A Albanne Pelletier de Castral-Roc
De Syuzanna NicDouggal
Sarlat, le 12ème jour de l'an de grasce 1460
Albanne,
Ta lettre est bien loin de me rassurer. Je comprends ton besoin de solitude, mais je me demande s'il ne te sera pas plus néfaste que salvateur. Te laisser seule dans ces conditions, le fait que tu refuses jusqu'à la compagnie des domestiques, voilà qui m'inquiète au plus haut point.
Chère Albanne, je t'en prie, ne refuse pas que je vienne te voir durant ton séjour. Je sais qu'à un moment, tu auras besoin de quelqu'un. Et je serai cette personne. Je viendrai te voir en ton hameau.
Je te préviens d'ors et déjà que mille lettres de refus ne sauront me convaincre de rester à Sarlat tandis que tu évolueras seule dans ce hameau, dont je ne doute pas du charme, à te morfondre. Est-ce utile, une telle réclusion ? Douce Albanne, fuis si tu le veux ceux qui ne t'importent pas, mais ne chasse pas tes amis ! Voilà une attitude qui ne te mènera qu'à la souffrance, et tu es trop bonne et douce, pour désirer réellement éprouver ce triste sentiment.
Chère amie, ma tendre Albanne, ne rechigne pas à accepter ma compagnie. Je scellerai mon cheval avec plaisir pour te voir. Je n'ai qu'à guetter l'apparition de Søren et lui expliquer les raisons de mon départ, et alors, je pourrai chevaucher vers toi. La réclusion ne te mènera nulle part, crois-moi sur parole, je sais exactement de quoi je parle. J'ai fui également, dans une autre ville, et à une autre époque, la compagnie de gens auxquels j'étais attachée. Si les Dieux ne l'avaient pas remis sur ma route, - et je parle de Søren -, qui sait ce qu'il serait advenu de moi alors. Ma destiné n'aurait pas été celle qu'elle s'avère être aujourd'hui. Je ne t'aurais probablement jamais rencontré, chère Albanne, et bon nombre de choses ne me seraient pas arrivées. Serais-je seulement encore de ce monde ? La solitude ne mène qu'à la douleur, et la douleur ne mène qu'à la mort.
Alors permets-moi de te sauver, comme il m'a sauvé aussi, sans le savoir. Et tu pourras reprendre enfin, une vie normale, même si elle ne sera pas totalement dénuée de ce sentiment de culpabilité qui t'assaille. Songe qu'à ta place, je n'aurais point attendu six ans pour passer à l'action, et mon acte en aurait été plus terrible que le tien.
A très bientôt, mon amie, ma soeur,