[ Golfo de Cádiz, où l'on échappe au grain.]Un peu plus tard, on entendit soudain le second, Madeline, tonner sur la dunette : - Tous le monde sur le pont ! Quartier-Maître, Maître d'équipage, sur la dunette ! Aëlig et Maria, restés confinés toute la nuit dans un coin de la dunette, sortirent cheveux hirsutes et allures débraillées, puis prirent alors l'escalier du gaillard arrière. Au moment où leurs têtes dépassaient le plancher, il virent Cendres à la barre et Madeline, qui semblaient interroger l'horizon avec inquiétude, puis prirent en cours de route la conversation."-
Palsambleu ! Tu as raison Madeline ! Non-seulement le vent n'a point tenu, mais nous allons avoir un grain."
- Sans compter, cher Capitaine,
répondit le second, que nous sommes en mauvaise position pour le recevoir. Nous aurions dû faire même route que l'autre navire...
Cendres ne put réprimer un mouvement de mauvaise humeur.- J'ai eu un coup de Trafalgar...
- Il a au vent Cadix qui va adoucir pour lui la violence du grain que nous recevrons, sans en perdre une goutte de pluie ni une bouffée de vent, et sous le vent tout le golfe de Cadix.
Ajouta Madeline - On s'en fout ! Lui il a une nave, et moi un trois mâts carré !
Cendres se tourna avec inquiétude vers la masse noire qui se dressait devant lui et qui, du côté du sud-ouest, ne présentait aucun abri.- Bon!
dit-il, nous sommes à un mille de Cadix.
-Oui, Cendres, tu noteras que je n'ai encore rien dit... que je me contiens... que je fais preuve de savoir-vivre...
T'ES TROP PRES DES COTES !!!!Une rafale d'ouest passa, précurseur du grain de la tempête.- Fais amener les perroquets, on va serrer le vent,
lança Cendres.- Capitaine ! Tu crains point pour la mâture?
interrogea Aëlig, qui avait achevé de monter sur la dunette et se tenait derrière, en compagnie de Maria.-Je crains Madeline !
Madeline, de cette voix pleine et sonore du marin qui commande aux flots et aux hommes, répéta le commandement dans un langage technique d'anglois nautique au Maître d'équipage, Maria, qui elle-même devait traduire en espagnol aux matelots, une vingtaine de catalans recrutés à Barcelone. Notons que Maria n'entendait l'anglois et les termes de marine guère mieux que Madeline le catalan et les marins catalans, l'espagnol. Ce qui donnait à peu près cette chaîne d'ordres cacophoniques : Amenez, carguez et serrez les perroquets ! Lower, brail up and take in the gallant sails ! (1)Arria, carga, y affera los juanetes ! (2) Mais Maria qui avait, une fois encore, compris que venait de surgir un danger, savait très bien comment se faire entendre par les matelots : Y voush né fêtes pas lé a'n'douilles chicos ! Sino y liaura pas la pétite chirène qué sé dévoilé lé chaméti choir au fond dé la calé (3).Aelig qui n'avait rien à faire, notre jeune moussaillon, Quartier-Maître et timonier sur le rôle de l 'équipage, apprenait le maniement de la barre, mais on ne lui donnait point cette responsabilité par gros temps, uniquement pour suivre la route tracée par le capitaine, se hasarda : - Est-ce qu'il y a du danger, patron ?
Cendres se tournant vers Aëlig, se recompasa une mine altière.-Il n'y a jamais de danger sur un bâtiment commandé par Cendres de l'Aube, parce que sa prévoyance va au-devant de tous les dangers; seulement, je crois que nous allons avoir un grain.
--Un grain de quoi? demanda Aëlig,
ingénu.--Un grain de vent,
répondit Cendres.--Je trouve le temps assez beau cependant, dit il tout en regardant, au-dessus de sa tête.
--Ce n'est point au-dessus de notre tête qu'il faut regarder, cornemuse ! C'est là-bas, à l'horizon, devant nous !
Sang-dieu ! Qu'est ce que je vais faire de lui ?
Continua t'il dans sa barbe.
Une seconde bouffée de vent passa, chargée d'humidité; sous sa pression, le navire s'inclina et fit un crissement.Sur le grand mât, on pouvait apercevoir Philippe, les mains au mâts, égrener une petite prière.- Morbleu ! Carguez la grande voile! Dit Cendres laissant Aëlig à des considérations météorologiques et jetant ses commandements sans transmission intermédiaire. Mais qu'est ce qu'ils foutent les rats de cale ? Ho ! bande de coléoptères...! Magnez vous le cul ! Hâlez bas le grand foc! Nom d'une pipe ! Cinq minutes plus tard, Le vent, avait sauté au nord et le bâtiment avait le vent complètement debout. Le vent du nord avait masqué la voilure: les mâts, surchargés de toile, craquaient.Le second jeta un regard rapide et inquiet autour de lui. Le temps, nuageux toujours, s'était cependant éclairci. Cadix se dessinait à tribord, et l'on s'en était approché au point de distinguer, dans la lueur du matin, les points blancs indiquant les maisons. Mais ce que l'on distinguait surtout, c'était les larges franges d'écume blanchissant sur toute la longueur de la plage de la fureur des vagues s'y brisaient.
- CENDRES ! LA COTE ! TU COLLES LA COTE ! - C'est pas moi qui colle aux côtes ! C'est les côtes qui me collent ! J'ai beau virer bâbord, elles attaquent par tribord !
De sa voix, elle eructa :- Changez la barre! changez derrière! Virons en culant! La manoeuvre etait hasardeuse. Si le vaisseau manquait son abattée, il était jeté à la côte.Claclaclaclac...Firent les quenottes de Maria derrière. - Bon, ben, si vous n'avez plus besoin de moi, je vais me retirer au fond de la dunette...
Cendre tonna en frappant du pied, comme si le navire eût pu l'entendre : Vire donc! vire donc!Le navire obéit. Il fit son abattée, et, après quelques minutes de doute, se trouva le vent par tribord à l'ouest-nord-ouest.-Bon!
Reprit Madeline en respirant, nous avons maintenant cent cinquante lieues de mer devant nous avant de rencontrer la côte.
- Mais,
dit Aëlig, il me semble que nous n'allons point dans la bonne direction et qu'au contraire le bâtiment, a le cap sur l'Afrique.
Madeline d'un ton très pédagogue, qui était le sien propre, prit la patience d'expliquer à son élève : -Nous nous élevons au vent pour courir des bordées et dans vingt minutes, nous allons pouvoir virer de bord et rattraper le temps et le chemin que nous avons perdus.
-Virer de bord ? c'est faire ce que vous venez de faire tout à l'heure ? Ah d'accord. Mais, est-ce que vous ne pourriez pas virer de bord un peu moins souvent quand même ? Parceque tout à l'heure, il m'a semblé que vous m'arrachiez l'âme...
Grain : terme de marine. Grain de vent, ou simplement grain, changement subit dans l'atmosphère accompagné de violents coups de vents.
Pluie subite accompagnée de bourrasque.
1 : Amenez, carguez et serrez les perroquets !
2 : Amenez, carguez et serrez les perroquets !
3 : Et vous ne faites pas les andouilles, garçons, sinon il ny aura pas la petite sirène qui se dévoile le soir au fond de la cale.Mexcuse de l'horrible plagiat fait sur certaines lignes, qui collaient à l'IG et que j'ai adaptées, au grand Alexandre Dumas et son oeuvre,la San Felice_________________