Judas
L'hiver a raison de tout.
Assis sur un grand siège de chêne semblable à celui qui faisait l'objet de toutes les attentions le jour où il avait posé avec sa jeune épouse pour la toile du bolvadino, Judas est mutique. Le visage pâle comme à son habitude semble pourtant serein, les yeux noirs perdus dans une dimension inconnue. L'esprit est ailleurs, hors les murs du manoir. Une main gantée de cuir appuyée sur sa joue, le seigneur caresse du bout du pied un chien qui s'est étalé de tout son long sous son talon.
L'hiver a raison de tout.
La cote cuirassée a été revêtue de la main des jours simples, l'homme n'affiche chez lui cet après midi là aucunes fioritures, pas même un sourire. Il a laissé la jeune femme gagner le Béarn , après avoir lentement desserré son joug sur son enfermement. Isaure, loin du cloître marital et la peau résorbée de tous les bleus qui avaient entachés la dernière nuit de raison qu'avait connue Judas, s'en était allée chez sa cousine, avec leur fils. Las de l'entendre geindre la nuit et d'observer ses attitudes doucereuses et docilement opaques la journée, il lui avait accordé le droit d'aller séjourner sur ses terres quelques temps. Le temps qu'il lui plairait, d'ailleurs, tacitement. L'idée qu'elle déserte n'allait pas en lui déplaisant, tant qu'il se tenait pour décisionnaire de tout, jusqu'à sa fuite. L'hiver était morne dans les maisons des seigneurs, seule la chasse pouvait distraire. Et encore. Le gel avait anesthésié les bois, et son envie de sortir. Le Von Frayner tourna la tête vers le muet.
Tu me montreras l'expression de son visage... Si elle a sourit, ou si elle a demandé quelque chose. Tu me raconteras.
Le jeune messager avait acquiescé , comme s'il avait les mots pour tout rapporter aussi fidèlement que ses yeux observaient. Dans les bras du muet, une robe soigneusement emballée dans un linge. Une tiare aux pierres opalescentes dans une bourse de tissus. Le visage sembla esquisser l'ombre d'un sourire, sans que les traits ne se froissent vraiment. La main passa de sa joue à l'avant bras du jeune homme, ferme.
Fais attention à ne pas la laisser à la vue de tous, on t'attaquerai pour ça.
Le regard se courba, cherchant l'approbation du muet qui ne tarda pas à se manifester vivement, menton agité. Il avait conscience sans doute de la valeur de son chargement. Judas avait fait venir de Paris des atours tels qu'ils les aimait, fastes et lourds, pour apaiser sa conscience et un besoin de plus en plus pressant. Isaure était loin, Roide était si proche. Là, à portée de main. Quelque part non loin de la ville, il la savait prendre les même chemins que lui. Il lâcha le jeune qui s'en alla d'un pas précautionneux. L'Anaon , il la connaissait bien. Des mois qu'il était le seul homme à lui porter des messages du seigneur... Messages qui n'avaient pas commencé des plus tendrement mais... Ce qu'il tenait entre les mains ce jour semblait être autre chose qu'un signe de reproches. L'hiver était Elle. Et depuis qu'il l'avait vue en robe au bal de Noel, il n'arrivait pas à lever cette obsédante image d'une cambrure lacée et d'un buste de dentelles de son esprit. Faute d'oser lui faire l'affront d'une invitation pendant que l'épouse était en voyage, il s'était résigné à la languir. Maitresse malgré elle et malgré tout.
L'hiver a raison c'est tout.
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Assis sur un grand siège de chêne semblable à celui qui faisait l'objet de toutes les attentions le jour où il avait posé avec sa jeune épouse pour la toile du bolvadino, Judas est mutique. Le visage pâle comme à son habitude semble pourtant serein, les yeux noirs perdus dans une dimension inconnue. L'esprit est ailleurs, hors les murs du manoir. Une main gantée de cuir appuyée sur sa joue, le seigneur caresse du bout du pied un chien qui s'est étalé de tout son long sous son talon.
L'hiver a raison de tout.
La cote cuirassée a été revêtue de la main des jours simples, l'homme n'affiche chez lui cet après midi là aucunes fioritures, pas même un sourire. Il a laissé la jeune femme gagner le Béarn , après avoir lentement desserré son joug sur son enfermement. Isaure, loin du cloître marital et la peau résorbée de tous les bleus qui avaient entachés la dernière nuit de raison qu'avait connue Judas, s'en était allée chez sa cousine, avec leur fils. Las de l'entendre geindre la nuit et d'observer ses attitudes doucereuses et docilement opaques la journée, il lui avait accordé le droit d'aller séjourner sur ses terres quelques temps. Le temps qu'il lui plairait, d'ailleurs, tacitement. L'idée qu'elle déserte n'allait pas en lui déplaisant, tant qu'il se tenait pour décisionnaire de tout, jusqu'à sa fuite. L'hiver était morne dans les maisons des seigneurs, seule la chasse pouvait distraire. Et encore. Le gel avait anesthésié les bois, et son envie de sortir. Le Von Frayner tourna la tête vers le muet.
Tu me montreras l'expression de son visage... Si elle a sourit, ou si elle a demandé quelque chose. Tu me raconteras.
Le jeune messager avait acquiescé , comme s'il avait les mots pour tout rapporter aussi fidèlement que ses yeux observaient. Dans les bras du muet, une robe soigneusement emballée dans un linge. Une tiare aux pierres opalescentes dans une bourse de tissus. Le visage sembla esquisser l'ombre d'un sourire, sans que les traits ne se froissent vraiment. La main passa de sa joue à l'avant bras du jeune homme, ferme.
Fais attention à ne pas la laisser à la vue de tous, on t'attaquerai pour ça.
Le regard se courba, cherchant l'approbation du muet qui ne tarda pas à se manifester vivement, menton agité. Il avait conscience sans doute de la valeur de son chargement. Judas avait fait venir de Paris des atours tels qu'ils les aimait, fastes et lourds, pour apaiser sa conscience et un besoin de plus en plus pressant. Isaure était loin, Roide était si proche. Là, à portée de main. Quelque part non loin de la ville, il la savait prendre les même chemins que lui. Il lâcha le jeune qui s'en alla d'un pas précautionneux. L'Anaon , il la connaissait bien. Des mois qu'il était le seul homme à lui porter des messages du seigneur... Messages qui n'avaient pas commencé des plus tendrement mais... Ce qu'il tenait entre les mains ce jour semblait être autre chose qu'un signe de reproches. L'hiver était Elle. Et depuis qu'il l'avait vue en robe au bal de Noel, il n'arrivait pas à lever cette obsédante image d'une cambrure lacée et d'un buste de dentelles de son esprit. Faute d'oser lui faire l'affront d'une invitation pendant que l'épouse était en voyage, il s'était résigné à la languir. Maitresse malgré elle et malgré tout.
L'hiver a raison c'est tout.
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