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[RP] Confessions d'une jeune fille

Johannes
Citation:
Reportons cy le dernier songe qui est venu.
[En glose :] ne sachons le temps ni le lieu. Apparaît un ogre, qui est en même temps un caillou, sans avoir pour autant ni une tête d'ogre, ni de caillou. C'est l'ogre-caillou. N'est pas amène, une drôle de voix.

Ogre-caillou : alors, ça va finement ? Je vois ça, on s'ameuble, le petit pourpoint de cuir et tout, c'est tout joli, et puis les petites bottes claires, môssieur Johannes, car il est vrai qu'on se fout de les tacher quand on ne passe plus son temps à traîner ses savates sur les routes... Oh et les mignons petits gants pour cacher sa papatte déformée... c'est coquet à ravir... tiens, des fleurs... un pot de passeroses tu dis ? Charmant, charmant. Cette nuance de mauve... oui charmant, vraiment. Sinon, tu as fait broder tes bas aussi ? Pour faire raccord, tu sais. Tu pourrais aussi te mettre à porter heu... une toque, une belle toque mauve, pour se marier aux passeroses, et dire aux gens que tu es enchanté de les rencontrer, et ensuite tu pourrais aller joindre les mains tous les dimanches, pour faire bien, et... et puis merdre hein, au lieu de te couper les tifs, coupe donc tes burnes, sodomise-toi avec un pain d'argile et oublie qui tu es ! Traître ! Immonde raclure ! Je te préférais encore pisseux et réellement mauvais ! Hors de ma vue ! »

[En glose:] avons oublié ce qui suit. Semble que l'ogre-caillou ait parlé pendant des heures. A fini par disparaître de peu avant le réveil.



Johannes plia la feuille en deux, pas tellement réveillé encore. Il considéra le petit tas de pains d'argile qui trônait dans la pièce d'à côté, et fit une vilaine grimace. Ça lui bottait pas tant que ça de travailler l'argile aujourd'hui. Faudrait trouver autre chose, voire même autre chose qu'on fait dehors, même s'il fait hiver et même s'il pleut – la pluie ça nettoie l'intérieur du crâne. Même qu'il a furieusement envie de tacher ses bottes, de passer la journée dans la boue jusqu'à ce qu'on en voit plus la couleur. Là, il allait cueillir des plantes.

« Là, je vais cueillir des plantes. »


C'est bien Blondin. En même temps, paumé dans une ville du Sud, sa blonde disparue et le môme qu'elle avait dans le coffre avec, à passer son temps à bosser et à éviter les glands du coin pour pas se faire d'histoires, et même les pasteurs, et les rousses, et le reste, on s'oublie vite soi-même, alors autant aller glaner du vert. C'est bien les plantes, ça pue pas et ça se fume, comme ça on oublie les ogres et les disparues. Hein. Sus à la bourrache.
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Johannes
Citation:
Derniers jours de février, autres songes qui s'échappent au réveil, ne laissent que des bouts de phrases à la fois nets et flous. Un peu, comme si quelqu'un d'autre que moi-même s'en souvenait. Il faudrait tout écrire, tout le temps – mais tous les songes ne méritent pas d'être retranscrits. Sans doute ils sont creux, n'ont de la teneur qu'en apparence, du lustre mais pas de fond. Et ce qui sur l'instant me semble plein finira par être vidé l'heure d'après. Parvenu à mon âge, le sens des choses s'essouffle de plus en plus vite. Il ne tient plus. Ou peut-être c'est mon crâne qui se sait plus se souvenir.

[Deux lignes barbouillées jusqu'à leur moitié, et puis rayées.]
Aucune nouvelle de Sørensen depuis huit semaines, et à peu près cinq nuits. Je me demande combien de jours encore, ou de semaines, ou d'années peut-être, pour ce qu'il m'en reste à vivre, je vais passer dans cette ville qui m'est étrangère, à attendre une blonde. Meublant les heures l'une après l'autre pour ne pas penser, travaillant, mettant de la quincaille de côté, taillant, creusant, lavant, dormant, parlant peu. Je me sens de moins en moins présent au monde et aux autres – sachant bien que les autres et le monde s'en foutent allègrement...

… peut-être, si je perdure longtemps, mon âme se fondra dans un acier clair, et je finirai par ne plus jamais rien ressentir, ou il ne restera aux tréfonds de ma tête qu'un vieux lac, sombre et doux, au bord duquel je pourrai reposer mes jambes en attendant de claquer pour de bon. Personne ne viendra foutre d'obole dans ma gueule, et tant pis pour le passeur. Je suis sûr qu'il y a des nochers clandestins, sur cette rive comme sur l'autre. On doit bien pouvoir se débrouiller. Et poireauter sur une rive, ou vivre ici avec le goût de la lenteur des jours, ça ne changera pas tellement la donne.



La feuille pliée en deux alla rejoindre sa grande sœur, écrasée entre deux lattes de parquet, sous un meuble. Précaution inutile, sauf à donner plus de valeur aux réflexions couchées sur le papier, car ce que l'on dissimule est forcément un peu important. Ou peut-être ce sont juste les gosses qui croient ça.

Johannes se barra vers l'atelier, même qu'il paraissait que c'était le sien, et que cette idée le faisait bien marrer, pour aller travailler la pierre. C'est bien les pierres aussi, ça cause pas et ça se laisse caresser pendant des heures, comme autant de petites bigotes sagement alignées qu'auraient la peau trop froide.

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Johannes
Citation:
Aucune nouvelle de Sørensen. Neuf semaines.

Passe les nuits dehors, à marcher parce que les nuits, on pense. Cueillir dans le noir, c'est difficile. M'écroule dans un pieu, au Blaireau, quand la fatigue me gagne. Les draps n'ont aucune odeur, et c'est peut-être mieux ainsi.

Une jeune gosse a établi ses quartiers dans mon propre pieu, à croire qu'elle s'y plaît. A trouvé un chat, qu'elle compte adopter, ou bouffer, je ne sais pas trop. En fait, je ne pas trop ce qu'elle fout chez moi, mais c'est une bonne excuse pour ne pas y être.

Et puis ça fait parler la bonne gens de Toulouse qui, il faut l'avouer, s'emmerde. Or, la rumeur est une petite issue à l'emmerdement. Alors qu'elle court, la rumeur. Ferai revendiquer mon statut de bienfaiteur de la cité dans quelques années.



Fourrer le papelard gratté avec les autres, et se barrer vite fait bien fait. Des jours que Blondin se délocalise, à croire que ça serait pour goûter l'ancienne joie de rien avoir à soi. Toulouse ? Moi ? Non, j'y vis pas. J'passe. Je poireaute. J'ai pas d'chez-moi j'vous dis, j'suis un trimardeur, un vieux, un vrai de vrai. J'ai pas de pièce, j'ai pas de coins à remplir, je vagabonde dans le petit périmètre toulousain.

Là, il se barre, un verset indécrottable dans le crâne, lorsque vous rencontrerez en combat les mécréants, et les infidèles... A chercher un sens là-dedans Johannes, alors que le verset est clair, n'empêche qu'il le fait tourner dans sa tête, sur des drôles de voix, croyant sans doute que le sens finira par lui exploser dans la tronche. Il attend la grande révélation Blondin, celle qui apporte le sommeil du juste.

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