Tandis que la foule de baudauts se montait le bourrichon à qui mieux mieux éclaboussant l'étranger de sa suspicion et de sa hargne, Cyann, jeune trouvers à la vie de bohême roupillait toujours dans son lit, les doigts de pieds en évantail. La croupe à l'air, son visage fin piqueté de minuscules poils blonds tourné vers la dextre, la bouche baillant légèrement aux corneilles. En bon troubadour, le lorrain aimait à se rendre en taverne le soir et à raconter des histoires. C'est même ainsi qu'il gagnait sa vie. Du moins, arrivait-il à manger, à dormir à l'oeil et surtout à boire ! De temps à autre, un haut noble l'invitait en sa demeure pour venir effectuer un travail et le prenait ainsi sous son aile un temps, voire le payait grâcement. Mais ca c'était plus rare, la radinerie allant souvent de paire avec les couronnes. Car oui, Cyann était doué. Un mestre dans son domaine malgré son jeune âge. Et sa renommée le précédait généralment partout où il passait, par conséuquents, les jeunes femmes en délire se précipitait sur son passage espérant obtenir ses faveurs. Du moins, c'était de cela dont il révait là présentement dans le fond de son plumard où mites et cafards se menaient rude combat. Un bruit mat, tout d'abord, fit trésaillir le jeune homme dans son sommeil mais, Morphé garda ses bras bien serrés autour de lui et, hormi l'édredon qui finit sa course par terre rejeté par l'infime mouvement, l'homme au torse glabre s'alongea davantage, s'étendit de toyut son long, façon homme de Vitruve, le nez en l'air dans un sourire de satisfaction béate. Puis, soudain ce fut un grand fracas dans la chambrette. Cyann, cette fois bondit et ouvrit grand les yeux ; il mit un certain temps à émerger de son rêve. Quand il eut finit sa mise au point matinale, il s'aperçut que le rideau sale de sa chambrette voletait, preuve que le fenestrou était ouvert.
Diantre, j'étais pourtant sur d'avoir bien fermé ; je vais me geler les miches Et quel ramdam !
En un bond, le jeune homme fut hors de sa couche et se déplaçant de son pas souple de chat, il se campa devant le fenestrou, il se pencha et découvrit là une foule de visages hargneux attroupés, agglomérés. Ca criaillait
A mort la bête !
Abat l'étranger !
Qu'on la zigouille,
Cette vil fripouille !
Visez la tête :
Faut pas l'raté !
Enfin, c'était tout comme mais en moins poétique pour sur eut le temps de penser Cyann avant de sentir une vive douleur au menton ; encore sonné par l'assaut, il chercha la source de son mal et la trouva ; il fallait qu'il se rende à l'évidence : on venait de le caillasser.
Par les cornes du Sans Nom ! Autant pour ta renommée !
Faut y croire qu'elle estoy pas arrivée jusqu'icelieu !
Le lorrain avait fait le tour du Royaume, du Sring et au delà. Il avait visité bien des villes et villages, s'était abrité dans des hameaux, et avait dormi dans des cabanes isolées, des grottes et autres refuges que Dame Nature improvisait. Dans ses yeux, si jeunes, si vifs, brillait déjà une lueur spéciale, de celle qui veut dire qu'on a su voir le monde tel qui est, avec ses merveilles et ses oripeaux. Cyann ne se fit donc pas d'illusion. Ils voulaient sa peau pour quelques raisons que ce soit. Il soupira.
Un malheur a du arriver et leur étroitesse d'esprit me fait accusé, moi l'étranger.
Alors c'est quoi le plan B ? Il eut fallut encore qu'il y ait un plan A...
Hahum ecaminons les options :
- prendre ses jambes à son cou ?
mmhh il n'y a qu'une porte et elle s'ouvre sur la foule en colère, il serait embroché avant d'avoir fait trois pas.
- sortir par la fenêtre ?
Tu n'y penses pas ; même une contorsioniste chinoise ne passerait pas par ce trou de souris.
- se rhabiller sortir et clamer haut et fort la VERITE à savoir, sa parfaite innocence. Encore faudrait-il qu'il le laisse ouvrir la bouche avant de la caillasser, le trainer par les cheveux et pendre à la plus haute branche du vieux chêne de la Grand'Place.
- une diversion. oui voilà ce qu'il lui fallait : une diversion.
Cyann plissa les yeux, un numéro !
Mais, il ne savait pas du tout de quoi il retournait, de quoi l'accusait-on ? Bof !
Il haussa les épaules, il ferait sans. On était acteur ou on ne l'était pas !
Le trouvers fixa quelques secondes ses maigres possessions, sortit son coutel de sa botte, remis ses vêtements à la hâte et replaca son outre sous son gilet, il pris grand soin de la fixer au niveau de son ventre, comme si sa vie en dépendait. Déjà, dehors, le grondement de la foule térrifiée et en colère se faisait plus fort. Dernière touche du comdien pour ce qui serait peut-être son dernier tour de piste. Avec son briquet à amadou, Cyann alumma une mèche sortant d'une boule de terre cuite.
Il inspira une goulée, composa son visage et ouvrit en grand la porte, il jeta alors la boule au milieu de l'attroupement, boule qui explosa dans un bruit de tonerre et émit alentour une fumée à l'odeur piquante. Les gens toussèrent, se frottèrent les yeux cerrtians parrtirente en courant apeurés.
C'est alors que magistrale, théâtrale, le mestre troubadour s'élanca émergeant au yeux de tous de la fumée ; il dit alors de sa voix de stentor :
O Foule en délire
Ne vois-tu rien venir ?
Que le chien qui aboit
Et l'étranger qui se meurt déjà
Les yeux se rivèrent en masse vers sa main qui tenait la poignée de son poignard enfoncé jusquà la garde dans son ventre et du sang dégoulinant sur ses braies. Plus bas, car la stupéfaction avait permis le silence après la sourde clameur, il ajouta d'une voix qui se voulait faible, lancinante...
Pour apaiser ton Ire
Tu veux séant m'occire
Pourtant cette cible facile
Est pour ce crime trop gracile
Puis, le poète arracha le poignard et se relevant dans une flaque de sang s'écria un doigt pointé sur l'assistance :
Ô foule en émoi
Le coupable est en toi
Tremblez Pauvres Mortels !
Bientot, l'infame commettra
Crime encore plus bel !
Car ce monstre aux abois
C'est Elle !
Il fit un léger demi cercle et se retournant, pointa au hasard de son doigt tendu une donzelle aux cheveux blonds, il ne savait pas qui elle était mais tous la reconnurent, c'était Lubna. Quand il rencontra son visage, il songea seulement "t'aurai pu en choisir une plus moche, la, c'est gaché". De la foule, des cris étonnés émergerent :
LUBNA ?????
Lubna ?!
Lubna gnépapotib !
C'est vray qu'si elle disions avoir vu l'monstre c'étions qu'elle était dehors a c't'heure et qu'est ce qu'elle faisions la bas àa ct'heure ? Cetio pas la bonne conduite pour uen dame pour sur !
Vous laissez pas r'tournez l'cabochon c'est l'estranger !
Lubna c'est vray qu'elle a toujours eu les dents longues celle là !
Dis donc t'a vu la les traits tirés qu'elle avio c'matin,
qu'est ce donc qu'elle faisions toute la nuit durant palsembleu ?
ptet ven qu'elle étripait Kefaya !
Lubna la louve ac sonne ben non ?
Mefie toi l'ami, le Malin
Pour ses sombres desseins
Acomplir, prends toujours
Visage des plus glamour !
Cyann, l'étranger qui sans façon venait de leur livrer le coupable, s'éfondra au sol, son menton bleui, des traces de sangs séchés en croutes sanguinolentes sur son visage et une main sur son ventre ensanglanté. Par Déos, c'est qu'il avait l'air mort le bougre !