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[RP Presque Ouvert]Qu'est ce que j'ai fait du gosse crédule?

Lenaic_


C'est un Lenaïc méconnaissable qui faisait son entrée au point de départ. Le hasard l'avait ramené ici, plus d'un an depuis le début de sa poursuite, et depuis quelques jours, naïvement, il attendait que quelque chose se passe, que sa solitude, enfin, prenne fin, le Trés Haut sait comment. C'était ici que tout avait commencé, c'était ici que tout devait finir, la chose était presque mathématique.
Et pourtant ..
Et pourtant le temps passait. Les Tonnerrois, au départ indifférents, avaient finis par repérer ce gamin sale, aux traits tirés : les marchands de légumes et de pain, autrefois simplement méfiants et inexpérimentés, ne laissaient désormais plus que très rarement leurs biens leur échapper et l'enfant sentait arriver le jour où l'aventure se finirait, une fois de plus, dans les locaux de la maréchaussée. Il était temps de partir, ça en devenait tellement évident que le petit homme ne se montrait plus guère que très rarement, en dehors de ses cachettes.

Alors, le cœur lourd, il se résolut finalement, un matin où l'animosité populaire s'était montrée encore plus forte qu'à l'accoutumée, à quitter enfin la ville, où il n'était pas le bienvenue.
Il avait gardé de son ancienne vie la haine des voyages et des routes, et ne quittait jamais d'ordinaire une ville sans s'être trouvé une petite place, au fond d'une malle ou sous des mètres d'étoffes, dans la charrette ou la roulotte d'un marchand. Cette fois, il n'en avait pas le loisir. Il avait trop attendu.
C'est donc à pied et le ventre creux, après un dernier passage devant l'auberge maudite, qu'il franchit les murailles en construction de la cité ..

Sémur serait donc, hasard des chemins, sa prochaine étape. On restait en Bourgogne, il le savait, quelque part, mais ce fragment d'espoir qu'avait rallumé chez lui la redécouverte de Tonnerre avait été consciencieusement mis en sourdine et il était désormais plus résigné que jamais à cette vie qu'il s'était faite. Elle avait ses avantages, après tout, même s'ils étaient minces.

Cette fois, il avait choisis la mendicité. Cela rapportais nettement moins qu'un travail honnête, mais la mine l'avait refoulé. Trop tard .. Et trop de gosses, lui avait t'on dit. Les fils de paysans, qui suffisaient au labeur, étaient certainement plus fiables qu'un enfant inconnu .. Restait le larcin. Il y viendrait sans doute. Mais en attendant, il comptait profiter de l'attendrissement passager qu'il savait encore provoquer, dans le coeur des bourgeoises.
Il jeta un regard à ses habits. Il quitta son manteau, merveilleux souvenir de l'époque des joies simples Spinalienne, qu'il était parvenu non seulement à conserver, par miracle, mais à maintenir dans un état presque correct, à ses yeux du moins, afin de ne laisser au regard du passant qu'une chemise déchirée et des braies blanchies et usées. Il ôtât du mieux qu'il pût la poussière et la saleté qu'il devinait sur son visage mais passât longuement ses mains dans ses cheveux devenus gras et ternes, leur donnant une allure ébouriffée et poussiéreuse savamment étudiée.
Il s'assit enfin, dans une rue passante sans l'être trop, une des plus lointaine du poste des gens d'armes, repéré un peu plus tôt.

_________________
Spirit_a.
    Temps et mémoire, histoire et fiction se mélangeaient dans cette ville ensorcelée, comme des couleurs d'aquarelle sous la pluie.

Semur. Là où tout avait commencé. Elle y était née. Elle y avait grandi. Elle y avait rencontré Dom, qui l'avait emporté vers Jenny, Lénaïc et Hellina. Semur. Ville de sa première et de sa seconde naissance. Elle y avait rencontré son père pour la première fois à l'âge de 6 ans. Il y avait un peu plus d'un an. Semur. Là où tout s'était terminé. Elle y avait appris la mort d'autrui. Elle y avait vécu sa propre mort en y perdant Lénaïc. Ce petit blond à l'origine de ses plus grands sourires, de ses plus grands boudins et de ses plus grandes tristesses aussi. Ce petit blond tant aimé, parfois détesté, dont elle n'imaginait pas se séparer. Son repère, son double, une part d'elle-même dont Semur avait forgé la fracture. La déchirure. La disparition brutale, incompréhensible. Plus d'un an avait passé. Et voilà qu'Anna retrouvait cette ville maudite, dont toute sa vie dépendait.

    Elle ne savait pas alors que, tôt ou tard, l'océan du temps nous rend les souvenirs que nous avons enfouis. Nous avons tous un secret enfermé à double tour dans les tréfonds de notre âme. Voici le siens."

Anna venait d'arriver accompagnée de sa tante, du blond qui servait d'oncle de remplacement encore mal accepté, et du prince des rues. Anna venait d'être délivrée de l'enlèvement du club des "VI", dont elle gardait des séquelles physiques et psychiques. C'était une Anna méconnaissable qui déambulait dans les ruelles de Semur. Elle avait délaissé l'éternelle chemise rouge censée effrayer les aigles, pour ne porter que la robe à froufrous gracieusement offerte par VIncent. Toujours aussi petite, toujours aussi maigrichonne et pâlotte, elle semblait avoir perdu la vivacité qui la caractérisait. Muette depuis son enlèvement, elle n'avait pas décroché un seul mot, et ne semblait pas vouloir le faire, malgré l'inquiétude de ceux qui lui étaient proches. Anna paraissait désabusée, usée, lassée. A à peine 8 ans, elle était déjà nostalgique, et flétrie.

Ce jour là, elle s'était faufilée discrètement, sans prévenir, pour aller se promener seule dehors, en ville. Outre l'ignorance de l'inquiétude qu'elle pouvait provoquer à sa tante, il persistait l'insouciance peut-être devenu l'indifférence du danger. Pourtant la liberté à peine retrouvée ne dure qu'un bref instant. Rapidement, au milieu d'une suite de pas nonchalant, une main féminine se pose sur son épaule mi-douce mi-agacée. Atro la regarde avec un air mécontent où l'enfant perçoit ses peurs, sa tristesse, et sa colère. Tatro n'avait pas mérité tout cela. Elle était la seule qui avait toujours été présente pour elle. Malgré les disputes, les cris, les engueulades. Les deux VZ finissaient toujours par tout se pardonner. La marche est reprise sans mot échangé. Elles se comprennent sans finalement. Les pas s'enchainent silencieux, sa petite main dans celle de la brigande. Soudain, l'enfant lâche la main qu'elle tient et tend le bras droit devant elle. Pour la première fois depuis des semaines, un son sort de sa bouche :


Naïc !

Incrédule, en découvrant déjà vide l'emplacement indiqué par le doigt enfantin, la brune hausse un sourcil, comme à son habitude, et profite de l'occasion pour faire parler sa nièce à nouveau.

Quoi "Naic" ? Tournant la tête sans rien apercevoir, elle reprend la main de sa nièce et la tire par le bras en reprenant : Arrête y'a rien ! ... Et après un instant de réflexion, ajoute : Naïc... C'est ton copain imaginaire, c'est ça ?

Etrange question. Au début de la disparition de son ami, Anna parlait sans cesse de lui. Elle cherchait à combler le manque. Et puis, à force, le temps passant, elle avait fini par s'imaginer Lénaïc à ses côtés en permanence. Seule, elle criait son nom quand venait le désespoir. Et comme tout s'effondre quand il n'est plus là, elle se l'invente. Ainsi, Naïc ne l'avait jamais réellement quitté. Elle était seulement la seule à le voir à ses côtés. Parfois, son nom s'échappait de ses lèvres si bien que son entourage avait vite compris qu'elle s'était créé un ami "imaginaire". Ou presque. Aussi hocha-t-elle la tête dans un premier temps pour répondre à sa tante ; avant de la secouer brutalement. Non, tout ceci était faux ! Naïc n'était pas imaginaire. Naïc existait. Naïc était vivant. Naïc était là. Elle l'avait vu. Ou alors elle devenait folle... Et face à la réponse muette de sa nièce, Atro soupire agacée en reprenant :

Nan mais parle, continues ! Spirit p'tin ! Parle !
C'était Naïc ! Butée la môme !
"Naïc" ? Mais c'est qui "Naïc" ?

Devant tant de mauvaise volonté, et d'incompréhension, la blondinette soupire bruyamment, et accélère le pas en cherchant du regard l'invisible. Lénaïc a disparu. Même elle n'est plus capable de le voir. Ô rage, Ô désespoir ! Aussi agacée et inquiète l'une que l'autre, la brune poursuit Anna, ronchonnant et finissant par la rattraper au bout de quelques mètres. C'est l'avantage d'avoir quelques centimètres de jambes en plus...

Spirit ! Viens ici ...! P'tain, t'as disparue une fois, c'est suffisant ! Si j'te reperds ton père me tue !

Observation fort juste qui suscite pourtant une grande colère chez l'enfant. Son père ? Et où était-il ? Est-ce qu'il l'avait cherché au moins ? C'était sa faute tout ça ! Il l'avait laissé ! Il était parti faire de la politique sans attendre son retour. Excédée, elle reprend donc sa marche, en détournant vivement le visage et en se mettant à hurler dans la rue :

NAÏC ?! NAÏÏÏÏÏÏC !!!

D'une exaspération à une autre, la brune lève les yeux au ciel, et l'attrapant par le bras, la forçant à s'arrêter, elle se met à sa hauteur pour lui intimer d'arrêter.

Y'a pas de Naïc ! Arrête maintenant. On rentre. Naïc n'existe pas. Ou plus. Peu importe ! On n'a pas le temps

Vexée, attristée, Anna se tait. Pas le temps... Anna donnerait sa vie pour retrouver son ami. Son chevalier. Celui que tous à l'époque qualifiait de "frère" ou "d'amoureux". Lénaïc était Lénaïc. Il était au centre de sa vie. Au même niveau que sa vraie famille. Si ce n'était plus haut. Naïc avait toujours la personne dont elle s'était sentie le plus proche. Et ce malgré leur différence, malgré son fichu caractère, malgré son absence et sa disparition. Renfrognée, Anna songe à cet être de son passé, qui la hantait si souvent. Des souvenirs à la faire tourner dans le vide... Et Atro avait beau s'acharner à tenter de la faire parler à nouveau, lui casser les pieds et les oreilles en lui posant mille questions, variant les tons, Anna retrouvait le mutisme qu'elle affectionnait depuis plusieurs semaines. Nièce et tante rentrèrent donc à leur auberge, sans être plus avancé que de coutume. Anna rejoignit sa paillasse y cachant son visage, en refusant de manger. La nuit vint à propos, permettant aux questions, aux doutes, aux pensées spiritienne de se déployer dans toute leur ampleur.

    Qui peut bien me dire ce qui est arrivé ? Depuis qu'il est parti, je n'ai pu me relever. Ce n'est plus qu'un souvenir, une larme du passé, coincé dans mes yeux qui ne veut plus s'en aller... Oh non ne riez pas, vous qui ne connaissez pas les vertiges et la douleur... Lui c'était tout mon monde et bien plus que ça, et j'espère le revoir là-bas... Aidez-moi tout s'effondre puisqu'il n'est plus là. Sais-tu mon bel ami, mon chevalier que tu me fais tourner dans le vide ?

A l'aube le lendemain matin, c'est en petite souris que l'enfant blonde toujours vêtue de la robe à froufrous ne lui allant pas, coiffée de ses légères boucles blondes emmêlées qu'elle quitte la chambre de l'auberge pour ressortir errer dans les rues à la recherche de son autre. Le désespoir la gagne quand le temps passant, elle ne trouve rien. Pourtant, tête baissée, fixant ses pieds elle avance lentement jusqu'à entendre un échange classique entre mendiant et généreux donateur des piécettes encombrantes. Elle relève la frimousse, ayant comme une envie d'aller s'asseoir à côté d'eux et d'attendre vainement et muettement que le temps passe. De compter "un, deux, trois, quatre" jusqu'à l'heure de sa mort.

Elle s'avance donc en fixant ce drôle d'être faisant la manche sans le reconnaître. Ce n'est qu'à quelques pas qu'elle comprend. Qu'elle se rend compte. Lénaïc... Si différent. Si semblable dans le fond. Anna devient inerte. Ne sachant plus bien comment réagir. Comment l'aborder. Si Lonàn avait été près d'elle, elle lui aurait demandé d'aller lui donner des pièces. Mais Lonàn n'était pas là. Et elle devait agir avant que sa tante n'arrive et ne l'emmène. Avant qu'il se lève et qu'il parte sans qu'elle puisse le rattraper. Alors elle se dirigea droit vers lui, et se planta debout bien face à lui, toujours aussi silencieuse, avant de murmurer, adoucie, incrédule :


Naïc ?!

Est-ce bien toi ? Toi qui fait la manche... Pourquoi ? Est-ce bien toi ? Toi que j'aime tant. Toi que j'ai perdu. Toi qui a disparu. Est-ce bien toi, mon meilleur ami, mon chevalier, mon frère, mon tout, mon moi ? Sous l'excès de surprise, de fatigue et d'émotion, Anna se laisse choir à côté de lui, sans rien prononcer de plus. Les rayons du soleil printanier auréolent deux corps, fondus en une seule et immense surprise. Naïc n'était pas mort. Naïc était bien là, en face d'elle. Silencieusement, des larmes roulent sur ses joues. Des larmes de regrets qui demandent pardon. Des larmes de tristesse d'avoir perdu tant de temps. Des larmes de joie du bonheur simple d'être à nouveau réuni. Des larmes de vie. De rêve. D'émotion au-delà des mots. Des larmes pour exprimer tout ce mélange labyrinthique de sensations, d'amitié et de culpabilité mêlées, de plaisir et de souffrance partagées.

Dans l'ordre : Extrait de Marina, de Carlos Ruiz Zafon (x2)
Passage avec Atropine écrit à 4 mains !
Tourner dans le vide d'Indila - c'est la modeuh

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Lenaic_
Sémur, comme beaucoup de ville de Bourgogne, offrait un cadre de vie contrasté : la maréchaussée, échaudée par une criminalité assez forte, ne semblait pas hésiter à couper des mains, alors que la charité Aristotélicienne se montrait ici plus active qu'ailleurs. A la foi donc, les dons étaient légions, et une dépendance de l'église restait même ouverte toute la nuit afin d’accueillir les pauvres hères de la région, mais les lois locales étaient intraitables, y compris à l'encontre des mendiants.
Il fallait bouger sans cesse, et croiser le moins possible de gens d'armes, sous peine de se voir formellement interdire l'accès à la cité. En règle générale, il ne faisait donc pas bon de recroiser deux fois un agent. Le gamin voulait donc quitter très vite cette ville pleine de paradoxes, pour trouver un endroit plus reposant. Mais tandis qu'il faisait le bilan de cette première journée, s'endormant sur la pierre froide qui pavait le sol de la dépendance au milieu des ronflements sonores et odorants, il prit la décision de rester une journée de plus. Il y avait eu aujourd'hui un événement étrange ..
Il arpentait les rues de la ville, en quête d'une source d'eau claire afin d'étancher une soif qui le tenaillait depuis la veille. Et tandis qu'il suivait tranquillement une domestique qui, un sceau en main, se dirigeait probablement vers le liquide convoité, il avait entendu un cris. Rien d'extraordinaire, jusque là, mais celui ci lui était adressé. Il aurait juré avoir entendu, par dessus le brouhaha ambiant, son surnom, hurlé par une voix familière. Souvent, sa mémoire et ses sens lui avaient joués des tours et le gamin avait vite appris à ce remettre de ces désillusions, mais c'était à chaque fois tellement réel qu'il avait envie de les suivre. Lâchant du regard sa porteuse d'eau, il jeta un oeil derrière lui. Rien.
Il fit quelques pas en arrière, cherchant l'explication de ce cris, il n'était malheureusement pas le seul Lenaïc sur terre, et l'avait appris à ses dépends.
Mais, sans doute à cause du passage impromptue d'une voiture à quatre chevaux, après quelques aller et retours, il dût se rendre à l'évidence : il avait rêvé, et il avait très soif.


Le lendemain, au réveil, les ronflements continuaient. Quittant la relative chaleur et l’atmosphère confinée de l'endroit et se rendit dans la rue de la veille. Il répétât son rituel, et s'installa.
Mais soudain, il y avait cette fillette qui s'avançait. Elle ne venait pas lui donner d'argent, ça paraissait évident, vu son allure, mais cette allure, il la connaissait ...


Spirit ?

Le nom lui même lui semblait étrange à prononcer : c'était trop impossible, trop improbable ! Elle avait l'air changée, sa Spirit. Plus vieille, ça c'est sur, mais surtout, il n'avait jamais imaginé des retrouvailles de cette façon là : dans ses rêves, il la voyait courire, crier, pleurer peut être, en tout cas lui pleurait, pas le regarder, sans rien dire. Elle avait l'air presque éteinte.
Il avait des dizaines de gens dont il voulait des nouvelles, des centaines de questions à lui poser, des milliers de détails qu'il voulait connaitre, mais les mots ne venaient pas, ils ne viendraient pas. Avant, il voulait parler, répondre, à toutes ses questions implicite. Que faisait t'il là ? Comment étais t'il devenu ça, après avoir été ce qui était ?
Alors il se mit à parler, après des mois de silence. Elle devait tout savoir, tout, par ce qu'il avait tout gardé, intact, dans l'attente de ce jour, qui devait bien finir par arriver, pour elle, ou pour sa mère, mais ce devait être une des deux. Pendant de longs instants, il allait raconter, en déambulant les rues, presque débarrassé pour le moment de cette peur qui l'accompagnait désormais partout.


"Ben, quand j'me suis réveillé, y'avait ta maman morte .. "

La solitude n'avait manifestement pas eu de bon résultats sur son élocution, et ses défauts, loin de diminuer, étaient montés en puissance au cours de cette vie. Il racontait le début, ce mois terrible, où tout avait basculé. Il s'était réveillé fort tard, beaucoup plus que la fillette, déjà absente, lorsqu'il pénétrait sur les lieux. Alors il était sortit, en courant, pour la chercher, pour la trouver, pour appeler les gens d'armes, sa maman, Abdonie, le monde entier à la rescousse des enfants perdus. Mais, alors qu'il quittait leur domicile d'un jour, il s'était produit quelque chose qu'il n'aurait jamais pu imaginer, d'inconcevable, d'incroyable ...
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Spirit_a.
    Mais mieux vaut commencer par le début, qui, dans cette histoire, se trouve être la fin.

Naïc ?!
Spirit ?


Pendant un instant ce sont les seuls mots qui s'échappent de leurs lèvres. Deux interrogations qui marquent leur incrédulité. Deux prénoms qui soulignent leur réunion. Deux mots qui jaillissent comme les larmes partagées qui inondent leurs joues. Le plus beau jour de sa courte vie a un parfum étrange. Naïc... Le seul mot qu'elle a réussi a prononcé depuis plusieurs semaines. La seule personne capable sans doute de la ramener à elle-même. De lui rappeler les plaisirs de vivre, d'être heureux. Naïc était là, devant elle, avec sa belle frimousse et ses cheveux blonds. Naïc était là, devant elle, si différent de celui qu'elle avait connu. Physiquement plus sale, peut-être autant que Siegfried, le premier sentiment d'Anna fut la peur. Qu'avait-il vécu, qu'était-il devenu ? Avait-il souffert ? Cette peur la laisse presque pantoise. Tant de choses à raconter, et tant d'autres à apprendre. Tous deux semblaient avoir vieilli. Mûri... trop vite, trop tôt. L'insouciance et l'innocence de leurs jeunes années semblaient s'être envolées bien loin. Un vécu d'adulte, un esprit de grand, emprisonné dans des corps d'enfants. Voilà ce qu'ils étaient. Pourtant...

    Je te le jure nous fumes enfants, nous avons ris de peu de de choses... Amis des cow-boy aux indiens, sûr d'avoir le temps, les métempsychoses mais il n'en est rien. Il n'y aura fallu qu'un méandre, une ou deux pairs de claques en trop pour que le feu donne des cendres... Aux orgues les fantômes, on n'a pas bien vu passé l'ombre, on a maudit chaque seconde et les bouts de nous qui se tordent. L'existence était blonde, j'avais besoin de toi... Distance à la ronde... Que la vie est longue sans ça... sans toi.

D'un revers de manche Anna essuie ses joues, sèches ses larmes. Des réflexes enfantins subsistent aux tréfonds de leur être. Anna savait qu'il était impossible de rattraper le temps perdu. Elle l'avait compris, avec dépit, en rencontrant son père six ans trop tard. Elle ignorait s'ils seraient capables de redevenir tels qu'ils l'avaient été. Aussi joyeux, aussi fous, aussi proches. Elle ne savait rien, sauf qu'elle était heureuse et soulagée de le revoir, de le retrouver. Jamais elle n'aurait cru qu'une voix pouvait raviver autant de souvenirs en elle. Jamais elle n'aurait pensé que des larmes la toucherait autant. Jamais elle n'aurait imaginé qu'un seul être pouvait être à ce point important aux yeux d'une personne qu'on pouvait en oublier tous les autres. Il n'y avait plus qu'elle et lui. Les passants et le brouhaha ambiant s'était évaporé dès qu'il avait prononcé son prénom.

Somnambule perdue dans un rêve bien trop grand, Anna se leva à sa suite. Elle le suivrait. Où il voudrait. Elle irait où il voudrait. Elle le suivrait partout, même dans les étoiles... Elle aurait tant aimé qu'il sache, elle aurait tant aimé lui dire que... Vivre sans lui avait été insupportable. Elle aurait supplier Dieux chrétiens et païens pour ne plus jamais croire à sa mort... Parce que sinon, elle finirait par en mourir pour de bon. Pas seulement de l'intérieur, mais réellement. Parce que la vie sans lui n'avait pas de goût, pas de sens. Parce que sans ses yeux, elle devenait aveugle, sans ses mots elle se perdait. Parce que sans lui, son âme était nue. Sans lui, elle n'était rien. Rien qu'une petite fille parmi tant d'autre, au milieu d'adultes piaillant, politisant et déraisonnant, et d'enfant piaillant tout autant, ne comprenant pas la dureté de la vie. Sans doute s'était-elle trop attachée à lui. Sans doute lui accordait-elle trop d'importance. Sans doute l'aimait-elle trop. Mais elle avait besoin de lui pour se sentir vivante. Pour rire, ou pleurer avec toute sa sincérité.

La peur de le perdre à nouveau dans ce dédale de ruelles dans lesquelles il l'entraînait tout en commençant la narration de histoire lui fit glisser sa petite main dans la sienne. Elle la serra très fort. Comme le besoin d'être sûr de sa matérialité. Elle l'avait si souvent imaginé, rêvé, inventé dévalant les rues à ses côtés que le doute s'installait. Mais c'était bel et bien lui. Lui qui reprit la parole, la sauvant de l'embarras dans lequel elle était plongée à ne savoir si elle pouvait déjà sortir de son mutisme ou non. Si la simple vue de son ami d'enfance suffirait. Il voulait raconter et elle en était plus que ravie. Même si cette histoire la replongeait dans la période la plus noire de sa courte vie.

Elle se souvenait parfaitement de ce jour maudit. La veille, au soir, elle avait rencontré son père pour la première fois. Le lien qui les unissait les avait immédiatement rapproché en créant entre eux une complicité implicite. Il était beau, grand, fort, chevalier de la princesse. Il était tout ce dont elle avait rêvé. Elle avait passé une soirée magique. Son père avait promis de la revoir, de s'occuper d'elle si elle le voulait. Et ô s'il savait comme elle le souhaitait ! Egoïstement ce soir là, tout avait disparu. Elle avait oublié la blessure que sa mère avait reçu de brigands sur le chemin pour arriver jusqu'ici. Elle avait oublié la grande fatigue de son meilleur ami qui ronflait dans sa chambre d'auberge. Quand elle rentra, elle s'endormit sur la paillasse voisine à celle de sa mère, en se promettant de tout raconter à Naïc à son réveil. Mais rien ne se déroula comme prévu. Quand la fillette se leva, elle trouva Cillien incroyablement pâle, et inerte. Elle s'était approchée d'elle, avait posé sa main chaude sur sa peau... si froide. Un hoquet de stupeur l'avait rendu muette. Elle s'était mise à la secouer fortement pour la réveiller. Mais sa mère était plongée dans un sommeil éternel. Alors, elle était partie en courant dans les rues, à la recherche de n'importe quel adulte qu'elle connaitrait. Dom, son père, la princesse. C'était son père qu'elle avait finalement trouvé, inondée de larme de panique.

C'est Cillien !!! elle veut pas se réveiller, et elle est toute froide Ernst !! Qu'Est-ce-que je dois faire ?!

Ils étaient alors revenus ensemble pour constater l'inconstatable. Et quand au bord du gouffre elle avait foncé dans la chambre de Lénaïc, elle n'y avait découvert que du vide. Le temps qu'il lui avait fallu pour retrouver son père et l'emmener auprès de sa mère avait suffit à créer un mauvais croisement... Elle ignorait encore alors que...


    Seuls disparaissent ceux qui ont un endroit où aller.


Citation 1 et 3, extraite de Marina de Carlos Ruiz Zafon, on ne change pas une équipe qui gagne !
Citation 2 : S'il y a du monde de Soan

_________________
Ernst.
A Pau, Ernst tournait en rond. Il avait parcouru tant de lieues à la recherche de sa fille. Gascogne, Béarn, Armagnac et Comminges, Toulouse, Rouergue, Languedoc et le même chemin en sens inverse tandis que sa femme et sa soeur passaient le reste du royaume au peigne fin. Il avait perdu la raison, un temps. Il avait perdu espoir, une seconde. Les pigeons s'étaient ensuite accélérés. Anna ne semblait plus très loin. Atropine, soeur parmi les soeurs, probablement la seule pour laquelle il aurait tant d'attachement, semblait toucher au but. Pourtant, la délivrance ne se faisait pas sentir. Aucun repos ne s'était emparer du rhénan. Au contraire, l'angoisse, toujours l'angoisse. Les souvenirs d'un passé qu'il ne pourrait jamais oublier lui revenaient sans cesse en mémoire. Pérégrinations et turpitudes s'étaient enchaînées avec une sournoiserie qui défiait l'entendement. Comment tout cela avait-il commencer déjà?

Une taverne de Sémur dont le cadre restait flou au von Z. Il se souvenait de la présence de Jusoor alors qu'une jeune femme avait fait son entrée. Elle était visiblement blessée gravement au bras. Le médecin qu'il était encore à l'époque avait pris la décision de la soigner gratuitement. Les temps étaient durs pour tout le monde. La guerre faisait rage en Bourgogne. Il ne savait pas si la blessée faisait partie d'un camp ou de l'autre. A force de discussion, il avait appris qu'elle voyageait avec deux enfants. Ernst avait promulgué les premiers soins avec les maigres moyens mis à sa disposition. La blessure nécessitait d'être recousue. Alors qu'il avait orienté la jeune femme vers le campement des barbiers, elle lui avait annoncé qu'elle se prénommait Cillien et qu'elle était la mère de sa fille, à lui. Il avait fallu peu de temps au rhénan pour se remémorer la jeune brunette avec qui il avait eu une aventure quelques années plus tôt. Le soir même, la rencontre avait eu lieu entre la fille et son père. Ce fut tout en émotions. Leurs vies s'en étaient trouvées chamboulées à jamais.

Le lendemain fut plus brutal. Alors qu'il déambulait sur le marché, comme à son habitude. Il avait vu la petite Spirit, future Anna, courir à perdre haleine en bousculant la foule de son corps de fillette. Il n'avait eu qu'à poser un genou au sol pour voir son enfant éplorée se jeter dans ses bras. Il s'était douté que quelque chose de grave était arrivé. Il ne savait pas encore à quel point. Ce ne fut que lorsque Spirit lui annonça que sa mère ne voulait pas se réveiller et qu'elle était froide qu'il comprit la teneur du drame. Il s'était alors redressé et avait pris la main de sa progéniture. Elle l'avait guidé jusqu'au corps de celle qu'ils regretteraient encore, des mois, des années plus tard. Une fois dans la chambre de l'auberge, Ernst n'avait pu que constater le décès. Cillien était parti en les laissant seuls. Ils avaient dû s'apprendre sans bénéficier d'une traductrice qui auraient été bienvenue. Ils n'avaient pas eu le temps de reformer cette famille qu'ils auraient dû être.

Certaines règles étant immuables, les nouvelles du front se firent plus pressantes. Le rhénan et sa protégée devaient regagner la capitale bourguignonne de toute urgence. De la fille et du père, ni l'autre n'aurait le temps de faire son deuil. Le petit blond qui accompagnait la demie famille à son arrivée avait disparu, Murphy quand tu nous tiens. D'une chambre sans vie à une chambre vide, il n'y en avait eu qu'un seuil à franchir. Ernst ne pouvait pas rester à attendre. Il ne pouvait pas, non plus, laisser sa fille seule. Il fut convenu entre les deux têtes blondes que Spirit ferait un dessin expliquant le retour des von Z aussi tôt que possible pour récupérer le meilleur ami. Le message fut laisser sur la porte de la chambrée. Fallait-il encore que le destin ne souffle pas un vent malin qui aurait emporter les couleurs dans son sillage. Bon gré mal gré, et après une discussion tendue entre deux ânes, le départ fut annoncé pour le soir même. D'autres combats attendaient. Mais ils en étaient sûrs, ils reviendraient aussi vite que possible.

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Angel..
Les jours étaient durs, son fils lui manquait, mais il ne pouvait pas se permettre de retourner le chercher, pas maintenant, SON Hellina, avait une fois de plus fait chaviré son cœur pour un autre homme que lui. Comment le lui reprocher ? L'ange blond était spécial, il n'était pas habitué à être amoureux, mais ce Thomas Sauveur lui, avait la verve d'un poète, les mots d'un roi, et la prétention de Satan, il ne pouvait que plaire à sa brune.
Alors, il était parti, loin, et n'avait suivi qu'une qualité de celle de l'ancien duc de Lorraine, le coté satanique, de capitaine le voici brigand.

Les jours défilèrent aussi vite que les semaines et l'ange blond était passé du super soldat à un écorcheur sans vergogne, hommes, femmes, il ne faisait aucune distinction, même pour le viol il n'avait aucune pitié, il était devenu un vrai démon.
La chef de son "groupe" avait décidé de faire quelques mairie en Champagne et il fallait bien avouer que la région était plutôt généreuse, aussi bien en or qu'en femmes, l'ancien capitaine se délectait de voir à quel point les femmes pensaient qu'en écartant les cuisses elle pourrait avoir quelques informations, et faut bien avouer qu'il en profitait sans modération!
Deux fois il fut maire, un maire qui se plaisait bien à repartir avec les caisses mais un soir alors qu'ils partirent en direction du bourgogne sa chef, non loin de lui sur sa monture, eu envie de faire la causette.


Ton marmot te manque ?

Mon fils, pas un marmot, oui...

Nous ferons un arrêt à Tonnerre, tu le trouveras la bas, fais ce que tu as à faire et rejoint nous ensuite en Franche comté.

Humm....

Oui je sais, de rien, de rien ...

Tonnerre ce n'est que quelques jours après qu'ils y arrivèrent enfin, ses compagnons de route ne restèrent qu'un jour et lui trois. La ville n'était pas bien grande. Retrouver son fils n'était pas une partie de plaisir, mais il fallait croire qu'un jour il eut une chance pas commune.
Une gamine courrait seule dans les ruelles, l'air paniqué, il l'a reconnu, il l'avait vu une fois, une amie de son fils. Le brigand plutôt que d'aller à sa rencontre, fit le chemin inverse et une bonne vingtaine de minutes plus tard trouva enfin la demeure qu'il cherche.
Main sur le pommeau de son épée il rentre, tel un loup, silencieux, et commença à parcourir le lieu, il trouva bien vite une femme morte, le blond ne chercha même pas à savoir de qui il s'agissait, il s'en foutait royalement, l'essentiel pour lui était la déception de savoir que son fils n'était pas là.

Après une visite plus approfondit qui dura quelques minutes à peine et avoir récupéré une bourse ou deux que le cadavre mort avait surement caché, il comprit très vite au nombre de couches, aux affaires, que son fils était ici, il sorti donc d'un pas rapide dans les ruelles en disant :


Lenaic! Tu es ou mon fils ?! Lenaic !


Un enfant de son âge ne pouvait pas être seul et loin en si peu de temps, il le savait et le destin prouva qu'il avait raison, très vite il entendit des petits pas courir vers lui. Le démoniaque Ange blond lâcha très vite sa main du pommeau de son épée pour attraper son fils dans les bras et le serrer contre lui tel une mère poule

Mon fils, tu n'as rien ? Viens je vais te mettre en sécurité.

Maintenant qu'il était dans ses bras il le laisserait plus, il ne le rendrait plus à celle qui avait brisé une fois de plus son cœur. Son enfant dans les bras il reparti très vite loin du secteur ou la gamine pourrait revenir avec des secours.
Lenaic_
Il n'était pas sur de vouloir partir. Ho, non, il ne l'était pas. En fait, il ne voulait carrément pas.
Il n'avait pas très bien compris ce qui c'était passé, la mère de Spirit, étendue sur son lit, avait été un choc. Certes, il ne l'appréciait pas outre mesure, ils étaient même en assez mauvais termes, mais cette femme était la maman de Spirit et elle s'était occupé d'eux, un peu. Ce n'est que bien longtemps après cette mort que le gamin commencerait à comprendre le comportement de la brune, mais déjà sa mort l'avait retourné. Il n'avait jamais vu la mort ..
C'était quelque chose d'affreux. On était là, sans bouger, comme endormis, mais froid, totalement immobile .. Lorsqu'il avait compris, son sang s'était glacé. Même cette méchante femme ne méritait pas ça .. Et Spirit .. Qu'est ce qu'elle avait fait ?
Alors il était sortit, presque bouleversé. Il cherchait quelqu'un, quelque chose de connu .. Et c'était quelqu'un qui de merveilleusement connu, qui arrivait. Son père ! Lui même !
C'est avec un grand sourire que le gamin accueillit les cris de l'adulte. Il ne comprenait pas, qu'il soit là était tout bonnement impossible, mais il ne s'en souciait pas, ça n'avait pas la moindre importance, pour l'instant ...


Papa ! Ben heureusement t'est là .. La Maman de Spirit .. Elle ..

Le presque père le fit taire, dans ses bras. Il savait. Et il fallait partir. Le gamin ne dit rien. Dans son esprit, rien ne pouvait vraiment changer. Bientôt, son père le ramènerait à Epinal, ou à Spirit, et ils iraient ensemble voir son père. Ce qu'il va se passer quoi, par ce que c'est comme ça que c'est prévu.
En quelques instants, il était assis aux côtés de son père, qui tenait les rênes d'une petite carriole. Une petite charrette à cheval de marchand, avec des marchandises à l'arrière, manifestement le grand Blond avait prévu son coup .. Mais ça, le gosse ne le voit pas. Lui, il réfléchis, encore. Et plus il réfléchis, et moins il comprend ..


Dit, papa, on va où ?

Par ce que bon, ça faisait plaisir, le moins qu'on puisse dire c'est que c'était à propos, mais c'était bizarre comme idée .. Et le père d’esquisser un sourire, et de commencer à aborder la chose. Il irait chez une amie, une dame à peu près sympathique, en qui il avait confiance. Lui viendrait le voir, quand il pourrait et quand il aurait réglé ses affaires, il retournerait le chercher .. . Le plus tôt possible.
Le gamin n'aimait pas vraiment l'idée, c'était le moins qu'on puisse dire.


Mais .. ! Je veut retourner voir Spirit moi ! On va voir son papa à elle !

Le ton était plaintif et l'oeil suppliant. Mais rien n'y avait fait, ni les cris, ni les pleurs : il était bien mieux pour lui qu'il n'y retourne pas. De toute façon, la mère était morte .. Le père, bien qu'influencé parfois par les cris, l'avait suffisamment côtoyé dans le passé pour savoir résister à ses crises et ses exigences, et lui faire comprendre les limites à ne pas franchir.


Après quelques jours de voyage, où le gamin avait finalement décidé de faire contre mauvaise fortune bon coeur et de profiter au mieux de la situation, le chariot s'engageait enfin dans un chemin privé. Nous étions dans la campagne comtoise, sur la fin de l'hivers. Le cadre, bucolique, d'une douce fin d'hivers aurait charmé quiconque possède une capacité à s'émouvoir. Et pour tout vous dire, le cadre lui plut. Globalement. Il avait bien quelques réserves, il en avait toujours, mais l'endroit lui apparu sympathique, pour passer quelque temps. Il aimait bien, la campagne. Il n'avait connu jusqu'à lors que les maisons de villes et les grandes demeures de campagne. Et autant vous dire que ces dernière, avec leurs parcs et leurs étangs, avaient sa préférence. Aussi il était loin d'être réfractaire à retrouver les joies du plein air.
Les deux blonds quittèrent la carriole, pas mécontents d'arriver. Le plus grand des deux emmena l'autre et frappa à la porte.


Ouvrez .. J'ai le petit avec moi.

J'suis pas petit ..
_________________
Brunehaut.
La porte s’ouvrit, quelques instants après avoir signalé, sur une personne assez particulière. Drôlement grande pour l’époque, des épaules carrées, cette personne paraissait particulièrement squelettique. Du moins, en apparence car en réalité, on ne pouvait pas savoir si tel était le cas sous les épaisseurs de vêtements que cette personne avait sur elle. Les cheveux très courts et d’une rousseur à en faire pâlir les inquisiteurs qui prétendaient être « la Main de Dieu » en tuant des – probables – innocents pour telle ou telle raison. À première vue, la personne avait le visage ravagé par les taches de rousseur. Ce qui n’était pas déplaisant à regarder. Alors que cette personne ouvrit la porte les yeux fermés, quand ces derniers s’ouvrirent, on pourrait être, soit envoûté par la beauté de la couleur, soit avoir un mouvement de recul tant cela pouvait être impressionnant de voir des yeux si clairs sur une telle personne.

La porte s’ouvrit sur une grande personne à priori pas toute seule, avant d’entrevoir une deuxième petite tête. Instant de doute. Qu’est-ce qu’ils foutaient là mais surtout, qu’est-ce qu’ils lui voulaient ces deux imbéciles-là ? L’étrange énergumène posa un regard inquisiteur sur les deux intrus avant de lâcher d’une voix assez rauque et très grave, grossièrement :

– « Ah ouais, c’est c’gosse-là que je dois prendre, hein ?! »

Le regard inquisiteur se posa sur le môme avant de se déplacer pour les laisser passer, les laisser entrer à l’intérieur de la vieille petite chaumière :
– « Magnez-vous l’cul à rentrer parce qu’j’ai pas qu’ça à foutre, moi ! »

Et dire qu’elle avait osé oubliée, un court instant, la mission et demande du grand blond. Elle était bien bonne, celle-là. Vous l’aurez certainement compris que la personne qui a ouvert la porte n’est autre qu’une femme. La carrure et la coupe de cheveux auraient pu dire tout autre chose. Mais non. Rien de cela. C’était une femme. Une femme se plaisant dans la masculinité que dans la féminité. Quand le grand et le petit furent entrés, la rouquine ferma rapidement la porte avant de jeter instinctivement un œil dehors, comme s’il était possible d’être épier dans la brousse campagne, loin, très loin de la ville et entourée par la forêt. La porte enfin refermée, la rouquine se tourna vers ses deux nouveaux « invités » puis, croisant les bras sur sa maigre poitrine, elle posa son regard, glaciale et toujours aussi grossière :
– « Au risque d’paraître assez brute, je n’suis pas du genre à faire dans les au-revoir gnangnan. Si vous pouvez vous grouiller pour vous quitter rapidement. Je n’suis pas douée pour les consolations d’mômes.

Au moins, ceci avait le mérite d’être clair. Les bras toujours croisés sur son torse, la rouquine, par respect, posa son regard sur les flammes denses de l’unique cheminée de la chaumière. Quelques instants s’écroulèrent, les adieux faits ou non, la jeune femme s’approcha de la porte et l’entrouvrit, posant son regard sur le père du gosse. Il était temps de mettre fin à ce que la rouquine appelait « une comédie ».
– « Il est p’t-êt’ mieux d’vous quitter de suite plutôt que d’éterniser les choses, nan ? Et pis, j’vous ai déjà promis que j’m’occuperai de lui. J’tiens toujours mes promesses, moi. »

Le regard presque assassin, elle observa le blond prendre la porte. Ce dernier eut à peine le temps de sortir que la porte se referma assez violemment. Quand elle se retrouva seule, face à ce môme qu’elle allait devoir garder pour Dieu seul savait combien de temps elle lâcha un soupir, exaspérant.
– « Que les choses soient claires, petit : si jamais tu m’appelles « m’dame », j’t’arrache les yeux et j’les mettrais dans l’bouillon du soir. »

Puis, après mûre réflexion, elle reprit, froide comme de la glace :
– « S’tu veux t’occuper, va éplucher les carottes pour l’bouillon de c’soir. Tout est posé, là-bas. » Elle désignait les ingrédients et instruments déposés au bout de table. « Pis, s’tu veux pas te retrouver sans n’œils, appelle-moi Brunehaut. C’mon prénom. »

Un si joli prénom pour une femme si … peu féminine. La nature était drôlement faite, parfois.
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