Vasco.
- "Baptême : rite sacré d'une telle efficacité que celui qui trouve le chemin du ciel sans l'avoir reçu sera plongé dans les affres de la détresse pour l'éternité."
- Le dictionnaire du diable - Ambrose Bierce
[Mâcon, Février 1462, par une nuit de lune gibbeuse descendante]
Pour celui qui vit de râpines, de contrebandes, de meurtres et autres joyeusetés de ce genre, il n'y a jamais de repos. Dormir sur ses deux oreilles, c'est un peu comme donner un stylet à son ennemi intime. Tierce venait de sonner dans la petite ville endormie de Mâcon. Le jour, la taverne où ils avaient pris leurs quartiers était tranquille. Elle n'était fréquentée que par les membres de la Spiritu Sanguis. La nuit par contre, des ombres silencieuses arpentaient les couloirs. Alors que le tavernier venait à peine de fermer la porte principale pour la nuit, à l'étage, une autre porte s'ouvrit. Un spectre sombre s'infiltra par l'embrasure, pour s'avancer d'un pas déterminé vers une chambre située trois pièces en avant sur le même palier. Un regard à droite, un regard à gauche afin de s'assurer que personne ne l'avait repéré et il sortit de l'intérieur de sa ceinture une petite tige de métal. Il l'inséra dans la serrure. Quelques instants plus tard, un clic métallique significatif lui soutira un sourire de satisfaction. L'ombre poussa la porte d'un coup d'épaule, esquissant une grimace comme si ce geste pouvait empêcher la porte de grincer. Il entra rapidement et silencieusement dans la pièce après avoir jeté un dernier regard en direction du couloir.
Par la fenêtre, les reflets de la lune apportaient une lumière blafarde dans la pièce. Il laissa ses yeux s'habituer, se contentant d'essayer de repérer les obstacles qu'il pouvait y avoir entre lui et le lit sur lequel un corps était paisiblement allongé. L'homme, car oui c'était un homme, s'avança alors et vint s'asseoir sur le rebord du lit. Il sortit son poignard dont la lame étincela sous les rayons lunaires puis le posa sur la petite table de chevet.
- Agnesina! Tu dors?
Vasco appuya sa main droite sur son épaule, secouant la carcasse allongée à ses côtés.
- Tu m'entends? J'ai besoin de toi. Il faut qu'on parle...
Il attendit qu'elle se retourne vers lui pour reprendre son discours.
- Je sais... Tu vas me dire qu'on est en pleine nuit, que tu as besoin de dormir et que demain on a une longue route à faire. Tu vas grogner en me disant : "Et ça te prend comme ça? Comme une envie de pisser pendant une nuit de pleine lune? Vasco, on vient à peine de passer tierce." ... Je sais. Écoute-moi. Cette nuit non plus, je n'arrive pas à dormir. Cette fois, ce n'est pas à cause du pain que j'ai acheté sur le marché. Ça n'est pas non plus à cause des ronflements de mon voisin de droite. C'est juste que ça cogite dans ma tête. J'ai besoin de te parler.
L'italien se leva et vint se poster devant la fenêtre, posant son regard sur l'astre lunaire, là où allaient pour l'éternité les âmes des damnés.
- Dis-moi Ina, Est-ce qu'il y a un prêtre chez les Spiritu Sanguis? Je... Il faut que je me fasse baptiser. Et au plus vite. Enfin...Par forcément cette nuit, mais dès que possible. Il faut que le premier prêtre qu'on croise me donne ce sacrement. De gré ou de force.
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