Arsene
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« Duel. Formalité préliminaire à la réconciliation de deux ennemis » Ambrose Bierce
Avez-vous déjà vu ?
« Courrez p'tains de jambes ! Merde ! Bordel ! Raclures ! »
Les jambes avalent vivement le chemin, traçant un sillon d'air derrière elles. La respiration est saccadée, le torse féminin se soulève en de grandes et douloureuses inspirations. L'air filtrant jusqu'à ses poumons se fait affreusement piquant. Le visage se contracte fermement, la douleur et la peur s'installant comme sensations régnantes. En fières conquérantes, elles grimpent sur le trône et prennent le contrôle de la trogne juvénile.
Non loin, deux gros molosses aboient furieusement, parcourant à grandes foulées la distance les séparant de la jeune femme. La bave à la gueule et les yeux brillants de haine, les bêtes foncent et chargent.
Une Corleone championne au cent mètres haies ?
Pour mieux comprendre la situation, revenons un peu en arrière. Dans un monde parfaitement rose et avec des attentions absolument honorables, la rousse se dirige à grand pas vers le verger. Bien décidée à se mettre quelque chose sous la dent. Les mirettes vertes furètent vivement à la recherche du fruit défendu. L'alimentation de la Belette Corleone étant essentiellement composée de fruits, il faut toujours veiller à ce qu'elle en ait sous la main sous peine de subir son humeur massacrante et foudroyante. Longeant pensivement les arbres, les yeux s'attardent un instant sur un panier rempli de pommes.
Le fondement en l'air, un fruit dans la bouche et un autre en main, la frêle s'apprête à se remplir allégrement la panse. Pourtant, les iris sont attirées par deux formes qui s'approchent rapidement. Un aboiement tonitruant confirme l'identité des bêtes qui lui font face. Terrassée par une peur évidente, elle contrôle difficilement sa respiration qui s'affole furieusement. La bestiole humaine avait beau être fière, c'est la fuite qu'elle choisit immédiatement.
Prenant ses jambes à son cou, la roussâtre essaye de mettre le plus de distance entre les chiens et elle, persuadée qu'ils sont l'engeance du diable en personne. Maîtrisant du mieux qu'elle peut son souffle, elle court et louvoie pour sortir du verger. Les deux bêtes sur ses talons.
Retour à l'instant présent : les traits déformés par la douleur et la peur, Corleone cherche comment se sortir de là. Tandis que les deux chiens la talonnent et aboient furieusement.
Apercevant non loin un bâtiment, elle accélère son allure et saute souplement par dessus un buisson. Elle n'est pas du genre à faire le tour mais plutôt à foncer tête baissée. La rousse a du sang en commun avec Conan le Barbare. Les barrières de la lice se dessinant, elle tape le sprint final et enjambe à une vitesse impressionnante la muraille de bois. Dans un mouvement désorganisé par la précipitation et la peur, la gamine se vautre dans les gravillons.
Roulée en boule au sol, elle attend avec angoisse l'attaque et la morsure des crocs des deux animaux mais rien ne vient.. S'impatientant presque de ne pas avoir sa sentence, elle se relève et retranchée derrière la barrière de bois, observe les alentours.
Pas de chiens. Un air victorieux sur la trombine, Arsène se relève pour s'asseoir à même la clôture de bois. Elwenn et Beren ne devraient plus tarder à présent et en bon témoin, Corleone ne manquera pas le spectacle. Blanche comme un linge et tremblotante, elle patiente.
Maintenant, oui.
*Ceci est effectivement une référence aux sorts utilisés dans un duel dans Harry Potter.
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