Jean.de.cetzes
- [Campement de l'armée Royale. Devant les murailles de la cité paloise. le 25 mars.]
Enfin ils étaient arrivés. La maladie n'avait pas eu raison d'eux et l'ensemble des hommes était à peu près rétabli. La route avait donc pu être empruntée jusqu'à la capitale béarnaise, en bon ordre de marche. Jean découvrait là un monde nouveau, qu'il n'avait jamais vu auparavant n'étant jusqu'alors jamais sorti de son comté Toulousain, sauf pour aller en Guyenne dans sa prime jeunesse. Il voyait ainsi le Béarn qu'il avait pu fantasmer pendant sa jeunesse ou pendant la guerre qui avait opposé le Béarn à la couronne. Il s'était longtemps demandé à quoi pouvait ressembler le pays qui avait abrité une telle rébellion. Et au fond, s'il était beau, il n'était pas différent des autres régions de France où les Hommes aspiraient à la paix et à la justice. Ce qui expliquait justement sa présence pour chasser les malandrins qui oppressaient le peuple. Car s'il découvrait le Béarn en général il découvrait à l'instant les abords de la cité où Flex se reproduisait quotidiennement. Stupre et luxure était la devise du pouvoir en place, lui disait-on. Ses informateurs lui indiquaient aussi qu'on ne comptait plus le nombre de bâtards de la Mirandole, presque que des filles. Les ragots et les pamphlets étaient monnaie courante à ce sujet et les mieux informés ou les langues les plus perfides affirmaient qu'il copulait également avec celles-ci, quelque soit leur âge dailleurs. Ce qui en disait long sur l'ambition et la noblesse du roturier qui s'était cru souverain. Mais pour l'heure le sort de Flex était secondaire. Il fallait organiser le camp, et préparer l'assaut qui ne saurait tarder.
L'armée s'était en effet déployée autour des remparts, assez rapidement, complétant le dispositif mis en place par les dragons. La cité était dorénavant en état de siège. Siège qui serait de courte durée puisque l'assaut serait donné sous peu. Alors les hommes se préparaient, le bélier se construisait, mais aucune arme de longue portée n'était dressée. La technique de sape ne serait pas employée et aucun animal malade ne serait balancé par dessus les remparts. Non. Ce serait une bataille propre, si tant est que ce soit possible. Lame contre lame, chaque homme chargeant «avec sa bite et son couteau». Si l'on peut dire, sans compter les femmes, bien sur.
Néanmoins, le Roi avait fait porter trois bombardes de gros calibres, ce qui avait participer à leur retard général tant il était difficile de transporter les boulets de près de 100 kilos chacun. Il en eut amené davantage si ça ne coutait pas un bras. Certes l'utilité destructrice était faible compte tenu de sa précision et de sa cadence, mais le bruit et les dégâts occasionnés lorsque le boulet touchait sa cible avait un effet démoralisateur redoutable. C'est ainsi que toute la journée les trois bombardes tireraient en direction des murailles de Pau d'où les défenseurs pouvaient apercevoir le nombre conséquemment supérieur au leur des troupes venus les assaillir et libérer le Béarn.
Le spectacle d'un siège, ou du moins de l'organisation d'un assaut contre une forteresse était généralement prodigieux. Voir du hauts d'une muraille deux armés se disposer en ordre de bataille devant soit était à la fois fascinant et inquiétant. Jean l'avait vécu à Toulouse et il s'en souvenait. Observer les tentes et les oriflammes se dresser, juste assez loin pour être hors de portée des flèches de l'ennemi, soit à plus de 300 mètres pour éviter les tirs des balistes si tant est qu'ils sachent s'en servir, voir les hommes s'activer à élever les beffrois et à rassembler le matériel d'assaut - les échelles et la paille pour combler les fosses et douves et à l'occasion y mettre le feu pour obliger l'ennemi à quitter le rempart, oui, voir tout cela avait quelque chose de stupéfiant. Une beauté barbare, primitive en laquelle les hommes de son temps se complaisaient.
Jean le savait et avait justement tout à fait conscience de leffet que tout cela pouvait produire sur le moral des troupes ennemis - facteur clef la plupart du temps d'un assaut. Aussi il avait donné des ordres pour que tout soit fait pour impressionner les barbares d'en face. Que le nombre de tentes soit doublé, même si inutilement vide, que des feux soit allumés en surnombre, qu'on donne de la voix, qu'on fasse crier de faux ordres au court de la journée laissant planer le doute d'un assaut imminent, qu'on rit beaucoup pour montrer que le moral était excellent grâce à la certitude de la victoire et que l'on fasse rôtir des chaires odorantes, de la biquette et de la sardine principalement, puisque la cité semblait dépérir de faim. La guerre des nerfs commençait.
édit 1 : correction et ajout dans le premier paragraphe.
édit 2 : précision de l'édit parce que l'autre là, le vilain, il a posté pendant que j'éditais et que ça devrait être interdit d'abord !
édit 3 : parce que jamais 2 sans 3 déjà. Et puis pour des menus corrections orthographique et de tournure.
édit 3 : ortho. Doit en rester, mais ça me piquait les yeux !
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