Nizam
Soyez savant, le titre n'est autre que la version latine du Lapinou des bois.
[Début décembre 1461, terres de Bourgogne]
Citation:
Aux portes de la ville, à l'heure de Tierce.
Prends l'arc et couvre-toi.
N.
Prends l'arc et couvre-toi.
N.
La pointe grasse et charbonneuse s'était écrasée sur ce vélin à la tranche malhabilement déchirée, au revers du message succinct une bordure gondolée rappelant celles des affiches bourguignonnes présumait son origine. Ce papier ordinaire avait été froissé par les pognes d'un blondin avant de voleter dans l'une des tentes d'un campement sommaire, mais guère banal si l'on connaissait quels individus il abritait. Dès l'aube, Nizam avait déposé la note en évidence afin que la frêle enroulée dans ses étoffes de laine la découvrît si tôt ses paupières sentrouvrant aux lueurs du jour naissant.
La matinée jà entamée, la silhouette immobile, couverte d'une cape épaisse et adossée au mur du lieu désigné plus tôt, patientait. Il guettait chacune des ombres s'esquissant vers lui, et se remémorait ce qu'il prévoyait de faire avec cette rousse, cette Flamme sortit de l'âge tendre qui s'insinuait peu à peu dans son esprit tortueux depuis son retour auprès du clan Corleone. Une chasse, un apprentissage. L'homme d'armes avait découvert avec la jeunesse bouillonnante de cette "famiglia" comment mettre à profit son expérience en divers domaines, et accessoirement initier le sang nouveau comme ce dont il avait eu droit à ses débuts sur le trimard de la débrouille et du mercenariat. Le Balafré secoua ses épaules, comme pour revigorer la carne froide et rejeter le poids des ans qui s'y était niché au précédent constat.
Aujourd'hui, leçon de chasse. La Rouquine, usant de négoces et de paris, avait réussit à obtenir du Blondin la promesse qu'il lui dégoterait de quoi satisfaire ses fringales carnassières et l'entraînerait avec lui dans sa quête des six malheureux lapins qu'elle exigeait afin, certainement, de conserver son lard hivernal. Nizam ne pouvait le lui reprocher, lui-même féru dudit gibier aux longues oreilles, et plus largement, de tout ce qui se changeait en bidoche alléchante. Le mercenaire longea les portes imposantes de la cité, songeant que les morsures vives et rudes du froid s'atténueraient s'il s'agitait. Il craignait le frimas et la saison noire qui l'apportait, pourtant vêtu de tuniques chaudes et de sa brigandine, prévoyant les engelures avec des bottes fourrées et des gants. Il avait l'espoir qu'elle ne tarderait pas.