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[RP] « Les magouilles matrimoniales ?...

Elisaabeth.
        ... Il paraît que c’est à la mode ! »
        De la narratrice.



    Quelque part, dans le Sud, à Montpellier, plus précisément.


Non, non, non ! J’aurai dû refuser.
Mais, mais … mais pourquoi ?
Parce que je ne le connais pas ! Même pas de réputation ! Alors, c’est bien joli d’écrire de belles paroles mais qui me dit que c’est un homme fiable, hein ?
En panique la blonde ? Point du tout.
Mais, mais, mais … vous avez dit que vous irez le voir ?
Ouai bah … c’était une connerie. Encore une ! Je vais lui écrire.
C’est un peu tard pour reculer maintenant, non ?
Sssshhht ! C’est moi qui décide !

La jeune femme se rapprocha de son bureau en tirant la chaise entreposée devant le meuble afin que s’y asseoir. Droite comme un I, comme à son habitude quand elle était assise, et ses mains posées sur le bureau, elle tapota le meuble du bout des doigts, essayant d’en créer un rythme musical. Puis, tapant du poing sur la table, elle s’écria : Adrianna ! Ramène-moi une autre plume ! La précédente a rendue l’âme et s’est déplumée toute seule ! Il faut que j’écrive au vicomte comme quoi, je ne me rendrais finalement pas à Lan … do … Landorre ! pour notre dite rencontre !
Dame Élisabeth ? Tout est prêêêt !!

Hubert, ce cher page et valet fidèle à la jeune femme, venait de faire irruption dans la pièce – sans frapper, comme d’habitude ! – pour annoncer the « bonne nouvelle » de la journée. M’enfin, comment ça, tout est prêt ? Il n’y avait rien de prévu, que l’on sache, non ?

Je te demande pardon, Hubert ?
Bah oui ! Tout est prêt ! Il n’y a plus qu’à mettre vos malles et on est parti !
Gné ? ‘Ttends, attends ! Qu’est-ce que tu racontes ?!
Alors qu’Élisabeth s’était tournée vers la porte de la pièce pour regarder Hubert, un gros blanc plana dans la pièce … jusqu’à ce que le page se mette à rire aux grands éclats avant de répondre, essuyant une petite larme qui venait de couler : Hahahahaaa ! Encore une fois, ma dame ! Vous m’avez bien eu, hein ! Vous avez presque failli me faire croire que vous aviez oublié qu’on partait dès ce jour pour le Rouergue ! Hahahaa ! J’en pleure de rire, moi. Bouh.

Si le page rit au point de pleurer, la Belette, elle, n’est pas du tout en état de se mettre à rire. Ouhlala que non. Le visage neutre, sans expression, elle donna l’impression qu’elle regardait dans le vide, comme dans ses petits moments de réflexion très intense. Elle fusilla du regard le rouquin avant de lui rétorquer : Ai-je réellement une tête à faire des blagues, Hubert ?
Bah euhm …
Ensuite, j’ai deux questions. Quand ai-je donné l’ordre de « tout préparer » pour partir vers euhm … chez Monseigneur de Marsac ?
Il y a trois jours, exactement. Et vous étiez fortement détermi…
Je me passerais volontiers de tes commentaires. Deuxième question : étais-je … saoule ?... dans mon état normal, quand je t’ai donné cet ordre ?
Bah oui. Pas une goutte d’alco…
Troisième question !
Vous avez dit deux !
J’ai dit trois, pauvre sot !

Élisabeth savait pertinemment qu’elle avait dit deux, mais qu’est-ce que ça fait du bien de pouvoir contredire les domestiques, surtout quand on se sent maître de la situation. Elle reprit, impérieuse : Troisième question : quand as-tu lu mes lettres ?
Oh ! Mais ma dame ! Jamais j’oserai …
Shhhtt ! C’est moi qui parle. Sois chou, Hubert, et réponds-moi bien gentiment, quand as-tu lu toutes mes lettres ?
Mais j’ai pas lu vos let …
Hubert !
Mais euh ! J’ai rien fait, c’pas moi ! Si y a un problème, adressez-vous à Adrianna !
N’accuse pas une innocente, malheureux ! Et tu vas te calmer sinon tu finiras pendu par les oreilles ! Je viens de me souvenir de ce que j’ai fait et dit il y a trois jours. Tu me laisses quelques instants, ou du moins, quelques heures de plus. Nous partirons quand tout sera prêt.


    Rouergue, ou les deux derniers pas avant de sauter.


Entre le Languedoc et le Rouergue, en temps normal, le trajet ne doit pas sembler « atrocement » long pour qui que ce soit. Or, pour la Courden, ce trajet fut l’un des plus odieux voyages qu’elle put effectuer. Pourquoi odieux ? Pour tout vous expliquer, Marianne, la fille de la jeune femme, était habituellement d’une nature fort calme. Ce jour-ci, la petite rouquine décida qu’il était temps de faire mentir sa mère, en étant fort énervée. Pendant que la petite fille faisait des siennes, les chevaux – eux aussi ! – décidèrent de faire quelques caprices – perte d’un fer et j’en passe des vertes et des pas mûres –, une suivante qui décida, à son tour, de troquer son intelligence contre l’idiotie, un valet qui beugla à tort et à travers, enfin bref, tout partait de travers. Alors oui …

… Ce voyage est une véritable sinécure ! Une catastrophe ! Je le savais qu’il fallait rester à la maison, je le savais ! Marianne, pour l’amour de Dieu, cesse de gigoter et dors un peu !
Mâmaaaannn !
Adrianna ! Prends Marianne ! Elle va finir par me rendre chèvre !
Mais ma dame !
Et de l’extérieur retentissait un : Dame Élisabêêêth !!
Mâmaaaaann !
Miladyyyyyy !*
Ma daaaaaaaaame ?

Non, vous ne rêvez pas, cette scène, digne d’une comédie** se révélait être un véritable calvaire pour Élisabeth. Elle, qui haïssait les voyages en carrosse, était fortement bien servie pour ce voyage. Passant ses mains gantées sur son visage, la jeune femme était à deux doigts de s’arracher les cheveux quand sa fille, Marianne, eut la bonne idée de mettre la cerise sur le gâteau en commettant …

MÂMAAAAAAAAAAAAAAAAAAN !!!

… « L’irréparable ». C’est ainsi qu’une idée des plus lumineuses de la journée bouscula toutes les pensées – aussi sordides les unes que les autres – d’Élisabeth, qui se décida à mettre fin à cette comédie qui menaçait de ne point cesser. Pas même pour un sous.

Stop … stop, ça suffit … arrêtez la voiture … COCHER ! ARRÊTEZ-VOUS OU JE ME CHARGE MOI-MÊME DE VOUS FAIRE TRANCHER VOTRE GORGE DE DINDON !!

Si le cortège de la blonde s’arrêta net, il n’en est pas moins qu’il était enfin arrivé. Après être entrée dans la capitale du comté, la jeune femme ouvrit la porte du carrosse pour y sortir sans laisser à quiconque le temps de l’aider à descendre de la boîte à roulettes – ainsi couramment nommée par Élisabeth –, referma violemment la portière et fit quelques pas dans l’air frais de l’hiver. Resserrant le col fourré autour de son cou, la Belette sortit de ses pensées quelques instants et releva la tête vers un établissement qui lui semblait tout-à-fait convenable. Elle l’observa dans les moindres recoins avant de tourner la tête vers son cortège et de lâcher, telle une bombe, suffisamment fort afin que les personnes, qui l’accompagnaient, puissent entendre : Nous logerons ici, en attendant. Que cela plaise ou non, je m’en contrefiche !


Après veine négociation avec l’aubergiste, qui fut à son plus grand malheur, menaçait par la Courden si jamais il refusait de donner deux ou trois chambres à la jeune femme, cette dernière le mettrait au pilori et le ferait pendre par les pieds après avoir laissé une chèvre lui léchait les pieds comme supplice ; la Belette obtint finalement ce qu’elle souhaitait, et une fois bien installée dans l’une des chambres louées, la jeune femme s’installa à une table, encre, plume et parchemins sous la main, et s’attela à écrire à la personne qui fut la cause de tous les soucis de ces derniers jours.


Citation:
    Lettre destinée au vicomte de Landorre




Citation:

    Monseigneur,

    Je me permets de vous écrire afin de vous annoncer que j’ai fait le voyage jusqu’à Rodez, ne sachant absolument pas où se trouverait votre vicomté. Ne sachant non plus où vous souhaitez me rencontrer, j’ai donc fait le choix de m’installer dans une auberge non loin de la Cathédrale.

    J’espère recevoir de vos nouvelles très rapidement car comme je vous l’avais annoncé dans l’une de mes lettres, je ne pourrais, malheureusement point, me permettre de rester aussi longtemps que je ne l’aurai souhaité.

    Respectueusement.


Je veux que ce soit un coursier qui apporte cette lettre en main propre au vicomte. Pas un vulgaire volatile !



*Milady : Ma dame, en anglais
**Clic-IIii-clic sur le liiiieeeen !... Bon ok, c’est Shrek (le deuxième)

_________________
Alberic
Château de Saint-Vincent, cour intérieure.

Une douleur lancinante vrillait l’épaule de l’homme. Les dents serrés, le front en sueur, le vicomte se tenait face à un escrimeur redoutable. Les deux bretteurs, torses nus, luttaient maintenant depuis presque une heure à la recherche de la moindre faille susceptible de déstabiliser l’autre. Le temps semblait comme arrêté autour du maitre des lieux et de son loyal serviteur. Le regard sauvage d’Alberic ne laissa guère de doute quant à sa volonté de ne pas lâcher prise. En aucune façon il ne permettrait à son adversaire de remporter la victoire. Pas cette fois. Le seigneur, faisant fi de la douleur, se jeta sur son opposant du moment - bâton tenu à deux mains - il enchaina les coups dans une rage contenue frappant d’estoc et de taille. Cet élan ravageur qui devait être porté avec surprise sembla perturber le chef de la garde qui perdit du terrain. Refusant d’abandonner à son garde du corps la moindre parcelle de surface, il asséna inlassablement dans une maitrise parfaite de ses à-coups. Le résultat ne se fit point attendre et Abzal, car tel était son nom, termina fesses au sol en demandant grâce à son suzerain. Le magistrat se fendit d’un sourire fatigué tendant un bras puissant pour aider l’homme à se relever. "Tu as fait montre d’une grande dextérité. La revanche demain !"

Une heure plus tard, bureau vicomtal.

L’homme, mains derrière le dos, se tenait près de la fenêtre. Il portait un regard en contrebas surplombant son domaine situé à l’est de Rodez. La baronnie de Landorre élevée pour l’occasion en Vicomté, était un des fiefs les plus grands du Rouergue : outre le palais des Vallées dans lequel l’homme de loi ne séjournait jamais, le château de Saint Vincent - imposant et sombre - dominait de ses deux tours [La Seca et la Neca] les alentours immédiats. Il se plaisait souvent à visiter ses terres, s’octroyant de longues balades à cheval. D’un naturel solitaire, le seigneur aimait se retrouver seul avec lui-même laissant le froid d’hiver glacer ses os tandis que l’odeur de la forêt imprégnait son être d’une douce léthargie. Cette solitude de l’âme se traduisait de différentes manières. Tout d’abord, le vicomte détestait s’entourer de domestiques. Il avait en tout et pour tout que trois serviteurs : Abzal, le chef de sa garde qui n’était chef que de nom. Honfroi, l’homme qui la composait et Sanche un vieille femme à l’hiver de sa vie qui lui servait de servante. Cette dernière était originaire de Saint Nicolas de la Taille, une terre qu’Alberic détenait en Normandie. La vieille gouvernante s’était résolue à accompagner son maitre jusqu’au Rouergue refusant de le laisser entre les mains de mauvaises gens. C’était du moins ce qu’elle avait dit pour le convaincre de l’emmener avec lui. Mais cette inclinaison pour la solitude s’exprimait aussi par la volonté affichée de faire preuve - en de nombreuses circonstances - d’une misanthropie exacerbée. Il détestait le palabre inutile et vouait à l’ignorant un mépris bien mérité.

Ses pensées le conduisirent vers une jeune femme qu’il devait rencontrer au plus tôt. Le vicomte avait entretenu avec cette dernière un échange épistolaire longue de plusieurs jours. Il lui avait alors exposé son désir somme toute légitime d’assurer la pérennité de son nom. Si cette demande formulée de bute en blanc pouvait paraitre osée. Elle était en réalité le témoignage d’un désir commun ; celui de mettre fin à un célibat trop long. L’enquêteur du roi était un homme dans la force de l’âge. Il était détenteur de terres, d’un rang et de la réputation d’être parmi les plus brillants juristes du royaume. C’est du moins la conviction acquise après qu’il eût œuvré tant au niveau local qu’au niveau du royaume. A cet égard, rien ne lui importait davantage que l’expression d’une justice juste en tout point. Cette droiture imposée à lui-même et qu’il imposait aux autres en toute circonstance lui donnait parfois une allure austère. Son physique, loin d’atténuer cette impression, ne faisait que la confirmer. Alberic était de ces hommes à la beauté glaciale. Grand de taille, ses yeux sombres étaient encadrés par une mâchoire carrée. Il était âgé de trente un ans, mais pouvait en paraitre davantage en raison des aléas survenus tout le long de sa vie.

Les coups frappés à la porte le sortit des méandres de ses pensées. Tournant le dos à la fenêtre, il porta son regard vers la porte se contentant de répondre par un « oui »lapidaire. Sitôt l’autorisation donnée, la porte s’ouvrit sur Sanche que le vicomte accueillit par un sourire doux qui aurait certainement étonné bon nombre de gens. La vieille femme s’exprima en ces termes : « Un messager vient de remettre ce pli » Le sourcil du seigneur se argua quelque peu. Il remercia d’un signe de tête la gouvernante avant de prendre connaissance de la missive. Ceci fait, l’édile s’approcha de la fenêtre qu’il ouvrit en grand passant la tête par-dessus en direction de la Cour. « Abzal ! Fait sceller mon cheval, nous partons pour Rodez ». Puis, portant son regard vers la gouvernante, il ajouta : « Va voir Honfroi et demande lui de se rendre au village et de revenir accompagné de serfs. Je veux que la demeure soit présentable à mon retour. Ils pourront négliger l’aile nord du château. Tu t’occuperas également de préparer une chambre, la plus spacieuse après la mienne. » Il s’empressa de regagner la cour intérieure après avoir habillé des vêtements plus chauds. Montant sur sa scelle, il fit un signe de tête à son capitaine et partit aux galops dans une nuée de poussière.

Le voyage jusqu’à Rodez avait duré que quelques heures. A peine le temps de ressentir l’ivresse du voyage ; cette sensation incomparable de liberté que le vicomte aimait ressentir lorsqu’il partait sur les chemins. Mais déjà, la capitale se dessinait devant lui. Placé sur une colline, main droite sur la crinière de son cheval, l’homme contempla le cœur névralgique de son comté. Lieu de pouvoir et d’ambition qu’il ne connaissait que trop bien. Il lui arrivait souvent de s’y rendre en sa qualité de conseiller extraordinaire ou lorsque – autrefois – il exerçait la fonction de feudataire dont les réminiscences se situaient autour de son cou où s’affichait fièrement le Collier de Saint-Amans. « Allons-y » C’est après ces simples mots que le magistrat fit repartir son cheval accompagné de son homme d’armes.

Quelques minutes plus tard, à l’auberge non loin de la cathédrale.

L’ancien comte du Rouergue ouvrit la porte, s’avançant dans la pièce sa main posée machinalement sur le pommeau de sa lame. Portant son regard vers l’aubergiste qui lui tournait le dos. Alberic racla sa gorge. Le tavernier, un homme nerveux et gras, se tourna vers le vicomte brusquement le détaillant de haut en bas avant de s’arrêter sur le collier du seigneur en écarquillant les yeux.

« Mon noble seigneur ! » l’aubergiste contourna le comptoir avant de poursuivre d’un ton nerveux, venant baiser la bague de l’homme. "C’est un immense honneur de recevoir un homme tel que vous dans mon humble demeure. Que puis-je pour votre service ?" Le vicomte dégagea sa main avant de répondre d’un ton glacial. "Point de flagornerie !" Il s’avança dans la pièce ses bottes marquant le sol d’un son audible. "Une jeune femme est venue ici il y a peu. Il me faut la rencontrer prestement". L’aubergiste s'abstint de préciser que la jeune femme en question s’était montrée pour le moins insistante dans son désir de louer plusieurs chambres. Après que l’aubergiste eut indiqué l’emplacement consacré, le seigneur ordonna à Abzal de l’attendre en bas. Il se dirigea à l’étage d’un pas assuré. C’est sans marquer la moindre hésitation qu’il tapa trois coups contre la porte. Attendant l'autorisation d'entrer, il sentit les battements de son cœur s’accélérer...

La silhouette imposante du vicomte se dessina dans l’entrebâillement. L'homme prit la parole d'une voix douce portant son regard en direction d'une dame qu'il présumait être celle qu'il recherchait. Inclinant la tête, il se présenta.


"Je suis Alberic de Marsac, vicomte de Landorre et seigneur de Saint Nicolas de la Taille. Je viens répondre aux attendes formulées dans votre pli. J’ose espérer que vous avez fait un bon voyage ?" Le regard acier de l'homme ne quitta pas celui d'Elisa alors qu'il attendait une réponse à sa question. Au-dehors, une fine pluie envahissait le monde et l'obscurité de la nuit était déjà là.
_________________
Elisaabeth.
    Dans l’une des chambres louées, en fin de journée, début de soirée.


Le soir tombait petit à petit. Encore une journée affreusement ennuyante qui venait de s’écouler. À croire que l’ennui n’avait aucunement envie d’abandonner, ou que la jeune femme se faisait plus agresser par l’ennui que l’envie, ou alors, agresser par l’ennui et l’envie* d’étrangler les personnes qui la saoulaient, même sa propre fille. Mais bon, elle n’est pas cinglée non plus (sshht ! On se tait !) et jamais elle ne pourrait se permettre de tuer la chair de sa chair, le sang de son sang. Elle était beaucoup trop mère poule – quand la folie n’avait pas pris le dessus – pour faire du mal des enfants – ou les siens, principalement.

Revenons à nos moutons. Le soir tombe, la jeune femme s’emmerde un peu, regarde ce qu’il se passe dans les ruelles de la capitale du Rouergue depuis son poste d’observation – à savoir la fenêtre de sa chambre – et patiente. Oui, oui. Avec calme et sérénité, elle patiente. C’est dingue, n’est-ce pas ? Elle arrive à garder son calme et sa sérénité en attendant la sui…


Beurdel de merde ! Qu’est-ce qu’on peut se faire chiiier quand on doit attendre un truc !

…te … AAAH MAIS J’EN AI MAAAAAARRE !! Pourquoi faut-il toujours qu’on me contredire, beurdel ! Cela en devient pénible, surtout quand on observe bien attentivement et que l’on remarque que tout est calme au premier coup d’œil. Non, non. Élisabeth a décidé qu’il fallait contredire la narratrice qui passe pour quoi, maintenant, hein ? Bon d’accord, reconcentrons-nous et reprenons tout le sérieux qui nous soit possible d’acquérir en quelques secondes pour comprendre ce qu’il se passe. Elle s’ennuie, ce qui peut être compréhensible, d’un côté. Après avoir bien embêté sa mère, Marianne venait tout juste de se faire enlever par Morphée – ou l’art de se débarrasser d’une sale gosse qui a été infecté de toute la journée – et ne sera rendue que … que quand Morphée aura décidé.

Soit. La jeune femme s’approcha du fauteuil positionné non loin de la cheminée, attrapant au passage un livre pour bouquiner un tantinet soit peu. C’est avec grâce et délicatesse qu’elle s’étala … comme une merde dans le fauteuil et après avoir lâché un soupir désespéré, elle ouvrit le livre et commença sa lecture. Livre pathétique, évidemment, mais il fallait bien trouver le moyen de faire passer le temps, vous n’êtes pas d’accord ? Non. Bon ok, on continue. Quelques lignes, quelques pages passées, la jeune femme décida qu’il était temps de cesser la comédie. Rien n’allait, non, rien ! C’est pourquoi, elle se leva en refermant le livre d’un coup sec, se rapprocha de la table où elle avait écrit, quelques heures plus tôt, un billet pour prévenir le vicomte de Landorre qu’elle était enfin arrivée dans le Rouergue. Cette fois-ci, elle allait lui renvoyer un autre billet, mais pour lui dire tout autre chose …


Adrianna. Dès demain, on repart à la maison. On refait nos malles et on se fait une escapade lyonnaise !
Mais … mais ma dame …
Pas de « mais » qui tienne, Adrianna. On repart. Je ne compte pas m’éterniser dans une ville pour rencontrer un homme que je ne connais même pas. C’est absolument ridicule et en plus, c’est totalement bête. Surtout venant de moi. Est-ce que j’ai une tête à me jeter dans la gueule du loup ?
Non ! Mais…
Tais-toi, j’ai raison. Occupe-toi un peu au lieu de errer tel un vautour qui cherche sa proie.

À nous deux, Marsac !


Citation:
Cher vicomte,
J’espère que vous ne vous êtes pas déranger en vous déplaçant jusqu’à Rodez, j’en serai peinée, surtout pour ce que je m’apprête à vous dire …


Non. Le papier fut déchiré avant d’être jeté par terre. Deuxième tentative.

Citation:
Monseigneur,
Rentrez chez vous. Je dois impérativement partir pour l’Est dans les plus brefs délais !


Non. Ça sonnait faux. Déchiré, le papier rejoignit le premier. Troisième tentative.

Citation:
Trouve-toi une autre poulette. Je ne suis pas ce que tu crois !


Un gloussement précéda la déchirure du billet, qui rejoignit les deux précédents. Puis, d’autres tentatives suivirent …

Pendant ce temps-là, Adrianna qui visiblement était déçue, se posta devant la fenêtre afin de regarder ce qu’il se passait dehors. Quel … vide ? En tout cas, la capitale rouergate ne donna pas l’impression d’être envahie par la populace. Ceci était fort dommage, d’un côté … Un soupir. Un deuxième soupir. Puis un troisième. Suivit d’un autre soupir. Encore un … «
Oh ! » Comment ça, oh ? Ce n’est point un soupir. C’est juste de l’étonnement. Oui mais, étonnée de quoi ? La jeune angloyse colla son nez contre la vitre de la fenêtre – imaginez un peu son visage aplati parce qu’il est collé contre la fenêtre, ahah – et regarda plus attentivement. Une personne, ou plutôt devrait-elle dire, un géant, venait de s’arrêter devant l’auberge. C’était bien la première fois qu’Adrianna voyait une personne aussi … graaaande. Elle s’exclama, avec une pointe d’étonnement :

Milady** ! Il y a un géant dehors !
La Mesnay réagit quelques minutes après. Vous savez, le temps que ça fasse le tour. Puis éclata de rire : Mais enfin Adrianna, elle se tourna sur sa chaise afin d’observer sa suivante, les géants n’existent que dans les contes que je raconte à Marianne. Et habituellement, les géants sont méchants, sans jeu de mots, alors s’il-te-plaît, cesse-donc de raconter des bêtises et va coudre, tiens !
Mais si ! Je vous jure qu’il y avait un géant là, juste-lààà !, répondit-elle en pointant son doigt sur le carreau, très sûre d’elle.
Adrianna, si vraiment il y avait un géant, ne crois-tu pas que je l’aurai vu, moi aussi ? Parce qu’un géant, c’est très, très, très grand ! Les géants font, au moins, plus de quinze pieds de long !
Mais si ! Je vous le juuuuuuuuure !
Adrianna, ça suffit !

Élisabeth se leva de sa chaise et décida d’aller voir elle-même où pouvait bien se trouver le dit « géant ». Fallait pas déconner non plus. Alors qu’Adrianna jeta un rapide coup d’œil vers sa maîtresse pour lui montrer qu’il y avait bien un géant, Élisabeth se retrouva aux côtés de sa suivante et constata … qu’il n’y avait pas de géant. C’est donc le visage sévère qu’elle sermonna la jeune angloyse : Si tu t’ennuies vraiment, Adrianna. Va donc voir si ma fille dort ou non.
Mais je vous jure ma dame qu’il était là !
Cesse donc de jurer, jeune fille ! Tu me fatigues !

De nouveau contrariée, la Balafrée repartit s’asseoir là où elle se trouvait quelques instants auparavant, alors que la suivante venait de remarquer que son géant venait de disparaître. Évidemment, il fallait que ce grouillot se cache pour qu’elle passe non seulement pour une menteuse mais aussi pour une cinglée. Contrariée à son tour, elle s’apprêta à rejoindre la deuxième chambre quand on toqua à la porte. Stoppant net, elle jeta un regard dépité vers sa maîtresse avant que la Mesnay ne lui dise : « Va ouvrir, je te prie. » pour finalement s’exécuter. Elle ouvrit la porte et ne vit pas en premier le visage de la personne se trouvant en face d’elle. Oh que non ! C’était un torse. Écarquillant les yeux, elle leva la tête et … et … et c’était le géant de tout à l’heure qui se trouvait devant elle. Ce dernier entonna une présentation qui, non seulement, fit crispée plus que de raison la suivante, mais qui eut pour but de faire réagir Élisabeth qui avait tout entendu. Et merde ! ‘Manquait plus que ça !

Elle se leva tellement vite que la chaise en tomba à la renverse, ce qui fit un petit boucan. Du coup, elle se précipita vers la porte, poussant un petit peu violemment la rouquine angloyse et remarqua à son tour … que le jeune homme était probablement le géant d’Adrianna. Son regard d’émeraude plongé dans celui du noble, elle se fendit dans un sourire crispé et une légère révérence avant de répondre au vicomte :
Je … euhm … vous demande quelques instants. Puis elle referma la porte … au nez du vicomte de Landorre. Se mordant fortement les lèvres, Élisabeth regarda sa suivante qui, visiblement, ne s’était toujours pas décrispée, et lui attrapa les bras afin de la secouer : Mais remue-toi, bon sang ! Va … va … va brûler les billets qui sont par terre ! Il ne doit absolument pas les voir ! Et, et … et tu iras avec Marianne. Il faut que je reste seule avec lui. Dépêche-toua ! Ramasse-les, viiiiite !

Billets ramassés et brûlés dans la cheminée, Élisabeth se retourna en prenant une grande inspiration, en lissant les plis sur ses jupons puis, ouvrit la porte, affichant un sourire – très – confus : Je vous demande pardon. Je ne m’attendais pas à … je … je vais être franche. Vous m’avez totalement prise au dépourvu. Je ne pensais pas que vous … viendriez ? Oui ! Viendriez dès le jour de l'envoi de mon … billet.

Petit blanc puis, reprise.

Quelle incorrection ! Veuillez m’excuser ! Entrez donc, ne restez pas ici.

Elle ouvrit la porte plus largement afin de laisser le – géant d’Adrianna – vicomte de Landorre entrer dans la chambre. Alors qu’elle referma la porte après avoir laissé le passage au noble, elle referma la porte, fusillant Adrianna du regard qui était encore restée planter devant la cheminée afin de brûler complètement les billets qui finalement, n’ont servi à rien. Sursautant, Adrianna plongea dans une génuflexion avant de quitter la pièce à grand pas de … géant. Une fois seule avec le rouergat, la Mesnay invita ce dernier à s’asseoir dans le deuxième fauteuil entreposé à de l’autre fauteuil, face à la cheminée. Elle se dirigea vers un placard où elle avait fait rapporter une bouteille de vin et une autre bouteille d’alcool. Elle ouvrit le placard, proposant au passage « Puis-je vous offrir un verre ? », quoi que finalement, ce n’était pas une réelle proposition, puisqu’elle attrapa deux verres et la bouteille de vin. Commençons petit avant de finir trop grand. Elle se rapprocha d’Alberic, posa les deux verres sur le guéridon qui fut posé entre les deux fauteuils et déboucha la bouteille afin de verser le liquide dans les deux verres. Prenant un verre, elle s’installa avec grâce et délicatesse, telle une noble qui se respecte et détailla son visiteur gentiment. Un sourire étira les lèvres d’Élisabeth.

Dans le fond … t’aurais pu attendre avant de venir, espèce de … de … de toi !, je suis contente que vous soyez venu rapidement.


* Légèrement inspiré d’une chanson d’Indochine.
** Milady : ma dame, en anglais.

_________________
Alberic
"CLAC", tel fut le bruit de la porte se renfermant sur le magistrat. S'en suivit alors un moment de grande solitude durant lequel le vicomte afficha une mine pour le moins décontenancée. Son sourcil se argua lorsque la porte s'ouvrit de nouveau sur le visage ravissant de la jeune femme qui affichait pour l'occasion un sourire confus. La finesse de ses traits ne laissait guère de doute quant à sa jeunesse. Elle devait être âgée de vingt ans. Même si son âge était sujet à caution car il était fort aisé pour l'ignorant de la rajeunir de quelques années. Sa chevelure blonde était accompagnée d'un visage pâle et d'un regard clair. La couleur de ses yeux - d'un vert émeraude - plut immédiatement à l'homme qui trouvait par là un côté envoûtant. De taille relativement petite, Elisabeth devait lui arriver au niveau de son torse. Cette dernière prit la parole pour s'excuser avant que le vicomte réponde à l'invitation en pénétrant dans la pièce. Il resta silencieux préférant laisser son regard se perdre autour de lui. D'un naturel curieux, le vicomte était aussi un fin observateur. Rien ne pouvait échapper à son œil exercé. Pas même ... Un rougissement imperceptible vint colorer ses joues tandis que les yeux de l'homme s’arrêtèrent l'espace d'un instant sur les fesses de la dame de Mesnay. Ainsi donc, le diplomate avait dit vrai. Du moins pour ce qu'il pouvait en juger. L'idée de contacter la jeune femme n'était pas le fruit du hasard. Il avait été question d'un ambassadeur de passage à Rodez. Ce dernier que le vicomte avait rencontré en taverne s'était épanché en long en large et en travers sur les femmes de son pays. C’est ainsi que l’enquêteur royal avait été informé de l’existence d'Elisabeth, désireuse de se marier avec un homme de sa condition. Le mariage arrangé - en ce qu’il était chose courante - n'indisposait point le seigneur. Plus encore, il voyait là l'opportunité rêvée de passer une étape longtemps détestée.

Le vicomte glissa ses mains sur ses épaules avant de se débarrasser de son mantel qu'il déposa sur un fauteuil. Puis, passant ses doigts vers son ventre, il défit également son ceinturon comportant le fourreau de sa lame ceinte d'une émeraude. Déposant celle-ci non loin de son vêtement, il prit place à l'endroit indiqué observant les gestes et les manières de la jeune femme. C'était une noble de bonne famille à n'en point douter. Cet état de fait qui apparaissait en cet instant dans toute sa clarté eut pour conséquence de rassurer l'homme de loi. Celui-ci faisait un point d'honneur à ce que sa future épouse - si du moins il s'agissait d'elle - fasse montre d'une parfaite tenue en différentes circonstances, qu'il plairait à sa vicomtale personne de voir appliquer. Elisabeth, même si elle l'ignorait certainement, venait de marquer un deuxième point. Le premier étant indépendant de sa volonté, inhérent - pour ainsi dire - à la grâce de Dieu d'avoir su apporter à la jeune femme des attributs fort désirables. Le vicomte prit le verre entre ses doigts avant de le porter à ses lèvres. Le posant sur le guéridon, il répondit d'une voix posée.


"Je suis venu dès réception de votre pli. Landorre n'est pas très loin de Rodez. Ma terre se trouve à l'est de la capitale".
L'ancien président de la Cour d'Appel de France se fendit d'un léger sourire, portant son regard acier sur le visage délicat de son hôte. "Vous constaterez par vous même - si du moins l'envie vous prend - combien ma vicomté vaut le détour. Il s'agit, sans conteste, du fief le plus important du Rouergue". C'était là une manière détournée de lui faire comprendre que l'homme en plus d'avoir un physique plaisant était surtout un excellent parti. "Au risque de paraitre un brin direct dans mes propos, permettez-moi d'en venir directement au but de notre rencontre". Le visage de l'homme se fit moins expressif, plus fermé. "J'aspire - disons le – à me marier". Il observa du coin de l’œil la réaction d'Elisabeth avant de poursuivre toujours aussi direct. "Je pense que vous êtes la personne désignée pour bénéficier de ce privilège". Une pointe de provocation se fit sentir à cette dernière phrase. "Je suis détenteur de terres et d'un rang. Je puis vous apporter protection et subvenir à vos besoins pour peu qu'ils ne soient pas immodérés. Comme dit dans la missive, je jouis également d'une réputation à l'échelle du royaume par suite de l'exercice de différents offices qu'il n'est pas nécessaire de retranscrire ici. En somme, je pense être pour une femme du monde un mari idéal. La contrepartie à la jouissance de mon nom et de mes titres est somme toute assez naturelle". L'enquêteur du roi marqua un silence de quelques secondes avant de reprendre, guettant toujours la moindre réaction de la personne qui lui faisait face. "Je souhaite un héritier mâle né dans les sacréments du mariage afin que ma descendance puisse prétendre au prestige d'un nom en tout point respectable".

Et voilà ! Les choses avaient été dites sur un ton calme où se mêlait douceur et provocation. Droit sur son fauteuil, le vicomte avait exposé ses désidératas avec cette franchise qui le caractérisait. A ceux qui ne connaissaient point le vicomte, les paroles prononcées pouvaient paraitre choquantes. Encore qu'il ne s'agissait là que de l'expression d'un usage fort courant. Mais en réalité, Alberic n'avait pas toujours été cet homme à la recherche d'une épouse. Père endeuillé d'une fille mort née, il était aussi l'heureux parent d'un enfant de quatre ans [né hors mariage] aujourd'hui en compagnie de sa mère la Duchesse d'Arques en Aur. Cette femme qu'il avait aimé d'un amour sincère, loin de ce qu’il convenait d’appeler aujourd’hui "un mariage d'intérêts". Au fond de lui, le magistrat ne pouvait accepter cette fatalité des choses d’une union préconçue où l’amour n’aurait point sa place. Il espérait – au-delà même de cette conception du mariage – que des sentiments sincères naitraient avec le temps. L'ancien feudataire consentit un léger sourire avant de prendre la parole presque de manière tendre.

"Savez-vous, ma dame, que vous êtes très belle ?".

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Elisaabeth.
À peine s’était-elle installée dans son fauteuil, qu’elle avait dit qu’elle était ravie qu’il soit venu rapidement, même si elle était à deux doigts de préparer ses malles pour repartir du Rouergue, que le vicomte lui répondit. Et bien soit, posséder une terre qui se trouvait non loin de la capitale rouergate était un bon point pour lui. C’était très important pour Élisabeth de n’être jamais loin de la capitale, s’il lui était impossible d’y vivre. Elle attrapa son verre et l’apporta à sa bouche, avalant une petite gorgée du liquide, avant de le reposer sur le guéridon et de joindre les mains alors qu’elle s’enfonçait doucement dans le fauteuil, les coudes posés sur les bras du fauteuil. Son visage tourné vers son invité, elle l’observait, retenant quelques fois un sourire – beaucoup trop – gentil. Il s’agissait là d’une invitation à se rendre à la vicomté de Landorre. M’oui mais, qui nous dit que cet homme ne cachait pas son jeu ?... Ah non ! On ne recommence pas avec les idées tordues qui peuvent traverser l’esprit à n’importe quel moment qui ne sont là que pour faire perdre la tête. Pour chasser ces mauvaises pensées, Élisabeth secoua doucement la tête, les yeux fermés. Elle s’arrêta pour regarder de nouveau son invité. Voici que ce dernier s’attaquait directement au dessert … enfin, façon de parler, bien évidemment. Il ne tournait pas autour du pot et ceci était un autre bon point pour notre chère Balafrée.

Au fur et à mesure que le jeune homme – quoi que ce dernier devait avoir la trentaine, si ce n’est moins –, un sourire étira très légèrement les lèvres de la jeune femme. En fait, elle retenait vaille que vaille un rire. Pour ne point céder à cette tentation qui menaçait de lui faire perdre tout contrôle, elle se mordit fortement la lèvre inférieure. Encore un peu et Alberic pourrait croire qu’elle se moque de lui, alors qu’il n’en était rien. Absolument pas. Elle était principalement amusée par cette situation qui est, disons-le, tiré légèrement par les cheveux, non ? Non. Bon, d’accord. Alors, ce n’est pas commun et ce n’est pas tous les jours que l’on vit ce genre d’événements. Oh que non ! Sur le visage de la jeune femme s’afficha un sourire en coin. Et en plus, ce petit – que c’est moche de jouer avec les mots ! – possédait le sens de la provocation. Non seulement oralement mais aussi, à l’écrit. Cela permit à Élisabeth de se remémorer un passage de la lettre. Du moins, l’un des deux Post Scriptum : « Le diplomate m'a fait savoir que vos fesses ainsi que votre visage étaient charmants. […] »

Oh que oui, la lettre l’avait rendue folle de rage. Ce n'était pas une catin non plus ! À vrai dire, le jour où la missive arriva dans le Languedoc, chez la Mesnay donc, elle avait d’abord ordonné à sa suivante, Adrianna, de brûler la lettre, puisque le sceau lui était inconnu. Puis, la curiosité la submergea au point qu’elle ordonna à Adrianna de reprendre la lettre pour qu’elle puisse la lire. Une fois la missive en main, l’expression de son visage changea à chaque paragraphe lu. Dieu que c’était affreux d’avoir une réputation qui nous précédait, surtout quand on ne savait de qui venait les rumeurs lancées sur votre dos. Elle dût attendre, au moins le lendemain de la réception de la lettre pour répondre plus objectivement à la lettre du vicomte de Landorre. Revenons à nos moutons. Bla-bla-bla, tu me l’avais déjà dit ça, mon pépère. Deviendrait-il sénile avant l’heure ? Pauvre homme. La jeune femme ne pouvait décidément pas éclater de rire à son nez. C’est pourquoi elle se mordit, non plus la lèvre mais la langue. Un peu plus fort que précédemment. Ne pas rire, surtout pas. En plus, ce n’était nullement de la moquerie mais juste la situation, une situation tellement peu probable, qui la faisait rire … et un petit peu les paroles de Marsac. Mais bon, nulle moquerie, du tout.

Elle arbora alors l’un de ses plus beaux sourires … probablement au mauvais moment puisqu’Alberic parlait qu’en échange de titres, jouissance de nom – alors que pour le coup, la Balafrée préférait d’autres jouissances, hum – ainsi que tout ce qu’il pouvait proposer, il lui fallait un héritier. Héritier … Ahahah. Un petit mâle né dans les sacrements du mariage. Évidement que le futur héritier naîtra du sacrement du mariage, sinon où est l’intérêt de se marier ? Sourire quelque peu figé, puisqu’il était peut-être temps de répondre, Élisabeth décida de reprendre son verre afin de boire deux longues gorgées afin de se donner du « courage » puis, prenant une forte rasade d’air, elle plongea son regard dans celui du vicomte de Landorre tout en lui répondant :


Il est évident que … comme tout noble qui se respecte, que vous souhaitiez, en échange de ce que vous pouvez proposer, un héritier – mâle, de surcroît – qui puisse « prétendre » mais également conserver et assurer tout ce que vous avez obtenu jusqu’ici. J’aurai …

… une question ? Bien sûr que oui mais pourquoi couper la parole d’un noble seigneur quand celui-ci vous complimente sous forme de question ? Cela serait incorrect, voyons ! Surtout qu’il est toujours aussi agréable ce petit – promis la prochaine fois, j’arrête ! – vraiment agréable. Malgré cette bienveillance, la Courden recevait difficilement les compliments, puisqu’elle croyait fortement qu’elle ne les méritait aucunement. C’est pour cela qu’il y a plusieurs réactions plausibles comme réponse au compliment.
Première solution : elle pourrait prendre l’air le plus hautain qu’il soit, avec ce petit air qui pouvait la rendre détestable – d’ailleurs, il faudrait qu’elle revoit ce petit air parce que visiblement, il y a des choses à revoir – et répondre quelque chose du genre : « Oui, je sais. »
Deuxième solution : le sourire qu’elle avait jusque-là pourrait s’effacer et ses lèvres laisseraient échapper quelque chose qui ressemblerait à « Là n’est point la question, cher ami. Vous vous égarez ! » tout ceci avec un dédain remarquable. Façon élisabéthaine, quoi !
Troisième solution – tout-à-fait possible, fort malheureusement – : le sourire qu’elle arborait jusque-là pourrait se transformer en sourire provocateur mais tellement séducteur, elle s’installerait dans son fauteuil de façon à ce qu’Alberic puisse se rincer l’œil en détaillant un peu plus la belle gorge d’Élisabeth et elle lui dirait, suavement : « Vous voulez peut-être en parlant peu plus … profondément ailleurs ? » Proxénétisme ? Pfeu, quelle idée ! Ce n’est pas une catin, non plus. En plus, elle refuserait tout paiement – ce n’est toujours pas une catin ! Parmi ces solutions, laquelle sera mise à exécution ?


Je … euhm … vous remercie.

Gênée ? Un chouïa. En essayant de cacher cette gêne – elle ne s’y fera donc jamais aux compliments –, elle voulut terminer son verre quand ce n’est pas le liquide mais une mini goutte de vin. Une goutte ! Hé ben … elle va aller loin pour y trouver encore un peu de réconfort. Elle aurait pu lâcher « Et merde ! ‘Manquait plus que ça ! » mais elle en perdit sa langue. Cette langue tellement pendante quand sa propriétaire le voulait – et là, je vous prierai de bien vouloir garder votre esprit tordu car je n’ai strictement rien dit qui puisse vous faire croire de telles choses. Élisabeth se leva, attrapa la bouteille et se remplit le verre. Elle se tourna vers son invité et dans un petit sourire, elle lui demanda : « Je suis sûre que vous souhaitez un autre verre, n’est-ce pas ? » ou l’art de détourner un sujet qu’elle jugeait inutile de parler. Elle avait dans une main son verre, et de l’autre la bouteille. Elle se mordit la lèvre inférieure avant de prendre la parole :

Je crois utile de vous faire savoir que je fus fiancée, il y a quelques temps. Nous étions en plein préparatifs quand Édouard fut blessé. Elle ne laissa rien paraître et contrôla superbement le ton qu’elle employait. Elle préférait utiliser un ton neutre afin de ne pas laisser ses sentiments l’envahir. Malheureusement, sa blessure le submergea et l’envoya auprès de notre Seigneur et Créateur. Le mariage fut donc annulé … même si à cette époque, j’aurai accepté avec plaisir de me marier avec un cadavre, mais vous conviendrez comme moi que j’aurai fini au bûcher si j’avais osé faire une telle chose. Elle afficha un petit sourire, triste de surcroît mais elle se reprit, toussotant légèrement : Inutile de vous mentir, il laissa derrière lui une orpheline … qui vint au monde quelques mois plus tard. Au moins, ceci était suffisamment clair. Bouteille et verre en main, elle fit le tour en passant derrière le fauteuil du vicomte et se rapprocha de la cheminée, jetant un coup d’œil afin de voir s’il n’avait pas décidé de prendre la poudre d’escampette. Si je venais à me marier, j’aimerai que le « futur époux » accepte ma fille … « bâtarde ». Le dernier mot fut difficilement dit, puisque la jeune femme n’aimait pas l’utiliser pour sa propre fille. Mais c’était ainsi. Je ne lui demande pas de prendre la place de père qui ne lui appartient pas, sauf si ce dernier le souhaite au plus profond de lui, j’aimerai tout simplement être clair : ma fille ne doit en aucun cas être un obstacle afin qu’un homme accepte de m’épouser. Si cet obstacle devait avoir lieu, mon choix sera déjà fait : je préfère choisir ma fille qu’un époux orgueilleux qui préfère mettre ma propre fille dans un couvent où elle sera élevée pour devenir nonne – ce qui n’est pas mon souhait, pour l’instant.

Ceci voulait tout dire et elle accepterait le choix d’Alberic : soit il accepterait le fait qu’Élisabeth n’était pas une pucelle bonne à marier et qu’elle avait un enfant dans les pattes ; ou alors il ne l’acceptait pas et prendrait la porte pour faire comprendre son choix. Elle reprit néanmoins : Mais ceci ne doit pas vous empêcher d’écouter ce que j’ai à vous dire. Elle abandonna son « poste » pour se rapprocher du fauteuil vide et refroidi et reprit derechef, cette fois-ci debout à côté de son fauteuil à elle : Je suis auvergnate de naissance. J’ai vécu plus d’une dizaine d’année auprès de mes parents avant de me retrouver au couvent. Après cette période spirituelle, je suis partie en Champagne, où je fus au service d’une baronne … morte à son tour. Après être restée quelques années en Champagne, je suis partie en Franche-Comté, où je fis la rencontre de la personne qui est aujourd’hui encore ma suzeraine. Vous devez savoir par la même que si vous faites le choix de me choisir comme future épouse, puisque, si je reprends vos mots, vous pensez que je suis la personne désignée pour bénéficier de ce privilège, elle eut un sourire amusé en disant cette phrase. Elle la termina tout en s’asseyant : j’ai bien peur de devoir vous imposer un voyage en Franche-Comté afin que vous puissiez lui demander ma main, puisqu’elle avait pour projet, avant que je ne me fiance avec son cousin, de me marier avec l’un des vassaux de son parrain. Je suppose que depuis la mort d’Édouard, le contrat de mariage qu’elle s’était donnée à cœur joie de préparer a refait surface. Vous devez vous demander pourquoi je vous dis tout cela mais sachez une chose : jamais je ne pourrais épouser un homme qui semble sorti tout droit d’une caverne. Et d’après ce que j’ai appris – et de source sûre ! – c’est un ivrogne ! Comprenez donc par-là que je ne souhaite absolument pas que ma fille grandisse dans un milieu où son … « beau-père » n’est autre qu’un alcoolique. Et puis, il n’est point du tout mon style, contrairement à vous.

Et paf. Ceci était dit. Impossible de revenir en arrière. La jeune femme prit une gorgée du vin, remarqua qu’elle avait toujours la bouteille de vin dans son autre main et leva les yeux au ciel avant de tendre la bouteille : Servez-vous si vous le souhaitez. Je vous en propose mais n’en vous en donne pas. Veuillez m’en excuser !
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Alberic
1459 – Normandie

A celui qui ignorait l’atmosphère étouffante d’un tribunal et qui voyait se dessiner sous ses yeux l’âpreté d’un juge. Le temps pouvait paraitre long. Il s’agissait d’une expérience que le commun des mortels préférait éviter : cette sensation d’écrasement face au poids de ses responsabilités ; lorsque la main de la justice s’apprêtait à frapper avec une fermeté incommensurable. Alberic savait inspirer aux prévenus qui se succédaient sous ses yeux une terreur certaine. Non point qu’il fut un juge plus sévère qu’un autre, mais il attachait aux besoins de sa charge une application absolue. Le regard aussi glacial que la mort - la mâchoire serrée - les mains jointes dans une posture solennelle, tel était le juge de Normandie en cette année de l’an de grâce mil quatre cent soixante neuf. Il voyait se dessiner devant lui un jeune homme à l’allure atypique. Le garçon - entouré de deux gardes à la mine patibulaire - habillait des vêtements d’une crasse répugnante. Visage baissé, tremblant de la tête aux pieds, il semblait se morfondre dans la peur. Sans doute conscient en cet instant fatidique que sa vie ne tenait qu’à un fil. Ce qui avait conduit ce gueux entre les murs d’une Cour de justice relevait d’une banalité affolante. Il était question d’un crime de sang comme on peut en voir souvent sur les routes du royaume. A sa décharge, le garçon de basse condition avait été enrôlé de force parmi des mercenaires avides de destruction. Des hommes sans foi ni loi animés des pires intentions sous le regard d’un dieu auquel ils ne croyaient pas. Ce constat de l’inexistence d’une divinité – juge de leurs âmes – mêlé à un désir viscéral de mort les conduisirent sur des sentiers de perditions : ils ôtèrent la vie à des voyageurs innocents. Mais le garçon âgé de tout juste quinze ans qui se trouvait face au juge n'avait rien d'un tueur. Il se dégageait de sa jeune personne une tristesse profonde, loin de ce que devait être un meurtrier impitoyable. Comme si, à l'aube d'une mort presque certaine, plus rien n'importait sinon la contrition de l'âme. Il y avait dans cette scène déchirante les relents d'une tragédie grecque sans le coup de théâtre à la fin. Pour la première fois de sa longue carrière, le magistrat ressentit lui-aussi cette sensation d’écrasement. L'impression terrible de n'être que la bouche de la loi. L'homme prit la parole d'une voix grave pour prononcer la sentence de mort. Son regard se porta sur le visage du garçon qui fondit en larmes. Un gémissement terrible monta dans le tribunal. Le juge n’oublierait jamais ce hurlement de désespoir : le crie d’un mère accablée par le glaive de la justice.
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Maintenant

Le vicomte avait eu l'espace de quelques secondes un moment d'égarement. Trop court instant pour que la jeune femme puisse remarquer la moindre chose. Il venait de terminer sa longue tirade et elle lui proposait aimablement de lui remplir son verre. Ce qu'il accepta volontiers souriant intérieurement à cette diversion fort mal jouée. Car - encore une fois - rien ne pouvait échapper à l’œil aiguisé du seigneur qui était sur bien des points un redoutable observateur. Il écouta Elisabeth dans un silence religieux portant le verre à ses lèvres avec douceur. Il suivit du regard sa promise qui semblait intenable passant de la cheminée au fauteuil, il ne s'étonna guère d’apprendre qu’elle avait une fille. Néanmoins, lorsqu'elle fit référence à la nécessité de demander l'accord à sa suzeraine, il haussa ostensiblement un sourcil vite remplacé par un sourire amusé à la mention de son attirance pour lui. Reprenant du début, il répondit.

"D'aucuns seraient indisposés par la présence d'un enfant. Rassurez-vous, cela n'est point mon cas. Je suis père d'un garçon. Ce faisant, ma personne est coutumière des choses de l’enfance. Je consens même à reconnaitre votre fille et à la placer sous ma protection sitôt le mariage consenti. Il va s’en dire que cette dernière n’aura aucune prétention sur mes terres. Je réserve celles-ci à mon héritier légitime". Il ajouta, presque tendrement. "Cela étant dit, je pense être un homme patient et à l’écoute. Votre enfant me détestera peut-être de prime abord mais il finira par m’apprécier". L’homme porta de nouveau ses lèvres à son verre, faisant peser sur la pièce un court silence. En réalité, sa décision avait été prise dès son regard porté sur la jeune femme, mais il ne voulait pas paraitre par trop pressant. Ce pourquoi, il ajouta.


"Naturellement, les choses ne sont pas encore faites et il nous faut réfléchir plus avant à tout cela. A ce propos ... "La voix du vicomte se fit plus ferme "je n’aime point trop l’idée de quémander votre main à cette suzeraine que je ne connais aucunement. Je suis indisposé par le fait de devoir me rabaisser de la sorte. Après tout, ne suis-je point l’homme ? Cette femme - même estimable – n’est pas votre parent. Malgré tout, si la nécessité se fait réellement sentir, je puis concevoir une rencontre informelle aux fins que nous puisions discuter en bonne intelligence. Quant à cette ivrogne – nulle crainte à avoir – j’en fais mon affaire ! Il est inacceptable qu’une personne de votre qualité" et de votre beauté, se contint-il d’ajouter "puisse se voir attribuer un parti aussi misérable".

Approchant son bras de la table pour prendre la bouteille entre ses doigts - quelque peu agacé par la perspective de voir l'affaire compromise par un énergumène - le vicomte ne put que constater sa maladresse. Le verre de la jeune femme disposé sur la table venait de se renverser intégralement sur sa robe. Se levant prestement, l'homme ajouta à ce regrettable accident un nouveau drame pour le moins embarrassant. C'est ainsi que grand de taille, le seigneur asséna un coup de genoux contre la table, renversant cette fois-ci la bouteille sur les genoux de son hôte. Aussi rouge que la couleur du vin, il constata les dégâts. S'approchant de la dame, il se mit en tête de limiter la catastrophe en tentant de "nettoyer" les jupons d'Elisabeth. Cette dernière lui offrant - malgré elle - une vue pour le moins dégagée sur ses cuisses.


"Hum ...Je suis sincèrement navré. Je n'ai pas jugé utile de préciser dans mes lettres que je suis un homme assez ... maladroit". L'homme détestait perdre le contrôle de la situation.

"Je suis toujours votre type d'homme ?" Il la regarda droit dans les yeux dissimulant sa gêne par un ton railleur.
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