Enored
Alors qu'elle s'était endormie sur la quiétude d'une confiance enfin retrouvée, la rouquine plongea rapidement dans ses habituels rêves agités. Des attaques de navires à n'en plus finir, de longues chevauchées avec ses frères, son univers rassurant jusqu'à ce qu'il sombre dans le cauchemar habituel. La trahison de celui qui disait l'aimer et la suivre jusqu'au bout du monde, les soldats anglais, le réduit pour la mettre à l'abri. C'était peu avant son seizième anniversaire, ils revenaient d'une campagne de piraterie plutôt bonne et avaient attaqué, pillé et coulé plus d'un navire anglais. Tous chevauchaient côte à côte pour rejoindre le village qui leur servait de base arrière, éloigné dans les terres, où ils étaient censés être de simple paysans. Tous étaient loin d'ignorer le malheur qui les attendaient. Tous sauf elle, elle avait déjà revécu cette journée cauchemardesque des centaines de fois. Non pas ça allez Eno, réveille toi sors de là ! Et comme à chaque fois, elle a beau y mettre toute sa volonté, la journée se déroule heureuse jusqu'à ce qu'un détail les étonne. Aucun paysan dans les champs environnant le village, quelque chose ne va pas. La même phrase prononcée par Seamus "Cache toi petite soeur !" la même réponse "Non je veux rester à vos côtés !" et la même réplique cinglante "Cache toi tu es la seule à pouvoir poursuivre notre lignée". La lignée, ils n'avaient que ça en bouche les frères quand il s'agissait d'elle. Elle était encore jeune, elle ne pouvait pas comprendre. Alors comme à chaque fois dans le cauchemar, elle obéit et rentre dans leur maison, très vite elle disparait par une trappe que seuls les O'Caellaigh dignes de ce nom pouvaient repérer. Elle se cache et elle attend. Les minutes ressemblent à des heures et soudain le fracas des épées, les cris. Et Seamus qui entre dans la maison poussé par un soldat anglais. La jeune Enored met ses deux mais sur sa bouche pour ne pas crier quand elle le voit reculer face aux deux hommes qui lui font face. Le combat est inégal. Elle se demande où sont les autres. A travers le parquet, elle ne voit que les bottes des soldats et celles de son frère acculé contre le mur. Une goutte d'eau tombe sur sa tête, puis une deuxieme, elle lève le regard pour voir. Une goutte lui tombe sur le bout du nez, elle l'essuie, de l'eau rouge ... non du sang celui de son frère. Elle mord l'intérieur de ses lèvres et serre les poings, elle a promis de rester cacher. Mais où sont les autres ? La question explose dans sa tête, elle a envie de les appeler, de crier de toute ses forces. Puis l'horreur absolue la rend muette de stupeur. Le regard vide de son frère l'observe à travers les lattes du plancher. Les chiens d'Anglais lui ont tranché la tête. Le sang goutte sur sa jupe, elle tente de se recroqueviller sur elle même pour éviter la marre, mais qui se forme mais rien n'y fait. Elle voudrait hurler sa douleur, mais elle sait qu'elle ne le doit pas. Sinon le sacrifice de Seamus serait vain. Les deux mains appuyée sur sa bouche, la jeune fille voit son paradis s'écrouler à travers ce regard vert qui la fixe. Alors elle ferme les yeux et elle attend, prostrée dans la douleur, elle attend que ses frères viennent retirer le corps de Seamus et lui dire de sortir. Mais aucun ne vient. Au bout de deux jours, elle sort enfin de sa cachette. Elle sait que Seamus est mort, là près du mur, mais elle veut savoir où sont les autres. Quand elle franchit les portes de la maison, elle lache un cri inhumain qui fait s'enfuir les corbeaux qui ont commencé à se charger des dépouilles de ses quatre autres frères. Tout en elle alors n'est plus que rage et vengeance. Un nouveau cri s'échappe de ses lèvres quand elle voit son petit frère taillé en pièces. Réveille toi ! c'est du passé ! allez ! ça a assez duré ! Henri ce n'est pas le traitre ! fais lui confiance !
D'un bond, la rouquine se redresse et s'assied au bord du lit. Elle étouffe. Sa gorge brule. A-t-elle crié ? Pourquoi ne peut-elle pas tout simplement faire confiance ? Un regard circulaire autour d'elle. Où sont-ils ? Où est elle ? Mayenne, oui ils sont arrivés dans la journée. Son corps réclame un repos que son esprit ne veut pas lui donner aussi, elle se lève, renfile ses bottes et sort de la chambre discrètement, elle ne veut croiser aucun de ses compagnons de voyages pas maintenant, pas avec les traces des larmes qui ont ruisselé le long de ses joues. Avec un peu de chance, en bas le tavernier est là. Une bière pour oublier, une pour étancher la soif, une autre pour apaiser la gorge qui brule et enfin une pour oublier, il lui faudra au moins ça pour l'apaiser. Elle avait naïvement cru qu'enterrer le cadeau de ses frères lui permettrait d'être en paix ... Soupire alors qu'elle descend les escaliers. Elle s'installe près du comptoir et commande sa première choppe, première d'une longue série pour oublier ...
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D'un bond, la rouquine se redresse et s'assied au bord du lit. Elle étouffe. Sa gorge brule. A-t-elle crié ? Pourquoi ne peut-elle pas tout simplement faire confiance ? Un regard circulaire autour d'elle. Où sont-ils ? Où est elle ? Mayenne, oui ils sont arrivés dans la journée. Son corps réclame un repos que son esprit ne veut pas lui donner aussi, elle se lève, renfile ses bottes et sort de la chambre discrètement, elle ne veut croiser aucun de ses compagnons de voyages pas maintenant, pas avec les traces des larmes qui ont ruisselé le long de ses joues. Avec un peu de chance, en bas le tavernier est là. Une bière pour oublier, une pour étancher la soif, une autre pour apaiser la gorge qui brule et enfin une pour oublier, il lui faudra au moins ça pour l'apaiser. Elle avait naïvement cru qu'enterrer le cadeau de ses frères lui permettrait d'être en paix ... Soupire alors qu'elle descend les escaliers. Elle s'installe près du comptoir et commande sa première choppe, première d'une longue série pour oublier ...
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