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[RP] Même quand on veut on ne peut pas toujours.

Shoguro
Nous avions bien sur couru après la jeune femme, chacun mu par ses propres motivations. Nous arrivâmes assez vite, mais dans un temps qui pouvait toujours me sembler une eternité.

Et tout ça pourquoi ? Mh ?

Le messager freina des quatre fer devant la maison, et, voyant que je ne m'arrêtais pas, il me prit par l'épaule.

-Vous n'envisagez pas d'y aller, n'est-ce pas ?

J'allais lui répondre de a même façon que j'aurai répondu à un abrutis "BIEN SUR QUE SI !". Il était tellement évident qu'on avait besoin de moi que.. Que..
Douche froide : traditions et cultes japonais..

Je m'assis sur le porche en silence, abattus. La peste étaient de ces coutumes débiles ! Si je souffrais réellement d'une maladie, c'était bien d'une allergie aux imbécillités meurtrières nommée "usages" ! L'obscurantisme et tradition.. Les acteurs des plus grand génocides de notre Histoire.

A quoi bon avoir souffert jusqu'a Alexandrie, d'avoir appris.. Hypocrate.. La chirurgie des arabes.. Si c'était pour finir par rester comme un con devant une porte fermée..
Oh, j'étais pas un as en accouchement, c'est sur.. Mais je savais faire, et je disposais de techniques et de sciences inédites pour ici qui auraient aisément pu aider

Dans un geste de colère, je lançais ma trousse de soin au sol -par chance elle était prévue pour les chocs- et commençais une litanie grossière. Mais pas en japonais, non. Certainement paspas devant un enfant. Le messager me regardait, sans trop savoir au se mettre, tandis que je lâchais des bordées de jurons en grec et en arabe pour expulser cette impuissance qui me mettait en rage.
Autant dire que la tradition en prenait pour son grade.


Par chance, il me tapota l'épaule juste à temps pour eviter que le nouveau venu n'ai réellement le loisir de m'entendre, ni lui, ni son fils. Je m'inclinais avec raideur devant lui.

-Non, je suis médecin, je viens d'Uchi, je voulais parler à Asami, et prendre de ses nouvelles..

Je haussais les épaules, l'air de dire "Et maintenant j'me retrouve bloqué là à rien pouvoir faire pour elle".

-Shoguro Ryuonji, enchanté.

J'avais même plus la force de sourire au gosse.. Et je virai au pâle lorsque j'entendis parler de sang. Le sang pendant un accouchement, c'est normal. Trop de sang, c'est dangereux. Très dangereux.

Je me précipitais contre le panneau, avant de m'exprimer d'une voix claire et forte :

-Chauffez une aiguille ! Si les saignements continuent après la sortie de l'enfant et l'assurance nette que son ventre est vide, tournez-là, tenez-là, et plantez l'aiquille dans le bas du dos, juste à côté de la colonne ! Pas plus de.. 3cm !

Un saignement qui perdure après l'accouchement signifiait que la contraction musculaire sensée refermer les liens qui permettaient au bébé de se développer depuis les ressources de sa mère n'avait eu lieux, laissant béantes des artères qui ne se privaient pas pour saigner.
Je ne savais pas ou en était le Japon niveau dissection, mais j'avais réalisé et appris ça auprès de maîtres arabes..

Or, une chose capable d'assurer une contraction musculaire immédiate et brutale était.. La douleur. C'était barbare, mais dans l'urgence, j'avais rien d'autre. L’acupuncture ainsi que l'expérience avaient prouvé que la zone que j'avais indiqué était sensible.. En agissant là, je pouvais être sur que s'il n'y avait pas de problèmes autre qu'un manque de réaction, j'allais vite fais lui faire contracter ses muscles.. Bon, avec une chance pour que tout le monde me déteste ensuite. Mais j'avais ce qu'il fallait pour alléger les suites de l'accouchement.. Si on me laissais entrer...
Restait à espérer que ça ne saigne plus après la sortie de l'enfant..

J'étais impuissant, collé contre le panneau a espérer entendre que tout allait bien.
Se rendre utile.. même quand on veut, on ne peut pas toujours.
Asami...
Ria... quelle rapidité d'esprit, quelle réactivité.
Elle avait tout organisé : accoucheuse, feu, lit de paille, dénouage. Asami pensait même la voir réciter quelques prières à voix très basse ; le mouvement de ses lèvres trahissaient plus son acte que le son de voix.
Asami l'admirait, sans que Ria ne l'ait jamais su.
Elle pense sur l'instant à toutes ces choses qu'elle tait alors que certaines mériteraient grandement d'être dites. Dommage qu'il ne soit pas du tout le moment d'avoir des regrets. D'ailleurs, une voix lui fait l'effet du douche froide.


-Chauffez une aiguille ! Si les saignements continuent après la sortie de l'enfant et l'assurance nette que son ventre est vide, tournez-là, tenez-là, et plantez l'aiquille dans le bas du dos, juste à côté de la colonne ! Pas plus de.. 3cm !

A qui appartenait cette voix ?
Est-elle seulement réelle ? En même temps, comment imaginer de telles paroles ?
Qui est cet homme ?


Le regard d'Asami parle sans que sa bouche ne le fasse.
Son front brille aux lueurs du feu, dévoilant la sueur de l'effort, de la résistance, de la souffrance.
La position est inconfortable. Elle aurait préféré être accroupie, ou debout mais elle savait profondément que ses jambes ne la soutiendraient pas.
Ca va passer... Dans quelques heures ce ne sera qu'un mauvais souvenir... Un mauvais souvenir ?.. La naissance de mon enfant ?..
Une larme coule sur sa joue.
Larme de peine ? De peur ? De douleur ? D'appréhension ? D'angoisse ?
Un peu de tout, sans doute.

Une énième retenue de cri lui fait retenir sa respiration durant plusieurs secondes. Oxygène pourtant crucial pour l'effort que le corps doit fournir à tenir la machine en marche.

Et ce sang qu'elle sent sur le bas de son corps.
Et cette accoucheuse qui ne dit rien, se contentant impassiblement de la trifouiller, rajoutant une dose d'inconfort et de douleur dont elle se serait bien passé.
Et Hanae, à deux pas, concentrée sur des prières et sur son rôle de maintenir le feu alimenté.
Et Ria, multi-rôle, tantôt épongeant son front, tantôt serrant une de ses mains, tantôt la massant fermement pour détendre des muscles crispés depuis maintenant plusieurs heures.
Et son fils ? Que fait-il ? Où est-il ?
Inutile de s'encombrer de ces craintes là, Asami ne pouvait pas douter qu'il était aux bons soins de quelqu'un.
Et Lujan ? Avait-il été prévenu ? Etait-il en route pour rentrer ? Elle n'avait pas pu préparer le repas...
Inutile de s'encombrer de ces détails là, elle ne pouvait douter sur le fait qu'il ne lui en voudrait pas.

Une main qui ripe, une contraction qui s'annonce, et c'est la goutte d'eau ; elle crie. De ses longs cris qui glace le dos.


"Faudrait déjà qu'il sorte cet enfant, parce que pour l'instant, il ne montre pas le bout de son nez et ça commence à devenir urgent qu'elle soit libérée !"

L'accoucheuse n'était pas rassurante.
Asami n'était pas rassurée.
Elle devait absolument trouver encore beaucoup de courage pour aider ce petit être à respirer l'air ambiant.
Mais même quand on veut, on ne peut pas toujours.
Ria
Elle avait perdue toute notion de temps. Ses gestes étaient devenu machinaux, les sons étouffés comme si un épais brouillard l’enveloppait toute entière. La réalité s’était estompée, ne laissant qu’une vague impression de cauchemar. Sa souffrance était pourtant bien réelle.

Depuis combien de temps Asami luttait-elle ? Ria n’aurait pu le dire avec certitude mais cela faisait bien trop longtemps et la future mère semblait s’épuiser à vue d’œil. Si l’enfant ne venait pas très vite, la mère n’aurait plus la force de le mettre au monde et alors… Ce n’était pas un, mais deux êtres qui risquaient de disparaitre.

L’esprit de Ria se révoltait à cette seule pensée et la voix inconnue qui venait de franchir l’épais brouillard fini de la tirer tout à fait de son rêve éveillé. Que disait l’homme ? Chauffer une aiguille ? Et à quel genre d’outil l’homme faisait-il allusion ? Avaient-elles seulement ça sous la main ? Même l’accoucheuse semblait totalement dépassée. Ria ne pouvait lui en vouloir. Les connaissances se transmettaient d’une femme à l’autre et majoritairement, l’expérience venait avec la pratique. Si Ria avait quelques notions en soins, c’était avant tout parce qu’on lui avait transmit ces choses, elle n’avait pas étudiée pour.

Sa raison lui criait de se tourner vers l’homme qui avait parlé, sa conscience se disputait avec les traditions. Pouvait-elle faire confiance à un inconnu ? Laisser entrer un homme là où seules les femmes étaient admises habituellement ? Qu’aurait fait Asami si les rôles avaient été inversés ? Autant de questions, si peu de réponses et les cris s’intensifiaient. Elle ne savait plus quoi faire pour soulager son amie.

Si elle ne faisait rien, les choses n’avaient aucune chance de s’améliorer. Elle s’excusa auprès d’Asami pour ce qu’elle allait faire mais il n’y avait plus à tergiverser. Se tournant vers la porte, elle s’adressa à l’homme :


Dénouez tout ce qui peut l’être. Cheveux, vêtements et refermez la porte derrière vous.

La voix était assurée, directive, mais elle n’en menait pas large pour autant.

Restez éloigné et guidez-nous.

Elle aurait aimé éprouver l’assurance de sa voix mais même quand on veut, on ne peut pas toujours.

_________________
Shoguro
Comment ça, il sort pas ? Non mais vous allez le faire sortir, oui ?! C'est votre travail d'accoucheuse, ça, non ?! Aaah, bon sang !
Bon.. Inutile de lui hurler dessus. Si jamais elle n'y arrivait pas.. C'est que le bébé se présentait mal, et/ou qu'Asami n'avait plus la force de le faire sortir. Si la mère avait été tendue, contractée, que la grossesse c'était pas super bien passée, alors oui, on pouvait craindre des complications. Et si l'autre restait à se plaindre que ça sort pas, alors le saignement terminerait cette histoire d'une funeste façon.

Bref, si on peut pas catapulter le bébé assez fort pour qu'il passe la porte, faut lui ouvrir la porte. Maintenant, le coté amusant c'est d'aller expliquer à des japonais que j'allais devoir pratiquer une opération expérimentale sur une femme, alors même que j'étais pas sensé la toucher.
Et ça c'était dans l'optique ou je passerai pas déjà pour un fou en parlant de césarienne.




Je méditais dur, il faut bien le dire, en rongeant mon frein. Aussi lorsqu'on me laissa entrer, c'était un peu comme le « Pan ! » sensé lancer les coureur du marathon. Autant dire qu'elle avait à peine terminé sa phrase que j'étais déjà dedans, a refermer la porte. Sauf que j'avais strictement rien fais de ce qu'elle m'avait demandé. Je regardais déjà Asami, la forme de son ventre..

Pendant une seconde, j'avais été le centre de l'attention : « Oh, un homme », ça avait été la seconde du médecin pour comprendre ou on en était : au point mort.

« Restez éloigné et guidez-nous » ?

-Non.

Le ton de ma voix était doux et froid en même temps. C'est à dire qu'en même temps, on aurait pu croire que je m'adressais à une enfant.. Et d'un autre coté, j'aurai pu concrètement lui dire « Va te pendre à Pékin » que ça aurait été pareil.
Je remontais mes manches en posant ma trousse au sol, avant d'attacher ces dernières pour qu'elles ne retombent pas, m'accordant une liberté de bras totale. Puis je fixais une broche sur mon écharpe pour qu'elle ne glisse pas avant de vérifier que mon catogan tiendrait bien.

-Apportez-moi.. De l'eau chaude, des linges propres, du saké, et faites chauffer un jeu d'aiguilles.. Allez !

J'étais visiblement le seul à savoir quoi faire et à parler avec assurance et gravité. En fait, je ne tolérais pas la moindre objection. Je posais les yeux sur cette Ria qui m'avait demandé de rester en retrait.

-Concrètement voilà : si le bébé ne sort pas, Asami mourra. Si on prend la journée pour le faire, Asami mourra. Si vous comptez sur Asami, fatiguée et au bord de l'inconscience pour accoucher, elle mourra. Et dans tout les cas, l'enfant y passe aussi. Il faut donc agir vite et bien, et aussi démentiel que ça puisse vous paraître, il existe une opération visant à permettre à un médecin de prendre lui-même le bébé, et je sais la pratiquer.

D'un geste du pied, je dépliais ma trousse de soin, montrant une batterie d'outils de médecine, depuis les pinces de précision jusqu'au scalpel en passant par un tas d'autre d'instrument servant à manoeuvrer le corps humain pour le réparer. Le tissus épais se terminait avec une série de bourses contenant mes herbes les plus rares. Le but de la manœuvre était bien sur d'impressionner.

-Je vous laisse 10 secondes, le temps que je me coiffe correctement pour pas être dérangé pendant que je vais essayer de lui sauver la vie.

De base, je disais bien que c'est moi qui agirait.

-Pendant ces 10 secondes, vous réfléchirez au dilemme présent : faire une légère entorse aux traditions en cas de force majeur.. Ou espérer pouvoir accomplir une chirurgie, et, je vous le dis sans détour, être responsable d'un double meurtre.
Moi j'ai prêté serment, je ne les laisserai pas mourir. Si les Kami me reprochent de sauver des vies, alors j'assume le fait de ne pas être un bon bouddhiste.


Je me retournai et refis ma coiffure, tout en ramassant ma trousse. 10 secondes pile poils, je lui refis face, parlant avec douceur, mais un éclat d'acier dans les yeux.

-Ca fait 10, vous vous écartez de plein gré, ou c'est moi qui passe. Je ne la laisserai pas mourir.

Elle voulait m'arrêter ? Même quand on veut, on peut pas toujours.
Asami...
"Quand on est au plus bas, on ne peut que remonter. Ou mourir."


Elle ne sentait pas l'anxiété ambiante.
Elle avait entendu les excuses de Ria, mais ne s'en était absolument pas inquiétée. Elle était au plus bas. Elle n'avait plus qu'une seule volonté : que la souffrance cesse.
Elle n'avait plus la force de penser à ce bébé, accroché à elle au péril de leurs vies.
Elle n'avait plus la force de penser à Kazuaki, son ainé.
Elle n'avait plus la force de penser à Lujan, sa moitié.
Elle avait à peine la force de respirer.
A peine la force d'espérer vivre.


Dénouez tout ce qui peut l’être. Cheveux, vêtements et refermez la porte derrière vous.
Restez éloigné et guidez-nous.


Elle ne tourna pas la tête, épuisée par l'effort de la résistance, mais son regard se dirigea le plus en coin possible pour apercevoir celui à qui s'adressait Ria.
A sa vue, les larmes coulèrent chaudement comme si elles n'attendaient que ça.
Des sanglots écrasèrent sa gorge, bien que faibles, mais pesants.
Un homme venait d'entrer dans la pièce. Un inconnu. C'était une catastrophe. Soit elle soit l'enfant ne survivrait pas. L'enfant devait vivre.


-Non.

Le reste des paroles, Asami ne les comprit pas.
Son esprit était préoccupé, dispersé, indomptable, comme s'il exprimait la sensation d'étouffement que l'enfant à naitre éprouvait peut-être.
Il fallait qu'elle lutte mais elle se sentait sombrer dans l'inconscience.

Et bien que cela pouvait faire paniquer les personnes présentes, ce fût sans doute tant mieux pour elle.
L'opération avait été barbare, sanglante, approximative, éprouvante, longue. Mais positive, finalement, puisque l'enfant avait été libéré vivant et qu'elle même respirait encore.

Cependant, rien n'était gagné, ni pour l'un ni pour l'autre.
L'accoucheuse avait pris le relais en prenant soin du nouveau-né alors que Ria assistait le médecin-boucher qui malgré son évidente maitrise de la situation, réelle ou singée, mettait tout le monde mal à l'aise.
Hanae quant à elle avait tenu le rôle de représentante religieuse avec brio.

Pour l'heure, Asami avait rejoint un monde peuplé de terreur et d'obscurité.
Une bataille avait été gagnée, mais la guerre n'était pas pour autant terminée.
Elle était toujours inconsciente.
Sa respiration était irrégulière et faible.
Son corps ne répondait à aucune stimulation extérieure.
Mais la cicatrice ne saignait plus.

Elle pouvait donc garder espoir en la vie, mais même quand on veut on ne peut pas toujours.
Ria
Elle avait commencée à regretter son geste fou dès lors que l’homme avait dit « non ». Effarée et se raidissant à mesure qu’il s’installait en faisant fi de ses demandes, le sentiment de révolte grandissant en elle sous les injonctions à peine aimable. C’était plus fort qu’elle. Elle avait sa fierté et jamais personne ne lui avait jamais parlé sur ce ton. Le sentiment d’urgence s’estompa une fraction de seconde. Juste le temps d’une image fugitive où elle sortait le malotru à grands renforts de la sacoche qu’il promenait avec lui. Oui, ça lui arrivait d’avoir des pulsions de violence, plus souvent qu’on ne l’imaginait. Mais comme toujours, elle ne fit rien de la sorte. Son éducation reprenait le dessus, une fois encore et sans attendre d’avantage, elle se hâta de préparer ce qu’on lui demandait dans un silence absolu. Que dire de toute façon ? Elle ne faisait pas le poids face à un homme et elle avait déjà la conscience lourde des souffrances d’Asami.

La suite fut un cauchemar bien pire que tout ce que son imagination fertile aurait pu créer. Elle luttait contre l’envie de fuir, s’évanouir, crier ou même encore vomir. Sa raison l’avait abandonné et son corps n’était plus mu que par automatismes. Elle n’avait même plus la force de se questionner sur l’utilité de tout ceci. Elle savait qu’elle serait marquée à vie par cet épisode d’une existence déjà bien éprouvante pour sa sensibilité à fleur de peau. Elle présageait déjà les nuits d’insomnie qui s’ensuivraient et les sueurs froides qui la tireraient de son sommeil. Mais le pire dans tout ça, c’était l’incertitude qui pesait sur l’amitié qui avait toujours uni Asami et Ria.

Malgré l’horreur de ce qu’on lui demandait de faire, malgré l’épuisement qui menaçait, elle se pliait aux exigences du médecin étranger. Le sentiment d’avoir trahie son amie la plus chère ne la quittait plus et rien n’effacerait jamais cette douleur. Il y aurait toujours le doute quant à la justesse de ses décisions, qu’Asami vive ou non. C’était ainsi et Ria le savait.

Durant toute l’opération, Ria garda le silence, veillant sur Asami et les signes de vie qui faiblissait. Les yeux baissés, gardant sa détresse pour elle, elle priait avec ferveur les kamis de bien vouloir leurs pardonner et surtout de permettre à deux innocents de vivre.

Quand enfin l’enfant fut retiré, elle ne put retenir un frisson. Il était si petit, si chétif. Elle savait qu’il n’avait pas séjourné assez longtemps dans le ventre de sa mère. Elle savait également qu’Asami avait des craintes depuis trop longtemps pour qu’elle n’ait pas été prise au sérieux quand elle affirmait que ce ne serait pas pareil que la première fois. Pourtant, l’une et l’autre avaient été loin d’imaginer ce qui venait de se passer. La question qui lui brûlait les lèvres ne fut pas prononcée. C’était au dessus de ses forces. Le silence pesant s’était installé dans la pièce tandis que chacun vaquait à ses occupations.

Tant qu’elle avait eut à s’occuper, elle avait tenue le coup mais à présent que tout était terminé, ses nerfs l’abandonnèrent. Se laissant glisser dos à une cloison, elle ramena les genoux sous son menton, enfouissant son visage contre le tissu de son kimono. Les larmes coulèrent sans qu’elle ne réussisse à les retenir, évacuant toute la tension des dernières heures. Prostrée, le corps secoué de sanglots, elle n’arrivait pas à chasser les images de sang de son esprit. Elle aurait voulue se lever et aller serrer ses enfants dans ses bras…

Mais même quand on veut, on ne peut pas toujours.

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Himi
Depuis les yeux d’un enfant toute la scène avait une signification différente. Himi avait compris la gravité de l’instant, elle avait assimilé que son rôle dans tout cela était de veiller sur Haneki, et de ne pas être dans les pattes des autres. Alors pour une fois, la fillette se tient tranquille, se mit dans un coin pour ne pas déranger les aller et retour des uns et des autres, elle serait fort la main si douce de son petit frère, tout en regardant avec un regard noir et inexpressif la scène qui se déroulait sous ses yeux. C’était comme être un spectateur extérieur, elle ne pouvait rien faire pour changer l’histoire. Elle se souvient des nombreux mythes qu’Asami lui racontait dans le passé, parfois elle aurait bien aimé pouvoir modifier un passage ou la fin d’un conte pour la rendre moins triste ou plus à son goût, mais Asami lui avait moult fois répété que l’histoire était ainsi et que la fin avait toujours une raison d’être. Quelle était la morale de cette histoire-là ? Pourquoi Asami, la gentillesse même, souffrait derrière ce paravent ? Sa tête se releva et scruta les visages graves de tous ceux qui étaient restés dehors, dont celui de Lujan, le plus dramatique de tous. Jamais elle ne l’avait vu ainsi, elle fut même surprise de constater qu’un homme aussi rieur et jovial puisse être marqué d’un masque aussi sombre. Comme elle aurait aimé faire le pitre sous son nez et le voir réajuster un sourire, comme elle aurait aimé que Ria, Asami et son bébé sortent souriants de cette pièce et que toute cette histoire se termine bien, comme elle aurait aimé tout cela.
Mais Himi grandissait, Himi comprenait que les choses n’étaient pas toujours roses, Himi comprenait que la situation était grave. Et le temps passait, et les bruits à l’intérieur s’amplifiaient, et l’homme étrange était rentré et la tension était montée d’avantage. Rien ne se passait comme prévu, et eux derrière la porte ne savaient toujours rien.

Himi comprenait durement que même quand on veut on ne peut pas toujours.
Hanae



Elle était venue en ville pour faire le marché, et elle se retrouvait là, dans cette pièce remplie de souffrances, de malaise, de peur, d'obscurité, de négatif. Et elle était là depuis des heures.

L'agressive arrivée de l'homme dans la pièce avait parfait le sentiment de Hanae comme quoi les choses allaient définitivement mal se passer.
Des frissons avaient parcourus son dos de manière insistante. Elle a même cru trembler à la vue de tous pendant quelques secondes. De toutes façons, même si ça avait été le cas, tout le monde était bien loin de se soucier d'éventuels tremblements plus que justifiés. Et ce n'était pas dû au froid puisque le feu alimenté avec soin ne faisait qu'augmenter la chaleur dans la pièce. D'ailleurs, tout le monde transpirait. Finalement, que ce soit les tremblements ou les sueurs, ce n'était que des manifestations du stress ambiant.

Les paroles qu'elle répétait s'étaient transformées en suppliques sans qu'elle n'ait d'emprise sur elles. Son regard n'avait que très rarement croisé la scène du drame par lacheté et par terreur. Elle aussi serait sans doute hantée par des cauchemars vicieux pendant quelques temps. Jeune miko vivant en retrait de la ville devenue, malgré elle, représentante shinto d'une situation des plus désespérées.

Les heures étaient passées, ajoutant de la noirceur dans la chambre déjà sombre.
Hanae psalmodiait machinalement à présent, les yeux fermés, attrapant par un geste automatique de temps en temps une poignée de petits bois pour alimenter le foyer rougeoyant. Elle n'avait plus aucune attention sur les rares paroles qui s'échangeaient entre le médecin sorti de nul part, Ria et l'accoucheuse. On aurait bien pu lui adresser la parole à ce moment là qu'elle n'aurait même pas froncé un sourcil.

Cependant, quand un silence envoûtant s'installa dans la pièce pendant plusieurs secondes, Hanae s'interrompit brutalement pour ouvrir les yeux et constater : Ria était recroquevillée contre le mur, visiblement en larmes, le médecin semblait exténué ce qui était compréhensible à la vue de l'opération complexe et à haut risque qu'il venait d'effectuer, l'accoucheusetenait l'enfant, la tête presque en bas, tapotant de minuscules petites fesses dans l'espoir de lui donner le premier souffle de sa vie. Elle avait sans doute dû assister à toutes les naissances de la ville durant ces, au moins, 20 années passées. Cette femme était connue de chaque personne de Kokura. Et c'est celle là même qui d'ordinaire paraissait ne jamais connaitre la moindre émotion, qui agissait de manière vive et directive, qui à cet instant là, arborait un visage crispé par la tension et la crainte.

Jamais de sa vie quelques secondes n'avaient parues aussi longues. Sans même y faire attention, elle se mit à murmurer des choses incompréhensibles, les yeux grands ouverts, fixant l'enfant dans un air de terreur. Le temps s'écoulait, ses larmes se mirent à couler sans qu'elle n'ait aucun contrôle sur elles. Elle eut subitement envie de crier. Et c'était trop dur de se retenir. "Pleures, pleures, pleures.."

Le cri salvateur fut faible. Horriblement faible mais il retentit tel une délivrance pour bien plus de monde que sa propre personne ; l'enfant vit.
Un long soupire de soulagement s'échappa des lèvres de la jeune femme, occultant totalement la vie de la mère pendant ce court instant.
Pourtant, Asami était là, gisante, inconsciente, ignorante de l'excellente nouvelle, alors que l'accoucheuse terminait les étapes de son rôle auprès de la petite fille chétive qu'elle tenait dans le creux de ses mains tel un trésor fragile.
Hanae prit conscience que malgré le soulagement de la vie exprimée par le premier cri, la situation restait critique. Cette fois ci, le soupir qu'elle exprima fut celui de la déception.
Quel était donc son rôle, à présent ? Que pouvait-elle faire ? La mère avait juste besoin de repos. La nouvelle née tout autant. Ria était effondrée. Le médecin éprouvé. La seule chose qui vient à l'esprit de Hanae était de s'enfuir, rentrer chez elle comme si de rien était, se laver, se coucher, dormir, se réveiller et apprendre des nouvelles positives en souriant de l'inquiétude définitivement passée.
Oui, c'est ce qu'elle aurait aimé.
Mais même quand on veut, on ne peut pas toujours.
Shoguro
J'avais été brusque, c'est vrai.. Mais sauver une vie, deux même, valait cela. Ce ramassis de bonnes femmes pensait bien faire, alors que j'estimais qu'elles étaient à deux doigts du meurtre.
Fort heureusement je connaissais la culture japonaise, moi aussi.. Et je savais que je pouvais m'imposer sans qu'on ose réellement contrevenir.
Quant à assumer les conséquences futures.. Laissons cela au futur.

Tandis qu'on préparait ce que j'avais demandé, j'observais la situation.. De ma bouche sortaient des mots d'arabe tandis que j'identifiais avec précision mes repères, avant de tracer du doigt la ligne d'incision. De suite après, je me lavais les mains dans le saké.

-Mettez les linges à coté de moi, et la bassine immédiatement proche. Vous, l'accoucheuse, mettez-vous à coté, et suivez bien ce que je vais vous dire. Oui, vous me traînerez en procès devant les Kamis plus tard. Veillez aussi à ce que les aiguilles restent dans le feu.

Avec adresse, je saisis le scalpel et suivant sur le bas ventre de ma patiente la ligne imaginaire que j'avais tracé.. Le projet était simple : ouvrir pour sortir le bébé moi-même. En théorie, c'était aussi simple que ça.. En pratique..
En pratique j'avais peiné. Il s'agissait de pratiquer l'incision sans provoquer de réels dégats, pas de brusquerie.. Veiller à endormir les sens d'Asami sans la rendre inconsciente, à l'aide de quelques drogues que j'avais fait brûlé à coté de son visage..
Après ça..


Je suis médecin et spécialiste en traumatologie.. Oui.. Mais aller chercher un enfant dans le ventre d'une femme trop faible pour l'accoucher.. C'était réellement proche de mon point de rupture. Le sang.. Non. J'avais bien essayé de le préserver de cette souillure.. Mais mes bras, mon torse.. J'en étais imbibé.. Et ça glissait terriblement.
Tant bien que mal, j'avais extrait le nouveau-né, et l'avais immédiatement donné à l'accoucheuse qui jusque là n'avait fait qu'éponger suivant mes ordres brefs et précis entre deux récitations en arabe.

Je commençais à sentir la sueur mouiller mon front, et des mouches obscurcir mon regard.. D'un mouvement de poignet, je m'épongeais.. C'était sur la figure maintenant que j'avais du sang.. Mais je devais terminer.. D'un regard précis, je vérifiais que tout ce qui était placenta était aussi parti.. Avant de pratiquer à la section du cordon..

-Aiguilles, vite ! Et faites-moi pleurer ce bébé, qu'il respire !

Laissant ma main ouverte, j'attendis qu'on m'en passe.. Chauffée à blanc, comme prévu.. Je passais ces dernières sur les venes ouvertes pour cautériser, avant d'éponger le plus proprement possible avec des linges imbibés de saké et précieusement lavé.. Je m'essuyais de nouveau.. Avant de décider que je pouvais pas faire plus. J'entrepris donc de recoudre et de panser. Il avait fort à parier qu'elle garde à jamais cette cicatrice sur son bas ventre, mais elle ne devrait jamais déranger.


Hélas.. J'étais intervenu tard.. Très tard. Le sang perdu, la faiblesse extrême.. Asami était vulnérable et sensible. Sa vie ne tenait qu'a un fil. Au moins me disais-je que sans moi, ce fil n'aurait même pas existé.
Quant à l'enfant.. Il n'était pas tout à fait formé..

-Mettez-le.. Dans une boite, avec des draps, qu'il soit au chaud, comme dans un lit.. Surveillez-bien son souffle..

L'une comme l'autre étaient vouées à se battre pour survivre. La bataille était gagnée, mais à présent, il allait falloir gagner là guerre.

Je reculais, m'essuyant les mains et le visage d'une manière précaire. J'étais éreinte, mon souffle totalement désordonné. Mais il fallait tenir jusqu'à la fin. Je me mis à marmonner en grec.. Les humeurs.. Il fallait équilibrer les humeurs.. Elle avait perdu trop de sang.. Las, je finis par donner des instructions en japonais :

-Nourrissez-les bien tout les deux.. Prenez la bourse de lin, celle verte, et préparez pour Asami une infusion avec ces herbes, matin et soir. Et la bourse rouge pour le midi.. Privilégiez viandes hachée et fruits pour la nourrir..

La bourse verte contenait de quoi la reposer.. La rouge, c'était l'inverse, de quoi lui donner un coup de fouet.. Fallait relancer son organisme, et veiller à ce qu'elle ait tout ce qu'il faut pour fabriquer du sang et reprendre sa forme.

-Pour l'enfant.. Vous saurez vous y prendre mieux que moi.. Je.. Je suis navré de ne pas avoir pu faire plus.

Je regardais autour moi.. Je m'attendais pas à une fête, non.. Mais elles étaient toutes atterrées, prostrées.. Y'en avait même une qui pleurait.. Je battis en retraite, vraiment mal. J'avais sauvé une vie.. Mais visiblement traumatisé tout le monde.. Mais il fallait tout de même enchaîner..

-Je me vois forcé de vous demander un geste d'hospitalité...

Un peu ouais.. J'aurai égorgé un cochon sur moi que j'aurai été moins sanglant.. Je ne demandais pas d'honoraires, non.. Juste un bain et de quoi m'habiller d'ici que je lave mon kimono..
J'étais sale... Et pas très bien. J'aurai tant voulu sourire, rassurant.. J'aurai tellement aimé pouvoir dire « Tout va bien ».. Mais mes yeux trahissaient l'angoisse et le doute. Opprimé, je retirais la broche de mon écharpe, et desserrais cette dernière. Elle cachait toujours mon cou, mais je semblais réellement avec besoin d'air.
J'avais fais au mieux.. Mais j'aurai du faire mieux.

Mais même quand on veut.. On peut pas toujours.
Asami...
"Vivre intensément ne signifie pas vivre chaque jour comme si c'était le dernier mais comme si c'était le premier."
Paul Carvel


Avant d'avoir eu le temps d'ouvrir les yeux pour voir son environnement,
Avant même d'avoir entendu le son de la voix de son fils dans la pièce voisine,
Avant même d'avoir réfléchi sur ce qui s'était passé les heures (jours ?) auparavant,
Avant tout ça, de fines larmes chaudes roulèrent sur ses tempes dû au simple fait qu'elle n'était pas morte.
Comment être plus attaché à la vie que quand on a frôlé la mort de près involontairement ?

Immédiatement après avoir eu cette infiniment courte réfléxion, Asami grimaça de douleur. Sa main se porta naturellement sur le lieu de souffrance qu'elle trouva calfeutré par un pansement épais et humide.
Son corps était endolori, sa bouche sèche, son estomac criait famine.
Quelle meilleure preuve de vie que la faim réveillée ?

Elle ouvrit enfin les yeux, lentement, sur le plafond de sa chambre. Son oreille se tendit sur les bruits alentours.
Elle resta ainsi de longues minutes à écouter, comme si elle souhaitait pénétrer dans les conversations diverses qu'elle entendait sans y participer.

Au bout d'un moment, le panneau fut tirer pour laisser apparaitre Ria.
Celle-ci, surement habituée à entrer dans la pièce pour y trouver une Asami endormie, ne posa pas le regard sur son amie, occupée à déposer une vasque d'eau près du futon et à y plonger un linge propre.
C'est quand elle approcha le tissu mouillé près du front d'Asami que celle-ci se rendut compte qu'Asami la regardait, un faible sourire reconnaissant aux lèvres.
Le visage de Ria exprima un large soulagement et un regard empli de joie.
Elle lui fit un compte rendu bref mais suffisant sur les événements de ces derniers temps.
De son évanouissement à l'opération en passant par la nouvelle-née qui survivait mais qui était faible, par la grande compréhension mature du petit Kazuaki sur le besoin de repos de sa mère, à l'inquiétude et à la gestion efficace de la situation de Lujan, au suivi médical de Shoguro ainsi que par les différentes demandes de nouvelles de la part de certains villageois dont, bien sûr, l'accoucheuse et Hanae.
Pour terminer, alors qu'elle continuait de laver sommairement certaines parties du corps d'Asami, Ria lui montra d'un signe du menton le beau bouquet de fleurs qu'Himi avait cueilli pour embellir la chambre d'Asami.
Après une demi-seconde de silence, Asami dit d'une voix faible.


Arigato Ria-san...

C'est alors qu'elle entendit un faible son non loin d'elle. Un son connu bien qu'inconnu. Un son d'amour. Un son de bonheur. Le son de la voix de sa fille.
Elle chercha alors à se redresser rapidement, ce qu'elle regretta vivement ; une douleur lancinante déchira son bas ventre et l'obligea à se rallonger en grimaçant.
Elle voulait juste voir son enfant.
Elle voulait juste la toucher. La sentir. La ressentir. La protéger. La soutenir. L'embrasser. La réchauffer. La bercer. Lui sourire.
Mais la douleur s'éternisait, l'empêchant même de s'exprimer, la faisant se tordre légèrement pour tenter de trouver une position plus confortable, en vain.
Elle voulait seulement sa fille contre elle. Mais même quand on veut, on ne peut pas toujours.
Asami...
Les quelques jours qui suivirent la naissance furent emplis de petits bonheurs, de petites attentions, de petits riens qui apportent joie et gaieté.
Il avaient aussi été ponctués de grosses douleurs déchirantes, de grandes frustrations intenses, d'une profonde mélancolie.

Voir sa fille avait fait partie de ces instants de bonheur. Elle était faible mais vivante. Pour combien de temps ? Le temps seulement pourrait le dire. Elle se nourrissait mal, était rarement éveillée, respirait péniblement parfois. Et le pire c'est qu'Asami ne pouvait pas vraiment bouger, alitée par l'opération et incapable de se redresser sans avoir l'impression que la cicatrice s'ouvrait, provoquant une énorme frustration et de vives douleurs.

Caliner son fils après deux jours sans le voir avait été un moment de joie immense et des plus émouvants car elle avait irrémédiablement repenser à ses désespoirs durant la délivrance.

Recevoir la visite de son mari, toujours aussi plaisantant, remettait du rose dans le gris.
Les petites attentions mettaient de la gaieté dans la journée et il passait tout son temps avec elle quand il n'était pas avec son fils ou au champ.

Constater l'implication permanente de sa plus proche amie, Ria, qui lui rendait visite plusieurs fois par jour pour les tâches quotidiennes de soins pour elle-même comme pour ses enfants, soulageait la conscience d'Asami tout en apportant un lot important de craintes de par son prochain départ. Parler de la construction du navire qui deviendrait le Umi no Kaeru n'avait rien d'agréable et son appréhension d'un départ de Ria et sa famille était difficile à appréhender. Sans parler de l'éventualité qu'ils aillent à Iwakuni.

C'était à chaque fois une déchirure pour Asami de penser à ce voyage qui se prévoyait sans elle à la vue des événements récents. En même temps, son mari n'avait toujours pas émis l'envie de faire partie de ce voyage, laissant peu d'espoirs qu'il change d'avis.
Et puis de toutes façons, elle savait qu'elle ne pourrait pas se mettre debout avant peut-être plusieurs semaines alors que le départ, évidemment prévu longtemps à l'avance, allait avoir lieu d'ici peu.
Elle aurait aimé que pour une raison inconnue le départ soit reporté, retardé. Ou que par une sorte de miracle elle aille mieux très rapidement. Et que sa fille ait pris des forces également. Et que son mari accepte l'idée. Tout ça réunit.
Peu de chances, donc. Et pourtant.

Ria lui avait caché pendant près de 10 jours qu'elle confectionnait pour elle une chaise roulante.
Son mari lui avait caché que le voyage était oragnisé.
Shoguro avait préparé des potions diverses pour plusieurs jours afin de palier à toutes surprises durant le voyage.
Sa fille commença à bien s'alimenter au bout d'une semaine, permettant à sa peau de prendre un beau ton rosé respirant la bonne santé.
Elle aurait pu avoir la puce à l'oreille en constatant les sourires complices échangés entre Lujan et Ria à certains moments.
Elle aurait pu trouver étrange que son mari soit un peu hésitant et maladroit quand elle abordait le sujet du départ du navire.
Elle aurait pu s'interroger, également, de l'échange entre Shoguro et son mari, se croyants discrets, quand ils se passèrent les différentes fioles.
Elle aurait pu être intriguée lorsque celui qui était devenu son médecin lui glissa, mine de rien, que si un jour prochain elle se trouvait à Iwakuni elle devrait alors rencontrer un certains médecins peu ordinaire dans les environs.

Mais elle ne peut pas l'imaginer. Elle ne peut même pas l'espérer, en fait.
Même quand on veut, on ne peut pas toujours.
Ria
Les jours s’étaient écoulés au rythme des soins qu’il avait fallu prodiguer à Asami et sa fille en plus des tâches habituelles de Ria. Cela avait demandé une organisation minutieuse et quelques petits sacrifices mais Ria ne le regrettait aucunement. Elle avait trop craint de perdre son amie et le bébé pour ne pas se sentir soulagée d’un grand poids lorsqu’une amélioration avait commencé à se montrer. C’était certes léger, mais assez visible pour que l’inquiétude s’estompe peu à peu.

Lorsque les travaux de l’Umi no Kaeru avaient débuté, la charge de travail s’était quelque peu alourdie mais la perspective de voir un vieux rêve se réaliser donnait du cœur à l’ouvrage à Ria. Pourtant, à la joie se mêlait un sentiment de culpabilité. Ce voyage, elle l’avait espéré en compagnie des gens qui lui étaient le plus proche et Asami en faisait partie. Si son cœur l’incitait à tout mettre en œuvre pour permettre à son amie et sa famille de les accompagner, sa raison quant à elle lui mettait un frein. Asami et sa fille seraient-elles assez remises d’ici là ? Auraient-elles la force d’effectuer la traversée ? Le voyage n’était pas long, la mer relativement paisible en cette période de l’année mais les risques de mauvaises rencontres ou d’une manœuvre hasardeuse étaient quand même bien réels. Sans compter sur le fait que malgré ses études avancées et l’expérience passée, Ria n’avait plus navigué depuis bien longtemps.

Ria s’en était ouverte à Lujan puis avait questionné le médecin, même s’il était vrai qu’avec ce dernier elle gardait une certaine distance. Il avait beau avoir sauvé Asami et la petite, Ria n’en restait pas moins méfiante et bien qu’ouverte d’esprit, elle avait été trop choquée par ses méthodes pour pouvoir les accepter pleinement. Toujours était-il que de fil en aiguille, les choses s’étaient organisées autour des besoins de chacune.

Quand enfin le navire fut prêt à accueillir ses passagers, la date du départ fut fixée. Ils avaient gardé le secret jusqu’au dernier moment, s’occupant des préparatifs à l’insu d’Asami. Il fallait qu’elle se ménage mais ils avaient également souhaité lui réserver la surprise. Perfectionniste quasi obsessionnelle, Ria s’était occupée des moindres détails, seulement, c’était sans compter le fait qu’elle n’était pas seule et bien souvent, quand on voyage en groupe, les imprévus vous tombent dessus sans crier gare.

Rudement éprouvée par les événements des derniers mois, Ria avait rêvé de pouvoir passer quelques jours loin des tracas habituels et profiter pleinement des onsens que l’on rencontrait partout en Uchi.

Seulement, même quand on veut, on ne peux pas toujours.

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