Finn
Citation:
- À Taliesyn de Montfort,
Prince de la seconde note de la gamme d'ut et Cerbère.
Bon, j'espère avoir correctement orthographié votre prénom. De toute façon, chaque fois que je veux placer le I ou le Y, c'est toujours le contraire. Pour le reste, ma foy, pardonnez la charade mais j'ai dû faire avec mes moyens mnémotechniques (et j'arrive à l'épeler celui-ci, c'est dire si le breton me résiste). Plus sérieusement, à force de pas savoir vous nommer, on va finir par vous appeler l'Innommable. Ou l'Imprénommable plutôt, mais ça a moins de gueule.
Bref, mon Prince, on a pas suffisamment l'occasion de se voir. C'est pitié, je m'étais bien plu à dézinguer la faune française avec votre arbalète. Afin d'y remédier, auriez-vous l'obligeance de me réserver l'une de vos trois têtes bien pleines pour un tête-à-tête avec la mienne ? Que diriez-vous de vider quelques canons en ma compagnie ?
Je propose de faire cela sur vos terres, ainsi vous n'aurez même pas à bouger : je viens z'à vous.
Au galop,
-
Finn Ó Mórdha,
Chevalier de Kiberen.
Sur ces belles paroles qui le devancent d'à peine quelques heures, le vieil Irlandais se met en branle. Fiché sur sa selle, dictant ses dernières volontés à l'ami d'enfance, le bien nommé Mog, il traverse les forêts de Retz sur son fier Napolitain.
- « Si je ne reviens pas, tu enverras mon cur à Dunamase pour qu'il repose auprès de mes ancêtres... »
- « Mais tu les as jamais connus. »
- « Et alors ? C'étaient sûrement de très chics types ! »
- « L'argent ? »
- « Prends juste de quoi t'offrir une putain pour sécher tes larmes et donne tout le reste à la Prinsez, tout. »
- « Les propriétés ? »
- « La Prinsez. »
- « Les chevaux ? »
- « Prinsez. »
- « Armes ? »
- « Prinsez. »
- « Et la Prinsez ?... »
La verte réprimande claque sur le crâne du gras du bide trottant plus bas.
- « Allez vas, maintenant, vas... », conclut l'Irlandais en congédiant l'homme de main alors que Rézé s'élève un peu plus loin.
Car le danger est palpable et qu'il faut être un peu fêlé pour se pointer devant le Cerbère avec une telle demande sur la langue, le Chevalier caracole, n'écoutant que sa soif. Pas franchement convaincu par les conseils de la blonde Altesse, plus mué par la sensation de sentir nu comme un ver sans, l'épée borde son flanc. L'armure fait cependant défaut depuis que la paix règne dans son quotidien.
- « Annoncez Finn Ó Mórdha. Ah et faites venir un clerc, je vous prie. »
Sa caisse de vin sous le bras, le Gaélique se laisse guider de galopins d'écurie en laquais d'intérieur sans toutefois confier son sort au par-terre Montfort, levant les bottes bien haut à chaque pas. La frangine lui a déjà fait le coup du piège à loup, c'est bon, ça va quoi.
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