Jurgen.
- Feuer und Wasser kommt nicht zusammen
Kann man nicht binden sind nicht verwandt
In Funken versunken steh ich im Flammen
Und bin im Wasser verbrannt
Im Wasser verbrannt
So kocht das Blut in meinen Händen
C'était une longue journée, où Jurgen aurait pu compter les heures, si seulement il en avait été capable. Une longue journée derrière son comptoir où les visites de sa douce s'étaient faites moins fréquentes qu'à laccoutumée, et aussi moins.. ardentes. Là où les doigts s'emmêlaient dans les cheveux, et où les corps se serraient en de plus ou moins doux mouvements, il n'en restait plus grand chose. Elle lui filait entre les doigts, et Jurgen, la tête dans une choppe, se posait son millier de question. Que fait-elle? Où est-elle? Cette attitude, c'est quoi? Son corps ne répond plus au mien, pourquoi? Oh, du gaillard aux larges épaules, il ne restait plus qu'une ombre.
Là où elle fut distante avec lui, la journée, elle fut bien plus proche de la fille. Il en fut agacé. Surtout avec les histoires de grecs qui traînaient. C'est pas que Jurgen aurait refusé d'avoir deux femmes dans son lit -loin de là, mais bien qu'il la voulait pour lui tout seul. Il n'avait même pas pu y gouter, encore ! Et la peine était grande, le désir, aussi. Il lui avait parfois traversé l'esprit, quelques pensées comme "Vas au bordel, elle n'en saura rien, tu en as besoin, et ça ne peut pas te rendre pire que tu ne l'es déjà." Mais il avait toujours résisté. La fidélité était une chose abstraite et maladroite, il ne l'imaginait pas aussi dangereuse, cette fidélité qui rendait les gens jaloux et fous. C'est ce qu'il lui arrivait. Lorsqu'il allait derrière son comptoir, la première question qu'il posait, toujours, était "Z'avez pas vu ma Donzelle?".
Le pirate, accro à sa vile sirène. Elle le tuait. Littéralement. Sa langue était un poison, ses mains, griffes acérées et délicieuses, ses cheveux, des fouets qui lui lacéraient les chaires avec plaisir, et son corps brûlant contre le sien était une flamme lancinante qui le consumait à petit feu.
La folie revint, ce soir là, lorsqu'il ne la vit que lui chuchoter à elle, l'italienne.
Son corps, et son coeur de plus en plus mou, étaient deux choses qui n'allaient guère ensemble. Si l'un hurlait à la violence et la transpirait de tous les pores de la peau, l'autre, plus tendre, pleurait de sombres larmes de désespoirs, parfois. Il ne la comprenait plus. L'avait-il comprise un jour? Ce jour où il l'avait arraché à sa famille? Ou peut être celui où Corbeau l'avait menacée d'une dague entre les côtes? Ou encore... Celui où l'entaille sur sa main lui fut faite?
Ses idées affreuses reprirent le dessus. Elle lui cachait quelque chose. Il devenait complètement paranoïaque, mais il était certain, sûr et certain que cette petite pucelle lui cachait quelque chose. Quelque chose d'énormissime.
Et puis à l'hostel Mucidan, ce soir là. Une énième dispute, mais cette fois-ci, le Jurgen n'avait pu se contenir bien longtemps. Il était devenu rouge, écarlate, cramoisi de rage, et la haine avait pris le dessus, lorsqu'il avait vu la chemise de Sieg. Lorsqu'elle lui avait montré la chemise de Sieg!
-J'peux pas rester là, j'peux pas, où j'...
Il s'était stoppé net dans ses mots. S'il était capable de la frapper? Son corps, oui, son coeur, moins. Il avait alors dévalé les escaliers, se cognant de colère aux murs, y enfonçant ses poings dans les tentures dorées, et était sorti errer dans les rues.
Tard, la nuit, des chuchotis. Une voix. Celle de Darria. Une autre. celle de Jenifael. Il grogna intérieurement, bien que sur le point d'exploser. La rage était telle ! Cette petite sotte lui avait caché bien des choses. Déjà, la discrétion dont elle pouvait faire preuve. Elle l'avait trompée, avec ses gaucheries, à Thouars et ailleurs, et cette amnésie. Il ne croyait plus à rien. Jurgen redevint le pirate sanguinaire dont la paie n'est que quelques gorges tranchées. Et ce cou gracile... Gott ! Ses dents se montrèrent, comme ceux d'un loup, et ses yeux se firent minuscules, comme pour mieux appréhender la nuit.
Le Prince de la discrétion se faufilait à travers les rues qui devenaient de plus en plus basses, de plus en plus crasseuses, de moins en moins fleuries, et les pavés laissaient place à la boue immonde. Oh, il connaissait l'endroit. Parfois, il y venait, pour guetter les bordels et se convaincre de ne pas y entrer. Pourtant, ce soir là, ce serait affreux et pour le moins sanglant. Des catins de rue, les moins bien loties l'aguichèrent.
-Hé mon beau barbu, ça t'dis pas d'venir m'culbuter dans la ruelle?
-Demain, ma Jolie.
Oh, promesse en l'air, évidemment. Jurgen était un quartier maistre sérieux, et, quand il s'agissait de filature, il était prudent. Sa jambe trainait sous sa longue et épaisse cape de lapin, alors que des gants d'agneaux, volés la veille, lui servait à ne pas se salir les mains et passer pour plus honnête qu'il ne l'était. l'oeil vif, il suivait les silhouettes. Quelques pas, encore, et il s'accouda à une maisonnée de pierre à moitié en ruines. Il s'y cacha rudement, et posa instinctivement la main sur la dague. Le doigt glissa comme sur le corps de son amante, puis, toujours comme sur le corps de sa pucelle d'amante, il l'empoigna fermement, paré à toute éventualité. Vilain réflexe, puisqu'une dague ne serait ce soir plantée dans les chaires. Il observait les deux femmes, encore et encore, sans pouvoir remarquer leur accoutrement, leur beauté flamboyante, mais il reconnaissait bien la silhouette de son Amour, de sa Passion, de sa Meurtrière. Il cracha à terre pour signifier sa haine, comme à son habitude. La largeur de la rue les séparaient à présent, et, tapi dans l'ombre, il essayait d'entendre les murmures.
Feuer und Wasser - Rammstein
Feu et eau ne vont pas ensemble
On ne peut pas les lier, ils ne sont pas apparentés
Plongé dans les étincelles, je me tiens dans les flammes
Et je suis consumé dans l'eau
Consumé dans l'eau
Ainsi bout le sang dans mes reins
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