Vasco.
Joueurs de Poligny, vous êtes tous cordialement invités à venir décrire ici avec nous les frustrations, les gestes héroiques, les pleurs ou les combats de votre personnage après la prise de votre ville. Et bon jeu à tous!
[Janvier 1462, dans la campagne franc-comtoise...]
- Moooooiiiiii? Mais pourquoi moi?
Un cri du coeur avait émergé du flot de silence du sicilien lorsque son nom était sorti dans la conversation. Jusqu'ici, il s'était contenté d'observer, d'écouter. Emmitouflé dans sa cape de voyage, réchauffant au coin du feu son corps de méditerranéen meurtri par le froid, il mémorisait le plan d'attaque de la ville. Une infiltration, puis une invasion. Un cheval de Troie en somme. Une fois dans la pièce, le groupe R ferait le tour des remparts pour neutraliser les gardes de faction et éviter qu'ils ne tombent sur l'arrière des autres groupes. T serait un tapis déroulé du point d'invasion jusqu'aux centres névralgiques de la ville, là où toutes les décisions se prennent : la mairie et maréchaussée. T avait une mission, une seule : couvrir M. Lui permettre d'avoir toujours le champ libre afin d'agir au plus vite. Une fois ces deux bâtiments entre les mains de M, les capacités décisionnelles des autorités de la ville seraient suffisamment perturbées pour permettre aux brigands d'exécuter ce pour quoi ils étaient venus.
Velasco était un marin, un commerçant jouant souvent avec les lois pour faire fructifier ses affaires. La terre ferme n'était pas son terrain de prédilection... encore que ces derniers temps, la mer n'était plus qu'un souvenir tenace ancré au fond de ses pensées et la source de fantasmes infinis et inavouables. Il n'avait émis aucun jugement sur ce plan. Il n'était pas capable d'exercer un oeil critique et averti alors mieux valait se taire. Son expérience maritime lui avait cependant prouvé qu'un plan devait toujours être considéré comme une simple divination, une projection de ce qui pourrait arriver. Le meilleur des plans devait être suivi à la lettre quand tout fonctionnait comme prévu et bouleversé au besoin pour faire face à la réalité du terrain. Les adeptes de la doctrine pure et dure pourrissaient souvent au fond de l'eau et ceux qui savaient prendre l'initiative au bon moment faisaient l'amour dans des draps de camocas.
- Demandez-moi de forcer un blocus naval, d'aller ravitaillement une forteresse assiégée, de me faufiler au travers des défenses d'une ville portuaire, ça oui je sais faire...Mais entrer dans une ville par la route!
Il désigna le plan tracé sur le sol.
- Ça n'est pas pour moi... A moins que vous ne désiriez vraiment pas prendre la ville!
La discussion avait été inutile. La décision était prise, ce serait lui et personne d'autre. Aucune raison ne lui avait été donné. Le groupe s'était dispersé. Méditant dans son coin, se demandant comment il pourrait bien procéder, un quidam de la troupe vint prendre place à ses côtés.
- Cherche pas loin les raisons qui les poussent à t'envoyer en tête. T'es nouveau ici toi mon gars! Ils te jaugent encore. C'est la première fois que tu attaques une ville en leur compagnie hein? Elles veulent voir ce que tu vaux! Et surtout si t'es un sale traître ou quelqu'un de confiance!
- Elles? Qui elles?
- Enjoy! La Matriarche! La Mama Corleone... et tout sa bande de furies. J'sais pas si tu l'as remarqué, mais le clan Corleone est un clan de femmes! C'est elles qui décident de tout, avec leurs humeurs changeantes de femmes nubiles. Et tu sais quoi? Y'a rien de pire sur terre qu'une femme en furie! C'est froid, c'est sournois, c'est violent. Ça perd jamais le contrôle comme nous les gars. Ça se soutient l'un l'autre! La seule chose qui les déchirent, ce sont les hommes! C'est pour ça qu'ici, ils sont réduits au rôle de simple exécutant. D'ailleurs, si tu veux mon avis, ça n'm'étonnerait même pas qu'elles couchent toutes ensemble pour renforcer la cohésion du clan! Mais pour en revenir à Poligny, t'inquiète pas pour l'plan, j'en suis pas à ma première ville attaquée. J'ai une idée qui devrait fonctionner.
- Au fait, tu sais pourquoi Poligny?
- Ça, on ne sait jamais vraiment comment les cibles sont choisies. Pour Poligny, Certains disent que c'est un groupe de villageois mécontents de l'autorité actuelle qui ont contacté Enjoy. D'autres prétendent que la ville est riche à foison, qu'il y aurait un trésor caché quelque part et la mairie de Poligny serait un passage obligé pour le trouver. J'ai même entendu dire qu'on est en fait commandité par le comté...ou qu'une des donzelle Corleone avait juste envie de passer un peu de temps avec son amant qui habite le village! T'sais, ce genre de questions, mieux vaut pas trop chercher à avoir des réponses!
[Le lendemain, remparts de Poligny, Porte Nord]
Il ne pouvait presque pas bouger, coincé entre des sacs de farine, des cageots de poissons et des carcasses de viandes entrain de sécher. Il avait du se contorsionner pour arriver à se caser au travers de toutes les marchandises. De l'extérieur, il ne percevait rien excepté la cahotement de la charriote sur le pavé humide. Laudes venait à peine de sonner quand celle-ci se présenta à la porte nord des remparts de Poligny. Le bruit cessa. Le sicilien sut que le moment crucial était arrivé. Mieux valait ne plus respirer, éviter d'éternuer...ou de renverser un cageot de poissons. Dehors, ça discutait. Soudain, une lame apparut devant lui, à environ un pouce de son nez. Ouf! Ça n'était pas passé loin. Ça n'était pas que le sicilien tenait particulièrement à son nez mais il parait que pour séduire, c'est toujours mieux d'en avoir un!
Un silence...puis la charriote se remit en branle. Le subterfuge avait fonctionné. Dans quelques temps, il serait à l'intérieur des murs d'enceinte de la ville sans que la maréchaussée n'ait pu le repérer. Mais soudain, il y eut du sable dans l'engrenage. La charriote s'arrêta de nouveau après qu'un garde, sans doute, eut hélé le conducteur. Avaient-ils remarqué quelque chose? Reçu un ordre? Il y eut un nouvel échange de paroles. Un bref instant, Vasco avait jonglé avec l'idée de se dégager et de s'enfuir en courant au nez et à la barbe de tous. L'hésitation lui fut salutaire puisque, cette fois, la charriote repartit pour de bons peu de temps après. Se sentant attiré vers l'arrière, il comprit que celle-ci gravissait un chemin en pente, en suivant les dédales des routes de la ville. A part le bruit qu'ils faisaient, il ne distinguait pas encore beaucoup d'agitation. Il était encore tôt le matin. Les boulangers devaient être devant leurs fourneaux. Les charpentiers préparaient leurs outils, les meuniers devaient à peine se réveiller et les forgerons n'avaient pas encore eu le temps de martyriser leur enclume. La charriote fit enfin halte. Le conducteur en descendit et entama une discussion avec un quidam. C'était le moment de passer à l'action. Le sicilien repoussa quelques caisses pour se faire une première estimation visuelle de la situation. Il se trouvait apparemment sur ce qui devait être la place du marché. Celle-ci était encore peu achalandée. Il reconnut le marchand ambulant qui l'avait, à son insu, fait entrer dans la ville. Celui-ci était en grande discussion avec un homme aux moustaches fournies, au front dégarni et à la bedaine proéminente. Le tâches sur son tablier laissaient à penser qu'il était sans doute boucher. Les deux hommes s'esquivèrent au bout de quelques instants. Inutile de se demander pourquoi, Il valait mieux en profiter. Quelques instants plus tard, il flânait entre les étals de la ville. Son chef de groupe lui avait dit : "tu ne te montres pas : ni au marché, ni en mairie, ni en taverne, ni nul part. Tu restes caché en attendant de passer à l'action! C'est compris?". Pomme au bec, le sicilien saluait d'un hochement de la tête les jolies damoiselles de la ville, ajoutant un clin d'oeil à celles qui semblaient les moins farouches. Il passa devant la mairie, en notant dans sa tête les différentes issues de sortie qu'il repérait. Il hésita un instant à entrer dans les locaux de la maréchaussée pour se signaler en tant que victime d'un brigandage. Sourire aux lèvres, il avait même imaginé décrire Arsène comme étant son brigand puis il se ravisa. Non. Pas cette fois. Un autre jour peut-être. Surement même! Se gausser des forces de l'ordre en les noyant sous les fausses déclarations de brigandage, voilà qui lui plaisait tout particulièrement. Il finit par atterrir dans un taverne où il commanda... une infusion de camomille. Et oui! Depuis le jour où il s'était fait saoulé par une voyageuse, il n'avait plus touché à la moindre goutte d'alcool!
[Quelques heures plus tard, porte ouest de Poligny]
Le garde gisait sans connaissance, adossé au mur de pierres grises. Son casque trainait non loin de lui. De toute façon, avec la bosse qu'il avait maintenant sur le dessus de la tête, il lui aurait fait moins bien, c'était évident. Velasco l'avait bâillonné, ligoté les mains et les jambes comme un saucisson, puis s'était emparé des clés de la porte.Il alluma le fanal et l'agita dehors. C'était le signe pour le reste de la bande : la porte était sous le contrôle des Corleone. La première partie de l'opération était réalisée. Les groupes R, T et M pouvaient maintenant passer à l'action. Enfin...S'il avait bien compris toutes les subtilités du plan dressé par les filles Corleone. Les premiers brigands s'engouffraient dans la ville et l'italien ne put s'empêcher une petite pointe d'humour...
- Laissez-passer s'il vous plait! Ah! Et n'oubliez surtout pas de porter sur le registre que vous trouverez à votre gauche vos nom, ville et province de résidence. Je vous rappelle également que le port des armes est interdit en ville, que si vous en portez, vous devez les laisser dans la remise de droite et l'indiquer sur le registre également. Enfin... N'oubliez pas le guide!
* Titre inspiré de Qui veut la peau de Roger Rabbit ?
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