Lastele
[Depuis je ne ferme plus les yeux.]
Le soir tombe sur Arles. Les yeux fixés sur le pavé, Lastèle observe les ombres sallonger. Un frisson lui parcourt léchine, il fait de plus en plus sombre dehors. Dans sa tête il fait noir. Elle frémit, langoisse monte. Quelques bribes dimages remontent dun délire si proche quil semblerait réel. Ces monstres, ces chimères quelle a rêvé Ne sortaient-ils vraiment que de son imagination ? La jeune fille doute. Et cette incertitude la trouble davantage. Les menaces, les coups, elle a tout entendu et tout ressenti. Ce ne peut pas être faux. La sorcière a menti, ce nétait pas un cauchemar. Cétait assez réel pour quelle sen souvienne. Assez violent pour que chaque souvenir laisse une marque dans son esprit. Cétait assez proche pour leffrayer encore à chacun des pas quelle fait.
La Lisreux allonge lallure, trottine puis court franchement jusquà lauberge où elle loge en attendant. En attendant quoi ? De sinstaller en ville surement mais pour lheure, sa chambre est au second étage dune taverne acceptable dans le bourg. Elle entre dans la salle commune et referme la porte derrière elle, espérant laisser dehors ses craintes infondées. La lumière la rassure mais pas suffisamment. Son cur bat la chamade, sa mâchoire se crispe. Tout va bien, pourtant. Il ny a rien ni personne de menaçant. Il ny a rien, se répète-t-elle. Mais le nud au fond de son ventre se resserre. Encore, et encore. Alors elle monte les marches quatre à quatre, et senferme dans sa chambre. La serrure est verrouillée, la porte coincée par une chaise et une dizaine de chandelles éclaire la pièce de leur chaude clarté. La brune se protège dune menace extérieure mais le mal dans la pièce. Il la suit partout parce quil est dans sa tête. Il sy est installé dès lors quelle sest mise à hurler, engloutie par un songe provoqué par une mauvaise tisane.
Calme-toi. Calme-toi bon sang ! Tu nes plus une enfant Lastèle. Tu nas jamais eu peur de la nuit.
Lorsque jétais enfant, Moran me rassurait. Il était mon pillier.
Mais il nest pas là pour te protéger, ce soir
Et la voix résonne dans son crâne. Il nest pas là. Elle est seule face à ses démons ce soir. Seule pour combattre son propre esprit. Elle se sent folle. Folle à lier.
Inspiration. Je ne suis pas folle.
Expiration. Je ne suis pas folle.
Et comme elle nest pas folle, la demoiselle se dévêt, étire son corps long et osseux. Ses membres gardent quelque chose denfantin, ce quelque chose qui montre si bien quelle nest pas femme. Une sorte de raideur dans ses angles, ses hanches étroites que les mèches cuivrées viennent caresser, et ses formes si peu rondes quelle cache sous la robe de chambre quelle enfile rapidement. Les pupilles de jais fouillent la pièce du regard : il ny a rien sous le lit, les coins sont vides de monstres. Lingénue peut se coucher, sendormir sans crainte. Cette fois rien ne viendra troubler son repos.
Pourtant elle ne ferme pas lil. Elle a peur, elle est terrifiée. Les bougies se consument lentement, la cire fond et les mèches brûlent. Elle ne supportera pas de se retrouver dans le noir. La nuit est effrayante, lorsque les démons sortent. Alors elle veille. Lorsquune lumière séteint, aussitôt elle la rallume. La chambre est un abri, et les minuscules flammes son salut. Son aîné ne la protègera pas, mais le Très-Haut ne labandonnera pas. Elle récite son credo, ses prières, sans relâche, au pied de son lit. La nuit passera et elle ne bougera pas. Dormir cest mourir, pense-t-elle. Ils vont massassiner dans mon sommeil. Ils vont menlever et me sacrifier, je le sais, elle me la dit.
Alors elle reste éveillée. Ou du moins essaie. Elle se sent flancher au bout de peu de temps. Il est trop tard, elle est vidée par la tension quelle soutient depuis trop dheures déjà. Elle se résigne à sécrouler, morte de fatigue sur son lit. Lentement elle glisse sous la couverture. Et plonge dans un sommeil lourd, lourd, lourd
Morphée la sauve de la réalité, mais certainement pas de ses propres rêves
_________________
Le soir tombe sur Arles. Les yeux fixés sur le pavé, Lastèle observe les ombres sallonger. Un frisson lui parcourt léchine, il fait de plus en plus sombre dehors. Dans sa tête il fait noir. Elle frémit, langoisse monte. Quelques bribes dimages remontent dun délire si proche quil semblerait réel. Ces monstres, ces chimères quelle a rêvé Ne sortaient-ils vraiment que de son imagination ? La jeune fille doute. Et cette incertitude la trouble davantage. Les menaces, les coups, elle a tout entendu et tout ressenti. Ce ne peut pas être faux. La sorcière a menti, ce nétait pas un cauchemar. Cétait assez réel pour quelle sen souvienne. Assez violent pour que chaque souvenir laisse une marque dans son esprit. Cétait assez proche pour leffrayer encore à chacun des pas quelle fait.
La Lisreux allonge lallure, trottine puis court franchement jusquà lauberge où elle loge en attendant. En attendant quoi ? De sinstaller en ville surement mais pour lheure, sa chambre est au second étage dune taverne acceptable dans le bourg. Elle entre dans la salle commune et referme la porte derrière elle, espérant laisser dehors ses craintes infondées. La lumière la rassure mais pas suffisamment. Son cur bat la chamade, sa mâchoire se crispe. Tout va bien, pourtant. Il ny a rien ni personne de menaçant. Il ny a rien, se répète-t-elle. Mais le nud au fond de son ventre se resserre. Encore, et encore. Alors elle monte les marches quatre à quatre, et senferme dans sa chambre. La serrure est verrouillée, la porte coincée par une chaise et une dizaine de chandelles éclaire la pièce de leur chaude clarté. La brune se protège dune menace extérieure mais le mal dans la pièce. Il la suit partout parce quil est dans sa tête. Il sy est installé dès lors quelle sest mise à hurler, engloutie par un songe provoqué par une mauvaise tisane.
Calme-toi. Calme-toi bon sang ! Tu nes plus une enfant Lastèle. Tu nas jamais eu peur de la nuit.
Lorsque jétais enfant, Moran me rassurait. Il était mon pillier.
Mais il nest pas là pour te protéger, ce soir
Et la voix résonne dans son crâne. Il nest pas là. Elle est seule face à ses démons ce soir. Seule pour combattre son propre esprit. Elle se sent folle. Folle à lier.
Inspiration. Je ne suis pas folle.
Expiration. Je ne suis pas folle.
Et comme elle nest pas folle, la demoiselle se dévêt, étire son corps long et osseux. Ses membres gardent quelque chose denfantin, ce quelque chose qui montre si bien quelle nest pas femme. Une sorte de raideur dans ses angles, ses hanches étroites que les mèches cuivrées viennent caresser, et ses formes si peu rondes quelle cache sous la robe de chambre quelle enfile rapidement. Les pupilles de jais fouillent la pièce du regard : il ny a rien sous le lit, les coins sont vides de monstres. Lingénue peut se coucher, sendormir sans crainte. Cette fois rien ne viendra troubler son repos.
Pourtant elle ne ferme pas lil. Elle a peur, elle est terrifiée. Les bougies se consument lentement, la cire fond et les mèches brûlent. Elle ne supportera pas de se retrouver dans le noir. La nuit est effrayante, lorsque les démons sortent. Alors elle veille. Lorsquune lumière séteint, aussitôt elle la rallume. La chambre est un abri, et les minuscules flammes son salut. Son aîné ne la protègera pas, mais le Très-Haut ne labandonnera pas. Elle récite son credo, ses prières, sans relâche, au pied de son lit. La nuit passera et elle ne bougera pas. Dormir cest mourir, pense-t-elle. Ils vont massassiner dans mon sommeil. Ils vont menlever et me sacrifier, je le sais, elle me la dit.
Alors elle reste éveillée. Ou du moins essaie. Elle se sent flancher au bout de peu de temps. Il est trop tard, elle est vidée par la tension quelle soutient depuis trop dheures déjà. Elle se résigne à sécrouler, morte de fatigue sur son lit. Lentement elle glisse sous la couverture. Et plonge dans un sommeil lourd, lourd, lourd
Morphée la sauve de la réalité, mais certainement pas de ses propres rêves
_________________