Stromboli
C'était la der des der
Pour Stromb qui passait les portes de la ville se matin là, difficile encore de réaliser qu'il allait quitter sa ville natale pour de bon. Les rues endormies et à peine éclairées par un soleil matinal capricieux lui rappelèrent la dure réalité de cette ville. Une ville perpétuellement en sommeil, mais qu'il avait étonnamment toujours été fier de présenter comme la sienne.
Enveloppé dans un épais mantel d'hiver, ses bottes battaient en silence le pavé. Le convoi remontait la rue du quartier Mesteiral, le quartier des artisans. Les maisons défilaient, Stromb les connaissaient toutes. Endormies, ou abandonnées, elles étaient toutes là, seules les années avaient eu un impact sur certaines d'entre elles.
Ils finirent par arrivé au numéro 8. Stromb attrapa les rennes des chevaux qui marchaient paisiblement à ses côtés et tira doucement dessus. Un regard sur l'embarcation : tout le monde dormait paisiblement. Il tourna alors la tête et son regard se posa sur la vieille bâtisse de pierre devant lui, plus grande en taille que les autres, plus majestueuse, témoin d'une époque de faste et de grandeur aujourd'hui oubliée. Elle semblait à l'abris des assauts du temps, mais pour combien de temps encore ?
Stromb poussa la grille qui donnait sur le jardin. Dans un grincement, elle laissa le chemin libre au maître des lieux qui s'engagea dans l'allée. Sa main se perdit dans sa besace tandis qu'il s'approchait de la lourde porte d'entrée. Il grimpa les quelques marches et trouva enfin la clé. Deux cliquetis dans la vieille serrure qui marchait parfaitement, et Stromb poussa la porte. Une odeur de renfermé lui parvint aux narines, ce qui était somme toute logique, mais pas sa préoccupation première. Il lui fallait faire du feu pour accueillir ses invités encore endormis. Il alla chercher quelques bûches jalousement entreposées derrière la maison, et bientôt un bon feu se mis à ronfler dans l'âtre. Les flammes redonnaient vie peu à peu à ce qui les entouraient. Elles dansaient sur les murs froids, sur les meubles recouverts de draps blancs, les grands chandeliers qui restaient éteints.
Stromb retira l'un des draps et découvrit une large banquette confortable. Il se laissa tomber dessus et le brun de son regard se perdit dans les flammes qui dansaient devant lui. Ce serait la dernière fois qu'il verrait revivre cette maison. La séparation d'avec le phare à Fécamp avait été difficile aussi, mais il n'y avait pas passé sa vie comme ici. Il savait que Matou en avait souffert et s'apprêtait à vivre exactement la même chose avec la villa Mazaryck. Quelle épreuve de laisser derrière soit la source même de ses souvenirs... les rires et les pleurs qui résonnaient encore en ces murs, chaque pièce avait sur elle la caresse du soleil estival, la cheminée connaissait par coeur les histoires racontées aux plus jeunes les froides soirées d'hiver, le jardin avait protégé tout les jeux d'enfants et bercé les plus grands dans leurs siestes les plus divines. La bergerie derrière avait gardé en elle le bêlement des moutons qui avaient vécu là, la magie de certaines soirées où deux êtres se roulaient dans le foin à l'abris des regards... Stromb repensa à son grand-père, lui qui avait construit cette maison et donné les nobles lettres à son nom qu'il lui avait transmis. Que dirait-il ? Assis dans son bureau ou dans l'immense bibliothèque, entouré de parchemins, de cartes, d'inventions plus ou moins scientifiques pour en savoir toujours plus sur le monde et sur ce que l'église refusait de voir. Peut-être qu'en fin de compte cet homme cultivé, curieux et ouvert aurait sourit.
Le grand salon était baigné d'une douce chaleur à présent. Stromb sortit de ses pensées et se leva, découvrit quelques banquettes et fauteuils confortables, prêts à accueillir ses amis, et sortit de la maison. Il remonta l'allée à travers le jardin endormir, et le froid l'enveloppa à nouveau.
Arrivé au portail, il se figea en découvrant la plaque de la maison qui avait cédé, tombée à ses pieds. Ainsi cette plaque, apposée à la construction de la maison, sonnait bel et bien de départ définitif de la famille qu'elle avait vu naître et grandir. Stromb s'accroupit et ramassa la plaque qui était anormalement abîmée, rongée par le froid et le temps, la rouille et la mousse. Son nom était gravé dessus, le même nom que portait la demeure, un nom quasiment illisible désormais. Son regard trahissait un bouleversement que son silence voulait masquer. Une page était en train de se tourner, et même la maison semblait l'avoir compris.
Stromb se redressa et pris quelques secondes pour reprendre contenance. Il s'approcha de la charrette, faisant disparaître la plaque dans sa besace, et entrepris de réveiller tout le monde.
Eleena, Eremon, Smooth... Kaths ? Elle est où... Arf, elle est roulée en boule dans un coin... Matou... Les enfants... réveillez-vous, on est arrivé, il fait chaud à l'intérieur.
Sa voix était calme, posée, volontairement neutre. Il s'appliquait à ne rien faire ressortir de l'émotion qu'il vivait à ce moment là. Il pris dans ses bras Luna qui ronchonnait et Antoine qui dormait à point fermé. Tandis que les autres se réveillaient avec plus ou moins de grâce, il repris le chemin de la maison pour mettre les plus jeunes au chaud.
Dans son regard dansaient encore les flammes de l'âtre du salon. Et elles ne le quitteraient pas jusqu'au départ...
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Pour Stromb qui passait les portes de la ville se matin là, difficile encore de réaliser qu'il allait quitter sa ville natale pour de bon. Les rues endormies et à peine éclairées par un soleil matinal capricieux lui rappelèrent la dure réalité de cette ville. Une ville perpétuellement en sommeil, mais qu'il avait étonnamment toujours été fier de présenter comme la sienne.
Enveloppé dans un épais mantel d'hiver, ses bottes battaient en silence le pavé. Le convoi remontait la rue du quartier Mesteiral, le quartier des artisans. Les maisons défilaient, Stromb les connaissaient toutes. Endormies, ou abandonnées, elles étaient toutes là, seules les années avaient eu un impact sur certaines d'entre elles.
Ils finirent par arrivé au numéro 8. Stromb attrapa les rennes des chevaux qui marchaient paisiblement à ses côtés et tira doucement dessus. Un regard sur l'embarcation : tout le monde dormait paisiblement. Il tourna alors la tête et son regard se posa sur la vieille bâtisse de pierre devant lui, plus grande en taille que les autres, plus majestueuse, témoin d'une époque de faste et de grandeur aujourd'hui oubliée. Elle semblait à l'abris des assauts du temps, mais pour combien de temps encore ?
Stromb poussa la grille qui donnait sur le jardin. Dans un grincement, elle laissa le chemin libre au maître des lieux qui s'engagea dans l'allée. Sa main se perdit dans sa besace tandis qu'il s'approchait de la lourde porte d'entrée. Il grimpa les quelques marches et trouva enfin la clé. Deux cliquetis dans la vieille serrure qui marchait parfaitement, et Stromb poussa la porte. Une odeur de renfermé lui parvint aux narines, ce qui était somme toute logique, mais pas sa préoccupation première. Il lui fallait faire du feu pour accueillir ses invités encore endormis. Il alla chercher quelques bûches jalousement entreposées derrière la maison, et bientôt un bon feu se mis à ronfler dans l'âtre. Les flammes redonnaient vie peu à peu à ce qui les entouraient. Elles dansaient sur les murs froids, sur les meubles recouverts de draps blancs, les grands chandeliers qui restaient éteints.
Stromb retira l'un des draps et découvrit une large banquette confortable. Il se laissa tomber dessus et le brun de son regard se perdit dans les flammes qui dansaient devant lui. Ce serait la dernière fois qu'il verrait revivre cette maison. La séparation d'avec le phare à Fécamp avait été difficile aussi, mais il n'y avait pas passé sa vie comme ici. Il savait que Matou en avait souffert et s'apprêtait à vivre exactement la même chose avec la villa Mazaryck. Quelle épreuve de laisser derrière soit la source même de ses souvenirs... les rires et les pleurs qui résonnaient encore en ces murs, chaque pièce avait sur elle la caresse du soleil estival, la cheminée connaissait par coeur les histoires racontées aux plus jeunes les froides soirées d'hiver, le jardin avait protégé tout les jeux d'enfants et bercé les plus grands dans leurs siestes les plus divines. La bergerie derrière avait gardé en elle le bêlement des moutons qui avaient vécu là, la magie de certaines soirées où deux êtres se roulaient dans le foin à l'abris des regards... Stromb repensa à son grand-père, lui qui avait construit cette maison et donné les nobles lettres à son nom qu'il lui avait transmis. Que dirait-il ? Assis dans son bureau ou dans l'immense bibliothèque, entouré de parchemins, de cartes, d'inventions plus ou moins scientifiques pour en savoir toujours plus sur le monde et sur ce que l'église refusait de voir. Peut-être qu'en fin de compte cet homme cultivé, curieux et ouvert aurait sourit.
Le grand salon était baigné d'une douce chaleur à présent. Stromb sortit de ses pensées et se leva, découvrit quelques banquettes et fauteuils confortables, prêts à accueillir ses amis, et sortit de la maison. Il remonta l'allée à travers le jardin endormir, et le froid l'enveloppa à nouveau.
Arrivé au portail, il se figea en découvrant la plaque de la maison qui avait cédé, tombée à ses pieds. Ainsi cette plaque, apposée à la construction de la maison, sonnait bel et bien de départ définitif de la famille qu'elle avait vu naître et grandir. Stromb s'accroupit et ramassa la plaque qui était anormalement abîmée, rongée par le froid et le temps, la rouille et la mousse. Son nom était gravé dessus, le même nom que portait la demeure, un nom quasiment illisible désormais. Son regard trahissait un bouleversement que son silence voulait masquer. Une page était en train de se tourner, et même la maison semblait l'avoir compris.
Stromb se redressa et pris quelques secondes pour reprendre contenance. Il s'approcha de la charrette, faisant disparaître la plaque dans sa besace, et entrepris de réveiller tout le monde.
Eleena, Eremon, Smooth... Kaths ? Elle est où... Arf, elle est roulée en boule dans un coin... Matou... Les enfants... réveillez-vous, on est arrivé, il fait chaud à l'intérieur.
Sa voix était calme, posée, volontairement neutre. Il s'appliquait à ne rien faire ressortir de l'émotion qu'il vivait à ce moment là. Il pris dans ses bras Luna qui ronchonnait et Antoine qui dormait à point fermé. Tandis que les autres se réveillaient avec plus ou moins de grâce, il repris le chemin de la maison pour mettre les plus jeunes au chaud.
Dans son regard dansaient encore les flammes de l'âtre du salon. Et elles ne le quitteraient pas jusqu'au départ...
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