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Info:
Quand s'éteignent les rires, ne restent que les ires, Ils se font armes, leurs drames et l'écho de leurs larmes...

[RP] L'amour rend aveugle...

Laell
... il est temps de recouvrer la vue.

[Sémur]

Déchirements et retrouvailles, bonheurs extrêmes et peines intenses, rires et cris, tendresses infinies et tortures sentimentales, une relation aussi tumultueuse que passionnée voilà comment aurait pu se résumer le mariage entre les deux Corleone.

L'une vive et impétueuse, l'autre plus calme et réfléchie. L'accord parfait. Les deux se complétant dans une passion renouvelée à chaque rencontre de leurs corps. Tel un vieux couple dès les premiers jours, la flamme brûlait toujours, immuablement, à l'aube comme au crépuscule. Une vie de pillages et de contrats, d'opulence et de disette parfois. Une vie de groupe avec tous les avantages mais aussi les inconvénients. Des pertes plus ou moins difficiles à vivre, des responsabilités nouvelles. Quelques erreurs de parcours toujours évincées pour ne garder que le meilleur.

Une ombre chinoise dansait sur la tenture de la charrette. La fraicheur de la nuit faisait osciller la flamme d'une bougie éclairant faiblement leur couche qui, ce soir, ne serait qu'écritoire. Assise, les genoux repliés sous le menton, Laell n'était que l'ombre d'elle même. Les paroles de la soirée tournaient et retournaient dans sa tête depuis des heures. Les dernières semaines revenaient la tourmenter. Son retour après l'été avait été rude, l'automne déjà bien entamé, elle avait reprit la place que lui avait léguée Rod auprès de sa femme et de son cousin. Elle avait dû se refaire une place, refusant de prendre celle que Joy méritait amplement. Malgré le temps, le couple ne formait toujours qu'un dans leurs ébats ou leurs discordes. Un simple regard et de nouveau leurs vies se mêlaient l'une à l'autre effaçant tout doute insidieusement implanté par le manque au coeur des deux âmes séparées. Mais cette fois, Joy étant loin, les regards ne se croiseraient pas...




Joy,

Un seul mot couché sur le vélin, la plume se leva tandis que le regard se fixait sur le vide laissé sous ces trois lettres. Trois lettres qui exprimaient jusqu'alors son plus grand bonheur. Trois lettres qui aujourd'hui marquaient la fin d'une idylle aussi passionnée que passionnante. Trois lettres qui avaient forgé sa vie. Trois lettres qui signaient sa fin. Les dents se serrèrent tandis que sa main se crispait autour de la penne. Les tournures de phrases se heurtaient dans sa tête alors qu'elle cherchait comment commencer.



Je suis de retour. Je viens de passer la soirée en taverne, je pensais y boire plus que de raison comme à chaque fois que tu es loin de moi mais ça n'a pas été le cas.

Un long soupire se fit entendre remplaçant le grattement de la plume. La bouteille offerte quelques heures plus tôt par Arnan vit son bouchon sauter. Elle lui avait dit qu'elle ne s’enivrerait pas, jusque là elle n'avait pas bu ou presque. Le goulot se porta naturellement à ses lèvres. La douce chaleur du rhum se glissa lentement dans son corps. La souffrance cachée toute la soirée hurlait en elle pour enfin sortir. Une nouvelle gorgée fut avalée avant que le bouchon ne retrouve sa place sur la bouteille.



Ainsi tu as failli à ta promesse...
De toi, j'ai tout accepté mais pas cette fois... Moins d'un mois...
Il aura fallu moins d'un mois pour que tu sombres à nouveau dans les bras d'un autre reniant cette parole que je ne t'avais pas demandé...

La mâchoire se contracta encore alors que l'encre noircissait la pureté du vélin. Couchant les mots, s'arrachant les entrailles, Laell sentait le vide s'emparer d'elle. Ses yeux restaient pourtant secs, comme si simplement ce soir, une fatalité qu'elle savait ne jamais pouvoir fuir venait de s’emparer d’elle. Elle avait toujours su Joy volage, c'était d'ailleurs ce qui avait causé leur relation. Un simple pari que s'était lancée celle qui était devenue sa femme. De vaines tentatives qui finalement les avaient conduites à partager ce qui était pour la Corleone totalement impensable. Joy lui avait ouvert la voix vers le bonheur pur, vers la plénitude, vers la passion dévorante...



Je ne peux pas lutter contre toi puisque ta liberté compte plus pour toi que mon amour et ma confiance...

Je vais partir à mon tour quelques temps...

Laell.

Le vélin était roulé, il ne restait plus qu'à le cacheter pour qu'il prenne son envol vers sa destinataire. Son regard se posa sur l'alliance posé à coté de la bougie. Une main s'en saisît et la fit rouler entre ses doigts. L'oeil se fit humide, laissant courir une larme le long de sa joue. L'anneau s'en vint entourer le message. Il servirait de cachet mettant ainsi fin à leur mariage. Le rouleau fut posé sur le lit, le temps d'un dernier instant de réflexion. Ne pouvait-elle pas lui pardonner cette fois aussi ? Les yeux se fixèrent sur le message, les mains de nouveau s'en emparèrent pour le libérer de l'étreinte de son alliance. Elle ne la porterait peut être plus au doigt mais ne s'en séparerait pas, pas maintenant, la lettre suffirait.
Un lacet fut trouvé dans la charrette, il servirait à tenir l'anneau autour de son cou, dernier bastion protecteur de leur union.

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Enjoy

    La veille, son cœur rapiécé exprimait son affliction via un battement mélancolique. Depuis des mois, ses pieds nus se meurtrissaient au travers des champs de colchiques. Ses efforts incommensurables pour sauvegarder la récolte de leurs aïeux ne s'ornaient aucunement de lauriers. Mais bien d'orties. A la longue la Mustélide échoua dans un océan de doutes. Les vagues ravagèrent son âme, les intempéries marquèrent son visage. Malgré tout, elle dût maintenir le cap. A l'annonce de la maladie de la Matriarche et la fin tragique qui s'en suivit, ses soupirs emplis de détresses se mêlèrent à ses larmes. Tout ceci dans l'intimité de son inconfortable couche. Les étoiles goguenardes la mirèrent nuits et jours et la reine des astres nocturnes émit de nombreux jugements. De nuits en nuits, la pauvre bestiole se mua en louve. Aucune bouée de secours à l'horizon. Rien. La seule chose martelant son esprit embrumé fut l'absence. Le départ sans nouvelles, sans un en revoir de sa moitié, de son souffle de vie, de son baume apaisant.

    Durant tout ce temps, elle, l'éternelle oubliée a mené les troupes, choyant ses affidés, les enveloppant d'une aura protectrice. Bien sûr, il y eut des incartades, de nombreuses décisions à prendre en haut de sa tour. Esseulée. Des renvois ont été formulés et les guerres intestines la consumèrent peu à peu. S’immisçant à travers ses pores, dévorant tout sur leurs passages. Parmi les ténèbres quelques alliances inattendues se créèrent. Ce qui lui ôta un poids de ses épaules devenues trop lourdes à supporter. Chaque pas furent un supplice, un chemin de croix car Elle, n'était pas là. L'espoir de la revoir perdurait. Certes enfoui au plus profond de ses réflexions, mais il se rappelait à elle le cas échéant. Endéans ce manque invivable et la promesse d'un retour, un long tapis parsemés de trognes chafouines lui léchèrent les pétons. Un venant remettre en cause la légitimité de son épouse, l'autre faisant de même. Pourtant, elle s'empressa de stopper toutes avancées mutines en gagnant, ce qu'elle ne possède plus, du temps.

    Laell revint, après des mois de dur labeur, de tortures. La désormais Lionne alla à sa rencontre, les inséparables se confondirent parmi les anges. Les désirs étouffés explosèrent au grand jour dans un flot de passions. Puis très vite, la Corleone décida de rendre la barre du navire. Chose que son épouse accepta sans réellement y accorder d'importances. Du moins c'est ce que les apparences laissaient entendre. Quand l'une causait projets, plans, prises de mairies, l'autre lui disait de se taire et de profiter. L'incompréhension germa de biens pernicieuses pousses. L'Ingratitude posa une main sur son épaule, tandis que le sentiment d'Abandon s'empara de sa jumelle. Cloisonnée dans une prison de verre, l'italienne ne pouvait parler d'ambitions comme avant, ni même de gloires. Tout était trop tôt, trop pénible à suivre. Même sa tentative de suicide passa pour une presque broutille. Presque, seulement. Bien sûr que sa brune se souciait d'elle, bien sûr qu'elle s'adonnait au plus nocif des sentiments; l'amour. Mais cet habit qu'elle revêtait, déplaisait de plus en plus à son ombre. Le besoin de réconfort se fit sentir, l'envie de profiter de ce qu'elle avait tant attendu, espérée et que sa moitié refusait de réellement lui offrir.

    Le marionnettiste Furie s'amuse de leurs corps, de leurs échanges colériques. Il s'en délecte. Les engueulades fusent, le reste du Clan subit. En silence. Elles. Se retrouvent, se perdent, s'embrassent et se déchirent. Un rien du tout accouche d'une montagne. Un détail devient un colosse. Et elle, reste paumée, égarée dans la solitude lorsque son Autre s'évade. Encore une fois. Il n'en faut guère plus pour une enfant gâtée de s'adonner au voyage volage. Une soirée. Un jeu des plus tendancieux, sa pudeur en guise de lot pour des cartes. Trois protagonistes. Ils se connaissent tous très bien. Les valets, les piques et les trèfles s'abattent, les couches de vêtements suivent. La finalité s'étale dans le jardin d'Eden avec Adam et Ève. Une rouquine s'en va. Les deux autres restent. Les silhouettes se rapprochent, elle va trop loin. Ils ne consomment point. Pourtant, le lendemain, elle se sent sale.

    Des massages interdits, foutue idiote. La suite la meurtrie encore plus, les brouilles qui en résultent, sa patience qui s'émousse. Et au loin le bourreau entrain de monter l’échafaud. Son épouse encore ailleurs, il en est trop, elle décide de répondre présente à une invitation de sang. On lui propose de faire choir Chinon, elle accepte. Son dégoût pour ce qu'elle est devenue, une sotte arrogante la dépasse. Détruite, sa vitalité se retrouvera peut être en chemin. Les lieues se désagrègent à chaque coups de sabots de sa monture. La présence d'une consœur de la déprédation lui offre un sourire bien éphémère. En chemin, étant seule, sa prudence cède la place à l'inconscience. Arpentant les routes sans même observer les nombreux dangers lui faisant face. Elle n'espère que mourir de la plus atroce des manières. La culpabilité la ronge, la promesse envolée était cousue de fil blanc. Celui des engagements non tenus.

    Son amour pour sa Passion, son Antre, sa Cara Mia surpasse de loin celle que pourrait porter n'importe quelle divinité. Pourtant, elle a fauté. Ou presque. Oui, elle est fautive de ne pas avoir su se contrôler. Oui, elle est fautive de respirer. Fautive d'être née. Plus rien n'a réellement d'importance désormais. C'est à terre, qu'elle fait tomber Chinon. Les deux se retrouvent ensevelies sous un amas de médiocrités, de culpabilités. Le butin est partagé, les félicitations se succèdent mais ses sourires ne sont que façades. La nuit, la route est sa compagne d'infortune. Une donzelle à la chevelure blonde la suit sans avoir conscience de la dangerosité de la Corleone. Puisque désormais, ni elle ne vit, ni elle ne survit, elle déambule à l'instar d'une aveugle. Et comme un écho. Saumur. Le pigeonnier recrache une lettre. Et le maître des hautes œuvres, quant à lui, affiche un sourire carnassier. Sa hache ne va pas tarder à se recouvrir de carmin, alors il jubile. Tandis qu'elle s'effondre.


    Laell...

    Ses prunelles sombres s'effacent dans de longs sanglots, ses joues rougissent, ses tempes resserrent leur étau et sa boîte crânienne est prête à exploser. Elle a mal. Mal de lui faire subir cette douleur réciproque. Mal d'être une moins que rien. De ne pas offrir à sa Vie, la seule, l'Unique offrande de sa fidélité à toutes épreuves. Faillible, elle défaillit. La forteresse s'effondre, mêmes les ruines bien trop honteuses s'engouffrent dans l'oubli. Six pieds sous terre, là, où réside désormais son palpitant. La barbe de sa plume se dépile emportée par la triste rage. L'encre absorbe de temps à autre les pleurs imprégnant le vélin d'une noirceur sans nulle autre pareille. Ses yeux ne peuvent tarir ce torrent d'un inconsolable chagrin. A trop de pertes, son être sera atteint d'une sécheresse lacrymale pour les siècles à venir.

    Citation:
    Laell,


    Le simple fait d'apposer la pointe de sa rémige pour écrire ces cinq lettres lui inflige une peine incomparable. A vrai dire, l'acte et le passage vers le repos éternel, devaient être qu'une promenade de santé en comparaison. Ce mot « Laell » avait la fragrance exaltante des parfums les plus délicats et le son, en imprégnant les oreilles chanceuses, composait la plus mirifique des symphonies que le monde ait connu. Mais en cet instant, ne trouvait que pour résonance, des cliquetis, ceux de l'exécutant patientant près du billot.

    Citation:
    Je ne vaux rien sans ton amour, sans ta présence. Je ne suis qu'une goutte d'eau dans l'immensité de la mer. Une éphémère. Je ne suis que l'ombre des défunts, un charnier nauséabond. J'ai sombré, je sombre. Je ne suis plus. Je ne veux pas que tu partes, ni que tu me...laisses...

    D'aujourd'hui jusqu'à hier. Je me souviens de chaque instants. Chaque souffle, chaque soupir, chaque baiser que nous avons partagé. Ils m'étreignent encore parce que tu es tout ce que j'ai voulu avoir. La seule chose de bien dans ma piètre existence. Mon Amour pour toi est semblable à l'éternité, une flamme qui me consume, me réconforte qui, moi candidate aux limbes, me ceint un nimbe. Tu es mon repère, mon étoile, ma vie, ma seule et unique arme.

    Je t'aime.

    Ne t'en va pas... Je t'en supplie.

    Enjoy


    La lettre s'enivre de son odeur et s'envole vers le lointain. Tandis que le bruit sourd d'un tabouret contre le sol viole l'instant. Le craquement du plancher répond à celui d'une poutre. Une corde l'enserre lentement. Prise d'une crise de panique extrême, sa raison s'est disloquée, les coupables finissent toujours à la potence. Depuis sa naissance, ceci est sa destinée. Gravée dans les lignes de sa main. Tandis que le cou de la presque-morte s'entortille avec l'extrémité du cordage, une ultime phrase claque. Un souffle sur une bougie, une lueur qui vient de s'éteindre.

    Si tu pars, moi aussi...


    *

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Laell
Nouvelle soirée en taverne. Nouveaux face à face avec ceux qui auront été les acteurs de leur déchirement. Tous deux avaient à un moment participé, volontairement ou non, aux jeux de sa femme. L’Italienne le savait et pourtant sa colère ne s’était pas déchainée contre eux. Sa peine, son sentiment d’impuissance face à ces trahisons, la douleur, presque physique, qui s’intensifiait à chaque fois, la maintenaient dans une anesthésie des sens.

Comme dans un feuilleton qui viendrait des siècles plus tard, la discussion tournait principalement autour des amours des uns et des autres. Les couples se font et se défont. Mélangeant allégrement les uns avec les autres sans se soucier des effets dévastateurs des sentiments. Inévitablement on en vint à parler de Joy. Meurtrie, Laell tenta faiblement de détourner la conversation. Son trouble bien que difficilement masqué, semblait être trop évident. Une phrase fit résonner son coeur. "Tu l'aimes alors tu lui pardonneras". Une autre un peu plus tard sortant d'une autre bouche en fit l'écho "Tu l'aimes plus que ton amour propre". Deux phrases tellement vraies qu'elles en devenaient douloureuses. Elle le savait pertinemment, n'importe quel imbécile l'aurait vu. Combien de fois avait elle pu dire ce soir qu'elle ne voulait pas la perdre.

Elle savait qu'elle se ferait déchirer le coeur et l'âme encore et encore, se rendant compte qu'au final elle n'arrivait pas à apporter à sa femme tout ce qu'elle désirait. Et pourtant elle lui donnerait tout. Tout... Tout ou presque... Même si au plus profond d'elle même, une seule chose comptait vraiment, la rendre heureuse... Il resterait toujours cette envie qu'avait Joy et que la Corleone ne parvenait pas à lui offrir. Elle avait ce besoin depuis toujours, ce besoin de se rassurer, de se jouer des hommes comme des femmes. Besoin incompréhensible pour elle même qui n'avait été qu'effleurée par l'idée, un soir de beuverie déprimant d'être privée depuis bien trop longtemps de celle à qui elle avait offert son coeur.

Tel un pantin, la nuit déjà bien avancée, Laell rejoignit leur charrette. Lieu qui avait si souvent abrité leurs nuits ensorceleuses. La brune environnante n’autorisait qu’une maigre visibilité. Quelques nuages voguaient dans le ciel, cachant par moment le peu de lumière dispensée par une lune d’hiver. Une ombre perchée au bord de l’ouverture de la toile attira son attention. Piaf imbécile qui n’était que rentré à la maison, ne daignant pas remplir son œuvre jusqu’au bout en apportant son leste à sa destinataire. D’abord prise d’une envie de lapider l’animal, la Corleone se contenta de s’en emparer délicatement avant de lui rendre sa liberté une fois le message en main. Le sang battait ses tempes comme rarement. Ses entrailles se serrèrent quand elle commença à le dérouler. Sa main libre se glissa dans son col, enserrant l’alliance d’acier réchauffée au contact de sa peau. Ses craintes de la soirée s’amplifièrent instantanément. Sa lettre avait été dure, elle le savait. Hier, elle l’aurait quittée mais aujourd’hui… Joy allait elle seulement essayer de se battre… Chaque fois qu’elles se déchiraient, elle devait ravaler sa fierté et engager les réconciliations. Cette fois, elle ne l’avait pas fait, lançant au contraire les hostilités. Elle avait prit un risque mais n’était plus sûre d'être capable de le prendre. L’air quitta ses poumons dans un long soupire et son corps se glissa dans le cocon protecteur que formait leur couche.

La bougie s’alluma, diffusant une lumière blafarde dans la charrette. L’air était froid, glaçant un peu plus le sang de la brune. Le message encore en partie roulé, uniquement décacheté gisait dans sa main. Le cœur au bord des lèvres, il lui faudrait lire. Savoir… Elle avait laissé la décision à Joy. Elle ne pouvait pas se battre, elle l’avait écrit et le savait au plus profond d’elle. Combien de temps encore pourrait-elle supporter… Combien de fois encore pourrait-elle reconstruire son âme dans les bras de sa belle. De longues minutes s’égrainèrent avant que soit enfin rassemblé assez de courage pour lire ce qui pouvait être un abandon. Enfin le vélin émit un léger bruissement en se déroulant sous les doigts fébriles. Les premiers mots firent remonter certains souvenirs… Écroulée contre le mur d'une taverne, elle ne se battait pas, laissant poindre la fin d’un temps… Dernière ses dehors solides l’Ecossaise pouvait perdre pied…

La mâchoire martyrisa de nouveau sa dentition, usant de tous ses muscles pour contraindre le flot de ses sentiments en elle. Les yeux se fermèrent quelques instants, puis le corps mué par un vague souffle d'espoir, le message fut rapproché de la lumière pour découvrir la suite. Les mots rallumèrent une étincelle de vie, ballotée dans les méandres du doute. Ne pars pas… Combien de fois lui avait elle dit elle-même… Et chaque fois, sa femme était restée. Restée pour faire durer encore le bonheur, leur passion, leur vie. Mais aussi leurs déchirements trop courants, leurs colères, leurs peines… Pourquoi prêter son corps si son cœur est offert ? La question avait été posée sans jamais trouver de réponse.
Ne pars pas…

La Corleone s’allongea. Laissant se consumer la cire de sa bougie, son regard se perdit dans les formes qui se dessinaient au plafond suivant les désirs du vent et des ombres. Les mains croisées sous sa tête, l’esprit convulsant sous les sentiments qui la tiraillent, le message déposé à ses cotés, là où il y a peu encore se trouvait le corps de celle qui a su donner un vrai sens à sa vie. Une seule réponse à son courrier lui venait : Alors pourquoi ? Deux mots qui, elle le savait resteraient sans réponse. Il n’y avait pas vraiment de raison à tout ça. Simplement une envie sur l’instant, sans prise en compte des conséquences. "Vous n’avez pas les mêmes limites" Il avait raison. Là où Laell se contenterait d’une vague pensée, Joy se délecterait de sentir des mains sur sa peau. Jamais elle n’avait dépassé un certain point, elle le savait, ou du moins l’espérait suffisamment pour y croire. La fidélité a quelque chose d’absurde dans le fait qu’elle fera toujours souffrir, l'être trompé ou celui qui voudrait découvrir autre chose. Il y aura toujours un lésé dans l’histoire.

Se redressant elle attrapa de quoi écrire. Il lui faudrait trouver les mots justes, arriver à lui dire combien elle lui en veut mais ne pas risquer de la perdre. La rassurer sans se perdre soi même. Exprimer sa souffrance sans risquer de la détruire plus qu’elle ne l’a fait elle-même. Elle le savait par ses mots parsemés d’encre diluée, son courrier avait eu le même effet que sa rage quelques semaines plus tôt. La peur se mêlait maintenant au torrent de sentiments qui la submergeait depuis la veille.




Amore mia,

Jamais je ne pourrai comprendre quels démons te poussent dans d’autres bras que les miens…
Aurais-je la force de supporter de nouveau tes jeux une prochaine fois ou finirai-je par les accepter… Je n’en sais rien…
J’aimerai, si tu savais comme j’aimerai pouvoir te donner cette liberté dont tu as besoin.

Je t’aime comme je souffre, alors même si je pars aujourd'hui, je serai là à ton retour.

Laell

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Enjoy
    *

    Le chaos est une mélodie et la mort une chanson...

    Gorge nouée, au sens propre du terme. Les vaisseaux sanguins étouffent de la congestion. L'air se raréfie, les plaintes s'intensifient. Sa volonté, quant à elle, s'envole vers la morne vallée de la mort. Ses pensées ne sont que poussières. Chaque parties de son corps refusent de se battre, les secondes s'égrainent lentement. Elles, d'accoutumée si hermétiques à l'indolence, ne font que paresser constituant la fiole d'une éternité. La potence dure, bien plus qu'elle ne le devrait. Durant ce laps de temps, son esprit, l'essence même de sa personnalité s'étiole. Il ne reste que du vide. Ses derniers mots furent adressés à celle qu'elle aime, qu'elle dévore de cet amour anthropophage. Les émotions carnassières festoient en toute impunité. L'entrée servit sur le plateau de l'espérance offre pour garniture de la déception. Le plat de résistance se compose d'un zeste de joie, de passions, de mésententes et d'objurgations. Le dessert n'évite aucunement l'écueil de l'indigestion. Partir ou rester. Rester à en décliner, partir à en périr. Un repas copieux, un monde qui les enchaîne, des âmes en peine. Bien trop de divergences ont été constatées, que ce soit dans leurs envies respectives, les projets abordés ou bien leurs attitudes. L'une se fait tempérance, l'autre la démesure. L'une contracte la fièvre des ambitieux, l'autre reste insensible tel le marbre, l'une épuise lentement ses dernières forces tandis que sa consœur reste gonflée à bloc. Les ego s'entrechoquent et causent des dégâts irréparables en apparence. Elle sanctionne l'absence ou les moindres maux par des errances. Qui eux-mêmes constituent une montagne de regrets. Elle s'en veut. A en crever.

    Faut dire qu'il n'est jamais facile d'avouer ses fautes ou ses erreurs. Ni même de reconnaître que de simples mots peuvent blesser bien plus violemment que les armes. Que même derrière les armures forgées par la désillusion se terre un être fragile. Fragile, voici le mot. Dissimulée par le masque de la robustesse à toute épreuve, des inébranlables. On la croit si simple, animée que par le désir de briller. Alors qu'elle n'est que complexité. Si cet animal devait être un jeu, il s'agirait d'un casse-tête. Ses faiblesses ne se découvrent pratiquement jamais à la face du monde. Avec sa moitié, la psyché de sa destinée, la différence est toute autre. Dès que ces foutus sentiments s'installent, le navire de son cœur sombre et les dégâts mettent du temps à être réparés. En cet instant, elles auraient dû être ensembles. A la place les voici, une nouvelle fois, si éloignées. Pour sa part, la corde résiste tout en ballottant sa victime dans le vide. La vitalité ne représente plus qu'une timide onde, ses résidus s'immergent dans une étendue lacustre en effleurant à peine la quiétude. Elle va mourir là. Seule. Sans honneur, sans grandeur. Ils vont se presser au portillon, cette cohorte de cloportes, pour déclamer que quelque part c'est à son image. A ceci, l'italienne n'a plus rien à rétorquer. A quoi bon se battre quand le combat n'a jamais eu lieu.

    Tu pensais que rien ne pouvait te briser ? Et pourtant, tu es en morceaux. Tu te croyais invincible ? Mais maintenant en ta demeure s'amoncellent les débris. Rien ne résiste à ton passage, à l'instar des flammes, tes tourments accouchent de cendres. Une femme malchanceuse dont la fertilité collectionne les morts-nés. Alors que feras-tu ? Que deviendras-tu ? Une condamnée ? Une survivante ? Ton cas sans éclat entre en comparaison avec la prévisibilité. Tu exiges une avenue mais tu arpentes un sentier. Être une égérie, avoir une statue à ton effigie. Que la reconnaissance acclame tes talents, ton énergie. Au lieu de ceci, c'est ta colère qui te régit. Si tu ne fais rien, que tu refuses d'émettre un souhait. Celui de lui donner ce qu'elle convoite depuis si longtemps. Tu vas la perdre. Ne sois pas aussi égoïste et imbuvable que tu ne l'es déjà. Sois là pour Elle. Regarde le monde à travers ses mirettes noisette. Ecoute chaque son provenant de sa bouche sucrée, abreuves-t-en. Savoure. Touche son épiderme brûlant de vouloir t'enivrer. Hume son exhalaison synonyme des meilleurs parfums. Montre-lui réellement ce que tu ressens.

    Un souffle naquit au creux de son cou, lui parcourt l'échine. Les fibres de ce qui la retient prisonnière craquent, cèdent et la libèrent. On entend que le son assourdissant de sa chute. Logique pour une Corleone ayant siégé sur un trône filamenteux. Seulement il ne reste jamais grand chose d'un royaume nuageux, si ce n'est un courant d'air. Naturellement ses poumons réprouvent la manœuvre, alors elle crache ces derniers. Ses doigts se portent à son visage, cherchant à se séparer des liens. Cette nouvelle tentative de suicide se solde par un échec. Le désespoir l'étreint, à force de tenter la faucheuse et tirailler la queue du diable. Ces deux-là risquent de pactiser et l'emporter pour de bon. Un aller simple pour une destination à laquelle on ne revient jamais.

    Est-ce vraiment là sa préférence...?

    La lionne ne peut plus rugir, rien ne va en resurgir. A côté, une loque a bien plus de prestance. Considérant ceci comme un signe. Elle se traîne cherchant à se refaire, en avalant les lieues, et disparaissant, avec pour unique objectif, celui de la retrouver... Afin d'entretenir sa détermination puisque épuisée par cet énième épisode traumatisant, elle se répète ces quelques lignes écrites de sa main, à la manière d'une ritournelle entêtante : "Elle, mon hirondelle, ma tire-laine, à tire d'ailes. Elle, mon miel, ma phalène, mon sel, ma Laell. Mes lèvres s'enivrent au goût de ton épiderme. Mes rêves chavirent en quittant la terre ferme. Ta fragrance embaume mes sens fiévreux. L'essence qui m'enveloppe au cœur, au creux, au mieux. Mirifique, la toile de tes prunelles mordorées. Orgasmique, le voile de tes charmes arpentés. Calligraphie pour ma rémige, esquissant tes courbes callipyges. Ton ombre volage émet un vœu lige, alors la souffrance se fige. Dans notre couche carmine naquit la passion de Cupidon. Ma bouche coquine s'acoquine de ton intime, de tes monts, de ce don. Amoureuse éternelle sous les merveilles du crépuscule et de l'aube. Mon épouse, mon ciel vermeil, belle du corpuscule aux lobes. Que mes lippes dérobent, cara mia. Tu es mon âme et j'aime cela..." Elle marche sans avancer, elle marche avec pour seul soutien cette lettre en main. Elle choit, se relève avec persévérance. Sa raison de vivre sera au bout du chemin ou elle ne sera plus.

    Si la Folie a un nom, c'est Amour.

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Laell
... Mais n'est-ce pas le pire piège
Que vivre en paix pour des amants *


Si l'oiseau ne s'était perdu en route, Joy devait avoir reçu sa réponse depuis la veille au moins. Un nouveau courrier arriverait dans la journée, la rassurant sur sa position, lui disant qu'elle reviendrait rapidement et qu'enfin leurs corps et leurs âmes de nouveau se réuniraient, les grisant de leur bonheur rétablit.
Loin d'avoir envie d'entendre encore parler des soucis amoureux des uns et des autres, ayant assez à faire des siens, Laell restait plus éloignée du groupe qu'à l'accoutumé. Ils avaient prit la route pour servir d'escorte à un espadon qui devait se greffer à eux au moins pour quelques jours. Et bien que ce ne fut pas pour les siens, l'escapade lui offrait un peu d'occupation pour faire passer le temps plus rapidement. Quelques soirées en taverne où elle faisait parfaitement illusion, du moins tant que personne ne s'amusait à la torturer en ramenant le sujet dans la conversation. Les jours passaient et à l'image de son âme, son corps commençait à souffrir. Elle n'arrivait plus à manger normalement, grignotant de ci de là quelques épis de maïs dans une lenteur morbide afin de garder un peu de substance dans son estomac. S'abreuvant peu pour les mêmes raisons, la bouteille de rhum d'Arnan durait déjà depuis plusieurs jours. Même l'envie de s'enivrer était absente. L'alcool, qui pourtant avait toujours été sa solution, ne parvenait pas à la guérir.
Seule dans sa charrette, l'obsession grandissante. Les mots des uns et des autres tournaient dans sa tête. La lettre était lue et relue, réchauffant timidement le coeur troublé de la Corleone. La maladie la gagnait, usant de ses rouages pour relancer ses réflexions dans un cercle sans fin.

Elle la savait loin. Par une fois déjà elle avait attenté à sa vie. Quand le regard de l'Italienne s'était posé sur les stigmates de cet acte, son esprit avait manqué de s'égarer dans les limbes de la violence. La douleur d'avoir failli la perdre pendant son absence, l'effroi face à la souffrance qu'elle même avait dû ressentir pour en arriver là. Ses dents s'étaient crispées, sa rage s'était contenue, usant de toute sa force pour ne pas la punir d'avoir tenté de disparaitre. Elle avait été incapable de répondre par la voix à ce hurlement muet sans se laisser submerger par les flots de ses sentiments.
Une boule se serra dans sa gorge. De nouveau, elles étaient loin l'une de l'autre. De nouveau, elles venaient de manquer de se perdre. Et même si elle lui affirmait être présente à son retour, ses doutes avaient prit place dans ses écrits. La journée s'était écoulée laissant le vide s'emparer de son esprit. La fièvre peut être ajoutait à son imagination. L'agitation de son âme s'amplifiait à chaque minute qu'égrainait le soleil couchant.

Aucun courrier n'arriva, ni ce jour là ni les suivants. La flamme de son espoir vacillait dangereusement, ravivée parfois par l'intensité de ce qu'elle éprouvait pour sa Brune. Après avoir ruminé des jours durant sa propre souffrance, la fièvre commençant à la quitter, son âme s'égara vers les futurs possibles. Pourraient-elles réellement se retrouver comme avant... Saurait-elle lui pardonner au plus profond de son coeur... La confiance ébréchée retrouverait-elle sa place... Tant de doutes auxquels seules les retrouvailles pourraient répondre. Tant de questions qui en apportaient de nouvelles à peine évoquées.
Les sorties se firent de plus en plus rares. La maladie l'avait éprouvée. Les journées défilaient entre de rapides passages au marché pour se fournir le strict nécessaire à sa survie et quelques rares apparitions hors de sa charrette. La froideur des journées s'emparait d'elle telle la grande faucheuse, ne laissant là qu'une simple carcasse.
Terrée dans son antre dans l'attente d'une arrivée qui peut être ne serait jamais...

L'attente révéla l'espoir,
L'impatience mua en inquiétude,
L'absence engendra le néant...


*Jacques Brel
La chanson des vieux amants

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