Ingeburge
Au son des cloches virevoltant et tintinnabulant, les travées de la Grande Cathédrale se remplissaient. Ingeburge, postée devant l'autel, regardait tout ce petit monde entrer, se saluer, discuter. Là elle se trouvait, elle jouissait d'un point de vue imprenable sur la nef se déroulant jusqu'à l'antéglise et elle ne perdait pas une miette de ce moment qu'elle savourait à plein. Se retrouver là, en cet édifice, symbole de tout ce en quoi elle croyait la rassérénait après ce mois de voyage en Franche-Comté. Et elle avait hâte aussi de pouvoir retrouver les clercs bourguignons de Lyon, les ayant peu vus ces dernières semaines. C'est ainsi que tour à tour, elle put voir arriver au-devant elle BaronSengir, bel et blond curé de Dijon, Melisende, fraîchement nommée diaconesse de Joinville et Chouchou, diaconesse elle aussi, mais à Dijon. Elle déclara :
Je suis bien heureuse de vous voir en cette soirée dominicale. Je vous laisse prendre vos marques, nous débuterons quand les cloches cesseront de résonner.
Melisende repartait déjà, allant à la rencontre des fidèles et le regard opalin d'Ingeburge se perdit sur les bancs, remarquant çà et là les bannières colorées des soldats venus à l'office qui les honorerait. Tristan la surprit dans sa contemplation, se saisissant de sa main afin de la baiser. Elle eut un léger sourire en reconnaissant le diacre autunois qu'elle aimait bien au fond bien qu'il semblât parfois tout faire pour l'embêter; elle appréciait qu'il soit venu en ce jour. Et les fidèles arrivaient toujours et Ingeburge sentit le soulagement la gagner : tout avait été décidé au dernier moment, alors qu'elle revenait à peine de Dole et, elle avait tâché de transmettre la nouvelle comme elle l'avait pu, attrapant son vassal au vol, embêtant quelques-uns de ses paroissiens pour que la nouvelle fut diffusée au plus grand nombre. Elle reconnut ainsi Edwen, nombre de soldats comme Lohan, Wilhem, Jeanne de Real, Aleen; elle vit Aelith, les jeunes mariés Sarrasin et Jenah, et observa que des nobles avaient fait le déplacement, comme la première d'entre eux, la duchesse régnante, suivie de Wolfar et Armoria, grande figure de Bourgogne et de la France, toujours présente dès lors qu'il s'agissait de rendre grâce.
Les cloches se turent et durant quelques secondes, l'on put encore percevoir l'écho de leur tonalité argentine. Ingeburge baissa un instant le regard, concentrée sur ce qu'elle percevait en son cur, puis, elle releva finalement la tête, le silence s'étant enfin établi. Elle brisa celui-ci, sa voix à la raucité légèrement marquée s'élevant sous les voûtes :
Mes très chères surs, mes très chers frères, nous sommes aujourd'hui réunis en cette soirée du dimanche vingt-sept septembre de l'an de grâce mille quatre cent cinquante-huit afin de célébrer et d'honorer ceux qui, au quotidien, uvrent pour la sécurité et la grandeur de la Bourgogne. La Province de Lyon comptait effectuer, en ce jour, sa messe de rentrée et le clergé aurait aimé donner la messe dans des conditions plus favorables. Nous aurions voulu vous présenter nos projets et vous faire état de nos besoins. Cela, je vais le faire, mais brièvement seulement, car aujourd'hui, l'urgence est ailleurs.
Comme de coutume, le clergé de Lyon se tient à votre disposition pour vous recevoir, vous écouter, vous guider sur le chemin de la vertu et célébrer les messes liées aux événements de votre existence tels les baptêmes, les mariages mais aussi, car cela participe du cycle de la vie, les funérailles. Nous sommes également présents pour ceux, qui sentant un appel impérieux les orienter, souhaiteraient rejoindre les rangs de la Très Sainte Eglise. Nous recherchons d'ailleurs des clercs pour la paroisses bourguignonnes, des professeurs pour le séminaire Saint Bynarr et un procureur ecclésiastique pour l'Officialité métropolitaine. Tout le monde est le bienvenu et, il y en a pour tous les choix de vie, nous accueillons aussi bien les personnes désireuses de fonder une famille que celles souhaitant se consacrer au service exclusif du Très-Haut.
Ingeburge marqua une courte pause et poursuivit :
Mais, comme je l'annonçais en guise d'exorde, ce que nous comptions exposer est quelque peu remis en cause par les événements récents. Nombre d'entre vous savent que durant cet été, la croix fut levée et les aristotéliciens appelés à combattre l'hérésie angevine. La Bourgogne, digne fille de la Très Sainte Eglise, a donné des assurances de son soutien à cette cause destinée à tendre la main aux âmes perdues et dévoyées et à mettre un coup d'arrêt à la propagation de cette épidémie hérétique. Tout aurait pu en rester là mais aujourd'hui, ceux qui ont refusé de suivre les exhortations de la Très Sainte Eglise menacent ceux qui ont répondu favorablement à l'appel estival. Des assauts sont déjà à déplorer et nul doute que les menaces proférées seront mises encore plus avant à exécution. Le trouble règne et Sa Majesté elle-même s'en est fait écho, demandant à ses vassaux et aux provinces vassales de la Couronne de France de demeurer vigilantes et de se tenir prêtes. La Bourgogne se trouve donc être concernée et, fidèle à ses engagements tant vers le royaume que vers la Très Sainte Eglise, ne se cachera pas derrière des excuses fallacieuses pour se dérober.
Alors, en ce dimanche, pensons à ceux qui lutteront pour que la Vraie Foi et le bon ordre règnent. Songeons aux soldats de l'Ost de Bourgogne qui plus que jamais ont besoin de se sentir soutenus, eux qui mettent en péril leur existence pour notre sécurité et notre intégrité. Ayons également une pensée pour ceux qui s'impliquent dans la défense du duché tels les nobles dont le ban a été levé, les défenseurs civils, les maréchaux à pied d'uvre au quotidien. En ce jour, soutenons par nos prières et notre foi ceux qui préservent la Bourgogne, au péril de leur vie et pour que leurs familles, amis, concitoyens puissent prospérer au sein d'un duché sûr. Prions ensemble, appelons-en à Saint Bynarr, saint et protecteur patron de la Bourgogne et rendons grâce au Très-Haut pour ce qu'il nous accorde de vivre là où l'hérésie n'aura jamais de prise.
Nouvelle pause, pour calmer les battements d'un cur qui s'emballe. Puis, reprendre, pour fédérer :
Les temps sont troublés et en ces périodes où tout semble partir à vau-l'au, il convient, plus que jamais, de s'interroger sur ses actes et ses pensées, de reconnaître ses fautes et de demander pardon.
La diaconesse Chouchou, secondant à Dijon le père Baron Sengir, va conduire cette prière.
Ingeburge fit quelques pas sur le côté afin de céder sa place à la Dijonnaise.
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