Judas
[Chapitre 1 "I am beyond repentance",
to 16 "Roide et Reynes" - (Roi des Reynes)]
Trônant sur un fauteuil désormais nu de tout apparat, Judas écoute. La demeure n'est que silence, rien ne subsiste des murmures qui serpentaient, des corps qui se chevauchaient dans la grande pièce principale de Petit Bolchen. Le rire fugace d'un homme faussement amusé, entouré de ses maitresses qui échangeaient des regards aussi francs que des couteaux dans le dos ne dégringole plus. Le seigneur ouvre les yeux. Elles ne sont plus là, se trainant à ses pieds, se coulant dans son dos, formant une parure qui manque d'humilité avec leur gestes lents et leur langues fourchues comme de délicieux faire valoirs. Petit Bolchen semble appartenir à un passé qui n'a jamais existé. Les yeux se referment. Ici même, on lui donnait la becquée s'il la demandait, diantre que cette vie était belle, que cette vie a été fugace.
Les cheveux du Von Frayner sont lâchés, les gants de cuir soigneusement calqués à ses mains. La herse est ouverte, le cheval a été abandonné aux herbes hautes de la nature qui a reprit ses droits sur le domaine... Monture de prix fort, jadis trois de ses asservis ne suffisaient pas à rembourser l'un de ces palefrois. Et chaque bouffon assujetti le savait. Les yeux se réouvrent, l'enfant piaffe en appel au jeu tandis que son père observe mutique les vestiges d'une jeunesse.
Petit Bolchen est semble figé dans un néant ineffable ne racontant plus rien du meilleur comme du pire qu'il a su abriter; avant... Ambiance lourde sous les tentures obscures de la pièce principale restées après son départ. La cheminée haute comme deux hommes ne réchauffe plus personne. Les âmes Echauffées, liquorées, exaltées ne font plus régner dans l'ancien castel du satrape cette atmosphère à couper au couteau. L'endroit embaume. Le renfermé, la poussière, la moisissure. La cire des candélabre ne scelle plus que des jointures de carreaux au sol désertés de tout passage. La joubarbe habille les murs de pierre, là où les grands tableaux fastes le faisaient si bien quand l'endroit était encore habité.
L'enfant se tient là sur ses genoux. En lieu et place d'une coupe de vin, entre les mains cuirassées du seigneur. Les iris noirs viennent enfin lui accorder leur attention, rencontrant le visage poupin figé par la fascination de l'immensité de la pièce. Ses lèvres à demi ouvertes et les prunelles bleues qui semblent s'écarquiller d'un rien, le visage d'Amadeus arbore l'hébètement si familier des enfants face à la découverte. Bientôt il marchera. Ses mouvements impatients l'annoncent plus fort chaque jour. Se redressant dans son assise, Judas fait malgré lui sursauter l'enfant. Fil de la rêverie brisé il lève le nez sur son père. Sans doute ne comprend-t-il pas ce qu'il fait ici, posté sur ses genoux à attendre dieu sait quoi. Et ce silence inhabituel, ce vide immense... Cet endroit méconnu et froid. Dans un glapissement le poupon tape dans ses mains, comme pour se donner contenance, découvrant par le fait l'étrangeté de l'écho. A l'aube de ses un an, ce fils jalousement gardé respire l'audace.
Le spectacle est inexplicable vu de l'autre bout de la grand salle. Judas Gabryel Von Frayner semble régner sur la désuétude.
Un éclat de rire claironne dans l'obscurité de l'endroit. L'écho amplifiant sa portée.
L'homme s'est levé, prenant dans ses bras le petit. L'aube se profile... Judas avait un rendez-vous à honorer.
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to 16 "Roide et Reynes" - (Roi des Reynes)]
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" L'hiver, cette saison de silence froid mais aussi, d'attente féconde." - Stéfan Satrenkyi
- - 21 Décembre 1461-
Trônant sur un fauteuil désormais nu de tout apparat, Judas écoute. La demeure n'est que silence, rien ne subsiste des murmures qui serpentaient, des corps qui se chevauchaient dans la grande pièce principale de Petit Bolchen. Le rire fugace d'un homme faussement amusé, entouré de ses maitresses qui échangeaient des regards aussi francs que des couteaux dans le dos ne dégringole plus. Le seigneur ouvre les yeux. Elles ne sont plus là, se trainant à ses pieds, se coulant dans son dos, formant une parure qui manque d'humilité avec leur gestes lents et leur langues fourchues comme de délicieux faire valoirs. Petit Bolchen semble appartenir à un passé qui n'a jamais existé. Les yeux se referment. Ici même, on lui donnait la becquée s'il la demandait, diantre que cette vie était belle, que cette vie a été fugace.
Les cheveux du Von Frayner sont lâchés, les gants de cuir soigneusement calqués à ses mains. La herse est ouverte, le cheval a été abandonné aux herbes hautes de la nature qui a reprit ses droits sur le domaine... Monture de prix fort, jadis trois de ses asservis ne suffisaient pas à rembourser l'un de ces palefrois. Et chaque bouffon assujetti le savait. Les yeux se réouvrent, l'enfant piaffe en appel au jeu tandis que son père observe mutique les vestiges d'une jeunesse.
Petit Bolchen est semble figé dans un néant ineffable ne racontant plus rien du meilleur comme du pire qu'il a su abriter; avant... Ambiance lourde sous les tentures obscures de la pièce principale restées après son départ. La cheminée haute comme deux hommes ne réchauffe plus personne. Les âmes Echauffées, liquorées, exaltées ne font plus régner dans l'ancien castel du satrape cette atmosphère à couper au couteau. L'endroit embaume. Le renfermé, la poussière, la moisissure. La cire des candélabre ne scelle plus que des jointures de carreaux au sol désertés de tout passage. La joubarbe habille les murs de pierre, là où les grands tableaux fastes le faisaient si bien quand l'endroit était encore habité.
L'enfant se tient là sur ses genoux. En lieu et place d'une coupe de vin, entre les mains cuirassées du seigneur. Les iris noirs viennent enfin lui accorder leur attention, rencontrant le visage poupin figé par la fascination de l'immensité de la pièce. Ses lèvres à demi ouvertes et les prunelles bleues qui semblent s'écarquiller d'un rien, le visage d'Amadeus arbore l'hébètement si familier des enfants face à la découverte. Bientôt il marchera. Ses mouvements impatients l'annoncent plus fort chaque jour. Se redressant dans son assise, Judas fait malgré lui sursauter l'enfant. Fil de la rêverie brisé il lève le nez sur son père. Sans doute ne comprend-t-il pas ce qu'il fait ici, posté sur ses genoux à attendre dieu sait quoi. Et ce silence inhabituel, ce vide immense... Cet endroit méconnu et froid. Dans un glapissement le poupon tape dans ses mains, comme pour se donner contenance, découvrant par le fait l'étrangeté de l'écho. A l'aube de ses un an, ce fils jalousement gardé respire l'audace.
- Tap, tap, tap.
Le spectacle est inexplicable vu de l'autre bout de la grand salle. Judas Gabryel Von Frayner semble régner sur la désuétude.
Tap, tap, tap.
Un éclat de rire claironne dans l'obscurité de l'endroit. L'écho amplifiant sa portée.
- Tap, tap, t...
L'homme s'est levé, prenant dans ses bras le petit. L'aube se profile... Judas avait un rendez-vous à honorer.
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