[RP] Carnet de voyage d'Exa et Kem

Ca faisait quinze ans que François tenait les rênes du chaudron rôti, un établissement respectable, et jamais ô grand jamais il n'avait eu de clients comme dame Kem et sire Exaël. Il avait réconforté sa dame quand le sire avait disparu, participé à la battue pour la sauver elle, enlevée à son tour par un brigand de la pire espèce... Et hier soir, il avait froncé les sourcils en voyant cet homme amaigri au crâne rasé demander après elle. Il n'avait pas reconnu tout de suite le sire Exaël!
Il était heureux pour la jeune femme qui avait retrouvé d'un coup toute sa joie de vivre. Surtout dans son état...

Mais juste avant qu'il ne mette le repas pour l'auberge à cuire, il les vit monter. Dame Kem avait du mal, elle avait du forcer, dans son état!! Puis elle perdit les eaux dans les escaliers, il du nettoyer avant que quelqu'un ne tombe en glissant. Il appela Henri pour qu'il aille prévenir la comtesse...

Qui arriva très vite dans un fracas d'armure.


Dame Kem ? Puis-je entrer ? Henri m'a prévenu que le besson arrive
Comtesse, j'sais pas si ils ouvriront... Ça crie là d'dans! Et ser Ryan qui soigne la vieille Orenda qu'a l'angine de poitrine... Il reviendra pas avant d'main! M'est avis qu'vous devriez entrer les aider si vous savez comment qu'ça sort un petiot... Moi j'y connais rien... L'est pas seule le ser Exaël est avec elle.

En effet, à travers la porte, on entendait Kem crier des phrases sans aucun sens, comme possédée, et la voix d'Exaël qui tentait de la calmer... Si ça continuait il risquait de perdre des clients, au sens propre comme au figuré. Surtout sans sage femme... Puis encore des cris, puis grand silence .....

Kem avait été retenue plusieurs jours par Arnaud. Plusieurs jours d'enfer durant lesquels il alternait moqueries, brimades, coups, soins et gestes tendres. Il espérait qu'à force, il réussirait à l'amadouer et à se faire aimer, qu'à force elle oublierait Exaël. Comment pouvait-il espérer ça? Tout de lui était gravé dans sa mémoire... Mais chaque fois où il se moquait d'elle car elle n'avait pas reçu de réponse à sa lettre était comme un couteau dans le cœur. Il l'avait donc crue si rapidement? Peut être n'osait-il pas lui dire qu'il préférait rester libre comme il l'avait toujours été... C'était faux, mais chaque jour sans sommeil et empli de mensonges d'Arnaud lui embrouillait un peu plus l'esprit... Il était presque parvenu à la convaincre qu'elle n'allait jamais le revoir... Elle commençait à avoir peur, chaque jour, les douleurs revenaient, plus fortes, c'était trop tôt, il devait normalement lui rester un mois et demi...

La journée avait commencé comme d'habitude, dans le froid, car il ne lui permettait de ne garder qu'une couverture, et elle avait les pieds gelés. Il la força à manger, la frappa. Puis il s'excusait en lui soignant ses plaies, lui caressait le ventre en parlant à "son enfant"... Puis il perdait patience, la frappait à nouveau, et cela recommençait... La seule consolation était qu'il évitait de la frapper au ventre, le petit était préservé. Elle tremblait, à la fois le froid, le manque de sommeil et le stress, lorsqu'un homme entra dans la grotte. Alarmée, elle se terra contre le mur. Arnaud fronça les sourcils, ne reconnaissant pas le combattant... Il sortit son épée, il avait eu comme idée de se servir de Kem comme bouclier humain, mais à cause de la chaîne courte, elle était hors de sa portée. Il se précipita vers le roux, qui sortit une masse d'arme. Kem ne comprenait rien à ce qui se passait, elle avait peur. Le roux avait peut être juste un différent avec Arnaud... S'il gagnait, qu'allait-il faire d'elle?
Elle ferma les yeux, tremblante.... Lorsqu'elle les rouvrit, le roux était penché sur elle... elle le regarda, épouvantée par tant de sauvagerie. Arnaud était mort, la tête littéralement explosée comme un fruit trop mûr. Le roux se pencha sur elle, l'observa et lui dit gentiment:

Sois sans crainte je suis Ryan l'ami de Exa...Et je suis aussi médecin je vais t'aider...d'après ce que je vois ...le travail avec tout ça ne tardera pas...du moins il se pourrait que...Il te faut du repos ce serait trop tôt , mais toute cette angoisse n'aide en rien ,je vais m'occuper de toi si bien sur tu me le permets !
Ryan?

Le nom de Ryan ne lui était pas inconnu, il lui rappelait Iseult... Elle se concentra, tentant d'oublier les contractions. Mais les derniers jours avaient été trop éprouvants, et elle s'évanouit.

La traversée se fit sans encombre.Toulon n'était qu'à quelques encablures de Porquerolles, les vents favorables... Ils aperçurent les lumières du port de Toulon juste avant que le soleil ne se couche. Il est vrai qu'on était à cette période de l'année où les jours étaient les plus courts, au solstice d'hiver. Le brun avait reçu une lettre de Kem. La naissance était imminente, mais elle avait le secours inespéré d'un ami médecin s'il avait bien compris. Un vrai cette fois... Mais Aubin s'inquiétait tout de même. Un vague pressentiment...
Ils descendirent tous du bateau. Exa avait été visiblement éprouvé par sa mésaventure, et il était collé par Violine, qui buvait chacune de ses paroles avec un air béat. Si jamais elle rencontrait Kem... Au coucher du soleil, Aubin s'approcha d'elle qui regardait l'horizon par le bastinguage. Le roulis n'était pas fort, le soleil jetait ses derniers feux...

La vraie aventure n'est pas vécue par le souvenir d'un autre. C'est à toi de la vivre... Pleinement.

Il ne savait as pourquoi il avait dit ça, pourquoi il le lui avait dit. Sa place n'était pas auprès d'Exaël, il fallait qu'elle se fasse une raison... Peut être réagirait-elle? Il ne saurait dire. Il se tu et regarda avec elle un moment le coucher de soleil. Bientôt, ils devraient aider à la manœuvre pour accoster...

Cyrilla soupira quand elle les laissa partir. Il lui faudrait engager de nouveau matelots, elle espérait que cette fois ils soient dignes de confiance. Elle ferait tout pour retrouver son frère, elle avait décidé d'aller vers Jérusalem. Comme prévu, elle leur donna de l'or, suffisamment pour rhabiller Exa, et leur payer des coursiers rapides afin d'arriver à temps à Bazas. Grâce à Aubin, elle avait pu conserver sa seule richesse: son navire de contrebandière. A l'heure des adieux, elle fit une petite bise sur la joue d'Aubin et le remercia...

La jeune femme se réveilla après un très long sommeil entrecoupés de cauchemars et de contractions très douloureuses... Elle avait de nouveau chaud, malgré la fraîcheur qui régnait habituellement dans le repaire d'Arnaud. Plusieurs feux avaient été allumés, et on l'avait bien couverte, de ses vêtements et de quelques couvertures. Le corps d'Arnaud avait disparu durant son sommeil, même si des traces sombres subsistaient sur le sol. Elle se laissa bercer par la douce chaleur et l'odeur agréables d'herbes aromatiques, refusant de penser à son ange qui lui manquait tant... Et à la lettre qu'elle avait été obligé d'envoyer... Elle refusait d'imaginer que peut être, elle ne reverrait jamais... Ryan, voyant qu'elle était enfin réveillée, lui proposa sans attendre une tisane...

Bois ça, fait moi confiance, il faut arrêter le travail, du moins le ralentir...
Je ne veux pas accoucher ici, c'est trop tôt!
Raison de plus pour avaler cette tisane... je n'ai pas toute mes herbes à disposition, ce serait dangereux d'accoucher icilieu. Et tu me dis que c'est trop tôt... Il faut arrêter les contractions, puis je t'aiderai à rejoindre l'auberge. Mais je te préviens, vu la marche qu'il y a à faire, je ne suis pas sûr que... enfin ... c'est risqué... d'abord un jour ou deux de repos, et on rentrera à ta chambre.

Kem but la tisane sans sourciller ni protester, puis mangea avec appétit. Après quelques heures et d'autres tisanes, les contractions cessèrent... Elle se sentait étrangement lasse, envahie de sommeil... Elle remarqua qu'il lui avait bandé les chevilles, et retiré les fers. Ça grattait un peu, signe que ses plaies guérissaient...
Quelques jours de repos plus tard, Ryan estima que le risque d'accouchement prématuré était écarté momentanément, et lentement, ils se dirigèrent vers l'auberge de Bazas. Il l'aida à ne pas glisser sur les chemins, notamment pour la traversée du gué. La jeune femme n'avançait pas vite, elle avait mal au dos. Les contractions reprirent peu avant leur arrivée à Bazas, la jeune femme devait s'arrêter toutes les dix minutes, appuyée sur Ryan, le temps que la douleur passe...

Il était tard à bord de la flèche. Ils venaient de lever l'ancre, Cyrilla était retournée dans sa cabine. Elle avait invité le jeune Aubin dans sa cabine, elle se demandait s'il allait oser venir la voir. Non pas qu'elle aurait changé d'avis et les aurait jeté à l'eau... Ca l'arrangeait même d'avoir une excuse d'aller à Porquerolles et réglé un compte là bas...

Elle s'habilla de manière à se mettre en valeur. Au cas où le mignon viendrait quand même... S'il osait. Elle était une femme forte, mais séduisante lorsqu'elle daignait sourire. Elle lisait lorsque...

Toctoc.

Elle eut un sourire de coin, et alla ouvrir au jeune. Il gardait les yeux baissés, lui jetait des coups d’œil furtifs. Timide? Son sourire s'élargit encore, et elle l'invita d'un geste à s'asseoir.

Viens donc, je ne vais pas te manger... Pas encore!

Elle s'esclaffa, ravie de voir l'effet qu'elle faisait sur le jeune homme. Mais... l'heure n'était pas à la bagatelle.

Il faut que vous sachiez ce qui se passe sur cette île. Ils ne vont pas vous laisser le reprendre.
Qui?
Les moines! Ils l'ont fait soigner, l'ont nourri ... Ca cache quelque chose. J'ai moi aussi un ... ami... sur cette foutue île. Il était... malade, je l'ai laissé là bas, avec de quoi payer pour un mois, mais à cause de la tempête, je n'ai pas pu arriver à temps. Ils ne m'ont pas laissé le revoir, soit disant qu'il avait intégré leur foutu ordre de soldats de dieu. FOUTAISES!
Il... était qui pour vous?
C'est mon frère jumeau... Seule, je ne peux rien faire...
Je vois. On pourrait s'entraider, pour les faire évader...
Exact. Tu vas rester ici une petite heure ou deux, je veux que notre discussion reste secrète. je n'ai aucune confiance en certains de mes matelots. Je suis une femme, alors je suis menacée. Une mutinerie, ça peut vite arriver...
Euh ... Et je dois... on va ... vous allez ...
Non! Sauf... si tu veux... Elle lui fit un gros clin d’œil, prit une pose lascive et éclata de rire. Elle lui désigna la table et le jeu d'échecs.
A toi de voir. Une partie d'échec... ou ... moi. Puis tu rejoindras ton ami le baraqué. Sois discret lorsque tu lui raconteras tout... Et ouvrez bien grand vos esgourdes. A la moindre menace de mutinerie, je compte sur vous.

Le voyage fut assez long jusqu'à son repaire. Il devait veiller à ce qu'elle ne tombe pas sur les chemins enneigés, tout en ne la quittant pas d'une semelle, pour ne pas qu'elle ne fasse quelque chose de stupide, comme essayer de se sauver. Elle ne pourrait pas aller bien loin dans son état, mais elle risquerait la vie du gosse et ça, il avait trop envie de mettre son plan à exécution. Il avait vu avec les prisonniers qu'au bout d'un moment, près de longues et savantes tortures, ils finissaient par se laisser façonner. Ils devenaient alors de redoutables combattants, peut être parmi les plus fidèles pour peu qu'on leur administra une piqûre de rappel de temps en temps. Il en serait de même pour l'enfant. Et comme il serait directement façonné dès l'enfance, il serait encore plus malléable, il ne risquerait pas de retourner sa veste. Pas comme sa mère. Il la savait assez rusée pour feindre un changement de comportement, aussi avait-il décidé de la maintenir avec des fers aux chevilles. Peut être les années, les décennies finiraient par la briser complètement. Il l'observa, dans son recoin, installée comme elle le pouvait sur sa paillasse, bien gênée par son gros ventre, lui lançant des œillades haineuses. Ah ça, il ne pouvait pas lui offrir d'auberge quatre étoiles, il ne fallait pas rêver! Avec le temps, quand il remettrait la main sur son magot, il l'installerait ailleurs. Mais avant ... La veille, il avait pu lire son journal et avait découvert que Exaël avait survécu et échappé à Joren. S'il savait qu'il l'avait ravie, elle et son enfant, il se mettrait en route à coup sûr... Il fallait tenter quelque chose. La garde du corps avait été laissée pour morte dans les sous bois, la louve hors jeu.

Atelier écriture, ma dame! Ne fait pas cette tête! Aaaaaah je sais... Tu as peur qu'il te croie, et te laisse vivre ta vie loin, avec son enfant? Je te le dis, à l'heure qu'il est il ne doit même plus se souvenir de toi, ou à peine... Ca te ferait mal ça, hein? Avoue ... Et quand je lis ton journal, je vois ici ( voix de fausset) j'aurai aimé qu'il me retienne, mais il n'en fera rien, gnagnagna... (voix normale) il est trop fier, hein? Vas y écris donc! Je vais te dicter...Tu verras ma belle, la certitude c'est pire que le doute. Mais moi, je serai toujours là pour vous, tu verras...


Il prit le vélin des mains, et le relu. Il ne savait pas bien lire, juste assez pour déchiffrer. La signature était assez éloquente. En tout cas ça devrait suffire. Il devrait le remercier, le renard, pour le débarrasser d'une mégère enceinte et de son mouflet! Il serait libre à nouveau de vivre sa vie d'homme, connaître des tas de femmes. Et lui, il pourrait façonner le gosse à son image. Il rêvait que ce soit un garçon. Quoique une fille avait ses avantages. Déjà, lorsqu'elle serait assez grande, elle pourrait égayer ses nuits. Puis lorsqu'il se lasserait, il la vendra à un bordel comme il y en a beaucoup. Si elle ressemblait à sa mère, elle vaudrait son pesant d'or! Beaucoup aimaient l'exotisme... et les jeunes enfants.

Ca m'a l'air bien... Mais attends, il faut qu'il soit sûr que ça vienne de toi. Donne moi ça! Héhé, ça va l'achever!

Il attrapa son pendentif, lui arracha et cacheta la lettre avec le motif de loup... Arnaud envoya le parchemin avec son pigeon. Kem utilisait d'habitude ses faucons, mais il ne pouvait pas le savoir. Comme le fait qu'elle avait utilisé son nom de baptême, les fautes intentionnelles notamment dans son nom... Elle espérait qu'il comprendrait la supercherie...
Il se pencha sur elle, avec ses yeux verts étranges, et lui présenta un bol de ragoût. Les fers avaient un peu abîmé la peau autour de ses chevilles, et il passa la pommade sur ses blessures, en ignorant ses regards de fureur et de dégoût. Un jour, cela changera se promit-il... Il observait ses cicatrices avec un air gourmand. Décidément, elle n'avait pas été ratée, ses copains étaient des artistes! De longues et profondes cicatrices... La peau avait dû être arrachée! Il surprit une lueur de mépris dans le regard de la jeune femme. Elle osait! Il leva une main comme pour la gifler, mais se ravisa. la veille, il avait perdu patience. Sa joue s'ornait d'une marque bleue, et sa lèvre avait été fendue. Il devait garder son calme et accepter qu'elle se rebiffe. De toute façons, pour l'instant, il ne pouvait pas trop commencer son éducation, pas avant qu'elle mette au monde le mouflet. Il devait la soigner, la nourrir. Et puis, il y avait d'autres manières de torturer que physiquement. Il pensa au projet avorté de Joren, et imagina Exaël en voyant son cadeau, la tête de sa femme et son enfant mort, et eut un rictus ravi. Il lui ouvrit la bouche de force et la força à avaler la grosse portion de ragoût...

Tu dois prendre des forces ma jolie, pour que notre enfant soit en forme! Et gare à toi si tu vomis ou recrache tout... je te le ferai avaler de nouveau autant de fois que nécessaire! Tu vois, je prends soin de toi... Oh, tu as froid? Attends...

Il lui lança une couverture, dans laquelle elle se pelotonna. Même s'il adorait la voir nue, plus pour le plaisir de l'humilier que par désir, il ne voulait pas qu'elle attrape un mal quelconque...

Le bateau était encore loin de la côte, et l'eau si froide... Nezumi sentit son bras la brûler, à cause du sel. Une flèche avait du lui érafler le bras, rien de bien grave, heureusement. Au loin sur le bateau, un canot avait été mis à l'eau. Elle espérait que le jeune brun avait réussi à se libérer, si elle avait eu plus de temps, elle l'aurait fait fuir avec elle dans un canot volé, de nuit, incognito. Elle se dirigea vers la côte, en un crawl parfait. Elle luttait contre le courant, et elle commençait à sérieusement se refroidir et se fatiguer... Jamais elle n'arriverait jusqu'à la plage ... et elle voyait le canot revenir vers le rafiot, Arnaud devait déjà être descendu à terre pour sa mission à Bazas, à savoir revenir avec les dépouille de Kem et du petit. Elle redoubla d'effort, ne pensait qu'à avancer, encore et encore, focalisant son esprit sur cette idée, à tout prix, avancer, nager. Le soleil s'était levé entre temps... Son esprit commençait à s'endormir, à cause de l'hypothermie, ses yeux se fermaient, ses mouvements se firent plus mous, moins coordonnés... Elle pensait abandonner, s'endormir, se laisser dériver... lorsqu'elle sentit qu'on l'éclaboussait, qu'on l'attrapait, pour la tracter vers le rivage. Le fils d'un pêcheur avait vu la femme en difficulté et avait nagé jusqu'à elle. Elle y était presque! Elle avait failli abandonner près du but!
Il l'amena à bout de force dans leur cabane, pour manger et se réchauffer... Elle était si pâle, ses lèvres bleues, tremblante, qu'il refusa de la laisser partir immédiatement. Lorsqu'elle se sentit mieux, après une bonne soupe chaude, et avec des vêtements secs, elle prit congé. Elle vola un cheval à la sortie de la ville et galopa aussi vite que possible vers Bazas... en espérant arriver à temps!

Ils étaient à Naples depuis près de deux semaines, et ... Rien. Personne n'avait vu, ni entendu la moindre rumeur sur le Corbeau Noir. Le bateau avait disparu, corps et bien... Ils s'apprêtaient à rentrer bredouille à Bazas, se demandant comment Kem prendrait cela, lorsqu'un faucon pèlerin vint à eux... Il était porteur d'un message très court.



Aoki s'autorisa un sourire sur son visage qui semblait taillé dans le roc. A l'inverse de lui, le jeune Aubin avait des traits plus fins, était prompt au rire et souriait souvent. Il s'inquiétait cependant pour Nezumi et pour sa soeur. S'il échouait à ramener Exaël ... Il avait le front barré par les soucis, tandis qu'il se frayait un chemin dans la cohue du marché. Il avait acheté de quoi manger ce jour là, mais il savait que bientôt, Aoki voudrait repartir protéger Kem. Lorsqu'il rejoignit le colosse qui lui tenait de professeur, il s'aperçut qu'Aoki souriait. Joyeusement, il se rapprocha de lui...

Une bonne nouvelle?
Oui. Il est vivant, sur une île.
Une île? On a pas de bateau!
On en aura un.

Il n'en dit pas plus, mais Aubin savait qu'un bateau coutait très cher... Soit il leur faudrait trouver quelqu'un qui accepterait de faire le détour, soit ... le voler! Connaissant les Napolitains, il n'était pas sûr de trouver un capitaine honnête prêt à leur rendre ce service. Et avec un capitaine malhonnête, ça risquait de leur coûter très cher, et il ne tenait pas à finir en pâture aux requins car malgré leur accoutrement de très bon aloi et leurs armes magnifiques, ils n'étaient pas seigneur. Et ne possédait pas d'or sur eux.

La nuit venue, ils se glissèrent comme des ombres, sur le quai, dans un bruit. Aoki avait repéré une petite goélette qui semblait rapide, et avait jeté son dévolu dessus. Ils avaient réussi à saouler quelques matelots, en ville, qui ne seraient donc pas à bord. Il ne restait qu'à monter, couper les amarres et le bateau serait à eux! Ils ne tombèrent que sur un matelot qui était sensé monter la garde, mais, dégouté de n'avoir pu aller en taverne avec les autres, s'était tout bonnement saoulé tout seul à son poste. Les deux guerriers le bâillonnèrent, et le descendirent sur le quai. Il ne s'était même pas réveillé.
Aoki demanda à Aubin de lever l'ancre, pour profiter de la marée haute, et Aoki s'arrangea pour libérer les voiles... lorsqu'une voix railleuse les surpris, tandis qu'une femme les toisait, une épée à la main... Qu'elle pointa sur les reins d'Aoki, qui leva les bras et se retourna pour regarder son adversaire... une femme, une rousse très grande et bien bâtie au minois assez agréable...

Vous .... je vous déconseille fortement de faire ça! Lâche cette amarre! Un seul mot, je vous embroche, et vous irez engraisser les requins!
Faire quoi?
ben... me voler le bateau, pardi! Vous êtes les deux étrangers qui veulent aller à Porquerolles?
Oui. Personne n'a voulu nous emmener.
Mais normal, il n'y a rien à faire là bas! Foutus moines...
Un ami à nous a échoué là bas...
Tu me diras, il aurait pu tomber pire, comme dans l'estomac d'un requin... Bon. Je vous emmène si vous m'aidez à débarquer ma camelote. Les foutus matelots que j'ai payé sont partis boire, mais le travail attend, comprenez que je doive faire ça de nuit... pour être discrets... La contrebande, c'est risqué ici. Et visiblement, je ne peux pas compter sur ce tas d'imbéciles. J'aimerai profiter de la prochaine marée... Je suis Cyrilla, capitaine du "Flêche des mers". Si vous me vider la cale des quelques tonneaux, je vous emmène là bas. J'aurai besoin de deux matelots de plus...
Nous sommes Aoki et le jeune là bas est Aubin.
Fort bien. Au travail! Et vous me les déposerez un peu plus loin, à l'auberge " l'ombre du Vésuve". Et toi... Aubin? C'est bien ça? T'es bien mignon, tu me plaît! Viens dans ma cabine quand tu auras fini.

Sur ces paroles, elle retourna sur le pont préparer le départ imminent vers Porquerolles, tandis qu'Aoki, chose rare, s'esclaffait en voyant Aubin rougir jusqu'à la pointe des cheveux. On devinait que jamais on ne la contredisait, et Aubin se demandait à quelle sauce il allait être mangé...

Ils avaient enterré vite fait le misérable poivrot qui avait si vite trahi son chef. Cependant, Akira s'inquiétait. Il avait trop vite parlé, et Aoki avait été surpris par uen sentinelle. Leur voyage devait déjà être bien préparé, le bateau devait les attendre. Nezumi était partie très vite, elle allait se faire engager comme mousse. Sa petite taille, son androgynie, ses cheveux courts, sa discrétion pouvait facilement la faire passer pour un jeune garçon, ainsi que la recherche d'une autre caraque à acheter. Il fallait soudoyer le capitaine pour connaitre leur destination...
Ils ne pouvaient pas attaquer de front. Le temps que d'autres mercenaires les rejoignent, ils allaient se contenter de les suivre, ne pas se laisser distancer.
Ils allaient repartir, lorsque d'une flèche fut tirée. Il entendit le sifflement, et le bruit mat. Il avait touché quelqu'un, et pas un arbre... Immédiatement, ils plongèrent tous au sol. Mais l'un de ses compagnon était tombé avec un bruit sourd au sol.
Il sentit comme une humidité sur son visage, et essuya machinalement sa joue. Il s'aperçut que ses doigts étaient rouges de sang. Lequel des deux? Akira, ou le jeune Aubin? Il entendit l'homme, tombé au sol, gargouiller. Il n'en avait plus pour longtemps vu le bruit, mais dans la pénombre, il ne savait pas lequel des deux autres avait été touché. Leur adversaire, s'avança près de leur feu de camp...



Aoki se leva, il crut voir dans le noir un de ses compagnon agenouillé aux côtés de l'autre, murmurant des paroles de réconfort dans leur langue fluide, mais il ne put savoir lequel des deux était mourant. Akira, ou Aubin? Si c'était Akira qui était touché, il valait mieux qu'il affronte le Aldo. Auin était trop jeune, il n'avait pas eu la formation complète de frère noir. On le considérait comme frère noir Honoris Causa, mais il était encore jeune, à peine sorti de l'adolescence. Et si c'était Aubin, il était entre de bonnes mains avec Akira, le plus sage et âgé d'entre eux.. Il fit un signe à ses compagnons. Il irait. Il se leva, dans le clair de la pleine lune, se débarrassa de shitagi, laissant la lumière de la lune jouer sur ses muscles saillant, sa poitrine couturée de cicatrices de guerre, et de son tatouage de frère noir.
L'homme semblait hystérique, il criait, se laissait envahir par la haine. Un tel homme était dangereux, car il serait imprévisible. Sa force ne ferait aucun doute. Aoki attrapa son sabre, embrassa la lame.

Soit mienne ce soir, et abreuve toi de ce sang. Pour mon frère noir.

Sa voix était grave, imposant le respect. Il avait murmuré sa prière, et s'avança dans la lumière du feu, faisant face à l'homme. Ils étaient tous les deux imposants. Aldo se précipita immédiatement pour croiser le fer, tentant par quelques bottes vicieuses de le tuer. Mais Aoki para presque chacune des coups, sauf un qui lui érafla le bras. Un fin sourire éclaira son visage. Il avait durant des quelques minutes repéré la faille chez son adversaire. Il était fort, très fort, rapide, ça ne faisait aucun doute. Mais lorsqu'il utilisait une certaine botte, il laissait un champs libre. Pour quelqu'un qui n'était entrainé comme les frères noirs, il ne laissait aucune faille, mais Aoki était à même de s'engouffrer dans la brèche. Il laissa croire que ce mouvement là lui posait problème, et Aldo, exultant, l'utilisa plusieurs fois de suite, pensant le terrasser. Il se laissa encore blesser légèrement, et il feinta la fatigue, la lassitude. La douleur décuplait cependant sa détermination. Aldo s'apprêtait une dernière fois à utiliser sa fameux revers à deux bras. Aoki pensa à son frère agonisant, et poussa un cri, un seul, un cri puissant. Il brandit son sabre haut, très haut, et l'assena en un coup un seul, de biais. Aldo s’effondra, littéralement coupé en deux! Il considéra sa lame, une lame héritée du plus grand armurier de Nihon Koku, Hiro Matsamune, son grand père, en acier trempé, une des rares capable d'un tel exploit. Il savait que Kem en possédait une aussi, de ces fameuses lames.
Il essuya son visage avec un linge, essuya sa lame, et se précipita auprès d'Akira et Aubin, se demandant lequel des deux avait été touché par la flèche...

Ça n'avait pas été facile. Elle avait commencé par essayer d'écouter les racontars de taverne, après avoir conclu un marché avec le tavernier. Elle payait les tournées générales, mais sans avoir à s'exposer. C'était nécessaire pour la suite du plan. Mais elle put apprendre ainsi la destination de la plupart des navires en partance. Naples, Alexandrie, Vannes, Poirt Lairge, Southampton... Deux seuls attendaient leur cargaison de passager, le corbeau noir et l'Hippocampe.
Elle put soudoyer le second du corbeau noir, et sut que c'était LE bateau. Ils allaient à Naples. Elle envoya une missive directement à ses compagnons. Elle réussit à s'y faire engager comme mousse auprès du second du capitaine. Habillée simplement, sa petite taille et son androgynie la faisait facilement passer pour un jeune garçon.
Elle ferait à bord du corbeau des tâches ingrates comme lessiver le pont, grimper aux mats vérifier les cordages, et aide aux cuisine. Ses cheveux dans les yeux, personne n'avait remarqué que le petit garçon qu'il surnommait petit singe tant il était habile pour grimper était en réalité une femme aux yeux foncés et bridés...

Elle les vit arriver, l'homme défiguré par une morsure de loup, les treize hommes et leur précieux prisonnier, Exaël. Il fut rapidement placé aux fers, dans la cale. Nezumi était postée sur le filet tendu le long des mats, elle pouvait ainsi tout observer à défaut de bien entendre. C'était moins risqué. Elle vit un des hommes amener des catins à bord, provoquant la fureur du chef, Joren. Elle se firent toutes massacrer, et balancer par dessus bord, sous les yeux effarés des badauds sur le port... Puis le corbeau partit, toutes voiles dehors, vers Naples....

Nezumi fut chargée d'amener le repas du prisonnier en cale. Silencieuse, obeissante, les épaules voutées et la tenue douteuse, elle amena le quignon de pain rassis, un morceau de hareng saur et un pichet de mauvais vin coupé d'eau au prisonnier. Elle fit très vite, montra l'air de rien son tatouage sur son avant bras, remonta ses mèches noires pour qu'il voie ses yeux bridés, comme Kem et comprenne: tu n'es pas seul. Elle mit son doigt sur ses lèvres. Une seule exclamation de surprise et tout serait perdu... Puis elle fila prestement, son devoir fait. Au moins il était vivant...

Ils ne s'étaient pas aperçus tout de suite de l'absence d'Owen. Ils finirent par fouiller la bateau de fond en comble... Ce fut l'odeur qui les attira jusqu'au fameux tonneau. Joren laissa éclater sa rage, et fouetta un matelot, puis un de ses propres hommes. Il savait qu'ils avaient été infiltrés, et hésitait à torturer chaque membre de l'équipage. Mais Nezumi savait se rendre invisible, insignifiante. Elle savait qu'il la piégerait tôt ou tard, et dès lors, un choix devra être fait...
Le soir même, il tortura Exaël. Un autre mousse avait été chargé d'apporter le repas et lui rapporta que le jeune brun gémissait, une flèche dans la cuisse... Elle continua sa tâche, nettoyer le pont, en réfléchissant à ce qu'il fallait faire... Se faire prendre n'était pas envisageable, mais elle ne pouvait laisser Exa souffrir ainsi...
Pendant ce temps là, une étrange maladie avait touché 5 membres de la griffe dont le second. Trois d'entre eux moururent, empoisonnés par le whisky qu'elle avait corrompu. Elle pensait viser Joren, mais l'homme ne buvait pas d'alcool... Trois tués, un poignardé, et deux malades comme des chiens, c'était un bon score...

Alors qu'elle se dirigeait vers la cale, elle entendit Joren discuter avec un de ses hommes parmi les plus sadiques... Elle se plaqua contre le mur, dans l'ombre... Ils parlaient de l'escale du lendemain. Ils comptaient envoyer quelqu'un empoisonner Kem, et l'enfant qu'elle portait...

Il jeta un coup d’œil à ses compagnons de traque. Ils étaient quatre, plus le loup noir, Soen'. Akira, Aoki et Nezumi étaient arrivés la veille au soir, à Marmande. Aubin avait passé ce temps là à relever les indices autour de Bazas... Rien ne se lisait sur les visages de ces traqueurs au masque taillé dans le marbre. Les derniers de la confrérie noire originelle, telle qu'elle existait autrefois. Akira, le soldat, moustachu la trentaine, le visage dur aux cheveux ramassés dans un chignon sévère, grand, musclé et aux épaules larges, Aoki, qui semblait être le frère d'Akira, un autre soldat au crâne lisse, et Nezumi, frêle jeune femme androgyne, qui ressemblait fort à Aubin, sauf que son visage avait des traits plus doux, la mâchoire moins carrée.
Aubin repensa aux indices relevés la veille, qu'il partagea avec ses compagnons. Des traces de lutte, mais aucune goutte de sang. Il avait vu un endroit, où l'herbe couchée étrangement évoquait une épée jetée au sol. Vraisemblablement, Exael s'était rendu. Mais pourquoi? Soen' grondait en reniflant le sol. Aubin aperçu, dans la boue, de nombreuses traces de pas. Un Schéma semblait se dessiner... De nombreux combattants, le jeune homme se rend ... Et pas de sang. Ils l'ont bel et bien enlevé, elle avait raison, Kem!
Pourquoi une telle mise en scène? Pourquoi ne pas l'avoir fait simplement tuer, ou disparaître? Le mystère restait entier.
Il envoya un faucon à sa soeur, pour lui confirmer ses craintes. Dans son état, inutile de la laisser dans le doute et la peur, il valait mieux qu'elle sache tout. Sinon, elle allait sûrement se lever et tenter de le retrouver...
La piste était encore fraîche, mais ils avançaient vite. Nezumi découvrit des traces d'une compagnie de chevaux non loin du lieu du forfait. S'ils avançaient à cheval, il allait être difficile de les suivre....

Le jeune homme ne tenait plus en place depuis qu'il avait reçu le courrier. Pas grand chose, juste quelques kanji, "viens vite" et la ville où elle était. Il avait alors chevauché à bride abattue, sans prendre de repos, jusqu'à Bazas, en Guyenne. Il voyageait dissimulé sous une large cape à capuche, dissimulant ses traits orientaux inhabituels, et ses manières félines ainsi que sa taille fine aurait pu le faire passer une une jeune femme, une grande femme, androgyne. Silencieux, il savait se faire invisible, habile à la traque, patient et subtil. Il se demandait pourquoi elle l'avait appelé. Avant qu'il ne parte, alors qu'il venait de poignarder Exael par erreur, elle lui avait pardonné son geste, et il lui avait promis qu'un jour, il laverait son honneur, de quelque manière que ce soit. Il était resté dans les parages, et le jour était arrivé. Il espérait que se soit juste le désir de le revoir, de renouer des liens, mais il y avait un caractère urgent dans la manière dont la plume avait percé le vélin, les caractères griffonnés à la hâte... Il fronça les sourcils, tandis qu'il se glissait en ville, furtif, jusqu'à l'auberge où elle se trouvait. Il observa par la fenêtre, une femme en arme, énergique, faisait les cent pas dans la chambre, mais ce n'était pas Hanako... Kem était dans le lit, et il eut un choc en voyant le visage comme pétrifié, le teint grisâtre, les cernes violettes. Toute énergie semblait l'avoir quittée, aucune flamme ne luisant dans ses yeux d'habitude si expressifs... Il attendit que la femme en arme sortit de la chambre avant de s'y glisser, souple comme un chat, avant de dévoiler son visage à sa sœur. Un plat de nourriture froide à peine entamé trônait sur la table... Lentement, très lentement, cette dernière leva les yeux, sembla un moment ne pas le voir, puis un fin sourire étira ses lèvres, un sourire sans joie, un léger soulagement, peut être, car il était là et avait répondu présent. Ses yeux restaient cependant froids comme deux onyx, durs et brillants. Et lorsqu'elle prit la parole, sa voix était ténue, douce mais presque inaudible. Il devina que si elle parlait plus fort, elle allait craquer et perdre le contrôle d'elle même, de désespoir. Il s'approcha, et prit sa sœur dans ses bras, mais elle restait roide et crispée. Il comprit qu'elle avait besoin de garder le contrôle avant de s'effondrer. Il l'observa, tandis qu'elle semblait incapable de parler, lui tendre un morceau de vélin à l'écriture brouillonne. Il fronça les sourcils en déchiffrant.

Il.. t'a quitté? dans ton état? Il a osé??

Elle secoua la tête en signe de dénégation, avec véhémence, puis inspira longuement, comme pour prendre courage. Elle parla d'une voix douce et atone, tandis que ses yeux brillaient et s'animaient soudainement.

NON! Ce n'est pas... lui. Un leurre. Il a été ...

Une faute dans le nom... Il posa sa main sur la sienne, et sursauta de trouver sa peau si froide. Inutile qu'elle aille plus loin, il avait compris. Traquer, suivre, aider, recruter. Il allait retrouver Akira, et trouver deux trois compagnons pour suivre et remonter la piste. Il observa Soen' de ses yeux noirs, insondables. Le loup noir posa sa tête sur son genou, comme s'il avait deviné ce qu'il allait faire, et le suivrait pour l'aider. Aubin cligna lentement des yeux, ce que le loup interpréta comme un assentiment, et il posa sa patte sur sa jambe, comme pour sceller le pacte. Le jeune homme reporta cependant son attention sur sa sœur. Il n'était pas bon qu'elle se mure dans son chagrin ainsi... il la prit dans ses bras, chantonna une des berceuse de leur enfance lui murmura qu'il le retrouverait, qu'il l'aiderait. Il la connaissait bien. Elle le regarda, lui lança un regard comme une supplication : aide le, trouve le, ramène le. Il savait qu'elle ne pouvait pas se déplacer dans son état, sinon, elle serait déjà sur ses traces...
Il l'étreignit, puis sortit de la chambre, toute à son chagrin, se dirigea vers la médicastre qui le rassura sur son état. Elle avait interdiction de quitter le lit pour deux semaines. Elle avait essayé de suivre ses traces, mais les contractions s'étaient intensifiées, jusqu'à la plier en deux, incapable d'aligner deux pas, ramenée de force par l'autre brune à l'auberge. Il savait qu'elle aurait été capable de se traîner jusqu'à s'écorcher les genoux pour lui, son amour, le père de son enfant... Il enviait Exael pour cela, car lui aussi aimerait connaître un tel amour. Il s'approcha de la brune en armure, une noble dame habillée en simple soldat, il avait deviné à l'aura qu'elle dégageait qu'elle était chef du groupe.

Prenez soin d'elle.

Une phrase assenée comme un claquement de fouet, presque un ordre, avec son accent inimitable. Et ce fut tout, il partit sans cérémonie, Soen' sur ses talons, et disparut dans la nuit. La traque ne faisait que commencer...

Exaël avait prit ses fonctions auprès de la vicomtesse bien qu’il ne savait pas vraiment ce quelles étaient….Pour l’heure ils l’avaient rejoins à Poitiers .La route avait été calme, deux bonne journées de cheval. Cela représentait environ 223097 pieds (68km) , en somme une bonne petite escapade de quoi bien dégourdir les sabots des chevaux.

Poitiers était une jolie ville, la capitale du Poitou mais trop calme malgré tout. Ils y restèrent quelques jours, afin de procéder à un itinéraire précis mais aussi le temps de trouver des personnes pouvant les accompagner en Guyenne.

La comtesse voulait absolument quitter cette quiétude Poitevine et décida de s’établir à Montauban et c’était la principale raison de leur présence : une mission d’escorte. Ca leur permettrait de voir du pays de leur changer les idées mais ce n’était pas vraiment ce qu’attendait Exaël…

Un soir alors que Kem se reposait il s’occupa des chevaux, leur changea leurs fers, les brossa. C’était quelqu’un de consciencieux du moins il aimait l’être…

Après leur avoir donné leur nourriture il se rendit dans une taverne, vida quelques pintes, fit la connaissance d’une ribaude du nom de Célia , elle le trouvait à son gout il lui paya quelques chopes mais refusa tout autre chose…L’idée lui traversa l’esprit malgré tout , elle avait de longs cheveux brun qui descendaient jusqu'à ses fesses , une poitrine bien fournie , pas de kilos en trop , un visage fin et de beaux yeux verts…De quoi faire tourner la tête d’un homme , sa tenue était si aguichante , il était vraiment dur d’y résister surtout après tant d’abstinence …Exaël pourtant ne se laissa pas tenter et retrouva sa bien aimée qui dormait paisiblement , il lui caressa le visage , ses lèvres , lui déposa un baiser et s'installa à ses côtés pour finalement s'endormir...

[ Saintes ]

Ils étaient partis du feu de camps à l'aube, et avaient chevauché jusqu'à arriver à Saintes, dépassant la Rochelle sans même ralentir. Elle avait commencé le voyage sur sa jument, aux côtés d'Oane, puis, la fatigue se faisant sentir, dans le carrosse. Elle avait tendance à s'endormir au cours de l'après midi à présent, d'autant plus qu'elle avait mal dormi à cause de cette histoire de catin. Il n'avait rien fait, mais elle avait douté, l'espace d'une minute... Et elle s'en voulait, car il avait été vraiment peiné lorsqu'elle le lui avait avoué. Exa ne l'avait pas trahie, mais l'idée lui avait tout de même traversé l'esprit... En son for intérieur, elle se sentait un peu blessée tout de même.
C'est songeuse qu'elle arriva dans la taverne et commanda sa tisane au miel. D'autres clients étaient attablés, elle ne leur prêta aucune attention, toute à ses pensées, lorsque...

Oh bonne mère! Une tisane? C'est une blague? Depuis quand ma louve a renoncé à la bière?

Kem sursauta. Ça faisait longtemps qu'elle n'avait entendu cette voix et son accent chantant provençal. Très longtemps. Un temps qui datait d'avant Exaël, avant Tours. Du temps où elle fuyait de ville en ville -et de lit en lit- sans jamais se poser. Il n'avait pas dû voir qu'elle était enceinte, c'était encore discret, surtout sous une cotte de maille...

Il s'approcha, s'installant à sa table, son éternel sourire enjôleur sur ses lèvres. Les cheveux châtains et ondulés un rien plus long, ses yeux bruns brillants et toujours cette avidité dans son regard de prédateur. Florent était un charmeur, un dragueur, se complaisant dans la conquête des cœurs, et des âmes si possible innocents et chastes. Il avait connu Kem à Tours. A l'époque, la jeune femme était une solitaire, et parfois elle recherchait l'illusion de l'amour dans les bras d'un homme. Florent, lui, était un éternel amoureux, ne vivant que pour la séduction et le challenge des relations impossibles... Sauf pour lui, séducteur né. Un homme dangereux... Ce qui avait été pour elle un genre d'ami, autrefois. Quelqu'un avec qui elle passait parfois du temps, pour briser sa solitude. Ils ne se voyaient que lorsqu'ils se sentaient trop seuls, et il lui disait alors avec son accent chantant:
Viens, viens, Tout ira bien....
Viens, viens, tuons ce besoin...

Ils se voyaient de temps en temps, quelques heures, le temps de se croire amoureux, se mentir à eux même en se moquant de ceux qui vivent deux par deux, les yeux dans les yeux, qui rêvent en attendant mieux, deviennent vieux ou crèvent, s'aiment en attendant mieux...
Puis ils retournaient à leur solitude, avant de ne plus pouvoir se supporter, elle avec son indifférence, sa froideur, son cœur de pierre, elle qui refusait de tomber amoureuse et lui, son désir insatiable de conquêtes féminines, de changement, ce besoin d'avoir ce qui n'était pas à lui.

Tiens donc... Florent... Tu as changé de terrain de chasse?
L'homme sourit en entendant la pique et mit les pieds sur la table. Quelque chose en elle avait changé depuis Tours. De la sagesse, de la paix... Il était intrigué, quelque chose avait bel et bien changé et lui échappait. Il se sentait attiré malgré lui.
Eh oui princesse, j'étais trop connu à Tours, ma tête a été mise à prix par un noble qui n'a pas supporté d'être cornard.
Alors, ma beauté aux yeux en amandes... Tu as disparu de Tours, toi aussi. J'avoue que tu me manques certains soirs, ma sauvage... Dis moi...Depuis quand t'as renoncé à boire?
Je suis enceinte, Florent.
Quoi? Toi, avec un mioche? La bonne blague! Je pensais que tu étais... Bréhaigne. Qui est l'infortuné père que tu as pris au piège, beauté?
Piège? Qu'est ce qui te fait dire que j'ai piégé quelqu'un? Ne te méprend pas, c'est un enfant désiré. Je suis fiancée à Exaël de Payzac. Et nous sommes heureux.
Fiancée? Il t'a baladée, t'as même pas de bague! Exaël... Exaël, tu dis? Tu t'es faite avoir, il a une de ces réputations... Un coureur de jupons, un spécialiste des fiançailles rompues. Il m'en a soufflé des bons coups... Un rude concurrent, je me demandais où il avait disparu! Ma pauvre petite princesse... Tu as un flair pour les embrouilles et mauvais plans!
Tu ne peux pas comprendre, Florent... Je ne pense pas que tu puisses le concevoir. C'est le véritable amour, cette fois. On ne peut faire l'un sans l'autre... Je n'ai pas besoin de bague, regarde ce pendentif. Fait juste pour moi!
Il ne jeta même pas un regard sur le bijou en argent avec un saphir, un loup au clair de lune ...
Ma belle, si tu savais combien de fois je l'ai sorti le couplet sur l'amour véritable, la fidélité...Tôt ou tard, il ira roucouler ailleurs, si ce n'est pas déjà fait... Surtout vu ton état. Moi, ça ne m'empêchera pas, tu me connais... Quand ça te manquera trop, tu pourras compter sur moi, héhé!
Elle le fusilla du regard, et but sa tisane, les joues rouges de colère et d'embarras, tandis que d'autres clients arrivaient peu à peu dans la taverne. Il lui sourit, goguenard, puis mis le bras sur son épaule, protecteur. Elle détesta ce geste, comme si elle lui appartenait, et haussa une épaule pour lui déloger le bras, mais il resserra son emprise. D'autres personnes entraient dans la taverne, mais aucune ne vint à eux, elle ne pouvait espérer aucun secours!
Tôt ou tard, il ira butiner ailleurs, et toi ma princesse, et tu reviendras à moi, comme avant. Je suis sûre que la liberté te manque! Je n'arrive pas à croire que tu te sois entichée d'un homme... Et tu te crois amoureuse en plus! Toi qui refusait d'appartenir à quelqu'un! Qu'a t-il de plus que moi, beauté?
N'essaye pas de te mesurer à son aune, tu ne lui arrives pas à la cheville. Et il ne butine pas ailleurs!
T'es belle quand t'es en colère! Oh, je veux bien croire que je ne lui arrive pas à la cheville...Vu le nombre de conquêtes que la rumeur lui donne! Il paraît que chaque ville compte une ou plusieurs donzelles qui espère son retour. Et puis, la fidélité, quelle grosse blague! Une invention de cul béni frigide, ça...
Ohlala... La grossesse te va bien, beauté, je ne t'avais jamais vue aussi épanouie... je suis sûr qu'ils ne tiennent même plus dans mes mains ces deux là...
Il essaya de la peloter comme pour vérifier ses dires, mais elle lui colla une gifle. Puis Kem tenta de nouveau de se dégager, mais il la retint impitoyablement par les épaules. Et Exaël qui n'arrivait pas.! Elle reconnut dans ses yeux la lueur avide qu'elle connaissait si bien. Il ne la lâcherait pas tant qu'elle ne lui aurait pas donné ce qu'il veut, bébé ou pas, fiancée ou pas, il la voulait... Et Exaël qui n'était pas là!
Tu m'as posé un lapin, la dernière fois... Tu sais bien que je déteste ça. Ça mérite réparation, tu ne penses pas, princesse?
C'était vrai. Lorsqu'elle avait rencontré Exaël, et qu'ils succombaient mutuellement au charme l'un de l'autre, celui qu'elle appelait maintenant son ange lui proposa, un soir, de partager sa chambre. Elle refusa, sous prétexte qu'elle avait déjà un rendez vous ce soir là. C'était avec Florent. Mais la soirée avec Exaël se poursuivit si agréablement qu'elle changea d'avis, et surtout quelque chose changea tout. Car exael lui vola un baiser...
Et Florent avait dû l'attendre, car elle ne le rejoignit jamais. Jamais plus d'ailleurs...
Tu ...es ...à moi. Viens, viens... Tout ira bien...
Etait-il capable de comprendre que tout avait changé, qu'elle avait trouvé le seul, l'unique et véritable amour de sa vie? Non. Il ne pensait qu'à la posséder une dernière fois pour venger sa fierté blessée. Il lui tenait à présent le poignet et commença à le tordre...

Il avait gagné, les yeux plantés dans les siens, quelques secondes de bataille âpre et violente, durant lesquelles elle eut un aperçu de ce qui se passerait si Darken était revenu.

Elle se voyait errer, l'âme en peine, fantôme parmi les autres, morte en sursis, survivre uniquement pour donner le jour à leur enfant avant de disparaître dans les limbes...
Et puis un soir elle fera ses valises, celles que la vie a mise hors de toi, elle roule, épouse la route, son chemin de croix, et sa vie s'organise autour de ça...Ce nouvel état qu'on décolonise...le temps coule, un goutte à goutte, un sablier de poix...

Pourquoi autant d'acharnement, de mises à l'épreuve de son renard? Le destin est cruel, il les tourmentait sans cesse, lui comme elle. Mais malgré ça, ils s'aimaient chaque jour plus intensément. Il l'étreignit, et l'embrassa, sans retenue, sans ambages, passionnément. Il les étreignit, elle et le fruit de leur amour.
Oui, le feu les caractérisait, tous les deux. Deux âmes forgées dans les flammes, dans le chaos des évènements de leur passé. Et il la regarda, comme si elle était son trésor, son garde fou, son amarre. De tous ses rêves elle était l'amirale, la proue des lendemains, l'invincible armada. Et il était de même, elle ne vivait que pour lui, l'avait déjà perdu et s'était juré de ne jamais, jamais le perdre une nouvelle fois! Personne ne semblait comprendre ni percevoir ce qui les unissait. Des personnes qui confondent colère et haine, flammes et brûlures, folie et aliénation, amour passionné et obsession...
Un dernier regard vers l'homme haineux qui se trainait lamentablement au sol, qui, comme d'autres, avait essayé de détruire ce qu'il ne comprenait pas. Un qu'elle avait côtoyé, sans qu'il n'arrive à l'émouvoir, car il n'avait eu qu'un aperçu, l'enveloppe, de la femme qu'elle était. Le seul qui la possédait corps et âme se tenait devant elle, la tenait dans ses bras, la regardait intensément, tendrement. Le seul qui a réussi à la toucher au delà des cicatrices, au delà de la façade.
Florent, un homme pitoyable, qui confondait amour et attachement, avec la haine et la possession.

To all the kids with heroin eyes,
A tous les enfants aux yeux chargés d'héroïne
Don't do it, don't do it.
Ne le faites pas, ne le faites pas.
Because it's not not what it seems,
Parce que ce n'est pas ce qu'il semble,
No no it's not not what it seems.
Non non ce n'est pas ce qu'il semble.

Salvation, salvation, salvation is free...
Le salut, le salut, le salut est gratuit...

Ils se promenèrent en silence, à pas lent, étroitement enlacés, suivi par leurs loups et deux petits louveteaux gris... Ils revinrent au campement, et il resta quelques minutes, le temps de la border, l'embrasser, l'enlacer, lui caressant les cheveux tendrement, jusqu'à ce qu'elle s'endorme auprès de lui. Puis il se releva pour faire sa ronde habituelle, suivi par Soen', tandis que yûki et les petits se pelotonnaient contre Kem.

Au petit matin, la troupe se mit en route. Exaël n'était pas là... Déjà parti? Soen' était là, lui, elle avait souvent l'impression qu'il veillait sur elle et le bébé. Etrange... Kem fronça les sourcils, prise par une angoisse terrible, malgré les paroles de réconfort des autres, qui disaient qu'il avait du partir en éclaireur. C'était plausible, après tout, il tenait à cœur sa mission de protection de la comtesse, et aussi la leur, à elle et au bébé qu'elle portait. Ils partirent donc sur les routes, vers Bazas, mais jamais ils ne rattrapèrent Exa...
Il n'était pas à Bazas. Elle n'aimait pas ça... Elle se pencha vers Soen', le regarda longtemps dans les yeux, lui flatta la tête, avant de le laisser filer à la recherche de son renard...

"Qui apaise la colère éteint un feu ; qui attise la colère, sera le premier à périr dans les flammes. "

de Hazrat Ali

La colère était une des essences de sa vie, s’il n’avait pas ce feu qui brulait en lui , surement qu’il deviendrait tout autre , une espèce en voie de disparition quelqu’un qui n’aurait pas envie d’aventures , on pouvait donc déduire que Exa sans colère ce n’était pas Exael juste un pion qu’on bougeait ici et la …Mais la il ne s’agissait pas de colère , c’était de la rage haineuse qui réveillerait le démon qui sommeillait en lui. Encore une fois il risquait de partir dans un bad-trip et perdre son ange, sa future femme qui portait son enfant …

Mais il s’agissait aussi quoiqu’on en dise d’une échappatoire, un tremplin pour retrouver sa liberté perdue ? Après tout sa réputation était ainsi faîte, un homme qui se dégageait de toutes responsabilités et qui butinait, butinait …Ce n’était qu’une réputation Exaël comme tout homme aimait plaire bien qu’il avait séduit de nombreuses femmes on le savait il aimait Kem et rien au monde ne devait s’interposer entre eux.

You call out my name
Tu appelles mon nom
But your voice is fading
Mais ta voix s'affaiblie
Into the wind embraced
Dans le vent étreignant
You'll fly away now
Tu t'envoles au loin

Elle le rejoint entendant ses cris de loin , s’approcha d’un pas hagard , peur au ventre , peur de le perdre , peur de voir sa vie s’achever en trépas sur le parvis d’une ruelle Guyennaise , il s’était promis d’être plus fort et ne plus entrer dans cet univers diabolique , il plongea son regard dans celui de Kem , elle lui mit la main sur le ventre et le fruit de leur amour tapa , tapa plus fort pour peut être prévenir qu’il était la ! Que maintenant il n’était pas deux mais trois, bien plus fort ensemble ! Il laissa couler des larmes le long de son visage, se mit à genoux et embrassa son ventre, se dressa, enlaça celle qui était son univers de bonheur et l’embrassa langoureusement comme la première fois ou il s’était retrouvé à Tours ! Lui sourit tendrement , lui prit la main et l’entraina pour une petite marche nocturne suivit de près par leur petite meute de loups…

[Chapitre I, le Mont Saint Michel ]


Ce n’était pas le but de notre leur voyage. A la base, ils devaient juste aller chercher les affaires de Kem, et revenir s’installer à la Trémouille. Mais Euphémie s’était perdue dans la forêt de Brocéliande, Kem avait perdu m’enfant qu’elle portait... La Bretagne leur était devenue insupportable. Ils devaient attendre qu’Euphémie aille mieux...
Un matin, Exa vint la réveiller: Prend quelques affaires, on va en Normandie!
Ni une, ni deux, les voilà perchés sur Saturne, en direction d’Avranches!
Ils arrivèrent à l’aube, le soleil se levait sur la baie, l’emplissant d’une lumière dorée. Il mit Saturne au pas, pour profiter de ce moment et du paysage.

Regarde, regarde! Là bas, l’île que tu vois, c’est le Mont Saint Michel... C’est magnifique, n'est ce pas? Une île fortifiée, et une abbaye au sommet.

Il lui sourit, et mit pied à terre sur la plage. Ils rassemblèrent du bois flotté et firent un feu, et ils passèrent un petit moment à observer l’ horizon... Puis ils se promenèrent en ville. Exaël s’était éloigné pour discuter avec un homme, semblait marchander, puis il revint vers elle en souriant. Il resta mystérieux, malgré les questions pressantes de la jeune femme. Il voulait que la surprise soit totale...

Lorsque la fin d’après midi arriva, il l’emmena, l’œil pétillant, toujours aussi mystérieux, sur la plage. Un homme, un passeur, les attendait. Kem n’en crut pas ses yeux... Le Mont n’était plus une île.

Mais ... mais ... tu m’avais dit que c’était une île!

Il rit, moqueur, ravi de son effet.

Eh bien, oui, c’est une île... à marée haute! Nous sommes dans une baie peu profonde. Cet homme va nous mener à pied jusqu’au Mont.

Ce n’est pas si loin, on pourrait y aller seuls...

N’en croyez rien ma p’tite dame, y’a des sables mouvants, si vous ne suivez pas les bonnes pistes, vous allez vous retrouver enlisée jusqu’au cou avant de pouvoir dire «ouf!». Chaque année y’a des gens qui essayent et qui crèvent. Sinon, pouvez attendre marée haute et y aller avec la barge demain matin...

Elle sourit, et ils allèrent au Mont, suivant le guide, tandis qu’il leur montrait de temps en temps des points de repères, les villages le long de la côte, le Mont Tombelaine.... Ils arrivèrent, après quelques détours, pour éviter les sables mouvants, au pieds du Mont. Il leur expliqua que le Mont était Normand, que c'était pas une blague, même si ces sales Bretons essayaient de le leur voler. La frontière était figurée par la rivière Couesnon, dont le lit bougeait parfois ... Ils arrivèrent, la fourmilière s'était calmée, les boutiques fermées...

C’est imposant!

Le soir était venu sur le Mont, les flots des pèlerins était déjà reparti avec la marée, tout était calme. Ils dormirent sur le Mont, dans une chambre confortable, encore une surprise de son renard...

Comme un rêve, la douleur s'envole, la peur, et il ne reste qu'eux. Jamais Kem n'avait pensé pouvoir aimer autant, si ce n'est plus encore qu'en ce moment même. Son coeur était tout dévolu à Exaël, son ange, sa raison de vivre. Son coeur battait pour lui, une alchimie incroyable, une symbiose. Elle avait eu peur que l'enfant ne change quelque chose, que cet immense amour doive être fractionné, pour faire une place à ce petit être. Car on lui avait souvent dit: être deux est parfait, être trois, c'est un de trop. Mais elle s'étonnait de cette capacité extraordinaire que l'être humain avait d'aimer de plus en plus. Son amour ne se partageait pas entre Exaël et Raphaël. L'amour se multipliait, se démultipliait, exponentiel. Elle ferait tout pour eux, les deux hommes de sa vie...

La jeune femme était encore dans cette phase d'hébétude, de félicité qui suivaient l'accouchement. La douleur, oubliée, ne subsistait que l'émerveillement devant le petit Raphaël, qu'elle ne se lassa pas de détailler. Des yeux légèrement bridés, pour l'instant bleu ardoise comme tous les enfants de ce royaume, ils ne seraient sûrement pas aussi foncés que les siens, mais peut être aurait-il la chance d'avoir les yeux clairs comme sa grand mère, la mère de Kem, et Exa. Puis son petit nez, ses oreilles, tout était si petit, si parfait! Et ses quelques mèches de bébé, noir corbeau, elle espérait qu'il soient aussi beau que ceux de son ange avant qu'il ne soit tondu par ces fichus moines, brillants et légèrement ondulés. des lèvres bien dessinées, charnues. Il ressemblait énormément à Exa, sauf pour les yeux.

Elle rit de voir ses minuscules doigts, ses minuscules ongles, répliques parfaites de ses propres mains, et s'extasia de voir le bébé soupirer de bien être, bien au chaud dans leurs bras, déjà aimé et admiré. Tout cela pour dire qu'une mère venant d'accoucher était dans le même état qu'un homme ayant bu, fumé du chanvre et consommé de la théobromine. C'était naturel, l'instinct maternel, quelque chose de puissant, aussi puissant que ce qu'elle éprouvait pour son fiancé. Elle avait envie de partager son bonheur avec le monde entier, ses amis, tout le monde
Oui, elle avait eu peur, elle avait douté au début de leur relation, elle avait souffert. Malgré tout, elle avait écouté les langues de vipères, raconter tout ce qui se disait sur son ange. Homme à femmes, séducteur, beau parleur. Elle même avait sa réputation, bien moins répandue du moins, car elle avait été louve solitaire, restait discrète pour éviter les ennuis. Mais on l'avait traitée de catin, de coeur de pierre, de femme volage et sans parole, indigne, de menteuse, de sournoise... Non.

Au début, à leur rencontre, elle l'avait apprécié pour ce qu'il était, un homme amusant, un ami qui ferait tout pour réparer les injustices, pour l'aider. Si elle craquait pour lui, qu'il aille voir ailleurs ne l'aurait pas dérangée. Coucher avec un ami qu'on appréciait et à qui on faisait confiance, c'était la cerise sur le gâteau, avait-elle pensé. Mais ... elle était tombée amoureuse. Complètement, irrémédiablement. Elle ne l'avait jamais été, elle ne savait pas ce que c'était. Elle pensait éprouver un attachement certain, alors que fait, elle l'aimait. Alors qu'elle s'était promise de ne jamais,, jamais s'abaisser à aimer, devenir comme toutes ces femmes, dépendantes. Alors que aimer, ce n'était pas cela. C'était autre chose, bien plus noble et plus profond, puissant. Lorsqu'on rencontre l'autre, tout devient plus clair, logique. Ce n'était pas que luxure et belles paroles, promesses. C'était bien plus subtil que ça. Un sentiment de complétude, d'aboutissement. Le véritable amour!

Ce que disent les autres n'a plus d'importance. Elle avait confiance en lui, en son amour. Il était là avec elle, il avait soulevé des montagne pour être à ses côtés pour la naissance. Il avait mis au monde le bébé, luttant contre son malaise. Il avait mûri, gagné en sagesse. Elle eut un sourire narquois en pensant à toutes ces bonnes âmes qui n'attendent qu'une seule chose, le faux pas, l'erreur de la part d'Exa, pour lui dire: je te l'avais bien dit! Ils ne savent pas, ils ne comprennent pas. Ils passent complètement à côté de ce qu'ils ont vécu et vivent. Ils étaient un tout, ensemble. Ils se ressemblaient trop, goût commun pour les voyages, incapacité à rester sédentaire longtemps, goût inné pour l’aventure, et don extraordinaire pour se fourrer dans les emmerdes jusqu'au cou. Ils étaient un tout. Exa et Kem. Et ce bébé prenait logiquement sa place entre eux deux. Il en connaîtrait des aventures ...

Kem chantonnait pour le petit, qui avait pleuré en sortant de la matrice, mais s'était calmé aussitôt au son de leurs voix.

fais moi une place,
au fond de ton cœur,
pour que je t'embrasse,
lorsque tu pleures,
...
je veux que tu n'aies jamais mal
que tu n'aies jamais froid
et tout m'est égal,
Tout à part lui et toi,
Je t'aime


Puis Oane entra dans la pièce, intriguée. Kem nota son regard étonné, peut être un poil dégoûté, de peur, devant la scène. L'animalité dans toute sa splendeur. Une accouchement, c'était comme un champs de bataille, il fallait être bien accroché. La femme en arme s'approcha, et instinctivement, elle resserra sa prise sur le bébé. Traumatisée encore par la dernière fois, avec sa fille, qu'on avait arrachée à ses bras quelques heures après sa naissance. Pendant qu'elle dormait! Mais elle sen détendit, car elle savait que jamais Exaël ne permettrait cela. Elle mit un petit moment à se rendre compte qu'elle lui avait posé une question, tout à sa contemplation ...

Mal? J'ai eu mal, oui... très mal ... mais ... ça n'a plus d'importance. Regardez le comme il est beau et plein de santé! Je n'ai presque plus mal, je n'y attache pas d'importance je crois.

Elle regarda Exaël, rayonnante. Il avait l'air aussi heureux, aussi béat qu'elle, peut être plus encore. C'était la première fois qu'il avait un enfant, la chair de sa chair, qu'il avait mis au monde en plus! Le bébé attrapa instinctivement le doigt de son père, et serra très fort. Puis Exaël prit le bébé dans ses bras et proposa à Oane de le tenir un instant... allait elle oser?
Elle ressentait quelque chose de curieux au fond d'elle. Ce petit ange sans défense, sans même un nid pour les premiers jours de sa vie! Ils vivaient ici comme des nomades, et elle ressentait le besoin de protéger Raphaël, lui fournir un environnement agréable et douillet... Ils avaient décidé de rentrer pour un moment à La Trémouille...