaient sincère , mais elle craignait toujours la vision que son corps infantile déformé ferait a son amie ... Elle avait pu le voir qu'elle ne la rejetterait pas ,du moins elle crois. Mais ...Ce sentiment de malaise perdurait a chaque pas qu'elle faisait en son sens résonnait comme une joie indéfinissable et une prison ... Le risque de voir quelqu'un d'autre mourir en la protégeant ... Comme Arvid ... Comme le druide ... Comme Freyja ... Comme ce mendiant a Auch ...

Elle gardait son dos tourné a Umbra quant elle saisit la corde nouée a ses hanches qu'elle délasse lentement entre deux moment d'hésitation ... Déposant ensuite la ceinture improvisée sur le lieu indiqué par sa soeu.. Son amie ... Puis elle glisse ses bras en ses manches et relève ses bras en posant ses doigts charnus au lieu ou les épaules logeait et laisse choir la sombre tunique au sol ... Dévoilant ... Une tunique en jute avec plusieurs ceinture cinglant ce corps frêle. Une parcourant son bas ventre ou plusieurs fioles et potions reposent dans des sangles , une deuxième juste sous les aisselles ou les outils d'herboriste rudimentaire sont accroché Et un lourd sac mit a l'envers ou des plantes , de pierre et d'une potion contenant un étrange liquide carmin... La dague est accrochée a sa manche par deux petite lanière de cuir et les souris dorment ici et la dans le tissu ou des "poches" forment des lits pour ces rongeurs qui , soudainement , descendent de la carrure infantile pour se cacher sous le tissu noire...

Détachant ses ceinture et les redéposant au sol en les repliant avec soin , prenant soin de n'écraser aucun rongeur en posant le lourd sac sur le tas de cuir et de tissu ... Un doute se fait ... Plus long ... Mais ne laissant pas le temps de répondre ni de penser , ni même prendre le temps d'inspirer complètement , elle saisit la deuxième tunique et s'en débarrasse en expirant comme d'un lourd poids qui pesait sur ses épaules ...

Le corps infantile dévoilé ... La teinte macabre du corps est bien pire sur le reste du corps que sur le visage , la déformation du visage se poursuit jusqu’à l'épaule droite ou des petits poils roux poussent uniquement la comme une sorte de fourrure bestial mais trop peu nombreux pour être classé ainsi ... La vue continue a sombre dans l'horreur de plus en plus ... Le dos prend des teintes bleues a rouge par endroit , couvert de marque de coup ... Du bâton , au fouet , en passant par le plat des lames des épaules jusqu'au haut des fesses. L'épaule gauche est marquée d'étrange cercle et pentagramme marqué au fer rouge et au couteau , dont un en particulier mêlant cercle et croix aristotélicienne ... Un nom entoure le signe de culte : Dantalion.

Ses mains se posent sur les bandages ensanglanté qui couvrent ses bras qu'elle délasse lentement comme s'il s'agissait de vêtement , dévoilant de nombreuse entaille parfois profonde. Les mains tout aussi torturée sont brûlée a tel point que les lignes servant a lire l'avenir n'apparaissent plus.

Les bras se porte sur son ventre et son coeur et non sa poitrine ou son intimité , étrangement ... Lentement elle se retourne en gardant son visage tourné pour que seul la déformation soit visible , la peau ridée et creusée cachant un oeil tremblant dans une haine et une peur immense ... Trop immense ... Et qui ne lui appartient , peut être , même pas ...

Gardant un de ses bras sur son cœur marqué d'un dessin infantile d'un cœur barré ... le corps affamé semble ... Presque sur le point de mourir ...

Deux autres marques étranges troublent le regard ... Des blessures ressemblant a des cordes nouées comme des prisonniers ou esclaves ...

Ses lèvres semblent bouger mais rien ne sort de ses lèvres gercées ... mais intérieurement ses paroles résonnent fort ...


Chaque plaie me rappelle ces dures moments passé a survivre

Chaque goutte de sang que j'ai laissée couler m'ont fait oublier ces souffrances

... Je veux bien saigner ... Avec toi


Ne pas pleurer ... Ne pas me regarder ...
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Umbra
L’Ombre n’osa pas lever les yeux sur son amie lorsque cette dernière se dénuda. Premièrement parce qu’Umbra n’est pas de nature curieuse et encore moins à dévisager son entourage mais surtout car il en allait de l’intimité de sa petite sœur. Ce dernier point comme tous les autres secrets que pouvait renfermer le corps juvénile, la Noiraude prenait une attention particulière à les respecter. Bien que moult propos et agissements de Triora interpellait Ombeline, à aucun moment, elle ne tenta de franchir ni même de frôler les limites de son jardin secret.

Après avoir recouvert le sol boueux de paille usagée, la Bâtarde s’en retourna vers l’âtre où elle aviva à nouveau les flammes. L’oreille toujours tendue, la Manchote s’inquiéta de ne pas entendre le bruissement de l’eau à l’entrée de la Sorcière. La situation était délicate, la Rouquine, semblable un animal farouche, craignait le regard d’autrui sur sa personne. L’Ombre, quant à elle, ne souhaitait lui imposer ses iris et la faire fuir par la même occasion. Quelque chose n’allait pas, il ne fallait pas être perspicace pour ressentir le silence pesant sous leur toit. Dos tourné au pseudo enfant, Umbra s’exclama d’une voix faussement sereine :


L’eau est-elle trop chaude ? Peut-être as-tu besoin d’aide pour entrer dans le baquet ?

Le tisonnier occupant toujours son unique main, la Noiraude ne savait comment agir. Devait-elle rester à distance raisonnable ou pouvait-elle se rapprocher pour lui venir en aide ? Sans attendre la réponse de son amie, Ombeline libéra sa main et claudiqua vers elle. Les yeux à terre, à quelques pas, il fallut bien redresser la tête. L’image qui apparut alors marqua surement son esprit pour longtemps. Sa petite sœur, là, nue et faible. La déformation de son visage se prolongeait sous sa tunique sans que personne n’en ait conscience. La Bâtarde fut réellement choquée du résultat de la bêtise humaine et ce n’est pas son hoquet de stupeur qui prouvera le contraire. La haine dont elle fut victime par le passé avait ravagé son corps, laissant en sa chair les sillons de la cruauté. La carcasse difforme comptait plus de plaies que de rondeurs. La Manchote avait du mal à réaliser que l’être qui se cachait maladroitement devant elle était une jeune femme de son âge.

L’Ombre vacilla un court instant avant de reculer de quelques pas, la tête basse:


Excuse-moi, Triora…

Secouée par la découverte, Umbra ne savait plus comment réagir. Que dire, que faire devant ce massacre ? Surtout ne pas juger. Il était rare que la Noiraude se prenne d’affection pour quelqu’un, d’ailleurs, sa petite sœur restait l’unique à ce jour. Pour la première fois, Ombeline fut véritablement atteinte par les tourments d’une autre personne. Petit-Œil n’était pas n’importe qui et le choc en fut doublement brutal.

Les yeux rivés sur la paille humide, la Bâtarde souffrait de son sort. Parait-il que certains appellent ce ressenti: la compassion…

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Triora
Ce silence pesant la tourmentait , l'attente était trop longue ...Sa sœur attisait les flammes de la cheminée avec le tisonnier tandis que la sorcière essayait de prendre un faux air fier qui ... n'était véritablement pas crédible ... Ses yeux se portent sur sa tunique brune grouillante des rongeurs s'aventurant dans le tissu couché au sol ... Elle parvenait a entendre son cœur battre jusqu’à sa gorge comme s'il essayait de l'étrangler en remontant dans sa gorge et de grossir a chaque battement

L’eau est-elle trop chaude ? Peut-être as-tu besoin d’aide pour entrer dans le baquet ?

La figure dévisagée fait un oui de la tête vif , perdant son semblant d''orgueil aussitôt et sachant que son amie ne la verra pas mais les mots ne veulent sortir.. ressemblant a une enfant qui cherche quelque chose sans le dire .Puis le bruit du tisonnier qui se pose dans la paille et la boue , ressemblant au un bruit de marche dans la mélasse ...Puis les pas de son amie dans la boue ... Les yeux de l'enfant se ferme comme si elle attendait un coup qui , elle le sait , ne viendra pas ... Ou du moins le croit elle... Sa respiration faussement calme se fait plus profonde pour ne pas succomber a la peur . Puis cet affreux bruit de peur , surprise ou de crainte qu'elle connait tant ... Elle entend encore d'autre pas qui semble s'éloigner ... La sorcière reste silencieuse , se retenant de respirer ... Et après un court instant qui semblait interminable

Excuse-moi, Triora…

Son mauvais-œil s'ouvre soudainement , transperçant son amie du regard en continuant ses perpétuels tremblement haineux ... Un sourire nerveux et amusé s'affiche sur la partie infantile du visage , pervertis par la partie défigurée ... Pourquoi s'excuse-t'elle ? ... La sorcière entrouvre les lèvres

Ne t'excuse pas ... Tu n'y es pour rien ... Et si c'était le cas ; mère t'aurait dévorée le coeur dans la crypte

Sa mère ou ... Elle même ... La sorcière n'est pas du genre passer sa vie a se venger , préférant le faire que si la personne n'est pas loin ... Et quelqu'un l'ayant fait subir autant de mal aurait subit grand malheur ... Son expérience dans les cachots de l'inquisition lui seront utile ... Le jour ou elle pourra se venger ... Mais ici il faut Rassurer son amie ... Ne pas la dégoutter ... Ne pas l’effrayer avec des déformations et blessure ...

Tu peux m'aider a monter dans le bain ? Je suis trop petite

Lentement elle se retourne , dévoilant une nouvelle fois les nombreux coups et entailles dans le dos , et s'approche du baquet , posant ses deux mains sur la parois et tire pour essayer d'aller dans l'eau ... Elle aurait pu le faire seule ... Mais peut être que jouer l'enfant faible et dépendante détendra l'atmosphère ... Ce sera l'unique fois ... Ma fierté en dépend ...
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Umbra
[…]mère t'aurait dévorée le coeur dans la crypte.

A cette phrase, l’Ombre ne put qu’esquisser un sourire fébrile. Il n’y avait que Triora pour parler de la sorte et même peut-être agir. Son innocence, en somme, ne résidait que dans sa taille d’enfant de huit ans et dans les traits de son demi-visage épargné. Tout le reste jusqu’aux tréfonds de son âme n’avait rien de naïf. Umbra s’en était doutée dès leur première rencontre et le temps partagé ne fut que confirmation. La Rouquine cachait bien son jeu et à chaque jour, sa petite découverte. Jusqu’où irait la damnation ? pensait la Noiraude, à chaque nouvelle information. Elle appréciait son amie pour ça : pour son mystère, ses connaissances et sa discrétion. C’est aussi pour cela qu’Ombeline craignait Petit-Œil.

Sa difformité ne l’intimidait pas à outrance mais son esprit plus torturé que son physique ne semblait n’avoir aucune limite humaine. Aux yeux de la Bâtarde, la Sorcière était une entité bien plus intelligente que le commun des mortels, prisonnière d’une carcasse atrophiée. Peut-être cette image répugnante était-elle une mise en garde ? La Manchote avait toujours cette vague suspicion mais jamais ne disait mot. Elle observait, voyait cette fausse enfant évoluer, souffrir et tenter de se comporter le plus humainement possible. Elle veillait.


Tu peux m'aider a monter dans le bain ? Je suis trop petite

L’Ombre releva lentement les yeux, effleurant doucement sa peau meurtrie de ses iris de jais avant de lui tendre son unique main. Lentement, elle accompagna sa petite sœur dans le baquet, le regard dans le vague pour ne pas la perturber davantage. La plus grande faiblesse d’Umbra était la force de Triora. Quand cette dernière voilait son faciès difforme derrière ses longues mèches rousses, ne laissant paraitre que les traits d’une enfant, qu’elle usait d’une voix douce et apaisée, qu’elle se redressait du haut de ses quelques pommes. Quand Petit-Œil se muait en une gamine triste et apeurée, le cœur de l’ainée se pinçait douloureusement. La Noiraude était incapable de soutenir cet œil trop banal, d’admettre que quelque part, la Rouquine puisse être une jeune fille comme elle, commune.

En silence, Ombeline se glissa dans l’ombre de la frêle carrure et rabattut l’imposante tignasse flamboyante d’hérésie sur sa poitrine. Elle s’empara alors d’un linge propre et l’immergea dans l’eau fumante avant de l’essorer, de ses cinq doigts, dans le dos balafré. Les gouttes ruisselèrent le long des épaules avant de suivre le chemin créé par le relief des cicatrices. La trajectoire aboutissait au milieu du dos, pour rejoindre le reste du baquet. Plusieurs fois, la Bâtarde réitéra son geste afin de bien mouiller le cuir battu de la Sorcière. Le bruissement de l’eau couvrait le nouveau silence. La Manchote ne savait plus quoi dire devant ces mutilations. Devait-elle poser des questions ou plutôt en faire abstraction ? La réminiscence de ses souffrances seraient-elles aussi violentes que ces cauchemars ?


Peux-tu me donner le pain de savon devant toi ?

Peut-être aurait-il mieux valu de dire « bonne nuit » et laisser l’enfant barboter tranquillement dans sa mare?
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Triora
Lentement l'enfant se glisse dans l'eau avec l'aide de l'ombre , s'asseyant dans l'eau chaude qui ne manque pas de la faire grimacer d'une demi douleur , l'eau chaude donne l'impression que ses plaies couverte de fourmis viennent piquer en même temps sa peau , laissant le poison rentrer dans son corps infantile ... Mais cette moitié de douleur est comblée par un soupir d'aise ... Un bain chaud , même la sorcière en a besoin pour se sentir bien ... Elle avait l'impression qu'une couche de poussière et de sueur couvrait sa carcasse

La fille damnée se déplace lentement vers le centre du baquet quant elle sentit les mouvements de l'eau quant Umbra plonge le tissu .Elle sent le mouvement de l'eau couler sur son dos , caressant ses plaies et hématomes . L'enfant grimace en silence pour cacher les douleurs qui déforme les traits de son visage ... Mais le ronronnement animal qu'elle produit semble faire un mélange étrange de plaisir dans la douleur ... L'enfant avait été enfantée d'une femme sauvage qui , pour communiquer , imitait le bruit des animaux pour former des mots ou même dire son ressentis ... Du grognement au ronronnement aux croassements , sa voix prenait des tons d'animaux selon ce qu'elle ressentait ... Ce que l'enfant qui n'en était pas une a très vite copié

Peux-tu me donner le pain de savon devant toi ?

Lentement elle tend sa main droite couverte d'entaille et de brûlure , particulièrement a la paume, et l'index manquant vers le savon , le prenant dans sa poigne puis observe l'objet ... N'ayant jamais vu , ou très rarement , ce genre d'objet .Elle l'observait toujours en silence un court instant ce genre de "relique" ... Elle tend le savon en restant dos a son amie en veillant a ne pas lui mettre un coup sans faire exprès ... Bien que le silence pesant serait rompu ... Foutredieu ... Parle ... Je t'en prie ...
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Umbra
Toujours dans le dos de son amie, l’Ombre perçut le doute de cette dernière quand elle s’empara de la savonnette. Les lèvres gercées d’Umbra s’entrouvrit mais aucun son ne sortit de sa bouche. Fallait-elle vraiment qu’elle explique ce qu’était un savon ? Dériver sur un sujet lambda aurait été fourbe de sa part car oui, elle voyait ses affreuses marques. Le nez dessus, l’implacable vérité se dessinait tout en reliefs et en douleurs sur la frêle carrure. Alors nier était-il la bonne solution ? S’apitoyer sur son sort n’était point utile non plus. Triora l’avait vécu, elle en avait souffert mais elle avait survécu à ce calvaire. Certes, ces évènements resteraient gravés dans sa chair comme dans son âme. Mais un jour, qui sait, ses sillons de tortures deviendraient-ils des traces d’amertume ? La vengeance semblait inévitable à ce marquage, piètre symbole de la cruauté humaine.

Qui t’a fait ça, Petite sœur ? Qui a scarifier ton corps et sacrifier ton cœur, Petit Œil. Qui t’as perverti ? Qui t’a damné, Triora…

Les pensées fusaient de toute part : de la colère, de la tristesse, de l’empathie, de la rancune. Ils étaient tous là à poser leurs questions un à un. Les sentiments voulaient comprendre, ils voulaient ressentir et guérir ces maux qui les accablaient. Mais de ce discours entêtant où le cœur rythmait la mélopée, rien ne s’échappa des cordes vocales. Celles-ci s'étaient figées et nouées dans les tréfonds de sa gorge. Elles ne tremblaient pas, elles avaient peur de la puissance de leurs mots. La Noiraude déglutit bruyamment et le silence régnant amplifia sa nervosité. Elle posa le linge trempé sur son moignon et racla le tissu sur le pain. Lorsque que ce dernier fut chargé de détergeant, Ombeline reposa le produit et appliqua le pan de drap sur le cuir balafré. La main lava la peau, espérant que l’indélébile s’efface. Ses iris de jais décryptèrent en braille ces tourments. Les mutilations ne parlent pas d’elles-mêmes, elles se lisent, elles se content et surtout, elles s’écoutent.

C’est donc le sort qu’on inflige aux hérétiques.

Le ton était froid et la voix fébrile, prête à se briser. Ombeline frotta le dos qui porte tant de choses sur lui. Le Monde, peut-être pas car la stature juvénile le ne supporterait mais son fardeau incommensurable, elle l’endure sous ses tuniques, sous son air enfantin, l’air de rien, chaque jour.
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Triora
L'enfant qui n'en était pas une sentait le savon parcourir sa peau tannée parfois fort et nerveux ... Et parfois hésitant ... Mais toujours troublée . Elle essayait , en vain, de cacher les douleurs qui la tenaillent en restant de dos et mordant ses lèvres pour empêcher les grognements de douleur d'empoisonner ce silence ... Pourquoi son amie était ainsi ? Les blessures l'ont elles tant troublée ? Et ce silence qui perdure ... Foutredieu , je parviens a entendre les miliciens voler de l'argent a un pécore idiot ! Partagée entre peur et colère elle tremblait légèrement ... Ne ressemblant qu'a une enfant perdue battue, vu du dos de dos ... Uniquement de dos

C’est donc le sort qu’on inflige aux hérétiques.


L'enfant était silencieuse ... Seul les souris qui se battaient entre elles se faisaient entendre et les miliciens en dehors de la chaumière qui , d'après les cris , semblait battre leur ennemi commun... L'enfant se tord en avant peu a peu en tremblant fortement , un larmoiement semble sortir de ses lèvres aussi court que fébrile... Puis .. Elle craque ... Et ce qui semblait pour des pleures dans son dos était en faite un rire tonitruant. Lentement sa tête se penche sur la gauche , montrant son visage infantile Un sourire aussi pâle que la mort ... Et un regard aussi froid et fatigué que l'eternité

Certains me demandent pourquoi , d'autre restent silencieux en faisant brûler leurs haines dans leurs yeux comme si mon visage allait devenir encore plus hideux ... et toi tu dis une évidence incomplète ...Les hérétiques , les bossues , les déformées et les rousses ... Et malheureusement pour moi je suis tous ça a la fois

Un sourire amusé apparaît sur ses lèvres. Sa parole sonne comme un cynisme moqueur , et pourtant ... Elle était étrangement franche ... Et ses doigts entrecroisé essaie de cacher ses tremblements nerveux , en vain... Avait elle pleurée ? Ou ses rires avaient ils fait disparaître ses larmes ?... Ou pleurait elle en silence ...
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Umbra
[Il m'arrive de croire que la misère attire la misère et que les gens heureux évitent le malheur des autres.]*

La carcasse abusée tressauta, remuant l’eau du bassin. Des vaguelettes ondulèrent dans le baquet avant de s’écraser contre les parois en bois de ce dernier. Quelques gouttes vinrent éclabousser l’Ombre qui ne broncha pas. Le dos meurtri se vouta sous l’œillade sombre d’Umbra qui observait la scène sans piper mot.

Pleure petite sœur, les larmes sont invisibles dans le bain…

Vicieusement, le regard qu’elle haïssait tant vient se poser sur elle. L’œil enfantin, triste, innocent…Faux la fixe. La Noiraude lâcha le linge dans le bassin et fit quelques pas en retraits tout en détournant son attention. Ombeline ne supportait définitivement pas cette vision et préféra claudiquer jusqu’à l’âtre pour ne pas avoir à l’affronter. Dos au baquet et Triora, elle reprit de manière impassible :

Je n’ai pas à demander pourquoi, Petit-Œil…Je le sais. Je sais ce qu’un hérétique, je sais ce que tu es. Je pourrais feindre l’ignorance et subir ton cynisme comme une vulgaire inculte. Je pourrais aussi prendre la porte et vaquer à d’autres occupations comme je l’ai toujours fait à l’heure de ta toilette. Je pourrais t’esquiver ou me terrer dans un mutisme religieux. Je pourrais aussi me réjouir de ton sort et laisser mes yeux flamboyer de haine et de mépris.

La Bâtarde ne prêtait plus attention à la carrure immergée, elle tisonnait les braises dans la cheminée sans ferveur et récitait son monologue comme une litanie.

Je ne te rejette pas, je ne te juge pas, je ne te mens pas. J’observe simplement…

Délaissant le tisonnier pour venir se loger près des flammes avant de sécher, la Manchote soupira.

J’ai été élevée dans un couvent, éduquée par le Livre des Vertus et les principes aristotéliciens. J’ai vécu dans la terreur du jugement dernier alors que je m’évertuais à gagner la rédemption au près du Très-Haut. J’ai frémi et cauchemardé en imaginant le sort des hérétiques et j’ai prié pour que l’Inquisition ne vienne jamais à moi.

Sentant l’humidité de ses vêtements s’estomper, l’Ombre tourna les talons vers la Rouquine et maintenu la distance entre elles.

Et toi, Triora… Pendant tout ce temps, tu étais l’incarnation de tout ce que je craignais. Tout en ignorant ton existence, je songeais à ton sort. Aujourd’hui, j’ai le résultat palpable de ma réflexion. J’ai les preuves concrètes de ce qui me terrifiait et que je n’osais avouer. J’observe ton corps en charpie, saigné comme un animal. Les marques d’ex-communions, de tortures, de sorcelleries. Et tu attends que je te demande pourquoi ?

Les iris de jais se posèrent sévèrement sur le demi-visage, accusant le sourire déformé avec un soupçon de colère.

Je te respecte plus que tu ne le crois pour m’immiscer dans tes tourments, Petit-Œil.

Umbra jaugea le tableau face à elle. Cet être brisé par la Foi, barbotant dans une mare où souillures et larmes se mélangeaient. Le baquet, lui-même cerné de vieille paille voilant un sol boueux prisonnier de pans de chaux défraichis. La scène était écœurante mais la Noiraude l’encaissa sans plus d’amertume que cela sur les traits.

Je ne me réjouie pas de tes tourments, petite sœur ni ne les banalise. Je les accepte comme le lot quotidien parce qu’ils font partis du destin.

*Citation d'August Strindberg de "La Danse de Mort"

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Triora
La sorcière regardait son amie s'éloigner lentement vers les flammes, l’écoutant parler en silence , attentivement ... Comme un esprit incapable de communiquer , essayant de garder son humanité en écoutant les problèmes des mortels ... Pourquoi me fuit elle ?... La sorcière gardait son dos tourné , le visage tourné sur le coté ne permettant de voir l'ombre que d'un seul œil ...

Au fur et a mesure que les paroles s'égouttent comme du poison dans un verre d'alcool , la sorcière se tourne vers sa soeur , posant son menton sur le rebord du baquet , les cheveux laissant l’entièreté de son visage corrompu visible ... Les bras a l’extérieur du baquet , la faisant ressembler a un esprit sortit d'un lac sas fond , directement relié aux enfers , la lumière amplifiant les sillons creusés dans son visage . Un des rongeurs s’essaie a sautiller sur le bras comme un écureuil sans y parvenir ...

tu étais l’incarnation de tout ce que je craignais.

Un affreux sourire se dessine sur son visage ... La lumière du feux et les plis de peaux formé par les commissures des lèvres grandissent le sourire ... cette seule parole l'amusait ... Et ... L’attristait ... Cachant ainsi l'hilarité qui l'envahissait puis ...

Je te respecte plus que tu ne le crois pour m’immiscer dans tes tourments, Petit-Œil.


Le sourire disparaît ... L'enfant qui n'en est pas une se laisse glisser derrière le baquet pour cacher son visage jusqu’à son nez derrière la surface de bois ... Le regard ambigu .. Déformé entre chaos et victime observait sa sœur , le visage assombrie par le feu qui était dans son dos compliquant le travail de la sorcière qui essayait de voir dans son regard si ses paroles étaient vrai ... Puis de sa voix croassante de sorcière ...

J'étais donc ton cauchemar ... Je suis maintenant ta sœur et ta compagnonne de route et de chambrée ... Quel étrange destin que de ce lier a deux contre le monde ... Une monstruosité et une mercenaire baignant dans un océan de sang , de cauchemar et de larme ...

La sorcière observait toujours son amie qui était assombrie par la lumière du feu dans son dos. Le regard avec cette pincée de colère que possédait l'ombre... Si quelqu'un était passé au travers du bruyant combat des miliciens et du paysans , qui était désormais a l'humiliation publique subie par le pécore couvert de sang et de crachat, et était rentré dans la chaumière de paille et de torchis , il aurait vu une enfant défiguré au sourire affreusement amusé , le corps couvert d'affreuses entaille dans une mare de sang , de boue et de larme ... et une femme , dos au feu, la regardant avec colère ... Le visage dans l'ombre. Et Des souris qui se combattent dans un tissu ensanglanté sur de la paille couverte de boue ...
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Umbra
Une monstruosité et une mercenaire baignant dans un océan de sang , de cauchemar et de larme ...

Dans le courant de la vie, oui. Deux âmes perdues dans le typhon de leurs existences. Suffocantes, loin du fleuve tranquille d’un quotidien serein, elles se débattent jour après jour dans des rivières bien plus sinueuses que celles du commun des mortels. Les trous d’eau ne manquent pas dans leurs destinées et chaque rapide traversé balafrent leurs cuirs davantage. Peu à peu, les flots de larmes montent aux yeux comme l’eau emplie les poumons d’un noyé. Un jour, elles baigneront dans leurs propres sangs et cette mare de décomposition deviendra le linceul de leurs esprits tourmentés. Nager fait parti de l’instinct de survie alors embourbées jusqu’au cou, elles tentent de regagner la rive en vain…

Le sombre regard jaugeait intensément son semblable difforme tandis que l’unique main s’affairait à dénuder la carcasse immobile dans l’ombre des flammes étincelantes.


Alors vois comme j’ai pu surmonter mon cauchemar, petite sœur. Il ne m’hante plus, il accompagne mes journées. Mais toi, en serais-tu capable ?

L’œillade se fit interrogatrice alors que la peau blafarde se dévoilait morceau par morceau. Loin de l’image d’un arbre se défeuillant sous le vent automnale, Umbra ressemblait plus à un tronc mort dont l’écorce s’effrite avec le temps.

N’uses d’ironie que si tu peux rire franchement de ce dont tu te moques, Petit-Œil. Ton sourire n’est qu’une fissure de plus sur ton corps. Quand repriseras-tu toutes les séquelles qui fendent ton âme, Triora ? Regarde-toi, ouvre les yeux sur tes cicatrices. Elles saignent encore et toujours et elles finiront par te vider de toutes tes forces. Tu disais vouloir saigner avec moi...Alors parles.

Nue comme un ver, la Noiraude ne tenta pas de fuir l’attention des yeux déformés. Elle s’avança un peu plus du baquet et prit appui sur les lattes en bois pour s’immerger à son tour. Son cœur à découvert, Ombeline tâtonnait vers les limites de son jardin secret. Le palpitant émietté de sa cadette ne valait pas mieux que le sien en éclats. D’égale à égale, gisante dans sa propre affliction, la Bâtarde baissa le regard sur l’eau crasseuse. Les vaguelettes troublaient son reflet, le défigurant comme celui de la Rouquine. Rares étaient les blessures visibles sur sa chair, contrairement à la Sorcière. La Manchote pouvait les compter sur ses dix doigts – s’il lui les restait encore-: Une fine entaille sur le poignet droit, une affreuse balafre sur la cuisse droite, une marque de crocs englobant son épaule gauche, un « T » scarifié sur l’avant-bras du même côté, la senestre en moins et une plaie à la tête d’où découle une mèche immaculée. Et pourtant, les maux internes étaient innombrables. Les tessons de sa jeunesse l’entaillaient éperdument, laissant son âme à vif.

L'Ombre s'empara du linge mouillé et l'essora contre elle-même. Ses iris de jais fixaient le liquide trouble sans réellement se dérober au visage de son amie.


Je ne cherche pas à te couler, petite sœur. Je veux juste construire un radeau avec toi. Je veux juste agripper une perche et voguer sur des eaux plus calmes.
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Triora
Alors vois comme j’ai pu surmonter mon cauchemar, petite sœur. Il ne m’hante plus, il accompagne mes journées. Mais toi, en serais-tu capable ?

La sorcière observait sa sœur se dénuder sans bouger ni même prêter attention aux blessures , aux corps blafards ... Elle garde juste ses yeux déformés dans les siens. Le sourire amusé avait disparu pour une moue étrange ... la partie infantile du visage prenait une expression de doute ... L'autre coté était difficilement compréhensible ... mais on pouvait y lire une colère qui commençait a s'allumer ... Que cherche tu grande sœur ?.. Ou veux tu en venir ? La sorcière réfléchissait au but de ces questions ... Il y'en a forcément un ... C'est pour me faire du mal ...

N’uses d’ironie que si tu peux rire franchement de ce dont tu te moques, Petit-Œil. Ton sourire n’est qu’une fissure de plus sur ton corps. Quand repriseras-tu toutes les séquelles qui fendent ton âme, Triora ? Regarde-toi, ouvre les yeux sur tes cicatrices. Elles saignent encore et toujours et elles finiront par te vider de toutes tes forces. Tu disais vouloir saigner avec moi...Alors parles.


Les sourcils se fronce , créant trois nouveaux sillons sur la partie droite du visage , au con de l’œil. L'enfant qui n'en est pas une garde ce regard troublé longtemps ... Très longtemps ... Puis un profond soupire sort de ses lèvres , Lentement elle se laisse glisser dans l'eau jusqu'au nez , tapotant la parois sous ses pieds jusqu'à retrouver le savon puis lentement elle se redresse en tenant l'objet fermement dans sa main , un visage colérique ... Mais un regard plein de doute... Je ne vais pas que saigner ... Je vais m'ouvrir de part en par si tu le souhaite vraiment , m'ouvrir pour laisser les maux s'échapper de mes plaies avec ma force ... Nous verrons si tu sauras me cautériser ... L'enfant redressée , le haut du corps dévoilant la cœur barré dessiné sur son torse , avance en frottant ses genoux a la parois de bois sous elle pour se rapprocher de sa sœur , tenant le savon comme une arme ...Une arme que même la porteuse craint

Tu as surmontée ton cauchemar pour l'échanger contre un autre , grande sœur ... Tourne toi ...

.. Je vais te parler si tu le souhaite ... Mais il n'y a rien de plus ridicule qu'une sorcière qui pleure ... Avec ou sans larme ... De l'eau salée ou du sang
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Umbra
A en juger par les nouveaux plis d’anxiété et d’amertume qui mutilait son visage laid, la Sorcière n’avait pas dû apprécier le monologue de son amie. En même temps qui aurait souhaité écouter ce ramassis de reproches plus près du règlement de compte que de l’aveu? A son grand Dam, l’Ombre ne savait rassurer et mettre en confiance une personne. Si quelqu’un était pris au piège dans un trou d’eau, elle aurait tendance à lui crier « Laisse-toi guider par les flots, ne résistes pas, lâche prise ». Même si c’est la triste vérité, autrui en détresse aimerait simplement entendre « tu vas t’en sortir, tente de regagner la rive, tu y arriveras ». En somme, Umbra ne pouvait être hypocrite avec ceux qu’elle affectionnait et c’était sans doute cette franchise qui l’éloignait de ces derniers. Ses iris de jais abandonnèrent les pupilles anarchiques pour se poser sur la poitrine marquée de la fausse enfant. Le symbole était poignant, bien que la Noiraude n’en saisisse pas le sens réel. Pour elle, ce n’était qu’une image de ce qu’elle venait d’accomplir : briser son cœur ou écorcher leur amitié.

Tu as surmontée ton cauchemar pour l'échanger contre un autre , grande sœur ... Tourne toi ...

Ombeline s’exécuta sans un mot. Les genoux rabattus contre son poitrail décharné, elle ruminait les propos de la Rouquine dans son dos. Celle-ci n’avait pas tort, de qui se moquait-elle en lui faisait croire de telles sornettes ? Il fut un temps où sa hantise n’était autre que l’Inquisition et leurs châtiments. Quand elle n’était qu’une enfant perturbée qui ne comprenait pas vraiment ce qu’il se passait dans sa tête1. Cependant, lorsqu’elle comprit qui elle abritait, tout ce mauvais sang se dissipa dans ses veines et les empoisonna en silence. Et bien d’autres cauchemars se sont suivis et la hante encore aujourd’hui. Par reflexe, la Bâtarde observa l’intérieur de son poignet droit comme si elle voulait s’assurer de la présence de sa fameuse entaille2. La marque n’avait, certes, pas bougé. Elle blanchissait avec le temps mais jamais ne s’effacerait comme sa souvenance.

La Manchote resta silencieuse, ce n’était plus à elle de s’exprimer. Elle s’accouda au baquet, fixant distraitement la porte d’entrée face à elle. Sous ses bras ballants s’agitait la vermine de sa colocataire qu’elle ne tenta pas de faire fuir en les éclaboussant de gerbe d’eau. Son dos vouté s’arqua instinctivement au contact du savon, chacune de ses vertèbres tantôt en relief, se terra sous le fin cuir horripilé et l’Ombre frémit. Les contacts même les plus anodins lui filaient la chair de poule comme un petit qu’on aurait surpris avec un « bouh ! ». L’eau se troublait davantage par la crasse déversée, il y a bien longtemps qu’elle aussi ne s’était pas payé le luxe d’un bain chaud depuis…Guéret et la rencontre avec le Hibou3.

Le liquide douteux dans lequel baignait les deux interdites était-il un avertissement face aux méandres bien plus sombres dans lesquels elles s’immergeaient ? Si les profondeurs de leurs esprits découlaient de leurs plaies, les tréfonds de leurs âmes sauraient –ils regagner la rive ? C’était un long chemin sur la rivière profonde et sauvage qu’elles entamaient. Chaque tour et détour était un conte cauchemardesque. Un tour effrayant dont elle donnerait n'importe quoi pour le faire…4


1 Référence au RP "Je suis le sentiment de rejet exacerbé d'Ombeline*"
2 Référence à la scarifiaction dans le RP "Les vieux péchés ont de longues ombres (v1.2)"
3 référence au RP "Envole-toi Corneille"
4 Paroles adaptées de "Ghost River" de Nightwish.

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