J'étais toujours adossée au tronc de l'arbre, la jambe légèrement relevée de sorte que mon pied droit touchait l'écorce, mes bras croisés contre ma poitrine, les yeux plongés dans l'ondine, attendant de quelconques réponses même si je n'espérais rien à vrai dire. J'avais l'esprit complètement embrumé, une crainte imperceptible se faisait jour en moi, j'avais peur de le voir partir, de le voir me laisser plantée là, plus seule que jamais, peur qu'il ne se retourne plus, peur qu'il me laisse là avec ma peine, mes émotions et surtout mes questions stupides.
"Pour qui me prenais-je? De quel droit lui posais-je toutes ses questions?" pensais-je rageusement. Il m'a avoué son trouble, il m'a prouvé que j'étais la seule qui comptais à ses yeux durant la cérémonie des allégeances. "Que me fallait-il de plus? Qu'importait qui était cette jeune fille? L'important n'était-il pas qu'il m'avait choisi moi, le fait qu'il se soit fait jeter le contenu d'une chope au visage devait pourtant me le certifier, alors quoi que voulais-je de plus?"
La réponse ne se fit pas attendre. "Jeune fille, la seule chose que tu souhaites c'est de te faire conter fleurette, et que ton cher Spagnolo te dise en des termes explicites que tu comptes plus que tout au monde pour lui." C'était si évident que je poussais une exclamation. "Ô!"
Mon regard changea de cible pour chercher les iris de celui qui me faisait découvrir de tels émois. Je me remémorai alors qu'un jour, ma douce maman, approuvée par cette chère Élie, notre gouvernante, m'avait mentionné que le plus important dans la vie c'était de vivre l'instant présent pour mieux préparer demain, qu'il fallait laisser le passé où il était à moins qu'il ne nous serve à nous améliorer et à éviter de refaire les mêmes erreurs. J'allais simplement dire à Spa d'oublier toutes mes questions quand il reprit la parole, je ravalais donc mes paroles, pour boire les siennes.
"Pourquoi tant de questionnement? ne t'ai-je pas dis que tu m'avais troublé? ne t'ai-je pas dis que cette demoiselle nétait plus rien pour moi et que tu faisais maintenant partie de mon quotidien ? Pourquoi se tracasser tant de pensées alors que la réalité est là, cette demoiselle estait mon passé et toi tu es mon présent et peut-être..." Je le sentis hésité, je le sentis avoir du trouble, qu'avais-je fait? Je me mis à prier intérieurement souhaitant que Spa finisse sa phrase "Cher Aristote, aide-nous, ne nous laisse pas gâcher ce que tu viens de nous offrir..." et c'est alors que je l'entendis : " Peut-être mon futur."
Crainte, désespoir, amour, espoir, tout s'entremêlait, faisant en sorte que je ne savais plus où j'en étais moi-même. Devais-je m'élancer dans ses bras? Devais-je faire preuve de retenue? Les jeunes filles bien élevées devaient faire preuve de retenue. Ô diable, les conventions! Depuis quand je respectais l'étiquette, moi? Oui, j'accomplissais mon devoir dû à mon rang, je suivais tout à la lettre religieusement, mais pour le reste, cela me regardait. Tout comme les jeunes filles bien élevées montent un cheval en amazone, j'agissais diamétralement à l'opposé, non pas pour me démarquer, quoi que... mais plus pour montrer que je n'étais pas une jeune brebis qui suit ce que tout le monde fait et obéis au doigt et à lil. N'oubliez pas j'étais imprévisible comme le temps!Alors aussi surprenant que cela puisse paraître, je m'élançais dans ses bras, du moins j'espérais y atterrir. Je cachais mon visage contre sa poitrine en lui murmurant au creux de l'oreille :
"Pardonne-moi mon cher Spa, si cher à mon cur présentement, pardonne-moi mille fois mon audace! Un brin de jalousie arrosée de curiosité m'a fait prononcer ces stupides questions. Comme un jour, une personne chère qui m'a quitté m'avait mentionné, il faut vivre l'instant présent pour préparer demain et laisser le passé où il est à moins qu'il ne nous serve à nous améliorer ou éviter de refaire les mêmes erreurs. J'étais juste furax que ton premier baiser, s'il en est un, n'ait pas été le nôtre!"
Je me tus, troublée par ce que mes dernières paroles impliquaient. Je sentis le rouge envahir mes joues, je pense que même les roses rouges devaient être moins rouges que moi en cet instant.
*en bleu plus pâle les pensées de Flora
en indigo les paroles de Spa
en bleu foncé les paroles de Flora
_________________