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[RP] Maudite Aphrodite !

Rosalinde


La Rose avait déserté la demeure des Wolback, rue des Deux Écus. Et errait, comme une âme en peine, dans son Paris. Pas de virée shopping aujourd'hui, aujourd'hui c'est tristesse. Parce qu'aujourd'hui, cela fait au moins quinze mille jours que Nicolas est parti. Qu'il ne donne plus de nouvelles. Qu'il l'a abandonnée, les a abandonné, elle, le bébé. Ou alors, il était mort. Elle ne savait quelle solution envisager, et si la première pouvait déclencher chez elle des accès de colère, avec bris de vaisselle à la clé, la seconde la plongeait dans des accès de neurasthénie dont elle ne s'extirpait que pour faire bonne figure face au regard déjà inquisiteur de son fils aîné.

Mais ce jour, Léonard avait été confié aux domestiques. Sa mère avait bu, un peu trop, au dîner. Les joues bien rouges, et l'esprit tantôt égayé, tantôt assombri par le vin, selon la pensée qui lui traversait la tête, elle s'était mise dans l'idée d'aller se faire tirer le portrait. Et elle savait très bien par qui. Axelle. L'insolente, qui s'était sauvé ventre à terre en plein milieu d'un cours de danse, là où elle lui avait dit qu'elle n'avait pas d'âme. Qu'elle était vide. La Rousse avait comme une envie de tenter le diable, en allant revoir la Gitane. Qu'elle peigne son âme, si elle arrivait à en trouver une. Ou qu'elle peigne le vide. Dans le pire des cas, elle ne ferait qu'aggraver certaines envies d'en finir qui couvaient sournoisement, et qu'elle jugulait à grand renfort de raison, et de «Judas a dit que».

Elle sait exactement où la trouver. L'Aphrodite. C'est là qu'est son atelier. Maudit bordel, qui avait été témoin de ses premiers égarements en la galante compagnie de l'ancien roy de France. Transpercée par ce souvenir, elle longea rapidement la façade, pour passer au delà des charmilles pour traverser le petit jardin. Et franchir la porte ouverte, s'annoncer d'un bruyant :


- Axelle ! C'est moi ! Ta rousse préférée !

Oui, elle était dans la phase euphorie.

Bizarrement, les odeurs de l'atelier ne lui donnèrent pas la nausée. N'osant pas s'aventurer bien loin, de peur de faire choir quelque pigment précieux dans l'encombrement de la pièce, elle ficha ses mains sur ses hanches, et attendit, observant les alentours d'un œil un peu vitreux.

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Axelle
« La plus grande gloire n'est pas de ne jamais tomber, mais de se relever à chaque chute. »
Confucius



Comment pouvait-elle faire à cela ? Se relever encore. Comment ne pouvait-elle pas se croire effectivement maudite ? Le jugement de l’Ours, n’avait pas été ce crachat destiné à la blesser comme elle l’avait cru. Il avait été lucide, criant de clairvoyance. Estampillé. Tamponné. Cacheté. Axelle pouvait bien s’acharner comme elle le pouvait de lutter contre le sort, inlassablement, il semblait plus fort qu’elle. Soit, Etienne la tenait à courant de chaque indice, de chaque espoir auquel se raccrocher. Soit, Hubert dans sa gentillesse toute pataude tentait de la rassurer. Mais pourtant, à nouveau, sous ses pieds se creusait un gouffre indicible des possibles contre lesquels aucune parole ne pouvait lutter. Comment, au moment même où elle pensait avoir vaincu le mauvais sort à la seule force de sa volonté, comment, malgré les risques, les embuches, les pièges, l’ombre de la mort, comment alors qu’elle touchait du bout des doigts la paix et oui, le bonheur, le destin ravageur pouvait-il être assez cruel pour lui reprendre à peine après lui avoir donné ? Qu’y avait-il de plus odieux que cet amuse bouche voué à la laisser ensuite crever de faim avec plus d’éclat ? C’en était si ingénieux de perfidie que c’en était désarmant. Donner pour mieux reprendre, donner pour mieux s’empaler sur ce qui aurait pu être et qui peut-être ne serait simplement pas.

Deux jours. Deux jours de bonheur à trois, et plus rien. Qu’un vide béant que seule la chaleur de son enfant à peine né parvenait à apaiser tout en l’écorchant encore davantage de peur et d’angoisse. Avait-il eu un accident ? Le corps sans vie du Chat gisait-il dans une ruelle puante ou dans le lacet noir de la Seine ? Ou pire peut-être, avait-il fui finalement ? Mais fuir qui ? Mais fuir quoi ? Non, elle ne pouvait pas le croire abject, jamais. Pourtant, les questions ne cessaient de tourner entre ses tempes malades privées de sommeil quand elle refusait la moindre nourriture malgré la faiblesse abandonnée par l’accouchement.

Cet après midi de mars, elle avait cru devenir folle au sein de cette ignorance, de cette attente qui la bouffait comme un vers vicieux jusqu’à ne plus supporter de voir le petit visage se fendre d’un sourire involontaire quand le spectre d’être privé de père planait sur son sommeil paisible.


Non, pas lui, pas encore. Maudite.


Alors à bout, le besoin irrépressible de se réfugier dans ses dessins l’avait comprimée à tel point que malgré elle, elle avait confié le poupon à la vielle cuisinière qui ne cessait de vouloir prendre soin de la Gitane sans que celle-ci n’accepte, et s’émerveillait devant les petits points serrés. Si cette première séparation de quelques heures lui déchirait le cœur, Axelle savait au plus profond d’elle en avoir besoin, comme d’une bouffée d’air pour ne pas s’asphyxier d’un trop plein d’inquiétude. Après une nuée de recommandations, d’explications et d’hésitations sous le sourire bienveillant de la femme replète dont les joues rouges rappelaient deux pommes appétissantes, à pas lents et fébriles, sans que rien n’y danse ni n’y sautille, corps encore brisé par l’enfantement et cervelle désagrégée de noirceur, la Gitane avait poussé la porte de l’Empreinte. Les effluves de pigments un instant l’avait apaisée, mais pourtant devant sa table, sa main refusait de tracer le moindre trait. Et se fut finalement dans une bouteille d’abricotine qu’elle trouva un semblant de réconfort. Jusqu’à ce qu’un incongru « Axelle ! C'est moi ! Ta rousse préférée ! » ne fracasse l’abri provisoire qu’elle s’était tissé. Assise en tailleur sur le plancher, elle remonta un visage aux traits si tirés que ses yeux noirs semblaient définitivement trop profonds et trop grands pour son visage, et sans même prendre le temps d’y penser, les lèvres trop pâles lâchèrent au delà de la balustrade Monte Rosa.
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* Traduction du romani: Je te dis voici la route, voilà les épines ; toi, marche comme tu sais.
Rosalinde
- Monte Rosa.

Monter ? Oui, logique, la voix de la Gitane venait d'en haut. Mmmh. Ne pouvait-elle pas descendre ? Définitivement, Rosa n'avait plus envie de bouger. Mais pour Axelle, elle pourrait sans doute faire un effort. Et un sacré ! L'escalier était en pente raide, presque une échelle de meunier. Y grimper, beurrée, et encombrée d'une robe, n'allait pas être une tâche évidente. Mais qu'à cela ne tienne. Sans chichis, ou n'étant plus en état d'en faire, elle se décida à coincer un pan entier de sa robe dans sa ceinture. Et il n'y avait pas à sourciller, jambes nues, c'était bien plus facile de ne pas se prendre les pieds dans l'étoffe soyeuse.

La voilà en haut. Elle sourit à la brune, assise au sol, sans même avoir la présence d'esprit de se rhabiller correctement. Enfin, du moins pas tout de suite, il lui fallut quelques secondes pour se rendre compte qu'elle lui offrait le spectacle de ses mollets, après quoi elle partit dans un rire bête cependant qu'elle remettait sa tenue en place.


- Je viens me faire peindre.

Autant annoncer de but en blanc ce pourquoi elle était venue. Et puis il ne lui était même pas venu à l'esprit d'enrober sa demande de formes diverses.

- Je m'ennuyais, et puis j'étais triste. C'est quoi dans ta bouteille ?

Papillon de nuit attiré par la lumière. Mouche à miel. Elle avait repéré l'alcool. Et autre chose, aussi.

- T'as une sale tête.

Délicatesse. Finesse. Salut.
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Axelle
Les pas hésitants résonnèrent dans l’escalier qu’elle savait trop pentu, mais tel était le prix à payer pour arracher la Gitane à ses pensées, pour lui soutirer une toile, et qui sait, pour lui voler un sourire. La touffe de boucles rousses apparut enfin. Etrange point commun que cette tignasse rebelle que les deux femmes partageaient même si l’une n’était que feu rougeoyant quand l’autre n’était qu’ombre insondable.

Les mirettes noires s’agrandirent d’un sursaut surpris quand ce fut les gambettes à l’air que Rosalinde acheva son parcours du combattant, robe coincée dans la ceinture. Qu’il était pratique de n’être pas sujette à des élans de coquetterie. Si la Bestiole avait eu la tête à plaisanter, certainement aurait-elle ricané une saillie de cet acabit au museau piqueté de son. Mais elle se contenta de lui trouver de belles jambes, à l’Amante Royale. Et le surnom d’un coup la fit grimacer. Le Roy venait de mourir dans un incendie avait ramené la rumeur jusqu’aux oreilles gitanes.

Mettre face à face deux femmes en proie au chagrin et à l’angoisse avec une bouteille d’alcool comme compagnie n’était peut-être pas la meilleure idée possible, et pourtant, égoïste jusqu’au bout des ongles, Axelle en fut soulagée. Sans rien en dire, elle supputait avoir face à elle la seule personne avec qui elle pourrait se laisser aller, sans craindre les jugements quand l’état d’esprit était le même. Evidemment, il y avait Etienne. Evidemment, il y avait Hubert, mais devant eux, la Gitane retenait ses mots et la torture de l’attente voilant son regard.


Pas de simagrée. Pas de masque. Les paroles de la Rousse annonçait la couleur sans détour, raisonnant jusqu’au rire de celle qu’elle avait osé traiter de sans âme.


J’peins pas aujourd’hui, j’y arrive pas. D’ailleurs, j’vais vendre ici, certainement.
Son regard glissa sur les étagères ployant sous la myriade de pigments, l’air vaguement nostalgique, puis vint se reposer sur la téméraire Rousse en esquissant un sourire faiblard. Moi aussi j’suis triste, dit-elle en tapotant le parquet à coté d’elle avant de tendre la main vers Rosa, élan incongru quand le besoin de chaleur et de réconfort braillait à l’aide. Viens t’asseoir, c’est d’l’abricotine. Prends. Lâcha-t-elle en poussant la bouteille vers Rosa. J’en ai d’autres. Pis pas b’soin d’cacher tes jambes d’vant moi. Sont jolies tes jambes. Désolée pour ma trogne, souffla t-elle sincère quand pourtant son regard n’avait pas pris la peine de se poser sur son reflet depuis bien des jours, On l’a appelé Antoine, glissa t-elle sur le ton d’un secret se balançant entre bonheur, fierté et désenchantement, les prunelles paumées sur son ventre à nouveau plat. J’suis contente d’t’voir.
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* Traduction du romani: Je te dis voici la route, voilà les épines ; toi, marche comme tu sais.
Rosalinde
Elle ne peint pas. C'est bien sa veine, à Rosa. Le nez se fronce un peu, et elle se demande : «Même si je fais ma tête de chien battu ?», mais non, l'inspiration ne se commande pas. Elle le sait plus ou moins bien, pour être restée parfois bloquée pendant des heures devant de simples lettres à écrire. Vendre ?

- Tu iras vivre où ?

Et puis la Bestiole l'invite à s'asseoir. Elle est triste. Sur ce point là au moins, elles se font écho. Pourquoi, ça, cela restait encore un mystère. Elle au moins ne pleurait pas son époux, à moins qu'elle se fut mariée sans que jamais Rosa n'ait été au courant ? Alors quoi ? Un amant ? La Gitane ne s'étend pas. Elle papillonne, d'un sujet à l'autre, comme si elle voulait éviter de lui conter son histoire par le menu. Ou bien peut-être, pour lui dresser un résumé des dernières nouvelles. En tous les cas, Rosa porte à ses lèvres la bouteille de liqueur, et en avale deux ou trois gorgées. C'est chaud et doux à la fois, et la délicieuse brûlure de l'alcool lui réchauffe le cœur, le temps qu'elle s'écoule jusqu'en ses entrailles. Tiens, bébé.

- C'est un joli nom, Antoine.

Et cela la renvoyait au fait qu'elle n'avait pas encore songé au prénom qu'elle donnerait à son enfant. Comme si elle renvoyait sa naissance à un futur lointain, un horizon qu'elle ne rattraperait jamais. Nicolas était parti, et elle n'envisageait pas encore d'avoir ce bébé sans lui. Déni ? Ou se raccrochait-elle à un infime espoir ?

Au pire des cas, elle aviserait le moment venu. Le temps d'y penser n'était pas encore présent, son occupation principale devait être la tristesse de la brune, à qui d'ailleurs, elle cueille une main.


- Qu'est-ce qui ne va pas ?

Et puis d'ailleurs, vient la cueillir toute entière, la blottissant dans un giron au ventre saillant, maternelle, pour venir poser une caresse dans ses cheveux et un baiser sur son front. Elle sent bon, Axelle.

- Raconte.
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Axelle
« Tout au fond de votre cœur un germe de tendresse n'attend qu'un sourire chaleureux pour se développer. »

Roland Delisle.


Les questions fusaient aux lèvres de la Rousse, mais l’esprit embrumé d’Axelle peinait par trop de désordre à les organiser d’une discipline cohérente pour pouvoir y répondre. Alors, elle se contentait de la regarder, suivant chacun de ses gestes qui semblaient s’engourdir dans les brumes alcoolisées de sa vision défaillante, jusqu’à se perdre à cette gorge blanche s’étirant sous l’appel de la liqueur sucrée. Ce fut d’abord une main qui la calma, bien plus que les mots qui pourtant invitaient à la confidence. Mais comment se confier sans ouvrir et déchirer une plaie béante dans le cœur de celle qui se montrait si attentive ? Comme elle aurait été cruelle, la Gitane, de pleurer une disparition certes douloureuse et angoissante, mais où brillait une lueur d’espoir, quand les aspirations de Rosa étaient réduites à un tas de cendres ensevelissant ses espérances. Et à la main, ce fut le corps entier de la petite Flamme qui la réchauffa d’un feu surprenant de douceur, d’une caresse à ses cheveux, d’un baiser chaste à son front.

Dans d’autres circonstance, Axelle se serait rebellée de mots crus et de morsures amères d’être ainsi étreinte, elle qui se voulait si forte au point de cacher ses balafres dans la fente d’un sourire railleur pour mieux les recracher de larmes à l’abri des regards curieux et indiscrets. Mais dans ses bras là, incongrument, elle se blottit, sans l’ombre d’une résistance, petite Bestiole blessée entre les bras d’une Rose perdue. Je suis gitane, murmura t-elle d’une réponse incongrue à une question certainement déjà oubliée, je ne vis nulle part, et partout à la fois. Elle ferma les yeux, s’enivrant du doux parfum de rose s’échappant de la chevelure flamboyante bien plus suavement qu’à n’importe quelle liqueur, aussi douce au palais puisse t-elle être. Instinctive, sans même y réfléchir, la main brune effleura le bras de soie claire d’une caresse à peine dessinée qui aurait pu être juste la naissance d’une complicité si elle n’avait été si vibrante de fragilité. A donner tant la tendresse, la Rousse s’exposait à ce que la Brune prenne bien davantage. Châtiment pour vouloir prendre soin d’un coquelicot malmené par une bourrasque. Et qu’importait qu’elle risque la gifle ou la moquerie quand le réconfort ne passait pas par les mots. La tête brune se déploya, déposant des lèvres fébriles sur la peau d’ivoire du cou qui se faisait refuge, s’y prélassant de frôlements humides avant d’embrasser, lentement, comme une onde douce qui s’avance sur la pointe de pied pour mieux submerger un promeneur imprudent. Qu’importait que cette peau soit femelle quand elle était si veloutée, si rassurante, si chaude et que le gouffre menaçait. La dextre gitane remonta, essaimant l’ambre de ses doigts à la nuque perlée, dirigeant l’errance légère du vermillon des lèvres sur la ligne de la mâchoire jumelle jusqu’à s’égarer au coin de la bouche secourable. Plus tard, plus tard les mots. Ils ne servent à rien… Soucieuse de ne rien voler qui ne veuille être donné, la pulpe des lèvres gitanes ne se permit que caresses délicates sur la bouche parfumée de la Rose. Donne-moi, que je te donne aussi.
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* Traduction du romani: Je te dis voici la route, voilà les épines ; toi, marche comme tu sais.
Rosalinde
Axelle n'aime pas les mots. Elle est le Geste, quand Rosalinde est le Verbe. Opposées qui se complètent, derme d'albâtre contre peau dorée. Fragiles, mais pas encore brisées. Il faudra faire front, elles le feront, d'une bien curieuse manière. Leur manière. Noyant leurs peines dans un oubli aussi abyssal que salutaire, mais éphémère.
La Gitane a osé la première. Lèvres dans son cou, remontant doucement, une douceur dont seules les femmes sont capables. Ses lèvres sont douces aussi. La Wolback en frissonne, en même temps qu'elle se sent happée dans un nuage cotonneux qui l'entoure comme un halo. Alcool, autre chose peut-être, en sont la cause, le résultat est qu'elle arrête de penser. Du moins, la nature de ses songes est altérée. C'est un bouillon brouillon et confus, où Nicolas, sa colère contre Nicolas, s'estompent peu à peu.

Elle doit être un peu sorcière, Axelle. Déjà autrefois, elle l'avait ensorcelée avec ses jupons rouges, son grelot, sa fougue et sa sensualité, alors qu'elle dansait pour un autre. Aujourd'hui, d'autre, il n'y a qu'elle, et c'est un aspect différent de la Bestiole qu'elle découvre, une fragilité au goût d'abricot égarée au coin de ses lèvres, qui demande qu'on lui donne, pour qu'elle puisse donner aussi. Damnée, elle lui aurait à cet instant offert son âme si elle l'avait réclamée.
Mais la requête est toute autre. Tendresse et réconfort, menue monnaie pour endiguer un bien grand mal ; pour autant, bien loin de Rosa l'idée de refuser ce qu'elle avait déjà commencé à instiller. Elle ne se pose pas de question, elle vit, suspendue à la respiration d'Axelle, celle qui n'aime pas les mots.

Deux doigts fins viennent, sur la tempe brune, chasser une boucle rebelle. Et la paume vient se poser sur sa joue tout doucement, et la paume vient à son tour se nicher sous l'abondante chevelure de jais. Les lèvres de Rose viennent, sur celles de la brune, cueillir l'aveu qu'elle ne parviennent pas à lui arracher. Un baiser comme une caresse, léger et suave, avant que ne s'entremêlent les haleines aux relents d'alcool, et que cet effleurement ne se transforme, emporté par la houle, en un autre, lascif et voluptueux, entre langues qui se cherchent et mains qui s'égarent sur une hanche ou une épaule.

Mais ce baiser prend fin, et comme Rose prend faim d'elle, voilà que sa conscience lui lance un trait. Détachant son visage du sien, les yeux dans les yeux, elle semble lui demander «Le devrions-nous vraiment ?»

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Axelle
Nulle indignation, nul courroux, nulle réprimande ne répondit à l’audace gitane, mais des lèvres pleines et une langue aussi envieuse que la sienne. La saveur des femmes, Axelle n’y avait gouté que du bout d’une lippe égarée, par curiosité. Mais ces lèvres là, qui s’offraient au gouffre de ses lubies, elle en avait besoin, plus que de tout à cet instant.

Maudite. La gitane l’était bel et bien, et ce au point même de n’avoir aucun remord à entrainer Rosa dans sa chute toute immorale. Qu’importait. La morale d’Axelle voguait dans bien d’autres sphères que celles édictées par une société bien soi-disant pensante. Celle d’Axelle n’était que vibrations, qu’élans, qu’envolées, qu’emportements. Défendus ou non n’avait pas le moindre sens quand seule la sincérité était admise.


Le ballet des mains n’était que plus affolant de sa légèreté, et lorsque la bouche de la Perle Rousse s’échappa à la douceur de la sienne, la Gitane se sentit perdue, orpheline d’un apaisement qui à peine effleuré lui échappait déjà, la laissant essoufflée, les yeux clos, et un gout tenace de trop peu accroché aux lèvres. Addiction trop rapide l’entrainant dans son sillon d’une une torsion douloureuse à son ventre. Fébrile, la Bestiole ouvrit des yeux affolés
Non, Rosa, ne m’abandonne pas déjà. Dans le regard clair serpentait le doute, maléfique quand les corps des deux femmes piaffaient de s’enchevêtrer d’une douce folie salvatrice. Ou destructrice, cela appartiendrait au futur d’en décider. Futur dont la Gitane se moquait éperdument, quand rien d’autre ne criait que le présent souverain, vibrant d’une exigence incontrôlable qui frissonnait sur sa peau. Non, les doutes, même lucides n'était pas admis au creux de l'atelier où se nichaient la détresse des deux imprudentes.

Engloutir la question, taire cette flamme raisonnable sans lui donner la moindre chance de survie au risque qu’elle ne se fasse incendie et consume l’interlude vaporeux. Quelques en soient les risques. Alors, elle offrit la gitane, tout ce qu’elle avait à offrir, ses blessures, son regard qui n’avait plus rien de celui d’une racaille, mais qui appelait dans un silence fracassant les murs couverts de pigments oubliés. Et en guise de réponse, sans détourner le regard noir trop luisant, elle délaça le rouge de sa robe, sans la précipitation de la gloutonnerie, mais avec la précaution de ceux qui se savent ivres, et pas seulement d’alcool. Le tissu élimé glissa sur les épaules frêles, qui félonnes, se tordirent doucement pour aider les mains à dégager les manches jusqu’à ce que la poitrine se dévoile. Gorge impudique quand pourtant la bouche gitane tremblait furtivement, bien consciente que sur la peau lisse, logée sous le sein droit s’alanguissait une cicatrice dont le pendant tranchait le dos d’une ligne incongrument rosée. Pourtant, la Gitane ne chercha pas à la dissimuler cette balafre hideuse soulignant la rondeur parfaite. Non, cette déchirure était au contraire ce qu’elle avait de plus intime à confier quand l’arrogance de la séduction masquait les blessures cachées. Et le tissu dégringola dans un froissement sur les hanches, la nature frêle d’Axelle et l’anorexie imposée ayant déjà dévorées les vestiges de la grossesse à peine éclose. Le cœur battant de l’aveu tonitruant de ses faiblesses marquées à même ses chairs, elle laissa un moment le temps se suspendre, avant que des mains soudain intransigeantes ne viennent se perdre dans les boucles rousses pour y noyer la noirceur des siennes dans un baiser sauvage, affamé de ce gout menaçant quelques instants plus tôt de s’enfuir et de les laisser seules, toutes deux paumées dans un monde trop brutal.

La rousse avait beau se cacher sous ses rires et ses boutades légères et taquines, la gitane, entre les murs gris du Louvre, avait vu Rosa danser et dévoiler cette âme disputée qu’elle cherchait à dissimuler sous un détachement frivole. La Gitane n’était plus dupe, et si le besoin de cette peau pâle piquait jusqu’au bout de ses doigts tachés d’encre, elle savait que la Rose face à elle n’aspirait qu’au même oubli fervent. Reste souffla t-elle à l’orée de ces lèvres implorées, avant de s’y noyer encore quand sa main déjà froissant la soie délicate sur la cuisse d’albâtre.
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* Traduction du romani: Je te dis voici la route, voilà les épines ; toi, marche comme tu sais.
Rosalinde
Nul besoin de demander, elle comprend ses doutes, ses hésitations. Et elle la prend par la main, la guide, pour détruire les derniers remparts d'hésitations qui s'étaient érigés dans l'esprit de la Rousse. Ce réconfort là, elle en a besoin. Plus que des bras amis, des bras amants, pour y arracher un instant d'oubli dans la luxure, son plus gros défaut, celui qu'elle a si bien su juguler par amour de Nicolas. Mais le chat n'est pas là, alors les souris dansent, emmenées par un peu d'étoffe qui glisse, le long de l'épaule d'Axelle. Sans pudeur, l'une se dévoile, l'autre observe. Et lentement, tend la main, pour venir éprouver du bout des doigts le galbe d'un sein nourricier, puis la marque décolorée d'une cicatrice. Une fragilité qu'elle découvre, le temps d'un instant, avant d'être à nouveau happée par un baiser. Un baiser qui exige, qui ne lui laisse pas le choix. Un baiser qui muselle sa raison, l'encage bien au fond de sa tête, dans un coin sombre, où elle pourra l'oublier un peu.

- Reste.
- Je reste.


Et leurs lèvres à nouveau se joignent, la caresse sur le sein s'appuie davantage, l'englobe dans le creux de sa paume et en effleure la pointe de la pulpe du pouce, pas plus. Et puis son dos, son dos qui lui semble interminable, une longue ligne qu'elle parcourt de haut en bas, suivant la cambrure naturelle de la Gitane. Fin du baiser, leurs respirations agitées s'entremêlent, et Rosa de frémir en sentant la caresse de l'air, et des doigts d'Axelle, contre sa cuisse. Elle l'observe, encore, son visage, ses grands yeux noirs. Et de sa main libre, vient rétablir l'égalité. Ou s'en rapprocher. Elle dénoue les liens qui, par devant, maintiennent sa robe fermée. Un décolleté se dévoile dans l'envergure, pas plus. La robe est serrée, et bien que glissante, la soie épouse trop bien son corps pour ne pas s'échapper dès le départ.

Cela ne fait rien. La Bestiole fera comme elle le souhaite. Rien ne presse.

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Axelle
La douceur d’une main timide sur son sein. La soie glissant sur le corps blanc avec une pudeur ciselée pour mieux corrompre. Peu avait fallu, prisonnières de leur soif de consolation, pour que les courbes jumelles s’enlacent de baisers suaves, de caresses outrageuses mais jamais outrageantes. Grâce neuve, à ce point fascinante que la gitane n’avait pas même voulu lutter contre cette déchirure qui s’ouvrait sous l’entrelacs de boucles noires comme l’enfer léchées de flammes flamboyantes. Nul cri pourtant sous la torture du désir. Nulle chevauchée affolée, mais un engourdissement de soupirs mêlés, de hanches creusées dansant avec langueur, de cuisses effilées s’enroulant serpentines l’une à l’autre dans une aubade sensuelle d’ambre et d’albâtre, cadencée en secret de mains pieuses implorant dévotement jusqu'à la transe envoutante.

Danse de femmes.

Le temps avait ouvert une brèche d’oubli au gout de rédemption. Pourtant de rédemption, il n’y aurait pas quand ce gout de femme avait sournoisement ensorcelé les lèvres gitanes. Même si la force d’un homme, ce sentiment affolant de protection exacerbant sa fragilité, resteraient sa préférence, au tréfonds d’elle, sans encore se l’avouer, sans encore même en avoir conscience, Axelle succomberait encore à ce gout sucré, avec Elle, ou avec une autre.

Pourtant, là, allongée tout contre le corps chaud de cette maitresse stupéfiante, Axelle pour quelques minutes ne pensait plus à rien qu’à cette gorge pâle où se débattaient encore les reliefs du plaisir. La Gitane se releva sur un coude, surplombant le délicat visage piqueté de taches de rousseur et sourit, étrangement repue et apaisée quand la tourmente l’attendait juste derrière la porte close de l’atelier. D’un index léger, elle esquissa la courbe pleine de la bouche entrouverte où scintillait l’éclat de l’ivoire.

Comme ça, j’pourrai t’dessiner des heures durant. A la seule condition d’garder chaque esquisse pour moi toute seule.
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* Traduction du romani: Je te dis voici la route, voilà les épines ; toi, marche comme tu sais.
Rosalinde
|Toi Delphine, moi Hippolyte|

S'extraire des limbes de la volupté. Petit à petit. Le souffle se régule doucement, le voile léger de sueur qui recouvre sa peau d'albâtre s'estompe et la fait frissonner un peu, à mesure que s'égrainent les secondes.

    Elle cherchait, d'un œil troublé par la tempête,
    De sa naïveté le ciel déjà lointain,
    Ainsi qu'un voyageur qui retourne la tête
    Vers les horizons bleus dépassés le matin.

Mais les lézardes du plafond ne parlent pas, pas plus que les murs n'ont d'oreilles. Les yeux dans le flou, elle entame un bref entretien avec sa conscience. Trop proche de ces instants d'abandon cependant pour que cette dernière obtienne gain de cause ; Rosalinde est distraite par l'Amante qui quitte la chaleur bienveillante de son sein, pour venir la contempler, un demi-bras plus haut.

    Elle cherchait dans l'oeil de sa pâle victime
    Le cantique muet que chante le plaisir,
    Et cette gratitude infinie et sublime
    Qui sort de la paupière ainsi qu'un long soupir.

Et la rousse, l'Hippolyte, de sourire doucement à sa Delphine, lorsque celle-ci vint, au coin de ses lèvres, cueillir le reste d'un dernier baiser. «Comme ça, j’pourrai t’dessiner des heures durant. A la seule condition d’garder chaque esquisse pour moi toute seule.»
Mon corps, Axelle, je te l'ai donné, tu l'as pris. Dessine, dessine-moi, tatoue sur la peau le souvenir de ces instants d'éternité que nous avons eu ensemble, loin de tout et de tous, juste toi, juste moi, et nos souffles qui se mêlaient.


    - Avons-nous donc commis une action étrange?
    Explique, si tu peux, mon trouble et mon effroi:
    Je frissonne de peur quand tu me dis: "Mon ange!"
    Et cependant je sens ma bouche aller vers toi.

Sur ces vers, sortis d'un autre temps, la langoureuse Parisienne de se redresser, et d'aller, sur les lèvres de la Gitane, chercher une autre caresse.


[En décalé, extraits du poème "Femmes damnées" de Baudelaire]
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Axelle
« Deux femmes qui se tiennent la main
Ça n'a rien qui peut gêner la morale
Là où le doute s'installe
C'est que ce geste se fasse sous la table »*


Le mensonge, la dissimulation, la duplicité, la déloyauté, la faiblesse, l’irrespect. Voila des vices dont la Gitane s’irritait et se scandalisait. Piquer des colères noires face à de telles tares, elle l’avait fait, bien des fois. La plus évidente avait retenti entre les murs du conseil ducal du Lyonnais Dauphiné où, malgré les menaces de procès pleuvant sur son dos, elle avait claqué la porte sans plus de préambule qu’un « non » sec. Mais la déviance, non.


Elle se souvenait avec une précision ciselée de l’aveu d’Alphonse, battue par les vents cinglants des toits de Notre Dame. Si la multitude effarante l’avait terrassée un instant, que les corps choyés puissent être féminins tout autant que masculins l’avait curieusement laissée de marbre. Le scandale aurait été de renier dans une pantomime dégueulant de mensonges ce que le corps ou le cœur dictait. La déviance des sens était aux yeux de la Gitane bien moins immorale que ces mariages arrangés dont la consommation n’était que duperie infâme et répugnante, juste animée par un impératif reproductif, sans qu’aucun sentiment n’incite les deux condamnés. Pas même le respect. Pourtant ce crime là était admis, et pire, encouragé par la morale étriquée des bien-pensants.

Pourtant, aux mots de sa belle Amante, Axelle se troubla. Aurait-elle, dans son scandale avide de donner à son corps ce qu’il hurlait de recevoir, entrainé Rosa dans une chute douloureuse ? Regrettait-elle donc l'étreinte, sa Rousse, à peine les murs s’affranchissaient-ils de leurs soupirs enchevêtrés ? Le cœur gitan se tordit sous l’égratignure de faire mal quand la bouche brulait encore de faire du bien. Pourtant, malgré les mots psalmodiés, les lèvres déjà bien trop désirées s’offrirent à nouveau dans un baiser laissant la Delphine chancelante d’incompréhension. Et maudite, elle s’y perdit, encore.

Comment peux-tu déjà me déchirer à ce point Rosa ? Indociles, les mains brunes et fines s’égarèrent sur la peau opaline encore chaude de leurs empreintes, la pulpe des doigts gitans piaffant de se réchauffer à la rondeur d’un sein, d'en agacer sournoisement la pointe arrogante pour mieux y consumer encore la bouche, la langue, la morsure blanche des dents. Mais le trouble tortionnaire n’autorisait que l’effleurement de la rose corole. Je crève de te voir te cambrer encore Rosa. Mais malgré le gouffre envieux s’ouvrant plus béant à chacune de ses respirations, la Gitane, dérisoire et inepte, ne put que susurrer d’un timide filet de voix

Si j’te promets d'jamais t’appeler mon Ange, t’auras moins peur ?



*Mecano - Une Femme Avec Une Femme

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* Traduction du romani: Je te dis voici la route, voilà les épines ; toi, marche comme tu sais.
Rosalinde
Ce n'était pas la déviance qui inquiétait Rosalinde. Coucher avec une femme, elle l'avait déjà fait, même si l'expérience n'avait pas été soldée par une grande réussite. Baile, la Bourgogne, comme il semblait loin ce temps là ! Cette fois-ci, tout était différent. Rien n'avait été prémédité. Elle, Axelle, ses bras fins, son corps si maigre déjà, et ses yeux, ses grands yeux noirs, qui d'un regard lui bouffaient l'esprit et la raison, comme des vers un cadavre en putréfaction. Mais il n'y avait pas qu'Axelle. Nicolas. A qui elle avait juré fidélité. Nicolas qui n'était pas mort. Qui disait l'aimer. Dont elle attendait l'enfant. Voilà ce qui avait causé le trouble de la rousse.

Et pourtant. Le murmure rassurant de la Gitane réchauffa son sourire.


- Appelle-moi comme tu le souhaites.

Présence réconfortante. Elle était son baume, sa consolation. Nicolas ne saurait pas. Ces instants volés ne seront qu'à elles, leur secret. Et déjà la peau brune d'Axelle attire à elle les mains opalines de Rosa. Son dos, qu'elle parcourt du bout des doigts. Une fesse, contre laquelle sa paume glisse lentement. Sa cuisse, le galbe de sa cuisse. Et puis doucement, de remonter jusqu'aux confins de l'interdit.

- Quel philtre m'as-tu fait boire, sorcière ?

Elle murmure cela au creux de son oreille, avant de venir en mordiller le lobe, son nez chatouillé par les boucles brunes qui se rebellent. Assurément, il n'y avait pas que la liqueur d'abricot qui avait enivré la belle, si l'on parle de celle contenue dans la bouteille. Et doucement, ses doigts s'infiltrent. De la pulpe, caressent, agacent, suspendus au souffle de la Bestiole, attentifs à ses moindres réactions.

Et mordue, contaminée, malade presque déjà, Rosa lui chuchote encore :


- Ne me quitte pas.
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And I'm like...
Axelle
Sa réponse avait été stupide, la Bestiole soudain se voyait engoncée de timidité. Bien mauvais signe. Signe d’un cœur qui se troublait, qui se fendillait bien plus qu’il n’était autorisé à le faire malgré le rempart hérissé des pics d’un refus farouche. C’était dangereux, bien trop dangereux, et le sourire de Rosa l’écorcha encore davantage. Petit à petit, les dents blanches grignotaient les murailles âprement construites, pierres après pierres, d’une désarmante douceur délictueuse. Rose épineuse qui griffait sa bouche.

La fuite aurait été salutaire, certainement, mais ce qui l’attendait derrière la porte close, l’absence, l’angoisse, l’inquiétude, était trop brutal pour s’y résigner déjà.
Et surtout, il y avait ces doigts, légers, aériens, qui enchainaient la Casas avec plus de férocité que des chaines dorées.
Et surtout, il y avait ces murmures entêtants, échos affolants de ses propres terreurs.


Trop semblables, trop jumelles, trop paumées. Les doigts impénitents la cueillirent et réveillèrent le plaisir à peine tiédi avec une fougue que la Gitane pensait apaisée. Ses lèvres tremblèrent, ses yeux se fermèrent, son corps se tendit et vacilla au bord du gouffre. Les boucles brunes tapissaient le parquet d’un coussin improvisé pour accueillir le roulis des tempes otages d’une rose. Axelle dansait sa plus belle chorégraphie. Pour Rosa, rien que pour elle. Au seul rythme de ses doigts cadençant son souffle s’enrouant pour mieux soupirer.

Sorcière tu dis… Les fins doigts bruns s’enroulèrent aux boucles rousses où frayaient les lubies florales, inondant sans scrupules de déferlantes le ventre nu, brisé, cambré, par la volonté de l’inquisitrice. T’es ma sorcière… Ta bouche… Tes seins… Les lèvres gitanes s’emparèrent de la ligne de la mâchoire blanche et la baisèrent avec dévotion. Ta voix… Ton parfum... La senestre retrouva sa hardiesse sous le plaisir qui suintait à chaque respiration et s’empara du sein blanc qui la narguait pour en agacer la pointe de la pulpe son pouce. Tes mains… Tes doigts... La Rousse tortionnaire, méticuleuse, tissait son ouvrage extatique et Axelle chutait, plus profondément encore. Ton sourire… Ton rire… Le corps d’ambre offert en pâture s’arqua, les mots égrainées écorchaient à sa bouche, laborieux d’un souffle trop chaviré. Prémices de l’irraison, la senestre se figea sur le sein d’ivoire, la dextre se crispa entre les mèches flamboyantes, les prunelles noires cherchèrent leurs jumelles claires, prises de panique de ne pas les trouver et s’y figèrent, enfin rassurées.Ton regard… J'peux pas t'quitter…Le gémissement fut avoué, l’abandon offert sans avarice d’un cambrement dissident.Rosa.

La danse la laissait essoufflée, pantelante, Rosa… l’esprit gitan se perdait dans des effluves parfumés doux et entêtants, Tes épines me piquent. Et d’un sursaut affamé que rien ne semblait vouloir rassasier, la Gitane se redressa et plaqua sa bouche à celle de son Amante, lui dérobant un baiser avide. Brula sa gorge, ses flancs, son ventre, ses hanches de morsures infernales. Serpentine, Axelle louvoyait sur le corps sien, le temps de ces secondes volées à d’autres. Pique moi encore. Et sans demander la moindre autorisation, Reine noire pour une Reine blanche, elle s’abreuva à la source même de son désir. Bouton de rose dévoré d’une langue au ballet vertigineux.

Danse Rosa, danse pour moi. Sorcière. Et lacère-moi.
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* Traduction du romani: Je te dis voici la route, voilà les épines ; toi, marche comme tu sais.
Rosalinde
Fruit délaissé au terme de soupirs extatiques. Sorcières l'une de l'autre, aujourd'hui est leur sabbat. Et un instant, Rosalinde contemple son amante étendue devant elle, caressant d'une main encore humide d'elle sa poitrine secouée encore des derniers reliefs de leur danse. Elles ne se quitteraient pas, elle avait promis, et un sourire tendre aux lèvres de la rousse venait sceller l'accord.

- Moi aussi, je voudrais te peindre. Tu es si belle ainsi.

Pourtant, dissipée, le modèle ne tient pas longtemps la pose lascive dans laquelle l'aspirante artiste s'abîmait à la contempler. Un baiser, brûlant, dévastateur, il n'en faut pas plus pour raviver les braises assoupies au creux du ventre de la Wolback. Et l'incendie se propage, il consume tout, et la voilà qui s'abandonne, dans un rire. «Pyromane !». Elle retombe doucement au sol, dans le nid creusé par leurs vêtements épars. Et ce corps fragile, mu par une puissance qui le dépasserait presque, s'arc-boute avec, tout au sommet, ce ventre déformé par la maternité.

Elle danse, oui. Lascive, doucement affolée, avec ces gestes incontrôlés, un poignet mordu, des mots qu'on essaye de murmurer, et qui prennent cette étrange teinte empressée. Et ce nom qui revient, le leitmotiv de ses lubies. Axelle. Axelle. Axelle. Elle. Axelle. Elle. Elle. Elle. Ses mains qui voudraient agripper Axelle, mais qui errent sur le parquet, gênées par l'enfant. Ses yeux qui se ferment, sa tête, rejetée un arrière quand vient le temps des dernières mesures, la fin de l'acte. Rideau, la danseuse est morte, d'une petite mort qui l'entraîne doucement dans cet environnement cotonneux qu'elle côtoie un peu trop familièrement pour une veuve.


- C'est toi qui me piques, ajoute-t-elle dans un souffle.

Les joues roses, le regard vif, elle tend la main.


- Je veux ta peau.

Qu'elle vienne, contre elle. Partager un peu du nuage dans lequel elle s'enfonce encore, avant qu'elles ne soient rattrapées par la réalité.
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And I'm like...
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