[Mimizan, Gascogne la veille]
...Une nuit... une aube... une nouvelle nuit...et un matin nouveau !
Nuit d'affres et de désespoir... de colère aussi... Rouge du sang qui injecte les yeux lorsque les larmes se sont taries...
La décision... si naturelle, si évidente... Trait rouge vif tiré rageusement sur un passé futile...
Puis... Elle... elle qui m'importe plus que tout au monde soudain... comme une évidence, une urgence !
Décision de l'enlever... contre son gré ?... non, au fond de moi, je savais... il me suffisait juste d'ouvrir les yeux.
Assez de faux-fuyants Aengus O'Sullivan... assez d'hésitations.
Je savais pour Gil... mais je n'en avais cure en dépit de mon honneur... il est des choses qui dépassent cet entendement... allez savoir pourquoi et comment.
Donc... Cette aube... cette forge troublée dans sa quiétude un peu routinière, violée en quelque sorte... Sacrifiée à Eros... mais un Eros Guerrier plus proche d'Esus que d'Apollon... Conquérant... autoritaire mais éperdument amoureux... prêt à tout pour arracher sa belle de ce carcan de solitude et de mélancolie...
Par les Dieux... cette lueur dans ses yeux lorsque nos regards se croisaient... cela seul avait suffit à faire pencher la balance !
Gil git inanimé sur le sol de la forge... une pensée pour lui... Merci Eithne... je n'ai aps eu à le tuer... Azzera ne me l'eût jamais pardonné et son cadavre serait resté à jamais entre nous...
Dans mes bras, cette oiselle fragile qui palpite et frémit doucement... le visage enfoui au creux de mon épaule... les bras serrés autour de mon cou semblant me crier : "Ne m'abandonne jamais !"
Et nous voilà chevauchant tous deux vers notre Destin... vers un lieu que j'ignore mais que je devine confusément.
Je la serre entre mes bras... elle sait notre destination, mais j'ai ris les rênes...
Son corps ondule chaud et frémissant contre ma poitrine au rythme du galop. Je tiens les rênes d'une main, de l'autre bras, j'enserre son corps, la main refermée sur son sein comme pour prendre possession d'elle. Nos jambes soudées s'épousent parfaitement le long des flancs de la monture
Ses fesses fermes pressées contre mon ventre , nous ne faisons qu'un sur le cheval qui nous emporte. .. ses longs cheveux d'ébène réunis sur l'arrière par un cordon de lin fouettent mon visage au gré du vent et laissent dans mes narines des effluves envoûtantes.
Dieu qu'elle sent bon !... Odeur de femme ardente... musquée et sauvage... suave et tendre tout à la fois... Tout en elle provoque en moi un trouble lascif et lancinant.
Enfin...la nuit s'achève... au matin... alors que nous marchions un peu main dans la main pour reposer notre monture... Une auberge...
Un regard déjà complice... Oui... prendre du repos... partager sans doute notre première couche... se découvrir doucement... peu à peu.. Se donner avec tendresse et pudeur à nos désirs frémissants.. prémisses d'une passion torride... laisser enfin naître au grand jour la tendresse de ce matin nouveau...
[Une taverne perdue entre rêve et bonheur... Surprises]
Une Taverne comme les autres ma foi... banale sans doute, anonyme...
Je pousse la porte... un regard circonspect... vieille habitude de prudence afin que le regard s'accoutume à la pénombre de l'endroit... Je sens le regard de ma compagne posé sur moi... un rapide regard pour la rassurer semblant lui dire : "Là... tout va bien amour, je suis là !"
Une femme s'y tient attablée aux côté d'un homme... belle allure tous deux. Je crois reconnaître la femme... confusément.
Je serre Azzera contre moi, prudent, la senestre non loin de ma dague lorsque la femme se lève et s'approche de nous, nous dévisage, une chope à la main un bon sourire aux lèvres :
- Azz, par tous les Saints qu'est-ce que tu fais ici?
Alandrisse... mais oui... Le lieu et la tenue m'avaient égaré. je la reconnaissais à présent et je me détendis soudain sous la pression de la menotte d'Azzera et la douceur de son regard...
Par tous les Dieux, à chaque fois qu'elle me regardait de cette manière, j'avais envie de la serrer dans mes bras et la couvrir de baisers.
Néanmoins, j'arrivai à me contenir et après avoir salué la Blanche avec déférence, je m'effaçai pour les laisser se parler à mi-voix...
Puis, propos anodins échangés avec un bon sourire fraternel et jovial... j'en avais presque oublié la faim.
Oreille qui se tend soudain :
- Bien sûr, que je me souviens de ton ami. J'ai de la mémoire lorsque c'est nécessaire, Azz. En tout cas, je remarque qu'il est encore en vie. Il arrive donc à te supporter, je suis admirative je dois dire. Il est bien connu que les Blanches ont un sacré caractère.
Un sacré caractère ? Un rire amical s'échappe de ma gorge :
- Certes, mais de là ne pouvoir supporter cette Sirène ensorcelante... Il faut être aveugle pour ne pas voir en elle cette tendresse ardente qui l'habite...
J'ai eu la chance immense de la recevoir en offrande et j'en remercie les Dieux...
Si une lame ne vient pas à bout de moi, ses yeux me font succomber à chaque regard... mais c'est à chaque fois une douce résurrection... Qu'elle dure à jamais ! Et, entre nous, je ne sais qui de l'un devra supporter l'autre !
E je partis d'un grand éclat de rire.
Le regard qu'Alandrissa laissa errer sur ma tenue ne me laissait aucun doute sur les questions qu'elle aurait aimé me poser, mais, avec un sourire malicieux, je me gardai bien d'anticiper ses demandes. J'espérais, non sans malice, la mettre en position plus embarrassante que celle dans laquelle elle pensait me mettre.
J'avais déjà remarqué, lors de la cérémonie, que la vue d'un homme en kilt provoquait des réactions d'étonnement bien compréhensibles.. Mais pour moi, une pagé était tournée... Mon sang Irlandais bouillait plus ardent que jamais dans mes veines, palpitant d'une nouvelle vie.
Mais, bientôt, je repris les choses en main :
- Tout cela est fort joli, mais il semble que ma douce soit affamée... j'avoue avoir grand faim, moi aussi... A en juger le fumet qui plane ici, la chère doit être honorable.
Me tournant vers le comptoir :
- Holà ! Tavernière... Laisserez vous mourir de faim deux voyageurs éprouvés ?... Et, tant que vous y êtes servez-nous donc un large pichet de bière brune... Nos gosiers sont desséchés !
- Nous permettez-vous de nous joindre à votre tablée Dame Alandrisse ?...
Mais sans attendre, certain de la réponse, j'entraînai ma douce vers la tablée en lui passant amoureusement le bras autour de la taille.
Au passage, j'effleurai ses cheveux d'un doux baiser tendre.
- Venez ma Sirène... vous devez être affamée et lasse.