Morkar
Une fois les cloches tues, il alla s'asseoir à coté d'Aliénor, qui marquait sa tristesse avec dignité. Il avait reçu les preuves de sympathies de nombres de nobles, et beaucoup avait adressé leurs condoléances par courrier les jours précédents.
A l'appel de l'Évêque, il regarda sa belle-fille. Il fit un signe de tête et se leva. Alinénor parlerait de la mère que Juliette était, aimante et attentionnée. Lui, il allait évoquer d'autres souvenirs. Il marcha alors vers l'autel, se posta à coté du cercueil et regarda l'assemblée dans la Cathédrale. Il s'éclaircit la voix, et parla d'un ton neutre, où se cachait la profonde tristesse qu'il ressentait en ce jour.
- Je ne suis pas Bourguignon... Et pourtant, jamais je n'ai autant aimé une Province de France. Et cela, grâce à Juliette d'Harles...
Il y a tant de souvenirs à son propos que je ne peux en repousser un par rapport à un autre. Aussi, s'il m'est permis de le faire, je vais vous parler d'elle comme elle se plaisait à le faire.
Un court silence, pour reprendre son souffle...
- Juliette d'Harles était une femme volontaire et passionnée. Je l'ai compris, découvert même, à mon dépend sur une lice. Nous nous sommes connus en étant au départ opposants, courtoisement, lors d'une joute équestre. Juliette a alors montré sa pugnacité, elle est parvenu à me faire tomber, et de surcroit, elle m'a touché profondément, en me blessant.
Je perdais connaissance alors, et lorsque mon esprit revient, j'appris qu'elle n'avait eu de cesse de veiller à mon chevet. Elle était ravagée par les scrupules, et refusait d'abandonner les responsabilités qu'elle avait à mon égard. Elle m'avait blessé, elle devait alors veiller sur mon rétablissement. Une amitié sincère s'est alors liée entre nous.
Bien des mois plus tard, ce fut le tournant de mon idylle avec elle. Alors que j'arpentais mes domaines normands, on me prévint de la découverte d'une femme, inconsciente, dans les bois d'Evreux. On l'avait ramenée à mon château, où elle recevait déjà quelques soins. Je fus surpris, troublé, de découvrir que Juliette d'Harles était cette femme. Elle resta plusieurs semaines en convalescence, chez moi. Elle dévora ma bibliothèque, en attendant de pouvoir guérir des étranges blessures qu'elle avait subies. Sa mémoire sur l'épisode qui causait ces maux ne lui revint jamais. Je préfère aujourd'hui considéré que cela était la Providence du Créateur qui la guidait jusqu'à chez moi. Une fois remise, elle repartit pour la Bourgogne. Elle emportait alors une partie de moi-même, elle me laissait amoureux.
Ursin de Lasteyrie, le frère de feu Milamber, considérait que Juliette méritait de sortir de son veuvage. Il me contacta alors pour que j'organise un... concours. Une joute... J'étais alors dépositaire des caducée de Minerve. Les candidatures virent, plusieurs nobles souhaitaient concourir, certains pour la main de Juliette, d'autres pour défendre cette même main. A la force de mes combats, je parvins à conquérir cette main, mais Juliette d'Harles était point soumise aux lois de son beau-frère, elle repoussa le prix et le concours. Et lorsque je tombais au sol, à genou, devant elle, pour affirmer mon amour, elle sut en sentir la vérité, mais ne pouvais donner raison à la méthode, elle me repoussa finalement. Durant de nombreuses semaines, ensuite, je lui écrivais des lettres, regrettant amèrement d'avoir cautionné cette joute. Finalement, elle me pardonna, et m'invita à faire ce que j'aurais toujours dû faire : sa cour.
Transporté par le souvenir, Estienne souriait maintenant, en invoquant ces douces heures.
- Diantre qu'elle fut difficile à conquérir. Elle savait maintenir un soupirant dans l'espérance, mais savait aussi, en un mot, le faire basculer dans la détresse. Elle fit ce qu'elle devait, elle me testa, me jaugea, vérifia que j'étais digne d'elle. Et lorsqu'elle acceptait enfin de m'épouser, au terme d'une valse dans une salle de Meymac, elle fit de moi un homme heureux.
Notre mariage fut célébré à Rouen, et nous vécûmes heureux. Elle désirait revenir en Bourgogne, je la suivait, et découvrit alors un Duché fleurissant, agréable et émulant. Elle me fit faire le tour de ces terres si fabuleuses. Je découvrait le bourguignon en restant un normand. C'est ici que j'ai vécu, pour la dernière fois, une forme de bonheur. Car Juliette commençait à se sentir un peu mal, à décliner. Elle attendait alors notre fils, je pensais que c'était la fatigue de son état. Mais la vérité était autre, elle demeurait affaiblie.
Rembrunit, il continua d'une voix sombre...
- Elle a donné le jour à notre fils, elle a aussi donné se vie pour lui. Notre fils est alors le souvenir que j'ai d'elle, chaque jour. Je la revois, l'entend à nouveau. Puisse le Créateur l'accueillir en son Royaume.
Il regarda un instant le cercueil, puis reparla à l'assemblée.
- Juliette m'a appris à espérer. Elle m'a appris à croire que le réveil était possible. Je l'ai connu à un instant sombre de mon existence, je me croyais perdu, elle m'a appris à vivre de nouveau. J'ai cru que j'atteignais la fin de mon existence, elle m'a ouvert un nouveau chemin. Belles furent ces années à ses cotés. Au delà de les regretter, je ne peux que, décemment, m'en souvenir qu'avec émotion. Je remercie mon épouse pour ce qu'elle m'a donné. Passé, présent comme futur, elle demeure l'espoir dans mon cur, la flamme qui anime mon esprit.
Merci Juliette... Et merci à vous.
D'un pas roide, il retourna s'asseoir.
_________________
A l'appel de l'Évêque, il regarda sa belle-fille. Il fit un signe de tête et se leva. Alinénor parlerait de la mère que Juliette était, aimante et attentionnée. Lui, il allait évoquer d'autres souvenirs. Il marcha alors vers l'autel, se posta à coté du cercueil et regarda l'assemblée dans la Cathédrale. Il s'éclaircit la voix, et parla d'un ton neutre, où se cachait la profonde tristesse qu'il ressentait en ce jour.
- Je ne suis pas Bourguignon... Et pourtant, jamais je n'ai autant aimé une Province de France. Et cela, grâce à Juliette d'Harles...
Il y a tant de souvenirs à son propos que je ne peux en repousser un par rapport à un autre. Aussi, s'il m'est permis de le faire, je vais vous parler d'elle comme elle se plaisait à le faire.
Un court silence, pour reprendre son souffle...
- Juliette d'Harles était une femme volontaire et passionnée. Je l'ai compris, découvert même, à mon dépend sur une lice. Nous nous sommes connus en étant au départ opposants, courtoisement, lors d'une joute équestre. Juliette a alors montré sa pugnacité, elle est parvenu à me faire tomber, et de surcroit, elle m'a touché profondément, en me blessant.
Je perdais connaissance alors, et lorsque mon esprit revient, j'appris qu'elle n'avait eu de cesse de veiller à mon chevet. Elle était ravagée par les scrupules, et refusait d'abandonner les responsabilités qu'elle avait à mon égard. Elle m'avait blessé, elle devait alors veiller sur mon rétablissement. Une amitié sincère s'est alors liée entre nous.
Bien des mois plus tard, ce fut le tournant de mon idylle avec elle. Alors que j'arpentais mes domaines normands, on me prévint de la découverte d'une femme, inconsciente, dans les bois d'Evreux. On l'avait ramenée à mon château, où elle recevait déjà quelques soins. Je fus surpris, troublé, de découvrir que Juliette d'Harles était cette femme. Elle resta plusieurs semaines en convalescence, chez moi. Elle dévora ma bibliothèque, en attendant de pouvoir guérir des étranges blessures qu'elle avait subies. Sa mémoire sur l'épisode qui causait ces maux ne lui revint jamais. Je préfère aujourd'hui considéré que cela était la Providence du Créateur qui la guidait jusqu'à chez moi. Une fois remise, elle repartit pour la Bourgogne. Elle emportait alors une partie de moi-même, elle me laissait amoureux.
Ursin de Lasteyrie, le frère de feu Milamber, considérait que Juliette méritait de sortir de son veuvage. Il me contacta alors pour que j'organise un... concours. Une joute... J'étais alors dépositaire des caducée de Minerve. Les candidatures virent, plusieurs nobles souhaitaient concourir, certains pour la main de Juliette, d'autres pour défendre cette même main. A la force de mes combats, je parvins à conquérir cette main, mais Juliette d'Harles était point soumise aux lois de son beau-frère, elle repoussa le prix et le concours. Et lorsque je tombais au sol, à genou, devant elle, pour affirmer mon amour, elle sut en sentir la vérité, mais ne pouvais donner raison à la méthode, elle me repoussa finalement. Durant de nombreuses semaines, ensuite, je lui écrivais des lettres, regrettant amèrement d'avoir cautionné cette joute. Finalement, elle me pardonna, et m'invita à faire ce que j'aurais toujours dû faire : sa cour.
Transporté par le souvenir, Estienne souriait maintenant, en invoquant ces douces heures.
- Diantre qu'elle fut difficile à conquérir. Elle savait maintenir un soupirant dans l'espérance, mais savait aussi, en un mot, le faire basculer dans la détresse. Elle fit ce qu'elle devait, elle me testa, me jaugea, vérifia que j'étais digne d'elle. Et lorsqu'elle acceptait enfin de m'épouser, au terme d'une valse dans une salle de Meymac, elle fit de moi un homme heureux.
Notre mariage fut célébré à Rouen, et nous vécûmes heureux. Elle désirait revenir en Bourgogne, je la suivait, et découvrit alors un Duché fleurissant, agréable et émulant. Elle me fit faire le tour de ces terres si fabuleuses. Je découvrait le bourguignon en restant un normand. C'est ici que j'ai vécu, pour la dernière fois, une forme de bonheur. Car Juliette commençait à se sentir un peu mal, à décliner. Elle attendait alors notre fils, je pensais que c'était la fatigue de son état. Mais la vérité était autre, elle demeurait affaiblie.
Rembrunit, il continua d'une voix sombre...
- Elle a donné le jour à notre fils, elle a aussi donné se vie pour lui. Notre fils est alors le souvenir que j'ai d'elle, chaque jour. Je la revois, l'entend à nouveau. Puisse le Créateur l'accueillir en son Royaume.
Il regarda un instant le cercueil, puis reparla à l'assemblée.
- Juliette m'a appris à espérer. Elle m'a appris à croire que le réveil était possible. Je l'ai connu à un instant sombre de mon existence, je me croyais perdu, elle m'a appris à vivre de nouveau. J'ai cru que j'atteignais la fin de mon existence, elle m'a ouvert un nouveau chemin. Belles furent ces années à ses cotés. Au delà de les regretter, je ne peux que, décemment, m'en souvenir qu'avec émotion. Je remercie mon épouse pour ce qu'elle m'a donné. Passé, présent comme futur, elle demeure l'espoir dans mon cur, la flamme qui anime mon esprit.
Merci Juliette... Et merci à vous.
D'un pas roide, il retourna s'asseoir.
_________________