Son sourire s'intensifie lorsque le caillou la frôle. Bien qu'elle l'ait vu sortir de la pénombre au dernier moment , elle n'a pas bougé. Elle n'a pas le temps de s'étonner de cette réaction qu'il est déjà à ses cotés. Ah ! Elle se disait bien qu'il était bien trop calme. Elle va surement se prendre le jumeau du coup qui l'a déjà défigurée. Tandis qu'elle essaie de se protéger le visage , la main du colosse s'empare de sa nuque. Elle écoute attentivement chacune de ses mots, le regard fixe, droit devant . La bouche se tord de dégout lorsqu'il s'appuie tout contre sa joue. Elle se raidit bien plus.
Le message est passé et elle le regarde déjà regagner sa place tandis que d'un geste brutal, sa main écoeurée vient nettoyer sa peau. Il l'a encore touchée !
Celui qui semble prendre plaisir à attiser sa haine n'a pas répondu à la question posée. Aucun importance, il a répondu à celle qu'elle attendait. C'est pour demain. Un sourire aurait pu trahir sa satisfaction, ce ne sera pas pour tout de suite. Il faudra attendre plus tard dans le silence de la nuit que l'impression des empruntes du blond sur sa peau disparaissent et que le sommeil la gagne, le sourire aux lèvres.
SAUMUR
Ils sont arrivés tard dans la nuit. Pendant que l'un s'occupe des chevaux, l'autre la monte dans une chambre à l'étage de ce qui lui semble être une auberge ou taverne ou autre. A l'heure où ils ont débarqué, elle n'a pas vu grand chose de cette ville noire.
Une bougie est allumée et la porte se ferme dans un claquement. Après avoir fait le tour de la pièce, chandelle en mains, elle se couche épuisée. Sa dernière pensée ? elle prie pour que le lit soit propre.
La nuit a été courte. Le sommeil leger malgré la fatigue. Comme une impression d'être restée éveillée les yeux fermés. Finalement pour rien car personne n'est entré dans sa chambre comme elle s'y attendait.
C'est le bruit d'une charrette au dehors qui la décide à ouvrir les paupières et mettre pieds au plancher. Un regard par la fenêtre et elle sait qu'elle est à Saumur. Elle en revenait avant que tout cela n'arrive. Elle sait aussi qu'elle ne peut partir par les toits. Il n'y en a pas. Sa fenêtre est juste au dessus de l'entrée de l'auberge, en pleine rue principale. Tu parles d'une discrétion pour se tirer. Elle s'imagine faire un roulé boulé et tomber comme un sac de maiis , pile poil aux pieds du Nikolaii. Elle referme la fenêtre dans un soupir et laisse son regard balayer la chambre. Simple mais bien plus propre qu'elle le pensait. Quelques voix semblent venir de la chambre voisine. Elle y prête attention et ne reconnait pas les voix. Elle se détend un peu.
Quelques pas sur la pointe des pieds et les tiroirs de la commode sont ouverts tout doucement. Vides. Deux pas encore et c'est l'armoire qui est vide d'habits, juste une couverture pliée sur une des étagères et deux serviettes. Elle déplie ces dernières , le linge est propre. Elle n'aura peut être plus l'occasion alors elle en profite. L'eau du broc est transvasée dans la cuvette et elle se fait un brin de toilette tout en surveillant la porte. Pour finir, elle passe devant le psyché et admire ses bleus au visage. Ils sont nettement atténués mais ça elle ne peut le savoir. Une deuxième pensée à ce moment là.. juste après celle où elle s'est vu l'égorger, lui... Elle se dit que dès qu'elle sortira d'ici, elle se fera une robe bleue et violette parce que ça lui va très bien au teint. Oui , parce qu' elle sortira d'ici et vivante. C'est une évidence pour elle. Elle ne conçoit pas une seule seconde y laisser sa peau. Aucune logique comme dans toutes croyances mais elle y croit au point de le savoir.
Sa mère n'en voulait pas et elle est là. Elle a trouvé sa mère pendue au bout d'une corde sur le parvis de l' église, on la disait alors si petite et si fragile qu'elle ne s'en sortirait pas mais elle est toujours là.
Le refus de nourriture, de la vie, ses vomissements, ses fugues n'ont pas eu raison d'elle. L'âme en peine , elle n'a fait que provoquer l'Ankou, l'appeler, la supplier . L'ankou l'a repoussé, frappé, menacé. Elle l'a des fois même caressée mais ne l'a jamais emmener. Alors l'inconsciente continuera à provoquer et à hair parce qu'on ne veut pas d'elle. Elle cherche une réponse . Quelqu'un finira bien par lui répondre un jour. Comme sa mère, puis l'ankou, même le vulgaire tigre ne veut pas d'elle. L'histoire se répète et elle en connait la fin. Ca finit toujours ainsi .
Une lueur passe dans le regard de la biche. Ses enfants qui rient. Son époux qui lui tend les bras. Les seuls qui l'apprivoisent un peu plus chaque jour. Les yeux de la blonde s'illuminent et elle tâte sa natte. La fine lame est là , en place, bien calée entre les lacets de cuir. Elle le savait mais tenait encore une fois à s'en assurer. On la pense coquette à tortiller ses mèches de cheveux à longueur de temps et c'est très bien comme ça. Elle s'apprêtait à sourire à sa dernière pensée ..encore les entrailles du sauvage blond qui se déversaient à ses pieds..mais elle n'en a pas le temps, ses yeux fixent à travers le miroir un mot cloué sur la porte.
Deux enjambées plus tard, le velin est arraché et lu.
Citation:Femelle,
Ta caboche n'abrite sans doute qu'un grand vide et dans ma grande générosité, j'ai pensé qu'un rappel s'imposait. Tu te trouves en Anjou, à Saumur plus exactement et ma famille t'héberge gracieusement, ne t'avises pas de tout bousiller dans la piaule ou je n'hésiterai pas à te tanner le cuir.
L'auberge "Le Divin Poison" est tenu par une Petite Perle d'une blondeur pareille à la mienne. Elle sait que tu occupes une des chambres, et te procurera le nécessaire à te garder en vie.
N.
P.S. Ne tentes rien de stupide, je suis un chasseur né et te retrouverai avant même que tu ne passes les remparts.
Elle se serait bien éclatée de rire mais ce n'est pas le lieu, surtout ici , il faut se contenter de marmonner dans sa tête.
*mais quel bouffon ! Pour un peu il me ferait presque peur cet imbécile heureux. Pas fini qu'il est ! tsss...*
Comme cela ne sert à rien de narguer lorsqu'on est seul, son esprit repart pour un questionnement interne . Prisonnière mais libre ? Hébergée gratuitement chez la famille ? maintenir en vie ? tout cela n'a pas de sens... Un piège peut être ? il s'amuse ? . Pour une fois c'est elle qui claque la langue. Il la surprend , elle ne capte rien à ses intentions. Ce type est une énigme !
Restée ici à attendre ne lui sert à rien . Comme à ses habitudes, elle part vers l'affrontement qui s'il ne l'arrête pas définitivement, lui en dira plus. Le message plié dans sa poche , elle ouvre lentement la porte . Jette un coup d'il dans le couloir vide et s'engouffre dans les escaliers à pas de velours. Les planches de bois la trahissent . Ca grince fortement...Chiotte ! elle soupire en levant ses yeux au ciel et dévale les quatre marches qui manquaient sans aucun retenue. Si le tigre est aussi fort qu'il le dit, il est déjà au courant qu'elle arrive alors allons y gaiement !
Et c'est avec cette grâce qui lui est propre, sa beauté particulière..ment bleutée ...et son éternel sourire qui agace tant, qu'elle débarque dans la salle. Deux fossettes et trois bleus cherche , selon la lettre, le sang du blond.. Une jeune tigresse donc et qui plus est blonde comme lui. Pourvu qu'il n'y ait pas ses chatons avec, il parait que dans ce cas, la femelle est pire que le mâle. La bretonne , elle , a une portée qu'elle doit rejoindre à tout prix. miaou, ça promet ! [/b]_________________