Poissac, incarné par Soren
- Vérifier? Ça veut dire qu'personne croit c'que j'dis parce que j'suis un pauv' garde sans l'sou? Parce que j'avions pas d'biaux habits d'soie, que j'suis pas si ben peigné qu'ça et que j'pue pas l'parfum à l'eau d'rose?
La remarque de l'avocat avait sonné le garde qui mit un certain temps avant de répondre. Elle le renvoyait d'où il venait, c'est à dire au niveau du caniveau. Pour quelqu'un qui se pensait être le héros du jour, le piédestal était haut.
- Et puis, j'suis garde à la maréchaussée non? J'suis pas un témoin comme qui dirait crédib' ?
Se creuser les méninges. Remuer la faisselle de cervelle et trouver une idée. Il était inconcevable pour le bergeracois que la blonde Olofsdotter puisse s'en sortir.
- Et si vous consultiez dame Margaux hein? Elle, elle pourrait sans doute vous dire c'qu'elle a traficoté avec la blonde! Elle, elle doit connaître l'poison qu'Solveig a utilisé pour s'débarrasser du maréchal! Ensuite j'en sais rien moi! J'vous l'ai dit : j'suis garde moi! C'te pas moi qui m'occupe d'monter les enquêtes! J'en ai ben assez d'monter les...
Déplacé mon cher Poissac! Très déplacé! Surtout dans la situation où tu te trouves!
- Quand au fait qu'le maréchal pouvait r'trouver un visage humain voir même s'remettre à t'nir drette sur ses guiboles, ça j'en savions rien! C'que j'sais par contre, c'te que l'maréchal, il a ben dit un jour à Solveig qu'il souhaitait qu'la grande faucheuse vienne frapper à sa porte... Enfin, il l'a pas dit comme ça. Il a dit un truc du genre qu'le Sans-Nom a intérêt à s'grouiller d'lui trouver une place sur la lune parce que si l'destin n'se force pas un peu, lui allait l'forcer. C'te discussion, elle a eu lieu à la maréchaussée. Rigobert, un aut' garde d'Bergerac était là aussi. On était quat' avec Solveig. L'soir même, elle m'a fait la proposition que j'vous ai dis. Et puis l'lendemain, les mêmes quat' personnes ont entendu l'maréchal dire qu'il était pas ben la veille, qu'il avait eu un coup d'déprime. Il disait qu'il avait plein d'projets à mettre en oeuvre, qu'il voulait r'mettre d'l'ordre dans sa vie. C'te soir-là, au taillevent d'Bergerac, j'suis allé discuter avec Solveig. J'pensais qu'on allait tout arrêter...mais à ma grande surprise, elle m'a dit qu'non, qu'le maréchal faisait ça simplement parce qu'il voulait laisser une belle impression d'lui. Elle m'a dit qu'au contraire, on mettait l'plan à exécution, qu'elle s'occup'rait d'nous trouver c'qu'il faut et qu'ensuite ce s'rait à moi d'jouer. Moi, j'étions pas sur du tout. J'avais l'impression qu'elle cherchait à m'mentir. On s'est fâché. J'suis sorti. J'avions même failli bousculer dame Anne-Sophie en sortant! Et puis un aut'soir, Solveig est r'venue. Elle m'a donné une bourse pleine d'écus d'une main et une fiole dans une autre. Elle m'a dit d'mettre quelques gouttes d'ça dans les bouteilles du maréchal : à la chancellerie, dans son bureau à la maréchaussée, au taillevent d'Bergerac dans un endroit d'la cave qu'il visitait souvent... Y'a longtemps d'ça, des futs avaient été ouverts à l'auberge municipale d'la ville par des malfrats qui s'étaient infiltrés dans la cave. Dame Anne-Sophie était la Bourgmestre d'l'époque...ou alors c'était Dame Jehane Louise ... Ouais, celle des mines... j'sais plus bien. Bref! Ils avaient décidé d'essayer d'vendre les futs au maire d'Périgueux, vous savez, l'borgne là! Mais il en n'a voulu. Alors l'maréchal les a mit dans un coin d'l'auberge et il v'nait s'prendre un p'tit coup d'temps à autre, quand il n'avait pas d'écus pour s'payer ses bières du jour! Ben ceusses-là aussi, j'en avions mis quelques gouttes dans ces tonn'lets là! Enfin quand j'dis quelques gouttes... c'te façon d'parler hein! Tant qu'à faire, ça servait à rien d'gacher c'te susbtance qui a du couter un bras à Solveig! Dites, z'auriez pas encore un peu d'vin! J'avions l'gosier sec à force d'parler!
Il était comme ça Poissac. Il n'avait pas un discours très ordonné. Il noyait souvent son récit de détails insignifiants, oubliait parfois des points cruciaux. C'était un homme d'action, bien plus habitué aux travaux d'extérieur qu'aux discours mondains.
- Et puis un soir, ça a enfin fait l'effet. L'plus drôle, c'était qu'une sorcière était d'passage en ville. Une certaine Paquita. Quand elle a appris qu'le blond est mort après avoir bu dans un verre qui v'nait d'la prop' bouteille d'la sorcière, elle a éclaté d'rire! Elle m'a dit qu'si la justice du comté f'rait correctement son travail, alors on soupçonn'rait l'estrangère. "Estrangère, sorcière, dernière personne à avoir vu l'blond et avoir bu en sa compagnie? N'importe qui d'censé l'imagin'rait coupable!"... Et puis après elle a mis son plan en action. Elle a inventé les dernières volontés du maréchal! Elle a écrit elle-même la let' qui lui permettait d'entrer au conseil comtal à la place du maréchal. Son plan était simp' : met' la zizanie ent' les conseillers. Faire que c'te conseil fonctionne point pour prouver qu'y'avait qu'une seule personne qui pouvait diriger l'comté : elle! Elle a même essayé d'faire accuser l'comte d'avoir tuer l'maréchal. Et puis, y'a eu l'affaire Kris.... C'te là qu'j'suis v'nu vous voir : l'soir même où elle m'a d'mandé d'me débarrasser d'lui parce qu'il cherchait à la faire destituer...