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[RP] L'épistole boréenne

Soren
C'était par une nuit où il était impossible de trouver une chambre d'auberge disponible à Sarlat-la-Canéda que j'ai rencontré ce phénomène. Et encore, ce substantif est bien faible pour caractériser l'individu! Elle faisait partie d'un groupe de trois personnes qui partaient je ne sais où. Il parait que l'une d'elle me connaissait. Ouais... Eh bien visiblement, son souvenir avait été emporté avec les autres par le maelstrom qui avait frappé ma vie récemment.

Je me rappelle qu'elle m'avait promis un onguent pour aider à guérir mes jambes ou je ne sais trop quoi. Il parait qu'elle avait réussi à faire des miracles dans le passé. Bah! Le plus important en cette nuit n'était pas là. Non! Le plus important, c'était que son groupe quittait pour Cahors et qu'elle n'avait pas encore rendu la clé de sa chambre. Ce soir-là, c'était bien la première fois depuis mon retour à la vie que la chance me souriait...

Elle m'avait dit qu'elle m'enverrait son onguent. J'avais insisté pour connaître son salaire. Quelques lettres pour la tenir informée des résultats de sa préparation sur moi. Voilà ce qu'elle demandait. La pauvre! Demander ça à un ex-mercenaire, c'est comme demander au fou du Roy de gouverner, ou à une nonne de jouer les catins. Bah! Tout ceci ne m'avait pas vraiment inquiété. Cela n'était que des mots qui se disperseraient au premier souffle de vent! Et pourtant, un jour...

Citation:
    Messer Seurn,

    Pardonnez si j'écris votre nom aussi mal que je l'eus prononcé mais ça n'est point tous les jours que je rencontre un Danois, qu'il ait du chien ou pas ! Vous saurez m'en corriger le cas échéant et n'en prendrai guère ombrage, soyez-en assuré.

    Du fruit de notre rencontre est né bien peu de chose, dont je n'ai pas même la certitude que cela vous sera pleinement profitable. Mais.. si jouer les apprentis-sorcières va devenir l'apanage de ma mi-blonde amie Albunea, j'ose espérer que ce remède que je vous fais parvenir avec ce message, à défaut de vous guérir au moins ne vous tuera pas.
    J'escompte qu'avec les résultats que vous ne manquerez pas de me communiquer, comme convenu en guise de dédommagement, je pourrai poursuivre et affiner les recherches jusqu'à trouver ce qui vous bénéficiera.
    Il faudra bien me rapporter tous effets secondaires éventuels (plaques, rougeurs, démangeaisons etc) ainsi que les progrès -car oui tout de même c'est le but avoué de la chose : vous savoir aller mieux- afin que je sache si la sagesse des anciens m'est enfin utile.
    Présentement c'est un mélange d'hamamélis, de mélilot et de vigne rouge qui compose le contenu des pots que je vous fais parvenir.

    Pour l'application, il vous faudra suivre quelques recommandations d'usage simples :
    - avoir une peau propre et débarrassée de toute souillure (évitez le décapage au gant de crin tout de même, on n'a pas besoin de vous peler comme une carotte non plus !) ;
    - faire pénétrer le produit avant le coucher pour que les jambes soient au repos (je me doute bien que vous n'irez pas au bal tous les soirs ou que vous ne passez pas vos journées à courir après les papillons mais tout de même) ;
    - que la personne de confiance qui va vous masser avec cet onguent le fasse en partant des orteils, la plante des pieds, les talons, chevilles en appuyant fortement puis remonte les jambes et les cuisses. La prise en main doit être ferme et tonique, assurez-vous donc de choisir la bonne personne (n'allez pas non plus vous faire broyer les os, z'êtes pô un poulet namého !)
    Oh.. pardonnez cette digression anatomique mais qui, au demeurant, est indispensable. N'y voyez aucune intrusion dans votre intimité.

    Je reprends pour ma part le chemins des sentes de traverse, mais à Cahors ils sauront toujours où me faire parvenir les missives, par conséquent j'attends mon défraiement impatiemment.

    Que le Ciel veille sur vous.

    Venteuses mais respectueuses salutations,

    Zéphyre an Avel - Calamité aérienne en goguette


_________________
Zephyre
Ne pas avoir les pieds sur Terre signifie-t-il pour autant avoir la tête dans la Lune ? A en croire l'étrange rencontre qu'elle fit voilà quelques jours... oui.
Un homme, vitupérant, apparaissant, disparaissant, revenant quelques heures plus tard dans la taverne où une accorte conversation contrastante se déroulait... porté à bout de bras par un autre du genre peu causant, les jambes ballantes dans le vide, et en recherche d'une chambre à ... 3h du matin parce que n'ayant rien réservé. Voilà qui avait eu de quoi l'intriguer la Ventée.
Qu'est-ce qui lui avait pris, cette nuit-là, d'obtempérer gracieusement et de lui céder sa clef au lieu de l'envoyer au diable vauvert tout handicapé fut-il avec son sale caractère ? Un souvenir... un de plus. L'image dansante subitement devant ses yeux d'une haute stature appuyée sur une canne, et qu'elle avait .. enfin... l'homme d'alors, dont les dommages étaient cependant moindres, avait recouvré force vigueur en quelques semaines de soins. C'était loin pourtant. Et expérimental.
Une promesse émise volontairement, une autre requise en échange.
Puis de nouveau les chemins. Jusqu'à cet instant où le pot d'onguent fut fin prêt. Et envoyé.


D'aucun lui dirait qu'il ne sert de rien de guetter l'horizon surtout si c'est pour en être induite en erreur. L'une répondrait "Je ne vois rien que le soleil qui poudroie et l'herbe qui verdoie." faisant pâlir d'effroi l'impatiente requérante qui mendie une réponse, de préférence positive, tandis que l'autre se pâmerait, livide comme la mort avant que de se l'en aller donner, à apercevoir dans le lointain maritime une voile dont la couleur n'est point celle de ses espérances(*).
Ce fut presque la sensation qui saisit la Brunette aérée de la caboche quand survola son campement, lors qu'elle avait repris son périple pérégrinatoire, un corbeau, oiseau de mauvaise augure s'il en est. Diable, quel malheur lui annonçait-on ?


Citation:


Expéditeur : Soren
Date d'envoi : 10/03/1462 -
Titre : je préfère les vair à l'air


Dame Zephyre,

Mon prénom s'écrit Søren, avec une barre sur le O. Et il se prononce Seurn. Le plus facile pour y arriver et de poser la pointe de la langue contre les dents supérieurs de devant. Seurn? Essayez donc devant un miroir. Vous verrez ça n'est pas si difficile que ça. Si j'ai pris ombrage de cette erreur? Je reconnais que je ne suis pas toujours une personne facile d'approche, que mon caractère est tout sauf facile, que mes sautes d'humeur contribuent à une réputation une peu compliquée. Mais tout cela est fort surfait, soyez-en sure!

Jusqu'à ce jour dame, rien n'a réussi à me tuer. Ni mes ennemis, ni leurs épouses, ni même mon géniteur. Alors votre onguent ne me fait point peur. La prochaine fois, pensez donc à lui mettre une pointe de houblon, c'est ma fragrance préférée. Et puis, ça évite les doute sur ma virilité lorsque j'entre en taverne après m'en être badigeonné. C'est étrange vous savez : A Bergerac, tout le monde a l'air de me connaître et moi, je ne reconnais personne. Le danois que l'on me décrit me ressemble. Il ne bave pas devant la moindre donzelle mais sait être prévenant et avenant en leur présence. Il est aussi inflexible que cette mère que je ne connais point. Il parait qu'il est aussi bavard. C'est étrange d'enquêter sur sa propre vie, ne trouvez-vous pas?

J'ai essayé ce soir votre onguent. Je vous en dirai plus lors de la prochaine missive. Cependant, il faut que je vous prévienne que j'ai du adapter votre façon de faire à la réalité de ma vie actuelle. Il parait qu'avant mon accident j'avais une compagne, une dame aux cheveux blonds. Ce qui est étonnant, c'est que dans mes souvenirs, je voyageais en compagnie d'une rousse escote. Quand je vous dis qu'ici, tout m'est étrange! Enfin, les seules personnes que je connais actuellement sont la diaconesse de la ville qui s'occupe de ma pastorale et ma soeur, soeur de profession de foi et de sang parait-il. Mais vous comprendrez que je ne peux décemment demander ni à l'une ni à l'autre de masser une partie si intime de mon corps sans que les rumeurs à Bergerac ne fusent à la vitesse de l'éclair! Aussi, je me suis débrouillé par moi-même. Ce n'est certes pas parfait, surtout quand on ne sent pas l'application de l'onguent, mais j'ose espérer que cela est mieux que rien. Je puis aussi vous garantir que la prise de main était ferme et tonique comme requis de votre part aussi ferme et tonique que peut l'être un combattant scandinave en période de remusculation.

Dites-moi, qu'est-il censé faire cet onguent? Me redonner réellement de la vitalité dans les jambes ou simplement empêcher qu'elles se ne déssèchent comme une vieille seiche? Soufflez donc moi la réponse! Par contre, je puis vous assurer d'une chose. J'ai pris un long bain chaud, presque brulant, avec de passer cet onguent. Connaissez-vous les cabanes à suer dame? Il parait que j'en ai fait fabriquer une à Bergerac. C'est un véritable plaisir que de l'utiliser. Une chaleur sèche, quelques gouttes d'eau sur des pierres brulantes, un moment d'abandon avant de plonger ensuite dans un bac d'eau qui vous revigore le corps. L'expérience fut compliquée mais ô combien bénéfique!

Portez-vous bien dame! Donnez de vos nouvelles afin que je sache que mes corbeaux arrivent toujours à vous rejoindre. Quand à moi, je vous préviendrais quand viendra pour moi l'heure de mon départ pour Sainte-Illinda.

Le ciel n'a jamais veillé sur moi, c'est un allié de mon géniteur.

Avec mes salutations les plus cordiales

Søren Eriksen, danois en phase de reconstruction des pieds à la tête.





Lecture faite du contenu de la missive, c'est un sourire in extremis que lui arracha le volatile qui reçut pour toute récompense une part de pitance dans l'attente de son voyage retour, chargé pareillement de calligraphie abondante pour livraison au domaine de Taillevent.




*) a) réplique extraite de "Barbe bleue" de Perrault ; b) mythe de thésée et égée évidemment
Soren
C'est ce qui s'appelle : respecter sa parole. A mon grand étonnement, l'onguent avait été expédié, j'ai répondu. Alors pourquoi elle me ré-écrit? Eh bien! Il faut croire que les tavernes de Cahors et d'ailleurs sont aussi palpitantes que celles de Sarlat pour qu'elle continue a m'écrire. Ou alors, elle s'est fait déplumée au ramponneau et a accumulé les dettes. Maintenant, pour éviter d'être arrêtée par la maréchaussée pour défaut de paiement, elle doit sans doute fabriquer de faux onguents miracles qu'elle vend à un prix exorbitant aux crédules ou aux personnes en recherche d'espoir comme moi. Ouais... Cela ne m'étonnerait qu'à moitié qu'elle cherche finalement à m'extorquer une belle somme d'argent!

Quoi? Je suis aigri? J'ai l'esprit noir? Et vous? Comment seriez-vous si vous étiez à ma place? D'ailleurs la voulez-vous ma place? Non! Bien sur que non! A notre époque, quand on n'a plus ses jambes, ses yeux, sa main d'arme, on n'est plus rien! On ne vaut même pas le pain ou le maïs qui nous nourrit. A quoi bon rester en vie finalement? Finalement, son prix me convient. Elle a un talent littéraire indéniable. Il est plus plaisant de lire ses lettres que de se plonger dans un livre insipide qui raconte les histoires de personnes que je ne connais pas ou même pire : de personnes qui n'ont jamais existé. Elle est aussi volubile sur un vélin que moi je puis l'être par la parole après avoir bu plus que de raison. Quand à son onguent... bah! Après tout, il faut bien que je l'essaie. Sans ça, elle s'en rendra vite compte!

Ce matin, j'ai reçu les réponses que j'attendais. Il ne me reste donc plus qu'à préparer mon voyage et à faire la route vers Sainte-Illinda. Si je reste ici dans cet état de délabrement physique et spirituel, je vais faire des bêtises. De grosses bêtises! Quoi? Vous trouvez que le mot bêtises ne convient pas lorsqu'il est appliqué à un être comme moi? Vous le trouvez comment? Trop enfantin? Manquant de vigueur pour décrire ce que je pourrais bien faire? On dirait que vous me connaissez bien n'est-ce pas? Me connaissez-vous même mieux que moi désormais? Possible...

Au pied de mon lit, s'entassent les parchemins chiffonnés et déchirés. J'ai du mal à m'y mettre, à trouver mes mots. Ce n'est pas toujours facile de se détendre, de laisser refluer la colère qui gronde en soi, qui vient sourdre par toutes mes entrailles. Mais il le faut. Je vais répondre à sa lettre. Pour le salut de mon âme.



Citation:
    Sieur Søren,

    Je comprends que ma réputation d'abominante sorcière ensorceleuse, si tant est qu'elle ait pu parvenir à vos oreilles, puisse vous effarer ou que vous pensiez que cela puisse m'être d'une quelconque utilité pour quelque rite plus ou moins obscur, ce que je démens avec force véhémence.. !
    Je comprends que les messagers les plus dodus sont ceux qui endurent les plus longs parcours.
    Je comprends que votre situation vous fasse parfois sûrement broyer du noir.
    Maiiiis touuuut de même !!!! M'envoyer un corbac !
    Vous voulez me faire faire un arrêt cardiaque ou quoi ?
    Non hein, zut de zut !, je ne me prendrai pas pour Egée -qui se suicida à la vue de la voile noire que son fils Thésée oublia de changer en voile blanche à son retour au bercail- pour l'apparition d'une paire d'ailes d'un emplumé sortit tout droit des ténèbres.
    Enfin, au moins désormais je suis au parfum : vos émissaires sont sombres comme la nuit. J'en prends bonne note et éviterai de les canarder de jets de pierres afin de les faire s'enfuir ou pire.. de les rôtir.
    Mon périple sera long, j'espère que vos porteurs de nouvelles seront résistants jusqu'aux portes de Provence où je me rends pour quelques jours.

    Mais je m'égare. Revenons à ce qui nous occupe, à savoir vos jambes.
    A quoi donc va bien pouvoir servir cet onguent ?
    Ciel ! Fichtre ! Diantre ! Je ne savais pas que les danois avaient la peau aussi sensible que des pétales de fleurs qui flétrissent sans eau. Alors imaginons plutôt que mes tentatives, point encore considérées comme désespérées, ont pour visée tout à fait irréaliste de vous faire courir comme un lapin (je m'abstiendrai de toute autre analogie avec le dit mammifère), ou tout du moins de vous raffermir suffisamment pour que vous teniez seul, droit dans vos bottes, digne comme au premier jour où vous avez cessé de ramper au sol à quatre pattes pour tenter de ressembler à un homme, aussi petit fut-il à l'époque.
    D'où l'importance de mains externes qui vous massent : afin de stimuler la masse musculaire et la développer tout en permettant aux plantes de faire leur oeuvre pour vous être bénéfiques.
    N'aviez-vous pas ce porteur, Childéric si mon souvenir ne m'emporte sur une fausse piste, qui pourrait faire office de masseur à défaut que la votre de soeur ne s'y emploie ?

    Vous fîtes bien pour le bain, mais veillez tout de même à ce que ça ne soit point trop chaud.. n'allez pas vous faire exploser les veines même si vous n'en sentez plus le sang y circuler. C'est que.. ça tâche le sang et c'est délicat après pour rattraper.
    Je connais les étuves, sur le principe des bains mauresques ou grecs, mais ce que vous évoquez, ces cabanes à suer... non.Y'a des tas de gens qui me font suer ça oui... mais je doute que ça soit aussi bon pour le corps ou l'esprit. Il m'en faudra donc faire l'essai lors d'un passage futur à Bergerac. Non des gens, mais des cabanes n'est-ce pas.

    Pour ce qui est du houblon, croyez bien que j'ai pensé à relever l'information. Ne reste juste à vérifier que sa présence dans la préparation ne dénaturera les bienfaits des plantes censées vous guérir. Lors, je n'y vois nul inconvénient de prime abord.
    Cela dit, entre nous, le houblon est quand même bien plus agréable à boire fermenté, et votre masculinité ne sera pas entachée parce que vous aurez la peau un tantinet plus soyeuse (ce que les dames savent apprécier à sa juste valeur) ce que votre vigueur naturelle suffira aisément à prouver alors que .. vous n'avez rien à prouver en la matière ! (bien que je n'ai pas été vérifier personnellement l'assertion, pas plus que je ne suis au fait de ragots, rumeurs ou toute autre information vous concernant étant donné que jusqu'il y a peu je ne savais pas même qui vous étiez).

    Je vous souhaite pleine réussite dans votre entreprise consistant à réunir toutes les pièces de votre passé, vie.. cette chère loque l'Homme se dit qu'il ne lui trouvera jamais de sens parfois. Enquêtez, enquêtez... puissiez-vous trouver les réponses à vos questions et les bribes émiettées de ce qui fut et n'est plus, ou plus vraiment comme se fut.
    Songez que, à tout choc, un autre choc peut s'avérer d'une redoutable efficacité. Je prépare mon gourdin si vous le souhaitez pour notre prochaine rencontre ! Qui sait, p't'être que ça vous remettrait les idées en face, allez savoir. Traitement plus radical et peu conventionnel j'en conviens.

    Bien, la lune est haute à présent, et à la douceur de la journée fait place désormais la fraîcheur noctambule. Votre porteur de plumes va se confondre avec la nuit et voyager en toute sécurité ainsi.
    Je m'en vais souffler ma chandelle et reprendre la route avec la Bulle pour avaler des noeuds et des lieues au plus vite.
    J'attends le fruit de vos ressentis pour améliorer voire transformer la formule à la prochaine ville étape que nous traverserons si besoin est.

    Puisse Dame Nature cesser ses farces et vous gratifier...

    Aériennes pensées mais pour le moins respectueuses.

    Zéphyre - Tourbillon des chemins en mouvance


(*) a) réplique extraite de "Barbe bleue" de Perrault ; b) mythe de thésée et égée évidemment ; c) un mystérieux fumeur de pipe s'est glissé dans ce texte...

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Zephyre
Hum. Qui a osé dire "la vie est un long fleuve tranquille ?"* Celui-là... soit il habite en rase campagne, perdu au fin fond d'une zone désertique, avec une bicoque qui fait face à un ruisselet où il se prend à pêcher patiemment sa poiscaille quand la faim le tenaille ; soit c'est un mort-vivant, enfin un vivant-mort, plus mort que vivant de l'âme parce que l'once de vie en lui s'est éteinte à tout jamais, attendant que la Faucheuse daigne enfin le cueillir ; soiiiiit.... il débarque d'une autre planète ! Non parce que là franchement...
"Où veut-elle en venir la Marionnettiste ?!" pensez-vous sûrement.
Que la vie de la Ventée est loin, et même très très loin du fleuve tranquille.
De fait, dans les périodes d'accalmie elle s'ennuie vraiment, mais quand le tourbillon s'élève.... pfff quoi. Elle le cherche ? bah.. p't'être ben, faut croire oui.

Un récent passé qui devait être son futur mais qu'elle vient de balayer d'un revers et d'envoyer aux vent, un avenir trouble et pas clairement défini qui s'annonce devant elle sans grande conviction et dont elle doute grandement, un présent... flou, et.... lui. Comme une parenthèse. Une bulle d'air frais dans ses pensées viciées. Lui qui s'est glissé dans sa tête, enfin... on devrait plutôt dire imposé l'air de rien, quelque part entre l'amie-comme soeur jumelle-moitié, le presque-frère, la fille, l'ex-moitié, le futur-peut-être déjà avorté, le départ, le retour, les autres moitiés, les projets, et qui lui offrait là une montagne de mots telle qu'elle n'en n'avait pas eu depuis un moment.
Mazette... qui eut cru qu'un pot d'onguent amènerait des tartines pareilles ?
Au milieu de l'agitation de son existence, de ses pensées sombres et errantes, il lui tirait un sourire. Et loin du masque jovial qu'elle servait en société mais dont la Bullette n'était pas dupe... cela représentait beaucoup.





Expéditeur : Soren
Date d'envoi : 11/03/1462 -
Titre : Faute de grives, on mange des corbacs

A la Turbulence qu'il vaut mieux éviter de transformer en tornade,

Sorcière vous? Voilà qui est ma foi fort intéressant! Quelle tour êtes-vous capable de lancer? Quelle potion, à part les onguents-miracles-réanimateurs-de-jambes savez-vous fabriquer? Savez-vous...briser la pierre d'un regard? Savez-vous transformer le jus de limace en le meilleur des vins de France? Le houblon en bière? La mise en bière? Dites m'en donc plus, il se pourrait que je requiers plus fréquemment à vos services.

Ah! Vous excuserez si ma verve littéraire n'est pas à la hauteur de la vôtre. Mais voyez-vous, les études m'ont toujours ennuyées. Je suis un homme de terrain, je prends mon plaisir dans l'action. Je suis mauvais orateur mais il parait que je sais bien descendre la bière et que j'embrasse bien. Je savais aussi danser et faire danser...mais ça c'était avant!

Pour en revenir à mes émissaires, j'espère que vous aurez aisément compris que je ne les utilise pas pour faire peur mais bien parce qu'ils sont plus robustes que les pigeons. Par ailleurs, ils sont aussi moins goûteux et donc moins chassés (Quel drôle d'idée avez-vous eu là de vouloir les rôtir! Êtes-vous si affamée que cela dans votre coin de pays? Faut-il que j'envoie des marchands ambulants à votre secours? Vin blanc ou Vin rouge? Chapon ou Poulet? Cerf ou Serf?). Pas besoin de les nourrir, ils sont autonomes sur ce point-là. Enfin, il me plait à savoir que vous prenez tant à cœur la santé de vos patients, mais rassurez-vous : je n'ai dit à personne que vous m'aviez fourni cet onguent. Par conséquent, si le Très-Haut me rappelait à lui, Dieu ait mon âme, personne ne pourrait se douter que vos talents de sorcière sont en cause.

Ainsi donc, cet onguent serait un remède miracle? Celui qui transformerait ces jambes inertes depuis plusieurs semaines en pattes de lapin? Je suis fort aise de savoir que vous préférez les hommes à la pilosité abondante mais ne croyez-vous pas que là, ça en serait...un peu trop? Hum? Par ailleurs, je vous remercie de toute la sollicitation que vous faites preuve à mon égard mais quitte à suer, je préfère encore la cabane dont je vous ai parlé plutôt que la fuite devant le chasseur ou le paysan affamé.

Enfin, nous nous égarons une fois de plus sur les chemins de traverse. Si cela continue, je vais douter de votre capacité à arriver à votre destination avant la fin de vos jours. Revenons-donc à nos moutons et à la laine qu'ils ont sur le dos ou torse (dépendamment si ce mouton est un mouton à quatre ou à trois pattes évidemment). Je vous disais hier ma difficulté à trouver quelqu'un qui puisse m'étaler votre délice sur ces jambes qui deviennent chaque jour un peu plus frêles. Childéric est à oublier. De un, je ne le paie que pour me porter, pas pour me soigner. De deux, il est typiquement le genre de broyer d'os que vous m'avez déconseillé. De trois, je refuse catégoriquement de me laisser toucher par un homme à cet endroit. Le coût à ma réputation serait rédhibitoire. Aussi quel est donc la solution? Suspendre le traitement en attendant de trouver une accorte infirmière en manque d'écus?

Je vois cependant que je me suis mal fait comprendre. Le problème de votre onguent n'est pas la douceur qu'il pourrait procurer à la peau mais bien les fragrances qu'il dégage et qui me donne une touche de féminité qui ne sied pas bien à ma réputation. Si le houblon ne fait pas l'affaire, alors je vous propose de lorgner du côté du musc ou du vétiver. Me verriez-vous entouré d'une horde de jeunes éphèbes en manque de sensations fortes alors que je ne dispose même pas de mes jambes pour fuir?

Dites-moi, avec votre onguent, y a t-il des restrictions alimentaires auxquelles je dois m'astreindre? Je ne suis guère le type d'homme qui se plie facilement à l'abstinence et lorsque mes soupers manquent de pains, je ne suis plus quoi faire de mes dix doigts.

Ah! et au sujet du gourdin, laissez tomber l'idée. Je préfère perdre deux ans de souvenir que de me faire bastonner par une représentante de la gente féminine. D'ailleurs, je vous ferais remarquer que c'est une arme qui sied mal à une femme. Si un jour vous devez vous débarrassez d'ennemis, préférez le poison ou la dague au gourdin, ce sont deux armes bien plus adaptées à une sorcière comme vous? A ce propos, où avez-vous donc mis vos pustules et votre nez crochu? J'ai dans ma chambre un balai qui n'était pas là il y a quelques jours. Est-ce la vôtre que vous auriez oublié avant de me confier votre clé? Et les vêtements qui étaient dans l'armoire vous appartiennent-ils? rassurez-vous, je n'y ai pas touché. S'il faut que je vous les ré-expédie, dites-le moi.

Maintenant que j'ai assez déblatéré, je puis vous dire que ce matin, des plaques grises et sèches se sont formées sur mes jambes. Je n'ai toujours aucune sensibilité à ce niveau, pas même une petite grattouille. J'ai retiré les croûtes d'onguent mais rien de plus. Je vais reproduire l'expérience sauf si vous me dites que ça ne sert à rien.

Søren,
ex-mercenaire,
ex-danois,
ex-héritier du trône du Jutland,
ex-sans trique


P.S : La prochaine fois, vu le poids du vélin, c'est une buse qui devra vous transmettre mes observations

P.P.S : avez-vous pratiqué la prononciation de mon prénom?

P.P.P.S : Est-ce les effets secondaires de votre onguent, mais il me semble que ce texte contient une tournure de phrase que les anciens appellent du délicat vocable de contrepèterie.

P.P.P.P.S : Si vous allez en Provence, rapportez-moi donc un grain de sel pour que je puisse le mettre dans les affaires de autres. A défaut, je me contenterai d'un grain de sable pour tester les engrenages de mon moulin. Eh oui! J'ai un moulin. Eh quoi? Cela vous étonne? Vous ne pensiez pas que j'étais capable de séparer le bon grain de l'ivresse n'est-ce pas? Quand à l'abbesse, je ne m'occupe pas de ses fesses.



AAAH .. donc.. c'est à ce petit jeu-là qu'il voulait jouer. Il ne savait pas où il mettait les pieds faisant cela ! Bien sa veine de ne plus les sentir justement les arpions -non nooon je ne parle pas d'odeur en souffrance voyons!-.
Elle aurait tôt fait durant son trajet de réfléchir au comment de la réponse.
C'est qu'elle pourrait bien fredonner "on avance, on avance, on avance, c'est une évidence on n'aura pas assez d'errance et pour faire la route dans l'aut' sens, faut qu'on avance".
Portées par les ailes du vent à défaut que leur canasson se prenne pour Pégase, la Ventée et sa mi-blonde amie passaient gaiement les terres languedociennes, préparant leur proche entrée en Provence... si on les laissait en franchir les frontières.
Plus la distance l'éloignait de Guyenne et plus ses pensées l'emportaient vers Bergerac et son étrange résident. Plus elle lisait et relisait son ultime missive et plus elle était intriguée.
Profitant d'une pause ensoleillée, adossée à l'un de ces feuillus qui font le charme de la forêt cévenole dont l'ombre bienfaitrice était plus que la bienvenue en cette chaude journée qu'on l'en aurait cru presque estivale, le séant sur un tapis moussu, la plume se remit à courir sur un velin qui sous peu trouverait le destinataire qui attisait sa curiosité. Mer d'encre... pour noyade en règle.



* Etienne Chatiliez of course
Soren
L'heure est venue de quitter Bergerac pour Ste-Illinda. Il y a dans cette ville des remugles de malaise, d'incompréhension. Cela n'a rien à voir avec le sentiment de l'étranger qui entre dans une ville renfermée sur elle-même. C'est bien pire que cela. J'ai l'impression que tout le monde me dévisage d'un air de mépris. Ils détournent leur regard. Quels crimes ai-je pu commettre dans cette ville? Qu'ai-je donc fait que je ne suis pas capable d'assumer d'aujourd'hui? Pas capable parce que je ne connais pas les faits. Pas capable parce que ma mémoire défaille, qu'un immense blanc s'étale sur les dernières années de ma vie. Toi là... T'ai-je crié dessus? T'ai-je dit que tu n'étais pas digne de ma confiance? Et toi? Es-tu un ami, un ennemi? Discute t-on quand on se croisait ou s'évitait-on? Une blonde...Est-ce toi qui était ma compagne? Ai-je déjà troussé ta robe un soir que j'avais trop bu? As-tu dansé avec moi sur une table? Oh tu vois, rassure-toi, maintenant, tu n'as plus rien à craindre : danser est loin de mes préoccupations...et de mes capacités.

J'ai l'impression de me trouver en face d'un château en ruines. On vient de me donner la mission de reconstruire un nouveau bâtiment fortifié mais sans détruire les restes de l'ancien. Il faut que je bâtisse sur ses fondations sans même connaître leurs forces et leurs faiblesses. Non! Je ne puis accepter une telle mission. C'est impossible. Ça n'a tout simplement pas de sens. Croiser chaque jour des inconnus qui ne le sont pas? Pourquoi me torturer ainsi? J'ai déjà bien assez du fardeau Eriksen, pas la peine de m'encombrer avec d'autres problèmes que je puis éviter. Au fait, c'est sans doute pour ça que ma plume est prolifique avec la venteuse de Guyenne. Elle est une véritable inconnue. Elle ne connait rien sur moi que je ne connaisse également. C'est rassurant. Elle ne peut pas en savoir plus que moi sur moi et je n'ai pas à craindre de mes gestes passées. Celui qui règne en maître sur le soleil aurait mieux fait de tout effacer. Souvenirs et faits. Là, il me dit : Tiens, porte ça! Et interdit de regarder ce qu'il y a dedans! D'autres le savent pour toi. Il n'y a que ceux qui ont déjà vécu ce que je vis actuellement qui peuvent me comprendre. Sainte-Illinda n'est qu'un échappatoire, j'en ai conscience. Tout comme le sont ces lettres qu'elle m'envoie. Lorsque je lui réponds, j'oublie ma situation actuelle. Je tombe dans un autre monde où un autre Soren vit une autre vie. J'y importe de l'ancienne ce que moi je veux, ce que moi j'ai choisi. Je suis maître de mon destin. Pas comme ici.

Mais elle? Pourquoi s'évertue t-elle à répondre à un paralytique qui n'est plus bon à grand chose? Bah! Je me suis déjà posé la question en vain. J'ai déjà assez de mal à me comprendre moi alors pourquoi devrais-je chercher à comprendre les autres? Si son onguent pour les jambes n'a toujours pas eu d'effets miraculeux, le baume de l'esprit lui a déjà agi. Il m'apaise et a même la faculté de m'extirper une once de bonne humeur. Mais ça, elle ne le saura pas parce que sinon, elle pourrait désirer revoir son tarif à la hausse

Citation:
    Alais, le 13 mars 1462

    Au Danois devin échu du Walala sur notre pauvre Terre.

    S apristi ! Ma parole ! Pour un amnésique je trouve que vous avez mémoire de force détails de votre vie... tout comme la prescience doit avoir gagnée votre esprit.
    Comment donc savez-vous qu'il ne faut pas me transformer en Tornade ouragantesque ??? Auriez-vous des réminiscences d'un vil tourbillon dans lequel je vous eus emporté par le passé ?
    Si cela peut vous rassurer, ceux qui se confrontèrent à mon souffle vitupérant s'en souviennent encore. Autant dire que cela ne survient pas souvent tout de même.
    Vous êtes certain que votre esprit est dans les limbes ?

    O r, en ce qui concerne mes talents de sorcière ils sont d'une banalité à faire peur :
    "briser la pierre d'un regard ?" ... si l'on considère le nombre de coeurs empierrés qui ont subi ce sort, alors oui, malheureusement pour eux, paix à leurs émois.
    'transformer le jus de limace en vin le meilleur ?"... hum, là je dois dire que non... mais le jus de chausses macérées en excavateur de poison des entrailles oui ! une légère digression quoi.
    "le houblon en bière ?" m'eeeeenfiiiin... dire cela à une Guyennoise !!!! Voyons ! Le raisin en alcool oui, un long et dur labeur pédestre -c'est fou quand même la magie qui réside au bout des orteils- obligeant à se mettre dans d'inconfortables situations, les jupons amplement relevés à mi-cuisses.. épuisant !
    'la mise en bière ?"... alors là je vais devoir dire oui deux fois. D'une, parce qu'en tant qu'ex-tavernière d'un nombre incalculable d'auberges je me fais fort de ne pas laisser mes hôtes dans une pitoyable sobriété. De deux, parce qu'il semble bien que mon sillage soit parsemé de quelques cadavres peu reluisants (se référer au paragraphe sur le charme dit "du coeur empierré brisé") sans vantardise aucune. On se passe de ce genre de don je vous puis vous l'affirmer ! L'avantage, c'est que c'est une mort agonisante, lente, mais sans tâches. Non parce que les effusions de sang après les diffusions de larmes, très peu pour moi. J'préfère quand les choses sont subtiles et raffinées.
    Eventuellement je puis me targuer de révolutionner quelques vies par cause de trop grand tourbillon.
    Non, mes talents sont bien quelconques j'en ai peur, faisant le déshonneur de mon illustre lignée provenant d'une petite île bretonne, perdue dans les brumes et oubliée du monde, de qui je tiens quelques savoirs antiques et science herboriste auxquels je me réfère occasionnellement quand il me pique d'en faire bénéficier quelqu'un qui a retenu mon attention.
    Soit dit en passant, prenez soin de mon balai, car oui il est bien à moi, et j'en fais un usage intensif face à des dormeurs intempestifs en taverne... un tour de passe-passe et hop, ils disparaissent d'un enchantement, soulageant ma vue irritée par leur inertie en ma présence. Puisque vous l'avez récupéré je vous demande de veiller sur lui comme la prunelle de vos yeux car il vaut bien les miennes.
    Par contre, il faut vous mettre à la page : en 1462 les sorcières ont plus de charme que de chien, les sourires pustuleux à faire peur c'est d'un autre âge. Les armes sont plus... désarmantes et enjôleuses, c'est bien ce qui les rend dangereuses : on ne les devine pas fondre sur vous et une fois réalisé.. clap, trop tard ! z'êtes piégé... et perdu.

    R emarquez, si vous désirez être utile dans la vie en tant que coba... serviteur au développement de la science, mon amie Albunea souhaite il me semble se lancer dans des études obscures d'alchimiste des plantes et cherche quelqu'un qui soit tout entier, corps et âme -on ne sait jamais-, dévoué et volontaire pour l'épauler dans sa tâche. Si la perspective vous tente.... je me ferai une joie de l'assister en espérant qu'elle ne vous occira.. ne vous rendra pas trop malade !

    E n ce qui concerne cet onguent, perfectible je pense en fonction des résultats que vous m'en indiquerez, je ne vous l'ai pas présenté comme une solution miracle non, mais comme un moyen éventuel, une tentative... mieux ça que ne rien faire et rester inerte !
    Pour ce qui est de l'effet secondaire pileux.. si cela vous soucie, je saurai vous indiquer tous les bons tuyaux féminins (oui bon d'accord, après le doucâtre onguent les astuces des femmes bah quoi ?!) entre autres l'effet magique et stupéfiant que peut avoir l'association de miel et de sucre de betterave concassé sur des gambettes animales. Résultat garanti d'une peau douce et satinée.
    Quoi ? Vous râlez encore après votre virilité ??? Rhooo mais faut savoir un peu ce que vous voulez diantre ! Faut souffrir pour recouvrer sa dextérité. Non mais !
    Quant à subir les assauts de jeunes éphèbes, ça je n'y puis rien si vous dégagez un "je ne sais quoi" qui les attire.. un seul conseil à vous opposer "serrez les dents et les fesses !".
    Bon, c'est promis, le prochain pot que je vous enverrai se verra doté d'effluves différents, un tantinet plus masculines. Mais ne comptez pas sur moi pour créer LA formule magique qui mettra toutes les donzelles en rut pendues à vos pieds. M'est avis que là je signerai votre arrêt de mort cardiaque d'épuisement à devoir toutes les combler et ça je m'en voudrai quand même un peu et m'en sentirai responsable.

    N epourtant vous soulevez un épineux problème (auriez-vous la pilosité si drue ?) à propos de cet étalage qui est plus que vital. N'avez-vous d'amie (tendre ou juste amicale) qui fasse office de divine papesse des mains (oubliant votre abbesse qui s'en pourrait trouver troublée dans ses voeux) ? Pas d'écuyère ? de tavernière de bonne volonté ? de tribun toute dévouée au bien-être de ses habitants ? de mairesse qui vendrait sa vie pour une voix aux prochaines élections ? de fille de ferme à embaucher et à sortir de la soue aux cochons (je n'ai pas dit de débaucher une cochonne attention!!!) ?
    Je vous proposerai bien mon concours mais je crains de ne pas être disponible avant une quinzaine de jours au moins, sans compter qu'au retour de ce voyage-ci un autre m'attend vers l'Alençon.
    Mais il est d'importance qu'il n'y ait aucune interruption dans les soins pour que l'on constate si évolution il y a.
    Pour ce qui est de l'abstinence, enfin de restrictions quelconques... évitez trop de gras, les crises de goutte pourraient vous guetter et ne pas arranger la salade. Sinon, non, rien de particulier à signaler. Combler tous vos appétits, c'est bon pour le moral !
    A propos des croutes... mais mais maiiiiis il faut faire pénétrer l'onguent, et en retirer le surplus, pas le laisser en paquet sur la peau !!! vous voulez vous desquamer comme un serpent ma parole ! Muer ne vous fera pas grandir ! Rhalala.


    Je vous remercie de votre sollicitude à l'encontre de mon appétit. Ma moitié bullesque et moi-même ne manquons de rien, enfin.. tant que nous ne faisons pas de fâcheuses rencontres. Si vous avez une amulette, un gri-gri, un truc bien à vous, qui éloigne le coup du sort brigandesque, là par contre ça m'arrangerai d'en devenir dépositaire, le passé m'ayant vu fort malchanceuse en la matière. Et il semble que tous mes charmes réunis ne servent en finalité qu'à ne me valoir une peau bariolée des couleurs de l'arc-en ciel.
    Cette histoire de corbacs à griller n'était qu'une allusion toute personnelle à un souvenir d'un sieur qui s'amusait à "bouletter" tous mes pigeons comme il disait. J'ai bien d'autres appétits, mais là... un pauvre volatile n'y pourra rien, pas plus que tout ce que vous pourriez nous faire parvenir.
    J'apprécie néanmoins les propositions et garde l'offre sous le coude si vous le permettez. Ainsi, si une lubie soudaine de cèpes à rissoler avec des oeufs d'autruche me prend en plein été, ou d'un sourire lumineux à faire fondre la banquise en plein hiver pour réchauffer mon âme, je ne manquerai absolument pas de vous le faire savoir ! Mais promis, je ne requerrai point de vous d'aller courir un marathon avec des spartiates aux jeux d'Athènes. Enfin, pas tant que vous ne tenez pas sur vos guiboles tout seul.

    Pour les vêtements... aloooors...
    - si vous avez trouvé une bure tâchée en plusieurs endroits c'est probablement celle du père Bardieu qui s'empiffre de fromage coulant tout en observant les religieuses du couvent d'à côté son monastère à l'ouvrage ce qui l'émoustille un peu... il appréciera de cacher la preuve de ses deux grands péchés : la gourmandise et l'onanisme, brûlez-la donc ;
    - si par contre vous avez découvert d'étranges sangles de cuir avec une badine, c'est immanquablement l'équipement oublié par la tavernière municipale bordelaise qui devait être de passage en rentrant au pays, ça va lui faire défaut pour ses pratiques sociales.
    - Si au contraire vous faites face à des tissus chatoyants, des dentelles et des plumes colorées, assurément c'est la garde-robe secrète de travestissement de Sieur Nataction, ex-maire cadurcien, très porté sur le soin de sa personne et qui m'avait établie gardienne de son secret : renvoyez-lui le tout à La Teste où il réside désormais avec mes compliments et mon bon souvenir.
    Pour toute autre affaire vraiment je ne vois pas, il faudrait m'en faire le descriptif. Pour ma part, à ce jour, il ne me semble manquer de rien. Mais il faut dire que j'ai tellement une tête de linotte parfois, et Sarlat une fois de plus m'ayant tourneboulée.. il se peut que je n'ai pas prêté attention.

    J'ai pris bonne note de votre requête, pour le grain à vous rapporter, je m'emploierai à faire de mon mieux. Cependant, j'ai peur que de Provence, la seule chose qui soit vraiment potable à ramener à cause du soleil qui y frappe fort ce soit un grain.. de folie. Et pour ça, je veillerai précieusement à trouver le plus adéquat à votre cas ! Mais votre moulin risque lui d'en souffrir, qu'il soit à moudre, à eau, à vent ou à paroles.

    Bien, le soleil décroit à présent, je n'ai que trop tardé à laisser les flots d'encre se répandre ainsi et je crains de vous avoir noyé. Il est temps pour moi de reprendre la route en direction de Nîmes et de suivre le vent une fois de plus.
    J'attends vos nouvelles observations dès qu'il vous sera donnée l'opportunité de me les faire parvenir.
    Dans l'attente prenez soin de vous.

    Venteusement,

    Zéphyre - Calamité aérienne en verve


    PS 1 : bien sûr que je me suis entraînée à dire votre prénom : mon miroir en est tout postillonné et ma langue boursoufflée de l'avoir mordue quelques fois. Mais ça vient, ça vient. Ceci dit, il est des difficultés qui s'amoindrissent dès lors qu'elles sont émises dans un souffle, un murmure.. susurrées. Il faudra que j'essaye à l'occasion.

    PS 2 : J'ai mis le courrier dans la malle postale qui quittait la ville ce soir, je crois qu'autrement j'aurai voué votre volatile à une mort certaine, fixé au sol par le poids.

    PS 3 : allez savoir pourquoi mais j'ai comme qui dirait l'impression que m'entrainer à énoncer votre prénom a dû me marquer et qu'un acrostiche éponyme s'est perdu dans l'étendue de cette missive.


Citation:
    Søren,

    Pour éviter que votre choucas ne se morfonde trop longuement loin de vous, ma précédente missive emplâtrée s'étant faite conduire par une deuch' (malle postale avec deux chevaux au harnais) filant à toute allure, je confie aux bons soins de votre volatile ces quelques mots du jour :

    - comment vous portez-vous ? il faut bien commencer par quelque chose...
    - avez-vous pensé à déguiser Childéric d'une perruque blonde (certaines tresses de paille font des miracle en matière de transformation et puis ça évite les méprises si quelqu'un devait vous surprendre) ainsi qu'à l'attifer d'un jupon pour parfaire l'illusion ? un petit séjour entre les mains de filles de joie pourrait éventuellement lui apprendre la douceur pour qu'il ne vous réduise pas en poudre d'ossements.
    - avez-vous eu de nouveau ces vilaines croutes à éplucher ? d'autres symptômes ?
    - Que faites-vous de beau à Bergerac à part mouliner dans votre cervelle ?

    Qu'une douce brise apaise vos amertumes... prenez soin de vous.

    Venteuses mais chaleureuses pensées,

    Zéphyre - Souffle léger du jour.

    PS : ne tordez pas le pli dans tous les sens, rien ne s'est caché dans cette lettre-ci.. le manque d'inspiration qui sait.. ou la précipitation... allez donc savoir.

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Zephyre
Un mois. Tout pile. Un mois que la Tempête s'est mise en branle. Ce qui aurait dû s'avérer être une St-Valentin mémorable ... euh le sera, mais point dans le bon sens du terme. Soupirs. Faut-il donc qu'elle ait l'art et la manière de broyer tout ce(ux) qu'elle touche. A moins que... à moins que l'idée, qu'elle avait enterrée, de sa malédiction ne refasse surface avec grand fracas dans sa tête.
Paupières qui ne veulent pas s'ouvrir ce matin-là. Il le faudra bien pourtant, une longue route les attend encore. Et oui, il reste ce... menu détail à régler.
Partagée entre dire à la Bulle qui tient les rênes de rebrousser chemin et affronter sa décision, et ses conséquences il va sans dire. Car elle assume toujours. Tout. Donc, en avant.

Plus la Provence est en approche et plus son humeur se fait taciturne, s'abstenant de fréquenter les tavernes où s'acoquinent les amoureux, où se vautrent dans l'assuétude d'une vie normative et inintéressante des êtres qu'elle fuit, dégoulinants de bons sentiments mais vides d'âme. Enfin, à son goût. On ne peut pas plaire à tout le monde que voulez-vous.

Etrangement, l'horizon sera parsemé de volatiles ce jour, et sa besace se remplira à mesure de missives en tout genre. Toutes pour assombrir un peu plus sa journée. Le temps est magnifique mais les nuages envahissent ses pensées et forment comme une barrière orageuse autour d'elle.
La Ventée sera muette tout au long du trajet, s'enfermant dans un confinement singulier que respectera sa moitié. Tant d'années d'amitié permettent de savoir sans se dire. Et pour éviter de sortir folle du tourbillon dévastateur qui l'envahit progressivement elle cherche une brèche. Lui ! enfin.. l'onguent ! Améliorer la formule.

Dans quelle histoire s'est-elle encore jetée sans réfléchir !!! La brunette n'est pas médicastre, guère plus herboriste... juste ... une ancienne... même ça elle l'avait enterré depuis tant d'années ! Pourquoi lui refaire faire surface pour aider un étranger ? Vaaaaaa saaavoir. Une rédemption ? Vouloir rendre la vie douce à quelqu'un quand on sème le désespoir et la mort aux autres peut-être. Même elle au juste elle ne sait pas vraiment. Le Bonhomme l'intrigue assurément. Sale caractère certes, mais l'esprit fin et la plume plaisante. Il est rugueux, ambivalent, son handicap le rendant singulier. Et cette étrange correspondance qui s'est engagée entre eux, allant au-delà de ce qu'elle en avait requis. Ce qui l'agréé parfaitement au fond.
Une envie subite, une pensée, et voilà qu'un court billet fut rédigé et envoyé à son attention.

Un corbac, le soir tombant, ultime rai solaire du jour avant qu'il ne s'achève, curieux non pour un si ténébreux messager. Ce qui l'avait affolé la toute première fois lui extirpe à présent un joyeux sentiment, ses traits se déridant et laissant transparaître enfin un petit air radieux. Les oiseaux se croisent. L'idée l'en amusa avant de se plonger en lecture, une pièce d'origine étrangère dans la main, celle-ci ayant chu au sol en dépliant le courrier et l'en avait ramassée.



Citation:


Expéditeur : Soren
Date d'envoi : 14/03/1462 -
Titre : Langue douce, tire le serpent de son trou


Castillon, en terre périgourdine, le 14 Mars 1462

Diantre ma dame!

Oui! Je n'irai pas jusqu'à dire : "Diantre que vous avez un long nez!' Ou encore "Diantre que vous avez de longues oreilles!" Ou bien encore "Diantre que vous avez de de longues dents!" Mais bien "Diantre que vous avez la langue bien pendue! Et ce, même si je ne suis point allé vérifier cette assertion de visu! Si seulement vous vous faisiez payer 1 sous le mot couché sur vélin, alors je gage que les mines et les champs ne verraient votre trombine ou celles de vos suivants! Mes amis proches au Danemark me disaient volubile. Moi je dis que je suis de la roupie de sansonnet en comparaison! Me trompe-je si je prétends que votre verve n'a d'égale que votre propension à aborder les inconnus dans les tavernes quand ceux-ci sont désespérés du manque du chambre dans une ville aussi renommée que Sarlat-la-Canéda? Avez-vous déjà consulté un médecin pour savoir s'il y avait quelque chose à faire pour vaincre cette logorrhée scripturale?

Mais venons-en au fait car sinon, je sens qu'il va falloir organiser une expédition digne de celles que les comtés mettent en place pour aller quérir de la pierre, et ce dans notre cas simplement pour transmettre un message qui ne contient aucun secret d'état! For fanden, que cette phrase est longue et mal construite! J'ai cependant la flegme de ré-écrire tout cette lettre. Je déteste les pâtés couchés sur un lit de parchemin et au prix du parchemin, je ne puis coucher mes idées au sale avant de les mettre au propre sur le message que vous recevrez. Aussi vous n'avez d'autre choix que de pardonner mes fautes, mes abus de langage, mes tournures alambiquées, mes mots oubliés, mes syllabes inversées. Bref, tout ce qui est du au fait que l'esprit déroule ses idées à un rythme plus soutenu que la plume qui glisse sur un parchemin.

Votre acrostiche, ma mie, a été fort apprécié même je ne puis que constater une nouvelle fois vos lacunes dans la langue de Erik Larsen. Point de barre sur le O. Sans doute est-ce dû à votre manque de vocabulaire danois et soyez certaine que vous en êtes bien excusée et que je ne vous tiens aucunement rigueur de cela. Il faut cependant que je vous avoue que j'ai frémi à l'idée que mon père, s'il avait été françoys eut pu m'appeler Enguerrand Louis Perceval! Je n'ose imaginer la longueur de votre lettre avec une acrostiche pareille !

Je puis vous demander un service? Voudriez-vous tourner la tête du côté de la lumière que j'éclaire votre compréhension de mes pertes de mémoire. Voyez-vous, la première image qui m'est venu en tête lors de mon réveil au couvent de cordeliers aux côté de cette frêle damoiselle brune fut l'image d'une escote rousse (Oui, oui escote, par escorte). J'étais sur la route, en direction d'une terre que l'on m'a dit plus tard être le Périgord. La donzelle un tantinet guerrière était visiblement celle qui partageait ma couche. Tout ce qui vient avant cette période, j'en garde un souvenir clair, sans aucune faille. Tout ce qui vient entre ce moment et mon réveil dans le couvent des cordeliers ressemble à de la bouillie de cochons. Je ne me rappelle de rien. Ma brune de soeur prétend que cela correspond sensiblement à ma période périgourdine. Je n'ai pas perdu toute ma vie chère maelström, juste une période d'environ deux ans. Je ne crois pas que nous ne nous soyons jamais rencontré avant Sarlat, en coup de vent ou pas mais je ne puis vous le garantir.

Avez-vous remarqué de l'endroit où je vous écrit? J'ai quitté Bergerac. Je suis sur la route qui me mènera à Ste-Illinda. J'ai emporté la bure de frère Bardieu et j'ai laissé les vêtements féminins qui pourraient aggraver sa maladie. Je ne puis me résoudre à brûler un tel objet qui pourrait un jour devenir une relique adulée par toute la gente masculine souffrant de difficultés érectiles. Je ne savais pas que ce pilier cistercien souffrait de priapisme. Il parait que c'est fort douloureux et que même l'onanisme n'apporte qu'un bref soulagement. L'émasculation pourrait être une solution, mais si l'homme a déjà de l'embonpoint, il semble que cela ne soit guère recommandé. Et ne vous en déplaise, à Ste-Illinda, je brasserai de la bière. Je m'enivrerai des fragrances enivrantes de fermentation et chercherai à officier en tant que gouteur particulier de l'abbaye. Que dites-vous des noms que j'ai déjà en tête pour les différentes saveurs? Maudite, Fin du monde, Hurlevent, Elixir céleste, Ambigüe, Aphrodite, Corne du diable, Corpus Christi et j'en passe! Ah! Avant que j'oublie : votre balai est à l'abri. Je l'amène avec moi à Ste-Illinda. Vu l'état de mes jambes, je doute que le père Bardieu me fasse récurer à fond ses saints lieux. Je le rangerais entre le reliquaire de Sainte-Kyrène et celui de Sainte-Wilgeforte. Ne me demandez pas s'il existe des reliquaires de ces deux saintes au prieuré, je n'en sais foutre rien. Ces deux noms-là me sont venus naturellement à l'esprit.

Je vous remercie pour vos conseils quand à votre façon d'appliquer votre onguent. Je comprends mieux désormais les problemes que j'ai affronté. Je prendrais moins d'onguent et le ferais mieux pénétrer dans mes jambes. Je me disais aussi que votre fiole me semblait bien petite en comparaison de la quantité de produit qu'il m'a fallu utiliser en une seule fois. Je serais donc désormais bien plus conservateur. Quand à la personne qui me l'appliquera désormais, je verrais bien les services que je peux quérir à Ste-Illinda. Le père Bardieu m'a donné les noms de soeur Della et de soeur Marie-Clarence. Peut-être que l'une d'elle a des talents cachés pour prendre soin des blessés? Car oui, j'ai déjà été dans une situation similaire dans le passé. J'avais été laissé pour mort sur un champ de bataille. A ce que j'ai su, les fossoyeurs s'étaient déjà emparés de mon corps pour me mettre dans une fosse commune lorsqu'un cureton m'a sorti de là. Il m'a envoyé au couvent de la mère sérénité où une petite fille brune a pris soin de moi. Elle s'appelait Loh. J'ai su plus tard
tout le temps de mon séjour au couvent. Lorsque j'ai finalement retrouvé mes forces, j'ai quitté les lieux. Le hasard a voulu que je retrouve la fille à Compiègne. Elle avait des yeux magnifiques. Elle cherchait sa mère qui s'est avérée être la comtesse du Maine à ce moment-là : Erraa de la Huchaudiere. A Compiègne, notre route a croisé celle d'une escote rousse. Elle s'appelait Syuzanna NicDouggal. La mercenaire nous a accompagné jusque Laval. Loh a retrouvé sa mère et moi je suis tombé amoureux d'elle. Même si elle n'était encore qu'une toute jeune femme. Syuzanna s'est renfermée sur elle-même à Laval. Je me suis disputée avec Loh. Nous nous sommes laissés. Entre temps, j'ai croisé par hasard à St-Paul une femme qui prétendait être ma mère! Elle ne parlait plus depuis longtemps et ma vision lui a finalement rendu la parole. Loh est finalement morte pendant que je me trouvais sur le trajet avec Syuzanna pour rejoindre le Périgord. Et puis... plus rien! Le voilà ce vide dont je voulais précédemment. Enfin...voilà! Votre onguent et son application me font ressurgir de drôles de souvenirs.

Si vous voulez bien écouter un ex-mercenaire, je puis vous donner un conseil qui vous sera fort utile : si vous tenez à utiliser vos charmes pour éviter l'arc-en-ciel sur votre corps, je vous conseille fortement d'en faire usage AVANT que le brigand ne se fâche. C'est bien plus facile. Après, il faut que vous arriviez à convaincre le-dit brigand que c'est au pied de l'arc-en-ciel que se terre le plus fabuleux des trésors. Mais puisque je tiens à vous garder en santé (N'est-ce pas là un juste retour des choses après tout?), je vais vous aider. Racontez-lui lui donc que le plus grand des arc-en-ciel se nomme Bifrost, qu'elle relie la terre au monde des Dieux (Qui sait, peut-être comprendra t-il de vos propos que vous l'invitez à rejoindre le septième ciel). Certains prétendent que le pied de Bifrost désigne l'endroit où les nains des montagnes, les Nidavellar, ont enterré leurs trésors. C'est une légende bien évidemment. La seule chose que vous pourriez trouver au pied de Bifrost, c'est Heimdal, mais ça, c'est un autre sujet que je garderais pour une autre lettre si vous le désirez. Quand à vos autres appétits que visiblement personne ne peut combler, eh bien, débrouillez-vous toute seule. Et n'oubliez pas : ne remettez pas à demain… ce que vous pourriez faire après-demain.

Un danois qui espère que le père Bardieu ne l'obligera pas à porter le tonsure, ni les tongues.

Hakon (trop tard pour les explications, ce sera pour une autre fois)

P.S : de tout temps, les pires sorcières ont été celle qui n'avaient pas le physique de l'emploi : Cléopâtre, Hélène de Troie, Guenièvre la reine d'Arthur Pendragon, Frénégonde la reine sanguinaire, Isabelle de France que l'on nomma aussi la louve de France. En voulez-vous d'autres des noms de sorcières qui n'avaient effectivement ni pustules ni nez crochus? Désarmantes et enjôleuses disiez-vous? Le charme est le plus puissant des pouvoirs qui soient sur cette terre! Ça, j'en suis convaincu!

P.P.S : Vous diriez à dame Albuena que je ne connais ni d'Oane ni de Sypous qu'il me faut malheureusement décliner son invitation à la servir, mon emploi du temps est complet pour les trois prochaines années.

P.P.P.S : N'hésitez pas avec la concentration d'effluves masculines dans votre prochain pot, mon coeur va très bien!

P.P.P.P.S : La pièce qui est joint à ce présent message n'est pas un écu à dépenser pour votre offrir un morceau de pain. C'est une pièce danoise magique que je donnais aux filles au Danemark pour les impressionner. Mettez-là devant vous quand vous vous trouvez en grand danger et dites :
"Okker gokker gummi klokker erle perle pif paf puf væk med den beskidte luft!". Comme quoi, les postillons qui doivent orner votre miroir ne vous auront pas servis à rien. Ce qu'il va se passer après? Je n'en sais fichtre rien. Je n'ai jamais utilisé de pièce pareille. Mais il parait que cela devrait vous éviter les brigandages bien mieux que vos cailloux.




Eclat de rire. Sonore. Vif. Tranchant. Contrastant avec sa maussaderie diurne. Tel un éclair zébrant la nuit noire. Sa Piquante la regarde, intriguée, sourit à voir l'oiseau, comprenant.
Les bouclettes s'ébrouent, dansant à chaque secousse du corps. Apaisement, temporaire malheureusement.
Chant à tire d'ailes à nouveau qui bruisse dans l'air du soir. Croisement, entrelacs de mots, échange de plumes intensif aujourd'hui sur fond de méprise involontaire.



Citation:


Expéditeur : Soren
Date d'envoi : 14/03/1462 -
Titre : Re: une brise de plus.. en passant

Søren,

Pour éviter que votre choucas ne se morfonde trop longuement loin de vous, ma précédente missive emplâtrée s'étant faite conduire par une deuch' (malle postale avec deux chevaux au harnais) filant à toute allure, je confie aux bons soins de votre volatile ces quelques mots du jour :

- comment vous portez-vous ? il faut bien commencer par quelque chose...
- avez-vous pensé à déguiser Childéric d'une perruque blonde (certaines tresses de paille font des miracle en matière de transformation et puis ça évite les méprises si quelqu'un devait vous surprendre) ainsi qu'à l'attifer d'un jupon pour parfaire l'illusion ? un petit séjour entre les mains de filles de joie pourrait éventuellement lui apprendre la douceur pour qu'il ne vous réduise pas en poudre d'ossements.
- avez-vous eu de nouveau ces vilaines croutes à éplucher ? d'autres symptômes ?
- Que faites-vous de beau à Bergerac à part mouliner dans votre cervelle ?

Qu'une douce brise apaise vos amertumes... prenez soin de vous.

Venteuses mais chaleureuses pensées,

Zéphyre - Souffle léger du jour.

PS : ne tordez pas le pli dans tous les sens, rien ne s'est caché dans cette lettre-ci.. le manque d'inspiration qui sait.. ou la précipitation... allez donc savoir.


Désolé venteuse amie, je n'avais pas de vélin sur moi. J'ai du reprendre le vôtre pour vous répondre pressément. N'avez-vous donc pas reçu ma réponse? Mon Corbac se serait-il perdu en route? Je n'ose croire à ce scénario. Peut-être a t-il été interceptée par votre bulleuse amie? Je ne la connais pas mais elle m'avait l'air d'une femme un tantinet curieuse. Lirait-elle vos correspondances?

Vous devriez avoir toutes les réponses à vos questions dans ma missive. Si tel n'est pas le cas, j'irai me plaindre à celui qui m'a vendu ce corbeau !

Quand à Childéric, que ce soit avec une perruque d'une quelconque couleur, jupon ou pas, décolleté affriolant ou pas, il ne touchera point mes jambes. Cela n'aurait comme effet que de me donner la nausée. Sachez ma mie, que je ne me contente pas de succédanée, je cherche toujours l'original.

Avec mes respects les plus délictueux (oui, oui, délictueux, pas délicieux)

S.E




Voilà qui augure de bien des choses.
Pour ce soir, le rideau tombe sur l'épistolaire, les pauvres volatiles ont bien assez eu comme cela... un peu de repos ne leur sera pas superflu.
Quant à la Ventée, ses prunelles reflètent un étrange éclat dans la nuit.
La lettre ? Ses pensées profondes ? Le voyage ? Bien malin celui qui saurait en donner la source.


Soren
Sainte-Illinda, une porte ouverte vers l'intemporel. Je n'ai jamais fréquenté ce genre d'endroit. Pour moi, la robe des nonnes était toujours trop couverte, le silence ne seyait guère à ma personnalité et le manque de bière avait un effet dévastateur sur mon humeur. Ici la robe des nonnes traine presque jusqu'à terre mais les soeurs et les mères sont d'une loquacité sans nom. Quand à la bière, si on évite celle d'Alfonse, on n'a vraiment pas à s'en plaindre. Oui, on se fait parfois de drôles d'idées fausses sur les abbayes, monastères, couvent et autres prieurés. Il y a là plus de vie qu'on ne pourrait l'imaginer. Si un jour mes jambes veulent bien se remettre grâce ou non à l'onguent païen de la Borée en vadrouille et que je mette à déambuler en paix dans le monastère, il ne m'étonnerait qu'à moitié d'apprendre d'Alfonse est un ancien Dolcinien qui se flagelle chaque nuit pour expier ses fautes, que Mère Ellya a la clé de l'Index et que chaque nuit, elle quitte son lit pour aller s'alimenter de ces idées interdites par l'Église, que Soeur-Mère Marie-Clarence fait des oeillades au garçon qui livre la farine et qu'elle le reçoit même de temps à autre, cachés dans le confessionnal. Quand à soeur Klara, se pourrait-elle qu'elle cherche sans faille chaque nuit le trésor que les cathares auraient réussi à emporter de Montségur pour l'amener ici en Guyenne, à l'endroit même où Sainte-Illinda fut érigée? Tout ceci, il y a quelques jours encore, je le croyais impossible. Aujourd'hui, cela m'esquisserait simplement un sourire et aiguiserait mon appétit. L'envie d'en savoir plus sur la vie non-dite de ce monastère l'emporterait sans aucune doute sur le devoir de réserve implicite auquel je suis astreint.

En attendant, je crois que j'ai enfin eu gain de cause. La Mère Ellya a compris le risque potentiel que le prieuré encourait avec moi. Elle ne m'a pas exclue, n'a pas spécifié qu'elle en parlerait au père Bardieu non plus. L'affaire est close. Mieux vaut ne pas trop parler de ce genre de sujet au risque de les faire ressurgir.

Demain, je dois aller à Bazas pour m'occuper du ravitaillement du monastère. Le père Bardieu m'a dit que les greniers sont rarement plein et il craint sans cesse une pénurie. De mercenaire à marchand ambulant. D'anti-clérical à moine. Eh bien! En voilà tout un changement de vie! Tiens! C'est comme pour les livres et l'écriture. Si quelqu'un m'avait dit un jour que je passerai des heures plume en main ou le nez dans une œuvre littéraire...

Mes interrogations d'il y a quelques jours n'ont pas tardé à obtenir réponse : mon volatile n'a pas rencontré une autre donzelle volatile sur la route, ni un rapace affamé, il est bien arrivé à destination.

Citation:

    Cher Comparse de plume,

    il semble bien que nos volatiles se soient entrechoqués, s'emmêlant les pattes de nos messages et que nous les ayons reçus en même temps.

    Ne voulant nous inonder une fois de plus je me contenterai d'un

    "comment se passe votre migration vers Ste Illinda ?"

    Tourbillon de pensées,

    Zéf


Et si vous croyez que j'aurais pu m'en tirer aussi facilement que ça, vous vous mettez le doigt dans l’œil jusqu'à l'omoplate mes chers! C'est qu'elle est parfois rapide sur sa plume la ventée! Aussi rapide que le Ponant! (Non, non, pas la défunte alliance contre le royaume de France, je parle bien ici de ce vent d'ouest qui souffle parfois sur les côtes africaines. Quoi? Vous trouvez que j'en connais des choses pour une barbare du nord? Ben ouais! Comme quoi, ça peut finalement servir de fréquenter les vieilles bibliothèques). Après cette courte missive, ne voilà t-il pas qu'une autre m'arrive dans la foulée de la première. Mais cette fois, c'est du lourd!


Citation:

    "Mon Cher,

    S"il m'arrive effectivement de savourer des périodes de silence voire de solitude profonde, il n'en demeure pas moins que ma langue quand elle est laissée en liberté ne se contient qu'à grand peine. Et le pire, c'est que la plume suit !
    Si cela vous déplait... envoyez moi au diable vauvert ! Mais, pardonnez si je présume par anticipation, j'en doute. Ne rougissez point, votre verve vaut bien la mienne...
    Peut-être est-ce le propre de ceux qui ont frôlé la mort que d'avaler la vie pleinement et de débiter sans prendre le temps de respirer sous peine de manquer de souffle trop tôt.
    La mort, la vôtre physique, la mienne .. de l'âme. Le feu de l'affineur qui nous fait grandir et transforme n'est-il pas ?
    Pour autant, je suis, je suis.. le fil de vos idées, je déroule vos mots, les regarde se nouer, et guette attentivement le dessin du canevas de votre vie se profiler à mesure.

    Pour l'acrostiche, pensez donc... si j'avais mis un ø vous auriez tout de suite repéré qu'il y avait une étrangeté dans le texte. L'omission fut donc volontaire. J'avoue en toute honnêteté que je me suis demandée si je poursuivais avec "Eriksen".. mais là je pense que la malle poste se serait écroulée sous le poids et la deuch' n'aurait pu gravir les ultimes côtes. Vous fûtes donc épargné par une coulée de lave supplémentaire au risque de brûler vos rétines vous évitant de vous effondrer, harassé par une lecture somme toute indigeste et aveugle.

    Ainsi, vous connaissez ce bon vieux Babar (cf. frère Bardieu)... si vous le croisez transmettez-lui les bons souvenirs de la Ventée hérétique... il comprendra aisément. Surtout ne lui parlez point de votre trouvaille, il pourrait s'en trouver mortifié. Quand à l'imaginer rejoindre le rang des castras, à son âge canonique, je plaide en sa faveur.. non par pitié ou pour le soulager mais pour prendre grand soin de mes oreilles et de celles des ouailles qui entendraient sa voix chevrotante suraigüe s'élever dans le choeur des offices. Le Ciel lui prête vie encore longtemps mais qu'il reste enfermé ... il a réussi à me dégouter de la religion aristotélicienne à lui tout seul !

    Ceci dit, je ne doute pas que votre séjour à Ste Illida sera des plus agréables. Pour y avoir séjourné à son ouverture, profitant d'un cours de brassage de bière inaugural durant toute une semaine, je reconnais que cela me fut bénéfique. Bon, ça ne vaut pas la bière de Tastevin ou la blanche de Bruges (ex-flamande chauvine moi ? pensez-vous !) mais vous ne devriez pas être déçu des papilles.
    Que cette liste de noms fut sujette à tentations et porteuse de bien d'envies... vous oubliez la Pêcheresse, la Nuit Rousse, Dragons, et celle évocatrice de mes origines... la Morgane.
    Vous semblez surpris que je m'y entende un peu ? Bien sûr qu'une guyennoise adulant le vin aime aussi la bière. Attendez que l'on compare nos descentes respectives, voir si elles sont aussi vives et déferlantes que nos missives !

    A vous terrer en méditation pour je ne sais trop combien de temps, profitez pour implorer vos saintes, j'y adjoindrai mes pensées aux vôtres et mes prières, offertes tant à notre Père qu'à ma Grande Déesse, réclameront pour vous un miracle. M'enfin, pardonnez mon incrédulité, je persiste à croire que des soins physiques seront bien plus efficaces que de vaines chandelles brûlées dans le vide.
    Si en effet une des religieuses acceptait de faire fi de ses émois à vous découvrir, et, ayant l'âme charitable, fasse office de masseuse je serai comblée.

    Les deux pots d'onguents que je vous aie fais parvenir en sus de ce pli sont une nouvelle formule que j'ai passé mes nuits de chevauchée à élaborer en recoupant plusieurs recettes anciennes.
    L'objectif étant de favoriser le retour veineux, le sang qui afflue en masse ravivant les sensations, et de tonifier les vaisseaux. Les massages sont toujours aussi indispensables.
    Et comme de bien entendu, j'ai tenu compte de vos revendications dans sa composition :
    cyprès, hélichryse, lentisque, menthe poivrée, ciste, romarin, sauge officinale, cèdre, citron, fenouil, genièvre, géranium, lavandin, orange, pin sylvestre, thym ET vétiver.
    Son application devrait en être agréable. Et pour la quantité vous n'aurez ainsi pas de pénurie tout le temps de votre séjour.
    Peut-être un jour vous apprendrai-je de vive voix comment Avalon qui vit ma naissance me permit d'acquérir ces savoirs presque évanouis après tant d'années sans pratique. Si je me mets à vous le conter maintenant... il va vous falloir un baudet supplémentaire pour emporter tous les rouleaux des différents tomes à décortiquer et je sens que Babar aura une raison supplémentaire de pester à mon encontre (mais ça aussi c'est une histoire épique) !

    Très Cher, gardez en réserve de ces mythologies nordiques dont vous avez tracé quelques esquisses et que je connais si mal.. les celtes, oui, les grecques et les romaines aussi, les égyptiennes, un peu mais point tant les nordiques. Et j'en serai friande lors de notre rencontre future que j'escompte bien obtenir quand vous serez libéré.

    Dans l'attente de ce jour et de vos prochaines missives jusqu'à votre cloîtrement, le Ciel vous préserve des coups du sort.

    Un souffle caressant votre âme en ce jour...

    Zéf' - Brise troposphérique

    PS 1 : Bulle et moi sommes parvenues à destination sans encombres !! Un miracle... Et noooon, elle n'est pas curieuse enfin juste de la vie.. nous partageons tout, enfin beaucoup de choses va-t-on dire, mais gardons tout de même notre... jardin secret personnel.

    PS 2 : une pièce magique... il va falloir l'essayer, à voir si ça vous fait apparaître instantanément près de moi............................... hum.... ah ben non ! elle doit être en panne !!! Vous m'avez refilé du toc ! de la pacotille !!! z'allez voir quand nous nous reverrons.. m'arnaquer, moi !!!!!

    PS 3 : m'est avis que vous risquez de tourner la tête des nonnettes avec votre nouvelle fragrance... amusez-vous bien ! mais gare à votre coeur.

    PS 4 : "les respects délictueux", je suis curieuse de savoir ce que cela donne en pratique....

_________________
Zephyre
Un buste qui se dresse brusquement dans la pénombre. Le regard est hagard. Les lèvres qui s'entrouvrent gardent le cri qui voudrait s'échapper captif. Le palpitant s'emballe. L'esprit, emprisonné par la terreur qui le saisit, l'isole de ce qui l'entoure. Eperdue, et perdue. La nausée qui reflue traduit les aigreurs qui agitent ses entrailles. Suée qui perle. Et puis la délivrance, soudaine, dans un flot de larmes silencieuses et de sanglots hoquetants. Effondrement de l'Être. Recroquevillée, elle laisse la tempête déferler jusqu'à épuisement.

Elle finira par rendormir à grand peine, harassée par la lutte, le corps prenant le pas sur la résistance mentale. La veille, la foudre s'est abattue sur elle en la personne de sa fille et de ses mots lacérants. Au petit matin, l'entrée en Arles verra ses angoisses prendre forme humaine. Le soir, la rencontre qu'elle est venue quérir et qui lui étreint les tripes déterminera de la suite des évènements et de son chemin.

Comme elle l'envie, Lui, qui s'est réfugié dans le Prieuré guyennois. L'espace d'un instant, fugace, elle eut bien échangé leurs situations respectives, handicap inclus.
La Brune songe à ses confidences, au livre de sa vie qu'il lui déroule peu à peu, dans ce qu'il veut bien dévoiler à l'inconnue qu'elle était voilà encore une semaine. Et Elle ? Que partage-t-elle au juste ? Elle s'ouvre toute en retenue.
Elle lit ses mots, ne sachant quel degré d'intimité leur accorder dans cet échange épistolaire qui la déconcerte chaque jour un peu plus.

Levée bien avant les premières lueurs, matines pas même sonnées, les traits tirés par le manque de repos véritable, ce sont des yeux cernés et bouffis qui réceptionnent d'abord le messager ailé puis déchiffrent le contenu.


Citation:

Expéditeur : Soren
Date d'envoi : 16/03/1462
Titre : Perdu de vue

A vous, celle qui a la plume si facile et si légère qu'elle survole le parchemin

Je vous rassure tout de suite : vos volatiles sont arrivés sans encontre jusqu'à cette partie sauvage de Guyenne que je ne connais pas. Comment se passe ma migration précoce (et je vous interdis d'imaginer un autre nom avant cet adjectif, c'est compris?) vers Ste-Illinda? Eh bien, je vous le dis si vous me promettez de ne pas éclater de rire comme une soule qu'on aurait trop bourré! Bon! Je vais ne vais pas attendre votre accord. Je me doute bien qu'il sera positif. Et puis...J'avoue, c'est une façon de forcer votre accord, oui!

Alors voilà... En quittant Castillon, j'étais convaincu que Ste-Illinda se trouvait entre Castillon et Marmande. Me voilà une charriote de paysan en direction de Marmande. Au milieu du chemin, je demande donc à mon bonhomme de m'arrêter là. L'homme me regarde d'un air hagard, se demandant bien s'il n'y a que mes jambes qui ne fonctionnent pas. Il me débarque près d'une petite chapelle dédiée à Sainte-Brigitte, se gratte la tête, me demande si je vais bien, puis file vers Marmande. Il m'a fallu un peu de temps pour comprendre que les alentours étaient vide de tout! J'ai attendu là un bon moment, lové dans les bras de Sainte-Brigitte jusqu'à ce qu'une jolie marchande passe par là. Elle m'a logé entre ses tonneaux (oui, oui! Ceux qu'elles transportaient. Des tonneaux de vin en provenance de Castillon) et m'a expliqué que Ste-Illinda se trouvait entre Marmande et Bazas. Eet voilà comment un fier ex-guerrier est entré dans la première ville guyennaise : entre des tonneaux, avec une réputation peu flatteuse et accompagnée d'une tavernière hilare comme jamais elle ne l'avait été.

Souffrez donc, ma dame, que ce message soit court. Je suis à bout d'encre. Il me faut maintenant trouver de quoi vous écrire plus longuement dès que possible...et trouver une nouvelle charriote qui me mènera jusqu'à Sainte-Illinda...Si le prieuré se trouve bien entre Marmande et Bazas. Ce doit être vos tourbillons de pensées qui m'ont fait tourner la tête.

Respect.______



Bouffée de fraîcheur. Tentures oculaires qui se rabattent un court instant. Profonde inspiration. Il ne sait pas combien ce message là et l'espoir du suivant vont être une ancre pour affronter l'ouragan qui se prépare.
Un doux sourire naît enfin sur son visage tandis que ses pulpes passent et repassent sur le velin comme si les mots en étaient en relief et qu'elle les voyait au bout de ses doigts dans sa cécité de circonstance.


Zephyre

Silence.




Solitude.




Accalmie.



Pas un mot ne fut échangé entre les deux amies au cours des deux jours qui suivirent ce soir-là.
Au sortir de la taverne, la Bulle l'attendait. Un mouvement de tête négatif agitant un chignon bouclé aussi défait et pitoyable que le chef de celle sur lequel il était juché lui apprit tout ce qu'il y avait à savoir. Claquement de talons, suivi d'un claquement de rênes, et voilà qu'Arles fut quittée plus vite qu'escompté initialement, bien que l'éventualité en fut envisagée dès le lancement du voyage. L'âme lourde.

Nîmes, le 17. Alais, le 18. Un nouveau corbeau noir. Perspective réconfortante, presque enjouée, mais ô combien erronée. Cette fois, l'oiseau de malheur remplit son office correctement. Impassible elle fut à lire l'information, Albunea partageant la découverte en même temps qu'elle.






Arles, le 18 mars 1462 -

Dame Zephyre,

Par la présente la maréchaussée tient à vous présenter ses condoléances.
L'homme, reconnu par quelques habitants et soldats bretons qu'il semblait accompagner et répondant au nom de Socrate selon leurs dires, a été retrouvé pendu à un arbre à la sortie de la ville.
Un document en sa possession dans son habit faisant mention de votre nom nous tenions à vous tenir informée de ce décès.



Laconique, c'est le moins que l'on puisse dire.

Un profond soupir. La Tempête avait encore sévi, et le couperet était tombé. Il ne serait que le cinquième dans la vie de la Ventée à avoir préféré la mort qu'accepter une rupture. Elle commençait à s'effarer elle-même à y songer. Semer la mort... sans armes.
Le Danois lui avait recommandé d'user de moyens raffinés et subtiles. Elle n'avait pas besoin de tant : les mots avaient toute sa prédilection et s'avéraient d'une efficacité redoutable.

Quelques heures plus tard, l'ombre d'un nouveau volatile raviva ses appréhensions. Il provenait bien de son nordique et reclus propriétaire cette fois.


Citation:


Expéditeur : Soren
Date d'envoi : 18/03/1462 - 19:31:44
Titre : Après le vent le bon ou le beau temps?



Elle sourit ironiquement à lire le titre et répondit tout de go à haute voix, parlant au velin comme si son correspondant lointain était en face d'elle

La MORT !

avant de poursuivre la lecture

Citation:


Prieuré Sainte-Illinda, Guyenne
le dix huitième jour du mois de Mars de l'an MCDLXII

Ma dame,

Sentez-vous ces fragrances venir caresser vos papilles nasales? Je me trouve actuellement dans le réfectoire du prieuré de Sainte-Illinda, dans votre Guyenne chérie, entouré de jambons (je parle bien de cette fesse de cochon dont on se nourrit), de miches dorées (celles qui sortent du four du boulanger et que de là), de pots de lait que la petite perrette a apporté tantôt et que quelques tonneaux de bière qui sont passés il y a peu sous le contrôle de qualité d'Alfonse. Un bien drôle de bonhomme que ce sieur-là d'ailleurs!

A mon arrivée à Sainte-Illinda, J'ai croisé soeur Marie-Clarence et Mère Ellya. Quelle malheur pour la première d'être cloîtrée à un si jeune âge! Ses parents doivent être des personnes cruelles sans aucune considération pour leur fille. Je présume qu'elle est là pour accroître l'influence familiale au sein du clergé. Pauvre fille. Elle est cependant loquace et de bon aloi. Je l'aime bien. Elle est charmante. Voyez-vous, malgré toutes les vicissitudes que le Très-Haut m'a imposé, je n'ai pas envie de lui imposer la tâche supplémentaire de me masser les jambes. La dernière à s'y être essayée est tombée dans mes rais et je le regrette encore. Mère Ellya, elle, me semble faite d'un alliage plus apte à endurer les difficultés de la vie. Elle a un caractère forgé dans le granit de je ne sais quelle falaise. Cela ne m'étonnerait guère qu'elle soit d'ailleurs encore pucelle tant elle fait preuve de peu de compréhension à mon égard. Elle a en elle la froideur de ces femmes qui n'ont pas connu les plaisirs de la chair. Oserai-je vous dire que si le père Bardieu avait un jour la folle idée de monter une armée pour défendre la sainte parole cistercienne, nul doute que Mère Ellya aurait les talents pour y être placée à sa tête! Rigueur, discipline, dureté... et aussi froide que la pierre de Nantes.

Je n'ai pas encore croisé le père Bardieu. On m'a dit que l'homme est fort occupée et je comprends mieux désormais vos sous-entendus quand à ses pratiques fort peu vertueuses. Dussé-je avoir le langage un peu trop vert à votre gout, je vous dirai néanmoins qu'il y a à Sainte-Illinda des nonnettes en goguette qui ne dépareilleraient pas dans le plus luxueux des établissements aux volets clos et qui arborent une lanterne rouge à l'entrée. Comprenez-vous donc mon trouble lorsque, dansles premiers jours de ma présence à Sainte-Illinda, Mère Ellya m'a laissé me trémousser seul au sol? Non, non, rassurez-vous : je ne laissais pas de trace visqueuse au sol mais à cette hauteur, je devais passer pour celui qui faisait des pieds et des mains pour voir sous les robes des nonnettes. Imaginez-vous un peu la honte que je devais ressentir? Honte de ne plus être considéré comme un véritable homme, honte de pouvoir être assimilé à un pervers.

Vous? Une flamande? Vraiment? Je ne suis jamais passé en Flandres, juste en Artois. Si vous êtes flamande, vous devez sans doute savoir cuisiner la carbonnade flamande à la bière et à la moutarde de Meaux non? Je vous échange une dégustation de ce plat contre un Smørrebrød, spécialité danoise toute simple mais ô combien délicieuse. J'ose espérer que vos talents culinaires sont au niveau de votre bagou littéraire et en profite pour vous suggérer quelques bières flamandes que vous pourriez utiliser pour ce plat comme la Kriek becasse, la Tripel Karmeliet, la Petrus Blonde ou encore une Leffe ou une Maredsous. Évitez les bières blanches, elles ne donnent pas assez de goût à la viande. Si je fais confiance à votre palais pour le côté vinasse (encore que si vous n'avez pas goûté un Bergerac 1455, vous n'avez rien goûté), faites de même en ce qui me concerne pour les bières. Il n'y a pas mieux qu'un danois pour cela. Le Père bardieu n'a pas idée de la perle qu'il vient de recruter pour améliorer la qualité de son produit.

Vous décevrai-je si je vous dirais que votre acrostiche n'est pas passé inaperçu? Vous avez mis trop d'espace entre le première lettre et le reste du paragraphe. Cela a attiré mon attention. Venant de n'importe qui d'autre, moi y compris, cela aurait pu passer pour une erreur, pour une étourderie. Vous n'avez, malheureusement pour vous, pas cette chance. Vos phrases sont trop structurées, vos mots trop bien choisis, vos tournure trop bien léchées pour que cela passe pour une étourderie. Comme quoi, la perfection n'est pas toujours un avantage, voyez-vous?

Quand vous aurez réussi à dominer vos tentations et vos envies, me feriez-vous l'honneur de m'expliquer en quoi Morgane, la Grande Déesse et Avalon peuvent bien avoir à faire avec une guyennoise comme vous? Qu'est-ce donc que toutes ces références païennes? Je comprends que vous ne portez pas l'aristotélisme dans votre coeur (vu le poids de certains prélats, je ne peux que vous comprendre et abonder dans votre sens), mais est-ce une raison pour vous jeter à corps perdu dans le paganisme? Êtes-vous donc de celles qui dansent nues autour d'un feu les nuits de Solstice? De celle qui parlent aux animaux? Elevez-vous des rapaces nocturnes pour faire fuir vos prétendants? Oui, je sais, vous m'avez déjà dit que les sorcières de 1462 ont évolué par rapport à leurs aieules, mais tout de même, avouez que vous cultivez volontiers le mythe! Tiens, à ce propos, vous ai-je déjà dit que la fauconnerie a toujours fait partie de mes intérêts sans que j'eusse jamais l'occasion de m'y adonner?

Je dois vous confesser un fait. Si, si! J'ai été tellement occupé avec mon installation à Sainte-Illinda que j'ai complètement oublié de poursuivre mes massages avec votre onguent. D'ailleurs, à ce propos, puis-je vous solliciter une nouvelle fois afin d'obtenir votre aide à titre gracieux ? Accepteriez-vous d'écrire à Mère Della, Ellya ou Marie-Clarence afin de leur demander si l'une d'elle peut appliquer votre onguent sur mes jambes ou cela irait à l'encontre de vos principes païens? Voyez-vous, qu'un homme demande ceci à une soeur et il risquerait aussitôt de se prendre une gifle monumentale. Oh, ce n'est pas en soi la gifle que je crains mais plus le fait d'offusquer une des nonnes que je fréquente chaque jour.

Remerciements anticipés.

De la part de Frère Søren (For fanden, jamais je n'aurais cru entendre ce terme accollé à mon prénom)

Pieusement vôtre (Je vous prie de bien porter attention à la moindre lettre et de ne point accoler un T imaginaire entre le I et le E)

P.S : Pour la pièce magique, ce n'est pas de ma faute si elle ne fonctionne pas. C'est comme votre Avalon ou mon Aristote, il suffit d'y croire pour y voir déjà ses premiers bénéfices.

P.P.S : Si jamais votre onguent ne contient, ne serait-ce qu'un soupçon de pouvoir aphrodisiaque, soyez certaine que je demanderai au père Bardieu d'ester en justice à votre encontre pour trouble à l'ordre pudique. (Une nouvelle fois, portez attention au moindre de mes mots. Je n'ai dit ni public, ni pubique. Dans le cas contraire, Vous pourriez aisément vous fourvoyer dans le sens de ma phrase)

P.P.P.S : Quand aux respects délictueux, oubliez-les, vous ne savez pas dans quel chemin tortueux vous devriez vous engager à vouloir ainsi percer leurs mystères.

P.P.P.P.S : Au fait, où en est votre voyage? Le chaud soleil de provence a t-il réussi à vous sortir de votre chambre? Fait-il assez chaud pour que vous ayez déjà pu prendre un premier bain de Matines?



Si ce n'étaient les circonstances, elle rirait joyeusement tant il l'amuse. Elle se contenta d'un sourire délicat. Puis se tournant vers sa Bulle l'interrogea


Tu crois que je devrais persister dans cette correspondance ? Est-ce judicieux à ton avis ?

Le long regard qui s'ensuivit et qu'elles échangèrent fut des plus éloquents.


Zephyre

L'annonce l'avait passablement affectée. Mais elle s'en remettrait. Elle s'en remettait toujours.
Il fallait bien lui répondre, le temps s'écoulant souvent plus promptement qu'on ne le souhaite en vérité : l'envie était là, mais le coeur non, et les mots s'entrechoquèrent longtemps par manque de fluidité naturelle, parlant beaucoup, souvent pour ne rien dire, ou si peu. Il finira probablement un jour par s'interroger, voire la tancer à ce propos, enfin... s'il le remarque. Après tout, il n'est qu'un homme. Qu'importe.
Ce soir, elle força le trait d'humour graveleux espérant masquer sa tristesse et éludant ce que la chagrinait... qu'aurait donc à faire de ses confidences sur ses émotions un étranger, aussi sympathique et agréable fut-il ? Telle était la question.

Le pli scellé et envoyé, un autre suivi, répondant ainsi à la volonté de celui dont elle languissait pourtant déjà la prochaine épistole, requérant un service... ou plutôt deux.





Entre Rodez et Villefranche de Rouergue,
le 21 mars 1462


Soeur Ellya,

Probablement avez-vous oublié qui je suis. Le temps passe si vite loin de l'effervescence de la Capitale bordelaise que j'ai eu le grand bonheur de diriger voilà plus de deux années désormais.
Pour autant, je fais appel en ce jour à vos bons services, et à la charité que vous accordez à vos ouailles.
Vous avez en effet accueilli il y a peu entre les murs de Ste Illinda un retraitant, un étranger handicapé répondant au nom de Soren Eriksen.
Je vois que vous vous demandez déjà ce qui va à nouveau vous tomber sur le crâne après l'avoir vu ramper à vos pieds.
C'est à ce propos que je me permets de quérir votre aide.

Une rencontre fortuite avec l'Homme voilà quelques jours a fait que je lui ai offert mon concours dans la quête qu'il a à recouvrer l'usage de ses jambes. Ne vous interrogez pas sur le pourquoi de cette proposition envers un strict inconnu, vous seriez bien en peine d'en découvrir la réponse ne l'ayant pas moi-même ou n'en maîtrisant point totalement les tenants et aboutissants.

Possédant certaines connaissances de formules anciennes d'onguents je lui en ai fait parvenir quelques pots. Mais il s'avère que seul, la pose est incommodante. Il ne veut pas qu'un homme s'avise de le toucher. Et n'ose faire appel à l'une des religieuses par crainte que cela fut mal interprété dans l'intention.

Aussi est-ce moi en ce jour qui intercède en sa faveur : connaîtriez-vous ou auriez-vous quelqu'un à lui recommander
- de la gent féminine,
- qui vivrait au couvent ou dans ses proches environs pour être rapidement disponible,
- qui sache être à la fois ferme et souple dans la prise en main afin de lui assurer un massage tonique mais point trop le broyer,
- qui pourrait besogner matin et soir sans interruption toute la semaine,
- n'ayant pas de pruderie excessive face à une nudité partielle -forcément il faut bien toucher la peau pour faire pénétrer le produit- et
- qui examinerait attentivement avec lui les suites des applications quotidiennes afin qu'il m'en fasse un compte-rendu et que j'améliore la formule ?

Je ne saurai que trop vous en être grandement reconnaissante.
Si défraiement est attendu faites-le nous savoir, que je m'en arrange avec lui.

Toujours le concernant, il m'a évoqué dans sa dernière missive l'indélicate situation lorsqu'il se trouve à ramper sur le sol tel un vermisseau. Certes cela fait travailler l'humilité sous le regard du Très Haut Eternel et je ne doute pas qu'un peu de ce traitement lui soit bénéfique comme à tout à chacun que le péché d'orgueil ou de vanité peut gagner à tout moment.
Mais, non content que la posture soit par trop délicate face aux jupons de vos couventines, le déplacement est malaisé et déshonorant.
Il m'a parlé d'un de vos hommes de confiance, homme à tout faire semble-t-il, Alphonse je crois.
Cet homme serait-il suffisamment habile de ses mains pour confectionner un appareillage facilitant son déplacement ? Je ne sais trop quoi, je ne suis pas ingénieur mais.. une sorte de charrette portative ou à roues, lui rendant ainsi partie de son autonomie dans ses déplacements dans l'enceinte du Prieuré et agrémentant son humeur le temps de la durée du séjour.

Certes, je m'avance peut-être un peu en vous demandant cela et souhaiterai vivement qu'avant de lancer la création d'un tel équipement vous mesuriez sa susceptibilité : je ne tiens pas à ce que ma demande le mette en porte-à-faux ou le pousse à m'invectiver à distance.
Si vous jaugez que la chose est judicieuse, que votre homme est capable de mettre au point un tel système, et que le Sieur en agréé la disposition, alors je me ferai fort de faire parvenir au Prieuré un don substantiel pour les oeuvres de charité sitôt que j'aurai été informée de la bonne réalisation du projet.

Je vous remercie amplement par avance pour l'écoute et l'aide précieuse que vous vous voudrez bien nous apporter dans la résolution de ces épineux problèmes. Vous penserez peut-être que j'en demande beaucoup, mais aux yeux de notre Saint Père tout ceci n'est rien tant qu'il s'agit de faire du bien à ses brebis n'est-ce pas ?!

Que le Ciel soit votre plus fidèle soutien. Nous avons tous une croix à porter.. la vôtre sera quelques temps danoise.

Avec mes plus profonds respects et ma gratitude la plus sincère,


Zéphyre an Avel - Aérée de la caboche en recueillement aussi.




"Maaaa foiiiiii.. advienne que pourra" pensa-t-elle.


Un peu plus tard la réponse se fit






Expéditeur : Ellya
Date d'envoi : 22/03/1462 - 22:39:45
Titre : Du Prieuré Sainte Illinda, mars 1462

A Vous, Zephyre an Avel, Soucieuse de son prochain
De nous, Mère Ellya, Occupée par le fameux prochain

Je vais entrer directement dans le vif du sujet.

Ce soir est un grand soir, ma fille. Vous allez être ravie d’apprendre qu’une de nos Cisterciennes prend grand soin à s’occuper de votre ami danois. Très vertueuse dans l’âme, elle a accepté sans rechigner de lui appliquer cette pommade que vous mentionnez dans votre lettre. Aussi, si vous pouviez nous en faire parvenir, nous vous en serions grées. Je la transmettrai à Mère Clarence, c’est son nom.
Elle a également su devancer vos pensées concernant cette histoire de chaise à roues. Votre Danois a pu l’expérimenter ce soir, et en semble relativement satisfait. Voilà qui résoudra ses problèmes de pudeur et de trop grande humilité, je le concède. Au besoin, il n’est pas seul.
Sœur Clarence a dû user de ses propres écus pour tout cela, mais ne demande rien en retour. Ainsi, nous ne vous demandons rien, si ce n’est votre baume.
Il commence même à participer à l’élaboration de notre bière. J’espère vous voir un jour en nos murs pour la goûter. Je vous y accueillerai personnellement.

D’ici là, continuez à œuvre comme vous le faites.
Que Sainte Illinda vous garde,

Mère Ellya.



Voilà qui la satisfaisait pleinement. Il faudrait écrire pour remercier. Le chagrin n'efface pas la courtoisie.


Soren
- C'est lui qui t'envoie?

- Oui...et non. Comment vas-tu?

- Comme tu peux le voir...Ici, c'est la paradis sur terre! Bonne nourriture, vue imprenable sur la côte et des filles toutes plus jolies les unes que les autres...

- Seurn...je...

- Tais-toi! Je n'ai pas fini! ...j'allais juste ajouter qu'il est dommage que ces chaînes m'empêchent de profiter de tout ça, tu vois? Tu veux me les retirer? C'est pour ça que tu es revenu? Je savais que je pouvais compter sur toi Niels!

- Tu me juges sans connaître les faits!

- Non! Ce n'est pas toi qui est jugé ici! C'est moi! Jugé...et condamné!

- Seurn... Tu devrais écouter ton père. Les intérêts du duché passent avant tes propres sentiments.

- Va te faire foutre Niels de Castral-Roc! Tu m'as trahi! Tu t'es rangé de son côté, toi que je prenais pour mon ami le plus proche!

- Qu'est-ce que tu veux que je fasses for fanden! C'est lui qui dirige! C'est à lui que l'on doit respect et obéissance!

- Le respect, ça se gagne, il ne vient pas avec un titre ou une fonction.

- Ça ne change rien aux faits : il est tout-puissant.

- Il abuse de ça, Niels, et toi tu te prosternes à ses pieds. Que t'a t-il promis? Des terres? Une épouse? Pourquoi ne prends-tu pas celle qu'il voulait pour moi? Ça arrangerait tout le monde : lui, toi et moi!

- Même si mon père est son vassal, je ne suis pas son héritier et ça, tu le sais aussi bien que moi! Ce mariage devait servir les intérêts de ta famille, pas de la mienne!

- Tu étais mon ami. Mon ami le plus proche! J'avais confiance en toi...et tu t'es rangé de son côté!

- Comprends-moi, je n'avais pas le choix!

- On a toujours le choix! Je m'étonne juste que tu aies estimé qu'il était dans son bon droit et que j'étais moi le fauteur de troubles.

- Seurn... Je ne suis pas venu pour discuter de mes motivations. Je suis porteur d'un message de ton père. Seurn, il te laisse le choix entre... mourir ici ou être banni à tout jamais du Royaume.

Les matines viennent de sonner. Dans le noir de la cellule d'Alfonse, je viens brutalement d'ouvrir les yeux. J'ai le coeur qui bat à toute vitesse, une goutte du sueur qui perle sur le front. J'ai encore du mal à distinguer ce qui est onirique de ce qui est réel. Les ténèbres sont bien présentes et l'odeur fétide de la sueur de mon hôte me laisse à penser que je suis encore à Helsingør. Ici, il fait moins froid que là-bas cependant. C'était aussi le printemps, un printemps propice aux inondations. Je suis toujours dans une prison. Celle-ci est volontaire et bien plus accueillante. Alfonse ronfle dans son coin. Je n'ai pas de chaînes qui entravent mes mains. Si mes jambes ne bougent pas, ce sont pour d'autres raisons. Niels n'est pas là. Pourtant je sens encore sa présence comme s'il se trouvait dans l'ombre, prêt à frapper dans le dos une fois de plus. Des frissons me parcourent le dos. Je grelotte comme quand j'étais prisonnier là-bas. Ici sur les murs, il n'y a pas de mousses, de pourritures. Les murs ne suintent pas. Le sol n'est pas couvert de matières fécales. Tout cela réside encore dans ma tête cependant.

Citation:

    Quelque part entre Espalion et Rodez,
    entre le 21 et 22 mars 1462, dans une nuit noctambule.

    Au Prieur (im)pénitent,

    Søren, vous voulez vraiment compliquer ma tâche ?
    Comment donc vais-je commencer mes pavés moi désormais ? Par .. l'Ami ? trop familier... ; Mon Très Cher ? Un peu trop intime... ; Mon Frère ? par trop distancié. Alors quoi ?
    Je reconnais volontiers que j'ai du mal à vous imaginer en robe de bure en train de mener une vie d'ascétisme au vu de tout ce que vous m'avez conté. Mais pourquoi pas après tout, personne n'arrivait à m'imaginer en religieuse quand je voulais rentrer dans les ordres à l'époque !

    A l'évocation de votre séjour me parviennent les relents non pas de cochonnailles ou de matières premières fermentées jusqu'à l'alcoolisation qui me mettraient l'eau à la bouche mais plutôt ces odeurs rances, celles de ces livres dont les pages moisissent avec l'humidité, de ces paillasses dont la rugosité est censée porter vers la méditation loin du confort qui endort les esprits, de ces fromages qui remplissent les caves d'odeurs putrides pourtant annonciatrices de délices à venir. Je n'ose rajouter à cette liste les religieuses formolisées ou les curés décatis. Là, nous retomberions carrément dans ce qui fut les débuts de l'histoire de l'Humanité avec ses derniers représentants rescapés d'un autre âge.
    Pourvu que votre séjour reste l'agréable dépaysement champêtre divertissant qui semble ressortir de votre missive. Tout ce qui est bon pour l'âme est bon pour le corps paraît-il.
    Ceci étant je suis persuadée que vous dire de ne pas vous fier aux apparences, pour quelqu'un de votre trempe et possédant un tel vécu, serait un conseil superflu et perte de temps.

    Sachez que Ellya est ou fut mariée. Je n'ai pas suivi les potins religieux guyennois depuis que les bruissements de son accouchement parvinrent à mes oreilles il y a de cela plusieurs mois si ce n'est plusieurs années pour savoir ce qu'il en est advenu depuis.
    M'est avis qu'il va vous amuser de chercher à la pousser à bout pour connaître ses limites. Dans le cas contraire, pardonnez si j'ai osé imaginer une telle chose vous concernant. J'aurai tendance à vous voir comme une sorte de... mouche du coche. Sans critique aucune de ma part. J'aime bien aussi jouer les aiguillons par moment. Amusez-vous bien donc !

    Quant au fait de dévoyer les nonnettes... alors là... l'une de mes moitiés s'est acoquinée avec une religieuse qui n'a de vertueux que le visage qu'elle présente, pur et angélique, mais qui, dans la pratique, s'est fourvoyée dans une luxure digne des anneaux de perversion du Sans Nom sous la houlette d'une autre encore pire qui avait transformée la capitale bordelaise en lupanar géant.
    Au moins vous aurez de quoi vous rincer l'oeil... et le reste, et de prendre "plaisir" à votre introspection.
    Quoi je deviens grivoise ??? Bah.. je sais de quel bois se chauffe un homme surtout !
    Pour ce qui est d'être assimilé à un pervers, craignez plutôt le regard de pitié ou concupiscent que tout ce beau monde pourra poser sur vous bien plus que celui d'une réputation déshonorante. A moins que vous ne leur donniez effectivement du grain à moudre mais après tout, cela ne me regarde pas.
    Bardieu ne pourra que vous comprendre et vous absoudre.

    Je prends acte de votre proposition culinaire : échange de bons procédés oblige nous serons donc aux fourneaux pour partager nos spécialités et régaler nos papilles respectives. Il n'y a pas que le balai dont je sache manier le manche avec dextérité... celui de mes cuillers en bois aussi ! Et pas que... Indiquez-moi donc le jour où vous voudrez que nous passions à table.

    Vous voulez savoir pour Avalon... hum.
    Voilà près de 18 ans que j'ai fuis le pays de mes origines qui me destinait à un avenir tout tracé. J'avais alors 15 ans. Dans mes errances j'ai cherché la foi, et l'ai plus ou moins trouvée. Du moins, je compose. Aucun prélat n'ayant pu à ce jour apaiser ma soif de compréhension des mystères divins je n'ai jamais fini aucune pastorale entamée (et elles furent au nombre de trois) et n'ai donc pas pris le baptême. Ainsi oui, la Grande Déesse côtoie le Père, le Très-Haut dans mon coeur.
    Et les rites dans tout ça ? Si votre tête a eut "l'intelligence" de vous faire oublier ce qui vous a fait souffrir, j'ai pour ma part enterré ce qui fut mon passé. Une partie dans le cimetière de Bordeaux, l'autre laissée en haut des falaises normandes d'Etretat.
    Donc, noooon, je ne danserai pas nue autour d'un feu de Beltane, offerte à votre regard. Il y a tant d'autres occasions que celle-ci pour un plaisir tout égal.

    Un faucon !!! Voilà qui pourrait remplacer avantageusement les corbeaux. A quand vos premiers volatiles dressés au transport de nos échanges ?

    Je constate avec dépit mais compréhension que le traitement fut interrompu.
    J'ai eu ces jours derniers fort à faire et à penser mais dès cette missive-ci achevée, je me hâterai d'écrire à Ellya pour requérir son aide pour vous. De nouveaux pots d'onguents ne vous parviendront que lorsque les précédents auront été usités avec peu ou prou de résultats ou au contraire un miracle spectaculaire, ce dont j'attends d'ailleurs le récit complet.

    Point de détails à vous narrer sur le passage en Provence. Telle la Brise... la Bulle et moi sommes passées. L'affaire que j'avais à y régler fut bouclée en moins de temps qu'il ne m'en a fallu pour écrire ce billet et par conséquent, rien ne nous retenant là-bas, et surtout pas une guerre qui ne nous concerne pas, nous avons pris le chemin du retour, d'où je vous écris présentement. Et pour le grain... il fut à l'orage, je doute qu'il vous aurait convenu. La mer, houleuse, a ballotée jusqu'aux âmes sensibles. "S'abstenir donc de ramener quoi que ce soit" s'avéra mon parti prit.
    Je serai quitte à y retourner en d'autres circonstances plus heureuses. Ou à ce que vous y alliez par vous-même ! Ou même pire... que nous fassions le voyage ensemble pour comparer nos impressions !

    Mes prières vous accompagnent, puisse le Ciel éclairer votre nuit noire et consoler nos âmes.


    La Ventée en berne


    PS 1 : heureusement que pour le "Pieusement" vous avez précisé la lettre T... parce que si ça avait été le N... je me serai inquiétée.

    PS 2 : pour les procès.. pouvez y aller sans problèmes, commencent à me connaître dans les salles de tribunal et même en Cour d'Appel...



Citation:

    Cher Søren,

    Un mot griffonné à la volée,
    Une pensée envoyée dans le vent,
    Un souvenir de cet instant passé,
    De cette auberge où je vous offris ma clef.

    Portez-vous bien et que votre séjour à Ste Illinda réponde aux attentes de votre coeur.

    La Ventée

_________________
Zephyre
[Petit dialogue entre amis... hautement improbable !... quoique...]


AH ! vous voilà donc Ami ! Il était temps que vous arriviez. Comment ça votre corbac a traîné ? Vous en foutrais moi du z'oizo !!! Excuse bidon pour se dédouaner de vot' flemmardise oui !
Bon, qu'avez-vous donc à raconter de beau... ou pas d'ailleurs ?!

Citation:

Expéditeur : Soren
Date d'envoi : 24/03/1462 -
Titre : Quand on tire sur la mouche du coche...


Bla bla bla bla bla

Citation:

Prieuré de Sainte-Illinda,
Sous le soleil du printemps, au pied d'un arbre à l'essence indéterminé.

Cher médecin,


Et paf... un coup de main pour ses pattes, une pâte à tartiner en pot plus tard et vlan vous voilà cataloguée médicastre en deux temps trois couches... pffff... cette manie bien franchouille de mettre les gens dans des cases, ça finira par bloquer l'évolution du Royaume de France des raisonnements pareils.

Citation:

Vous allez sans doute trouver cette lettre très différente des précédentes, au moins dans le ton de mes mots. Les réflexions forcées auxquelles ma situation actuelle me contraint ne sont pas propices à une grande excentricité. C'est au contraire l'esprit teinté d'une grande morosité que je prends la plume pour vous donner quelques nouvelles de votre enquiquinant client.


Bon ben... à gai, gai et demi, on va faire dans la gayté au mont Parnasse puisqu'il en va ainsi. Et pi à la sortie j'aurai même fait le noeud coulant d'avance, comme ça, si vous aussi il vous pique d'aller jouer à la balançoire humaine comme Socrate... ça s'ra fin prêt !

Citation:

J'imagine que votre lettre a porté fruits. Et pour cela j'imagine déjà que lettre de votre part au prieuré il y eut. Toujours est-il que Soeur Marie-Clarence s'est dévouée. C'est elle qui désormais officiera pour m'appliquer votre onguent sur les parties mortes de mon corps.


NOOOOOOON !!! Je ne tiens pas à savoir de quelles parties mortes il s'agit. Si la jeune religieuse astique... diligemment.. les jambes.. ça sera déjà pas mal pour mon imagination.

Citation:

Quand à celles de mon esprit, je vous avoue bien franchement que je n'ai pas encore trouvé de solutions. Je suis venu ici, à Sainte-Illinda, pour avoir le calme, pour faire le point sur ma situation actuelle et savoir de quoi mon avenir doit être fait. Mais le passé m'obsède. Il inhibe toutes mes facultés de raisonnement, et je dois bien vous avouer que celles-ci n'ont jamais été ma grande force.


AAAh ben mon p'tit père... on ne peut pas être la tête et les jambes, ça c'est juste vrai dans les jeux qui passent à la tél... euuuh dans les divertissements municipaux dominicaux. Enfin vous, maint'nant qu'y'a pu les jambes, on peut se demander c'que ça va donner.

Citation:

Je n'ai rien d'un rat de bibliothèque qui dévore les écrits avec avidité. Je suis un homme qui se complait dans l'action sous toutes ces formes. Dans l'action et dans les ennuis. La réflexion n'est pas mon fort. Je me suis toujours laissé guidé par mon instinct. Par certains côtés, je suis bien plus un animal qu'un homme civilisé.


Que voulez-vous que j'vous dise ? On ne peut pas être et avoir été... va falloir limer vos canines l'Animal oh, ah moins que vous les gardiez incisives pour rayer l'parquet...

Citation:

Ici, j'ai l'impression de vivre comme dans un monde qui n'est pas le mien. Les vêtements que je porte, les prières, les routines, tout ceci ne cadre pas avec le Søren que je suis...ou plutôt que j'étais.


Oui, enfin.. y'a pô d'quoi s'alarmer non pu... vous aurez tôt fait de les retrouver en sortant vos peaux d'bêtes et vot' massue pour assommer tout l'monde.

Citation:

Dites-moi Zephyre, avez-vous déjà eu envie de quelque chose que vous ne pouviez avoir? Oh, je ne parle pas d'une pomme rouge à souhait ou d'une parure qui vous faisiez envie. Je parle de quelque chose de plus fort, quelque chose qui peut être assimiler aux fondations de votre vie, quelque chose qui vous était cependant inaccessible?


Confidences pour confidences ? .... pppssssiiiiittt.. approchez-vous. Voilà. Plus près de moi là. Tendez bien la n'oreille à qu'est-ce que j'vas vous dire : "si on vous pose la question, dite juste que.. vous savez pas !"

Citation:

Je n'arrive pas à oublier. Je n'arrive pas à me résoudre que ce qui a fait ma vie passée doit être enterré à toujours jamais.


Faut savoir laisser les morts avec les morts, sinon ça pue dans vot'vie.

Citation:

Vous allez dire que je doute de l'efficacité de votre onguent? Oui. Pourtant, je ne vous en veux pas. Vous vous êtes lancé dans l'impossible et je vous remercie de votre sollicitude à mon égard. Si au moins votre onguent peut rendre mes jambes plus agréables au toucher et au regard, peut-être cela m'aidera t-il à accepter mon sort.


Té ! ça vaut ben la peine qu'la Ventée elle se découenne !

Citation:

Mais le baume qui pourrait être le plus utile en ce moment, c'est celui qui me fera oublier toute ma vie passée, qui changerait mon caractère pour faire de moi un vieux rat décati s'abreuvant de savoir et régurgitant sa contribution à la science, à la société, sous une forme ou une autre. Là est peut-être ma voie. Parfois, je me dis que le mieux qui aurait pu m'arriver, c'eut été de tout oublier, et non simplement ces deux dernières années : on ne peut regretter ce que l'on ne connait pas. Les souvenirs sont un terreau fertile pour les regrets.


AU FORMOL !!! AU FORMOOOOL !!! Une souris verte qui courait les bibliothèques... trempez la dans l'eau ça donnera un Danoiiiis tout chaud !

Citation:

Au couvent, Soeur Marie-Clarence (Enfin...elle est ordonnée. Il parait qu'il faudrait que j'appelle Mère une fillette plus jeune que moi) m'a construit une sorte de chaise mobile. Étrange instrument à dire vrai mais il permet d'éviter de me trémousser au sol comme une vieille limace.


C'est c'lui qui dit qui est...

Citation:

J'en ai été tellement surpris que je pense avoir oublié de la remercier pour son geste. Pourtant, elle a dû passer plusieurs heures de son temps libre là-dessus. Je sais qu'Ellya ne l'avait pas autorisé à travailler sur cette idée. Depuis, je grince dans les couloirs de Ste-Illinda au lieu de ramper. les progrès sont lents et le boeuf doit faire preuve de patience.


C'est ça quand on est rouillé des rouages.

Citation:

J'ai pris une décision récemment. J'ai commencé à me débarrasser des objets qui me ramènent sans cesse à mon passé. Premier victime de ma purge à la danoise : cette épée fine et longue qui m'a accompagné dans la majeure partie de mes combats au Danemark et en France.


Fichtre ! que ne m'avez-vous connu plus tôt ! C'est au travers du corps que vous auriez voulu vous la passer l'épée. Ca aurait nettement facilité les choses admettez-le.

Citation:

Les vêtements eux, ont fait les frais de la purge monacale.


Hey, dites à la cuisinière en chef d'arrêter la soupe à l'oignon purgative et passez moi les détails glauques je vous prie.

Citation:

Il me reste deux lettres auxquelles je n'ai pas répondu. Deux lettres de dame dont le contenu m'a laissé à penser que j'aurais pu avoir des relations intimes avec elles. L'une d'elle aurait été ma compagne. L'autre, je n'en sais rien. J'ai l'impression que j'aurais pu être sa maitresse.


WAAAAA ! ça c'est de l'info !!! Je sais quoi vous offrir pour vous rendre votre humeur de pinson : de jolis froufrous et des atours en dentelles.

Citation:

Mais ni l'une ni l'autre ne me disent quoi que ce soit. Je n'ai aucun souvenir d'elles. Je ne sais même pas quoi répondre à leur missive. Je pense que je vais les brûler elles aussi (les lettres, pas leurs auteurs), continuer à faire table rase du passé.


Beltane, les feux de la St-Jean, youuh ouuuh tant qu'il s'agit de flambée, on fait feu de tout bois et de tout courrier pas vrai ?

Citation:

Le ton de cette lettre tranche avec les autres n'est-ce pas?


Ah oui oui , dans l'lard, dans l'vif, mais comme j'suis pas contrariante.. si ça vous fait plaisir de le penser j'vais pô vous contredire.

Citation:

Vous voilà donc désormais au fait des différentes facettes de ma personnalité : enjouée, taquine d'une part et noire, morbide d'autre part. Aujourd'hui, je hais le soleil parce qu'il brille de milles feux et que je suis cloué sur cette chaise. J'ai envie d'envoyer cette pierre cogner sur l'oiseau qui chante au dessus de ma tête parce qu'il est libre d'aller où il veut. Je déteste la petite meunière qui apporte sa farine au prieuré à cause de ses formes arrondies et invitantes. Je maudis ma vitalité car elle m'empêche de mettre un terme à tout cette comédie qu'est désormais mon existence. J'exècre cette attitude pleignarde qui est la mienne au travers de ces mots. Je me cherche et je n'arrive pas à me trouver.


Atteeeeendeeeez, aaaaaaattendez ! n'en jetez plus ! patientez au moins que je sois là, près de vous, on f'ra un suicide collectif comme ça ! Ca s'ra bien, ça marquera les esprits, ça f'ra presque romanesque comme ça.

Citation:

Mais vous, vous ne m'avez pas dit : pourquoi avoir signé la "ventée en berne"? Et que signifient la première personne du pluriel dans votre phrase "puisse le Ciel éclairer votre nuit noire et consoler nos âmes" ? Vos affaires ne se déroulent-elles pas selon votre goût? Vos clients ou vos fournisseurs sont-ils trop âpres en affaires? Vous ne m'avez pas parlé de brigandage. J'imagine donc que votre charme légendaire aura permis d'éloigner les gredins de votre chemin. Me trompe-je? Où courrez-vous donc la galipote désormais?


Faudrait voir d'être clair là : c'est un échange ou un interrogatoire en règle ? Non parce que selon, je bats en retraite non mais...

Citation:

N'y voyez pas là un jugement de valeurs : une mouche du coche qui se rince l'oeil au bois dont se chauffe un homme n'est pas en position pour le faire, et de vous à moi, je ne suis pas ce genre de personne qui se nourrit de pruderie excessive.


mouais, ben la mouche elle va se prendre un coup de tapette dans l'oeil si elle continue...

Citation:

Que le Très-Haut vous protège chère perturbation sphérique.
Søren MacFadyen Eriksen
P.S : Oui, je sais. J'ai ajouté un nom dans ma signature. C'est étrange, j'ai signé ainsi un document pour Ellya et depuis, je me dis : pourquoi pas, après tout.


Et en plus vous êtes cinglé...

Citation:

P.P.S : Pourriez-vous me rappeler la date à laquelle on fête Beltane? Cela pourrait m'intéresser.


Et pervers de surcroit... ah c'est du joli ! Z'allez voir comme j'vais vous tartiner à présent !


Soren
La pluie tombe drue dans la cour du prieuré. Assis sur cette chaise qui est presque devenue désormais ma compagne la plus intime, je regarde les gouttes de pluie venir se fracasser contre la statue de Ste-Illinda. L'ondée a rafraichi une journée qui s'annonçait pourtant chaude dès les premières heures de la journée. Là-haut, le soleil n'a pas cédé devant les nuages gris. Bifrost ne vas pas tarder à pointer le bout de son nez. Y aura t-il un coffre aux trésors à ses pieds? De l'or? Bah...En même temps que ferais-je d'un peu plus d'or? Pas grand chose! Alors quel trésor Bifrost pourrait bien m'amener? En ce moment, j'ai des gouts bien simples.

Sous son pied gauche, je veux qu'il m'apporte une pince-à-remettre-les-jambes-en-état. Un coup à gauche, un coup à droite. La perte de mémoire ne sera pas si grave que ça si je puis au moins récupérer l'usage de mes membres inférieurs.

Sous son pied droit, je souhaite y trouver...une femme, la plus belle et la plus sensuelle qu'il soit, venue de nulle part. Une véritable déesse. Appuyée contre cet arbre déformé qui contrasterait avec sa splendeur, elle étirerait son corps vers le haut, les mains jointes au dessus de la tête, son buste arc-bouté vers l'avant dans une gesture des plus féline. Elle serait une véritable invitation à l'indécence, ses vêtements mettant en évidence les formes harmonieuses de sa silhouette. Mes mains glisseraient le long de son cou. Mes doigts s'entremeleraient dans ses mèches de cheveux. Mon souffle viendraient s'étioler dans les méandres de son décolleté. Ses lèvres entr'ouvertes sous l'effet de mes premières caresses seraient une véritable incitation à y déposer les miennes, à les survoler de l'index, les touchant à peine. La chaleur de l'été ferait poindre sur sa peau d'infimes goutelettes d'eau que la pointe d'une langue aventureuse s'amuserait à récolter jusque dans les replis les plus intimes de sa personnalité. Deux corps qui cherchent la position la plus ergonomique qui soit, un souffle de plaisir qui vient s'étioler au fond d'une gorge asséchée par les sensations de bien-être qui envahissent les corps et les esprits, une chair qui se perlent d'une infinité de minuscules monticules, deux corps qui s'abandonnent à des échanges charnelles prompt à faire monter le plaisir graduellement, avec la patience de l'alchimiste qui cherche le secret de la pierre philosophale. Eux n'ont pas de plomb à transformer en or, mais une envie à transformer en la plus agréable des sensations.

Ouais...Ça parait que je n'ai pas touché une femme depuis plus d'un mois et demi? Depuis mon réveil aux cordeliers en fait. Avant? Je n'en n'ai fichtre aucune idée! Ici, à Ste-Illinda, on nourrit l'âme et on assèche le corps. En attendant, mieux vaut dissiper ces images fugaces qui sont toutes sauf pieuses et qui ne font qu'attiser un feu qui n'a pas lieu d'être ici. Et puis, je ne suis pas venu ici pour révasser devant la pluie ou pour écrire une oeuvre érotique. Je suis venu ici pour apaiser mes humeurs et ne pas sortir sortir une verve trop acide contre celle qui me prend pour une engrossée!

Citation:

    Dans la semi-pénombre de l'antre d'Astaroth à Bourganeuf,
    le 26 mars 1462

    Cher Parturient,

    Car c'est bien ce que vous êtes.. en train d'accoucher de votre avenir en chassant votre passé dans les larmes et la douleur non ?! Les humeurs aléatoires, la gestation dans les secrets de votre esprit, l'attente fébrile et impatiente de ce que l'inconnu vous réserve comme surprise, la naissance du nouveau vous qui vous ressemblera pourtant étrangement avec cet air de famille si .. familier et pourtant qui sera lui complètement autre. Certaines y laissent leur ventre et leurs tripes.. vous vos jambes inertes et vos facultés de réflexion qui bouillonnent : tout ça c'est qu'affaire de détails au fond. Mais la délivrance approche.

    Sachez que je suis heureuse pour vous : vous savoir pris en main, même si vous n'en voyez pour le moment ni la résultante ni l'utilité, reste pourtant bénéfique à votre corps. J'oeuvre diligemment à une nouvelle composition.. mais à force de cavaler, ce n'est guère commode pour transporter chaudrons et alambics ou encore se fournir des plantes adéquates. Usez de celles déjà envoyées, les autres suivront sous peu, comme promis.
    Et bien qu'il ne s'agisse de fait que d'un expédient auquel vous accordez peu de foi, je vous en prie, poursuivez les soins encore un moment.

    Dites-moi, Cher Penseur, qu'est-ce qui vous contraint à enterrer toute votre vie passée ? L'esprit est fort et veut parfois occulter certains moments oui. Mais vous savez... vous pouvez enfouir jusqu'à 6 pieds sous terre personnes ou objets, tant qu'ils seront vivaces dans votre tête, ils seront toujours là près de vous.
    J'ai pris comme ligne de conduite personnelle que l'on efface pas son existence... on tourne simplement des pages, on ferme des livres oui, mais on continue d'écrire l'histoire de notre vie. Car ce que vous êtes maintenant vous le devez à ce que vous fûtes par le passé et vous travaillez déjà à votre avenir, proche ou non.
    Cette épée, si vous la regrettez sans cesse, elle ne sera jamais vraiment enterrée, tout juste au mieux recouverte de la poussière du sol.
    De ce vous savez de votre passé servez-vous-en comme d'un marche-pied pour l'"après" ; de ce qui est inconnu, franchissez-le sans vous retourner. Les réponses viendront d'elles-mêmes, dans le temps. Ou peut-être jamais. Forcer les choses ne fera que vous irriter un peu plus si vous ne parvenez à aucun résultat, ou tout du moins pas à celui que vous escomptez.
    Ce que vous considérez comme une faiblesse, faites-en votre force. Devenez qui vous voulez être, même en ne sachant pas qui vous étiez.
    Ca paraît facile à dire à m'entendre ? Peut-être simplement parce que ce chemin-là... je l'ai fais avant vous... j'ai commis l'erreur de m'appesantir sur ce qui était mes fardeaux de vie, mes boulets. Jusqu'à ce que je décide de les laisser là où j'étais à ce moment-là. Et de ne plus jamais les récupérer, pour avancer sans me fustiger ou torturer sempiternellement.
    Ainsi, l'action sans la réflexion est inepte mais la réflexion sans l'action est inutile.
    Alors oui, pouvant ainsi répondre à votre question, j'ai voulu quelque chose que je ne pouvais avoir.. et que je n'aurai plus jamais : j'eus préféré qu'on ne me vole pas mon innocence en son temps...


    Je constate avec stupéfaction que mon flot incessant ne vous fait pour autant manquer aucun détail. A votre interrogatoire, je vais tâcher d'être claire même si... par missive ça m'est plus compliqué de m'exprimer que de vive voix.
    Donc, je savais que j'allais en Provence pour boucler une affaire qui avait pris l'eau et s'était évaporée au soleil. Le coeur a ses raisons que la tête ignore souvent. Pas de négociations quand la conclusion de la cause a déjà été poussée au point de non retour. J'ai claqué la porte. Il a claqué la mort. Je me suis pendue au cou de ma Bulle. Il s'est pendu à une branche d'arbre. Fin.
    Le Ciel ait pitié de moi à semer ainsi des cadavres sur ma route. Porter le deuil n'aidera pas à acquérir la rédemption je le crains. Puissiez-vous rester en vie pour le salut de mon âme...
    Vous avez vos affres, j'ai les miens.

    Nous avons donc repris la route, la Piquante et moi, avalant les noeuds sans tête, et, cause aux guerres diverses et variées, nous allons devoir faire un sacré détour pour parvenir enfiiiin à gagner l'Alençon qui est notre destination d'arrivée. Et jusqu'à présent je ne peux qu'apprécier le fait que le canasson aille si vite qu'il en sème les poursuivants mal intentionnés.
    J'espère redescendre au plus tôt vers le Sud, j'ai une promesse à tenir désormais envers la Mère sup', des remerciements à donner à Soeur Clarence pour ses soins à votre encontre mais aussi d'avoir donné corps à ma requête et à vous voir ainsi vous trémousser dans cette fameuse chaise roulante que je suis curieuse de découvrir.

    Que notre Seigneur et la Grande Déesse veillent sur votre méditation et bénissent vos efforts. Et qu'ils me pardonnent.............................


    Zef - Vent morbide.

_________________
Zephyre
[Bulletin météo du 07 avril 1462]

Le temps, plaisant jusque-là, tourne à l'orage. Gros nuages à l'horizon, soyez vigilants.
Prenez garde aux averses inopinées de grêle. On n'est jamais assez bien protégés des giboulées de Mars même si on se doit de se découvrir d'au moins un fil en Avril.
Quelques éclaircies cependant viendront dissiper les brouillards matinaux ce qui laisse augurer cependant de jours à venir meilleurs.



Citation:

Expéditeur : Soren
Date d'envoi : 07/04/1462 -
Titre : Laissez donc les oeufs tranquille, non mais!

Chère femme sage,

Ou devrais-je plutôt dire sage-femme? A vous de décider, je vous en laisse le choix. Je tiens à vous rassurer: vous n’avez pas encore manqué la naissance du petit dernier. Comme vous pourrez le constater de visu si un jour le Très-Haut croise les fils de nos destinés, je n’ai pas encore perdu les os. Mes jambes sont certes toujours inactives mais personne ne m’a encore recommandé l’amputation. Ces rondeurs que vous pourriez percevoir au niveau de mon nombril ne sont pas dues à la présence d’un tiers dans mes entrailles mais plutôt à l’abus de bière lié au manque d’activité physique. J’imagine que vous comprenez aisément la cause de ce relâchement n’est-ce pas? J’ai certes suggéré au père Bardieu de parfumer ses bières au jus de fraises. Je reconnais aussi que mon déplacement est disgracieux et un tantinet lourdaud…mais de là à me comparer à une engrossée, il y a un pas que vous ne devriez point franchir. J’en ai mâté de plus rebelles que vous, vous savez? Ne vous a t-on jamais dit qu’il ne faut point courroucer un danois, Eriksen de surcroit au risque de devoir affronter l’une des diverses formes de son irascibilité? A force de vivre entouré de soeurs, j’en arrive presque à prendre leurs plis (non, non rassurez-vous, je ne veux pas dire par là qu’un pan de la robe d’une soeur s’est un jour pris dans la roue de ma chaise d’infortune). Aussi, comme elles le font parfois avec les pénitents, je veux bien pardonner l’acerbe de vos paroles une fois que vous vous serez confessée à ma personne. Rassurez-vous, je ne suis point aussi sévère sur les pénitences que le père Bardieu ou pire encore Mère Ellya.

Venons-en directement si vous le voulez à votre onguent. Ainsi, si vous subissez ma logorrhée verbale jusqu’à la fin de cette lettre, c’est que vous l’aurez choisi, et je vous plains mais en évoquant ce sujet rapidement, je vous donne le choix de subir ce supplice...ou pas? Avez-vous besoin d'un cilice pour ça? Bref, Marie-Clarence procède chaque jour à l’application de votre science sur mes jambes dénudées. Je crois qu’elle a pris l’habitude de toucher à des jambes masculines flétries et elle n’y fait plus guère attention. J’ai pu remarquer, lors de ses attouchements, que des plaques rouges s’étaient formées ça et là sur les zones massées. Je ne puis que constater que ce sont les parties musculeuses (Enfin, celles qui le sont sur tout homme normalement constitué et capable de gambader dans la nature tel un lapin de guyenne.) qui sont le plus affectées. Il n’y a sur ces plaques aucune protubérance, aucun changement du grain de la peau, aucun gonflement exagéré. C’est à peine s’il semble y avoir un afflux de sang supplémentaire dans ces régions. Enfin, ce que je tente de vous décrire là n’est rien d’autre qu’une vulgaire teinte rosée, tout ce qu’il y a de plus banal en somme. Ceci dit, je dis banal, mais je ne suis point médecin pour poser un diagnostic. A chacun sa place n’est-ce pas? A moi les maux, à vous les verts. Enfin…je voulais dire les tripes…. et tout ce qui va avec. N’hésitez donc point à me signaler si je dois arrêter la médication, si je dois changer la méthode d’application ou si vous devez ajuster la composition de votre onguent.

Penseur moi? J’espère que ce n’est que gausserie de votre part n’est-ce pas? Au fur et à mesure des lettres que nous échangeons, vous devez commencer à me connaître un peu plus pour comprendre que je n’ai rien d’un penseur, ni d’un panseur d’ailleurs, encore moins d’un paon soeur… Même s’il m’arrive parfois d’étaler mon plumage et de jouer de mon ramage pour éviter de passer une nuit seul. Voyez-vous, toute la réponse à votre question est ici: j’étais un homme d’action. Les jambes sciées, il me faut tourner ma vie vers d’autres horizons vu que j’ai autant confiance en votre médecine qu’en celle de Mère-Soeur Marie-Clarence. Cette épée, tant qu’elle est prêt de moi vient me torturer. Elle me rappelle une vie que je désire sans pouvoir la toucher. Vous savez, c’est un peu comme désirer une femme mariée. Encore qu’il soit plus facile de courtiser une femme mariée que de se battre à l’épée dans mon état actuel. En l’enterrant (l’épée, pas la femme mariée), je me dis que je l’oublierais (toujours l’épée), que je n’y penserais plus et que mon handicap me sera moins pénible à accepter. Ne dit-on pas en amour "Loin des yeux, Loin du coeur?" Je ne sais si cela est vrai en amour, mais je puis vous certifier que cela est pertinent dans d’autres domaines. Vous me dites de devenir ce que je veux être? Facile: je veux être ce que j’étais. Maintenant, dites-moi comment je puis y arriver? A moins d’un miracle auquel je ne crois plus… L’action sans la réflexion est inepte? Eh bien! Après m’avoir insulté en m’assimilant à quoi déjà? Comment avez-vous dit? Un parturient?… Voilà que vous me considérez comme inepte? Et pourquoi pas fade tant que vous y êtes? Dites-moi chère médecin, auriez-vous quelques épices à saupoudrer sur ce parturient inepte pour rehausser sa saveur? Voyez-vous, j’ai toujours agi sans réfléchir. Je suis un homme d’instinct. Je vais là où le destin me tente le plus. Parfois, il me sert, parfois il me dessert. Il fait de la résistance, et moi, je n’en fais pas tout un plat! Même sans avoir mes entrées un peu partout, j’ai toujours réussi à me sortir des embrouilles dans lesquelles je m’étais plongé. L’important est de toujours assumer ses gestes, voyez-vous.

Vous a t-on volé votre innocence ou regrettez-vous de l’avoir donné? Certes je ne suis point homme et n’ai point d’hymen. Peut-être est-ce pour cela que je vois les choses différemment. Mais le premier amant a t-il vraiment de l’importance? La nature des sentiments que l’on ressent pour celui que l’on serre dans nos bras n’est-il pas plus important qu’un symbole? Vous même me dites de ne plus regarder en arrière et vous avez ce regret? Ou alors êtes-vous ce genre de femme qui croit à l’amour unique et éternel? A l’inaltérabilité des sentiments dans une relation sentimentale? Derrière cette chimère derrière laquelle tant de femmes courent? Ne regrettez-rien Zephyre. Cela n’en vaut pas la peine. Bien entendu, si l’innocence que l’on vous a volé est de nature plus spirituelle, je vous prie d’oublier tout ce passage de ma lettre et de faire comme si je n’avais pas rebondi sur votre affirmation.

A propos de ma vie passée, j’ai appris quelques bribes d’informations qu’il me faut encore confirmer cependant. Voyez-vous, deux personnes m’ont écrit à Bergerac. Leur message m’a été transmis à Ste-Illinda. Il semble que les dénommées Sybille d’Angoulême et Plume Dehuit me connaissent. Il semble que j’ai une deuxième soeur. Il semble, et c’est cela qui me fait douter car c’est tout simplement hautement improbable, que je fus commissaire aux mines, procureur, prévôt et porte-parole du conseil comtal du Périgord durant ces deux années qui me manquent. La dénommée Plume ne m’a dit si j’ai cumulé tous ces postes durant la même période. Quoi qu’il en soit, je la soupçonne d’être une impostrice. Elle désire venir me voir à Ste-Illinda. Je me demande bien ce qu’elle désire m’extorquer : écus, savoir, objets, abuser de smorrebrød, de moi? Quoi de plus facile que de berner un paralytique dont la cervelle a autant de trou que le meilleur des pains d’Helsingør? Je n’ai pas encore décidé ce que je vais lui répondre. J’ai encore besoin de réflexion.

Ainsi donc, vous alliez en Provence retrouver l’un de vos anciens amants? Eh bien! J’espère qu’il ne s’est point pendu en tombant sur l’une de mes missives! Si c’est ça, dites-le moi. Je vous écrirai la prochaine lettre tout en danois. Ça vous évitera de devoir vous débarrasser de vos amants trop curieux. Quand à moi, malgré les noeuds qui se forment dans mon cerveau, malgré les noeuds qui ne sont guère coulants au niveau de mes jambes, je n’ai pas l’intention de mourir avant que je ne connaisse le moindre détail de votre vie. J’en fais le serment devant le Tout-Puissant, ce qui , de vous à moi, me permet d’ambitionner une longue vie! Je plaisante? Certes, vous avez raison. J’aurais tout aussi pu vous présenter mes condoléances et faire prendre un tour noir à cette lettre. Ce n’est pas le cas. Souffrez que je cherche donc à égayer votre quotidien sans y voir de ma part un manque de respect pour celui qui occupât dans le passé votre couche. J’ai déjà assez broyé de noir. Quand à vous, je doute que c’est ce dont vous avez besoin en ce moment: vous changer les idées. Mes condoléances donc. Gardez-le en votre mémoire. Dites-vous cependant que son existence est bien plus belle au paradis désormais. Et s’il se trouve en enfer, ça n’est pas en prenant le noir que vous pourrez l’aider. Passons donc un accord vous et moi voulez-vous? Enterrons nos affres dès à présent et évitons de nous en affliger mutuellement en présence de l’autre. Cela ne pourra qu’être bénéfique pour les deux.

Sinon, l’ennui me gagne à force de n’avoir rien à faire. Récemment, un hibou s’est posé devant moi dans le déambulatoire du prieuré. Figurez-vous que je soupçonne un moine, ou pire une moniale, de s’adonner à une correspondance privée et sans doute subversive avec une personne qui se trouverait dans un couvent. Où? Aucune idée? Qui est cette personne? Je n’en sais rien. Je ne vois pas le père Bardieu se mouiller dans ce genre de complot. Mes soupçons seraient plutôt dirigés vers Ellya mais je n’ai aucune preuve tangible qui vienne corroborer cette affirmation. Alors, je me suis permis de renvoyer le Hibou à son destinataire accompagné d’un message rédigé de ma part. Avec un peu de chance, la mystérieuse inconnue (car je suis persuadé à l’écriture qu’il s’agit d’une dame) répondra. Il me faudra à nouveau intercepter ce hibou pour obtenir ce que je désire. Voyez à quoi j’en suis réduit pour mettre un peu de d’imprévu dans ma vie ici? Dans les jours prochains, je compte aussi découvrir ce qu’il y a dans la fameuse cave dont Ellya m’a interdit l'accès. J’ai besoin d’action Zephyre, et je vais m’arranger pour en avoir!

Pour terminer, si quelqu’un a des remerciements à donner à Soeur Marie-Clarence, c’est à moi et non à vous de le faire. Mais si jamais vous voulez passer par ici, dites-le moi : je vous attendrais avant d’aller visiter cette fameuse cave.

Que Dieu vous ait en sa Sainte-Garde, nébuleuse ventée.

Søren MacFadyen Eriksen




Elle aurait dû prêter attention à la sagesse des vieux singes à qui l'on n'apprend plus à faire la grimace et qui ont senti le vent tourner même sans humecter leur index dans la bouche avant que de tenter de deviner le sens du vent en le plantant en l'air dans le vide. Pauvres girouettes qu'ils sont.
La Tempête n'est pourtant pas née de la dernière pluie. Mais... non. Il a fallu décidément qu'elle persiste.
La voilà donc, comme foudroyée sur place, presque pétrifiée.

Soit, effectivement, leurs échanges se font de plus en plus imposants. Tant et plus qu'il va bientôt falloir un troupeau d'oies sauvages en pleine migration, les choucas épuisées s'épuisant en nombre à mesure, pour finir de transporter les pages une à une, et retaper la bibliothèque d'Alexandrie pour avoir assez de place pour tout ranger. Bon, je suis d'accord, d'abord il faudra tout recopier sur velin ignifugé. Détail, détails....

Ce n'était foncièrement pas les résultats médiocres obtenus par les onguents successifs qui la laissaient de marbre, mais bien plutôt ce qu'il disait. Ou plutôt... comment il le disait. Elle avait presque la sensation de se trouver confrontée à ... un miroir.
Et puis ses questions, cette manière de forcer la confidence, comme si ça en était d'un naturel désarmant pour celui qui n'est encore qu'un... inconnu. Etranges liens qui se nouent.
Il la percute, la bouscule, elle esquive, pare, il la pousse dans ses retranchements, elle botte en touche et pourtant... pourtant... l'envie de se livrer comme elle ne l'a eu fait qu'avec les rares hommes ayant eu leur importance dans son existence grandit. Hésitation. Mouvement de recul. Elle ne répondra pas, pas de suite pour le moins.

Mais qui est-il donc, ce drôle de personnage qui a percuté sa vie telle une météorite venant s'échouer sur Terre ? Oui... qui est-il celui qui est en train de faire la pluie et le beau temps ?


Soren
Petit discours impromptu et imaginaire entre Søren le danois, Søren le vil et Søren l'indécis dans une cellule humide du prieuré de Ste-Illinda, juste avant un exorcisme dont il n'a même pas encore conscience.

- Et voilà! Fallait s'y attendre hein! Pourtant, ça n'est pas force de te l'avoir suggéré: tu as été mauvais!

- Moi?

- Euh...je ne sais pas trop, mais je pense qu'il peut effectivement avoir raison

- Bien sur que j'ai raison! Lis! Mais lis donc! Et cesse de t'aduler! Regarde la première phrase : "...vous maudire!"

- Oui...mais il y a aussi "vous aduler"...

- Est-ce qu'on t'a demandé ton avis  toi? Ferme-là!

- Toi qui est si malin, qu'est-ce que j'ai fait de mal?

- De mal? Rien justement...Je te rappelle que dans notre famille, c'est moi qui fait le mal!

- Là, il n'a pas tort.

- T'es mou, sans vie, insipide! Tu t'étends de long en large sur des sujets inutiles, sans intérêts. Des frivolités! Tu l'endors! Tu l'ennuies!

- Je reconnais que j'ai eu un peu de mal à rédiger la dernière lettre et....

- ... et que tu t'es fendu d'une looooongue tartine au final!

- Taisez-vous donc un peu! Laissez-moi parler. A part la première phrase, qu'y a t-il de significatif dans cette lettre?

- Ah oui, tiens! Bonne question? Il y a vraiment quelque enseignement particulier à tirer de là?

- Mais que vous pouvez être niais tous les deux! C'est pas possible d'avoir deux membres aussi candides que ça dans la famille. Ça crève les yeux voyons! Tu te balances des platitudes pour être polie. Lis entre les mots! Moi, cette lettre, je la traduis par : "Pourriez-vous, s'il vous plait, cher ennuyant, cessez de m'importuner avec vos malheurs? Je ne suis point votre confesseur."

- Tu lis ça toi?

- Je reconnais que j'ai eu un doute en lisant sa lettre mais...

- Un doute?!?!?! Un doute? Depuis quand tu doutes toi? D'habitude, tu fonces dans les problèmes et ensuite tu t'arranges pour t'en dépêtrer! Tu changes coco, tu changes. Et pas en bien, crois-moi!

- D'un côté, faut bien reconnaître qu'elle est plus courte...

- Ouais....

- Ouais!

- ...que le contenu est fermé. Qu'elle ne cherche pas forcément à te poser de nouvelles questions, à avoir de tes nouvelles...

- Ouais....

- Ouais!

- ...mais que tu ne l'as pas encore suffisamment fatigué puisqu'elle dit vouloir te parler du visu...

- Ouais....

- Du bla bla poli de femme ça! D'ailleurs qui sait où tu seras dans un mois! D'ailleurs, remarque aussi qu'elle cherche à se débarrasser de toi en te présentant à l'une de ses moitiés.Traduit dans son jargon, ça veut dire : "...Si vous pouviez cesser de m'importuner. Tenez! Si vous avez envie de casser les pieds à quelqu'un, allez voir Samsa! Moi, ça me fera du repos!

- T'es sur?

- Ouais! Elle l'a dit : "Elle est comme vous". Ça veut dire : "Elle est ausse ennuyante que vous, elle parle pour ne rien dire, se noie dans une avalanche de détails sans intérêts..."

- Tu as déjà vu quelqu'un se noyer dans une avalanche toi?

- "Mes prières vous accompagnent, à qui qu'elles soient adressées"... Tu sais ce que ça veut dire ça? Ça veut dire "Va au diable danois!.

- N'empêche...Elle me considère tout de même comme "Patient" et "Ami"

- Ah tu vois! Il n'a pas tort...

- Formule de politesse féminine!

- Alors maintenant, tu vas faire quoi?

- Tue-la! Elle en sait trop sur toi...de ta faute!

- Non!

- Tu vas lui répondre?

- Ça ne sert à rien! Ça ne te ressemble pas!

- Je n'en sais rien...mais si c'est le cas, il faut que je change la forme de mes messages!

- Han! Tu veux la séduire?

- Non! Ça, il ne sait pas rien! Ça n'est pas dans sa personnalité.

- Ah, ça c'est vrai! Il ne sait pas y faire là-dedans!

- Abuse d'elle et de ses talents de médecin tant qu'elle te répond encore! Mais sois plus factuel dans tes lettres et arrête donc de pondre des tartines!

- Euh... T'es sur?

- Fais-là venir à Sainte-Illinda et viole-là!

- Hein?!?!?!?

- Non!

- Ah! Je me disais aussi que les danois avaient évolué depuis l'époque du Danegeld.*

- Débarrasse-toi en d'une façon ou d'une autre! Elle en sait trop sur toi! Elle va en abuser. Elle va te ridiculiser!

- Mais où tu lis ça ?!?!?

- Dans ta tête avorton! Une femme qu'on ne comprend pas, c'est une femme dangereuse! Pire que ce tordu de Lars!

- Là, je crois que tu exagères un peu. C'est possible ça?

- N'empêche, vous avez tous senti un changement dans le ton et la forme de cette lettre?

- Oui

- Euh...Peut-être...Enfin...Oui...et Non! Hum...Dis? Tu vas faire quoi?

- Ouais! La tuer? La faire tuer? Ou bêtement ne plus lui répondre et aller te planquer à Tastevin?

- J'en sais rien encore. Mais faut-il que je fasse vraiment quelque chose? Se ridiculiser dans une lettre, ça arrive à n'importe qui! Importuner quelqu'un aussi! Au moins, elle a été polie dans sa réponse. Elle aurait pu ne pas répondre...

- Oui, mais concrètement, tu vas faire quoi?

- Ouais! Tu vais faire quoi?

- Réfléchir.

- Oh misère!

- Oh misère!

Et de lettre il n'y en eut point dans l'immédiat. A force de réfléchir, Soeur Marie-Clarence et son exorcisme rattrapèrent le danois. Après tout, n'avait-elle pas raison? N'y avait-il pas au moins un démon dans l'esprit du Eriksen? Un démon que l'on peut nommer "Tisirhée soma exomen" ou plus communément encore : "Personnalité torturée."

Citation:
    Bien Cher Patient-Ami,

    Je ne sais si je dois vous aduler ou vous maudire.
    Je ne peux pourtant que rester admirative de ce don que vous avez à agir tel un miroir à mon encontre.
    Ne me demandez pas de m'expliquer de ces quelques mots. Il est des choses qui ne se partagent que de vive voix. Et j'aurai plaisir à le faire quand nous nous recroiserons enfin.
    Ce qui, je l'espère, ne tardera plus trop... un mois tout au plus, le temps de faire le voyage depuis Alençon où la Bulle et moi nous trouvons. Je tiens tout particulièrement à faire cette visite de cave en votre compagnie !
    Qui sait, l'une de mes autres moitiés, Samsa, celle que nous avons été rejoindre là-haut, fera-t-elle peut-être partie de l'équipée. Je tiens tout particulièrement à vous la présenter... vous êtes si semblables par certains côtés...
    J'ai justement parlé un peu avec elle.. de vous.. et .. de votre double "vous" sous les quelques aspects que vous avez bien voulu m'évoquer sans pour autant lui étaler vos confidences ; je voudrai que vous discutiez avec elle, s'il vous plait : elle est comme vous.
    Cependant, j'ai un affreux pressentiment qui ne me quitte pas, me taraude même, pourvu que je n'écrive point trop tardivement.
    J'ai comme le sentiment que même entre les murs d'un prieuré, vous n'êtes pas protégé... de vous.. des autres.

    Pour évoquer vos jambes brièvement, si le sang afflue de nouveau c'est de bon augure. Poursuivez les massages encore un peu. Je cherche une solution plus... pointue, pour ne pas dire radicale. A défaut que les onguents fassent leur office convenablement...

    Et en guise d'action pour vous occuper, pourquoi ne pas essayer de fabriquer une aile volante à partir des jupons volés des couventines histoire de tenter de vous échapper ? Ou compter le nombre de grains qui composent l'ensemble des chapelets de prières de tout le prieuré ? Ou bien d'arracher une page sur trois des missels et des cahiers de chants liturgiques... le résultat pourrait s'avérer stupéfiant. 

    Avez-vous su qui était derrière cette correspondance mystérieuse ? Les plus grands secrets de Babar ont-ils été percés à jour par vos bons soins ?

    Et vous avez raison sur un point, que je m'évertue à mettre sans cesse en application dans ma vie au quotidien : il faut toujours tout assumer... jusqu'à ses choix les plus déraisonnables et insensés.
    C'est aussi ce que je m'emploie à faire rentrer dans le crâne de ma fille.

    Dans l'espoir que cette missive vous trouve en bonne santé. 
    Mes prières vous accompagnent, à qui qu'elles soient adressées.

    Douce Brise transportent mes pensées.

    La Nébuleuse - qui ronge son frein 


* Le Danegeld
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