Dans une vie pas encore si lointaine, Agathe croyait que la nuit était une parenthèse accordée au sommeil. Mais ça...c'était avant ! Avant qu'elle ne s'engage, sur un malentendu tout est possible, dans un long voyage vers la Castille... Bien sûr, sa Jolie-Maman, Erwelyn, l'avait rejointe tant la mort paternelle ne les avait à jamais fusionnées ces deux-là. Depuis, la fillette découvrait le monde, dans toutes les acceptations possibles de cette affirmation. Si Lynette, poney rose de son état, lui avait ouvert les portes de la fantaisie et de la douceur de vivre, Calyce et Katina l'avait propulsée dans un univers parallèle où tout semblait possible... Peu à peu, Agathe apprenait à composer avec sa double culture : de l'austérité de Longny, incarnée par Shynai et Mheïl, elle s'immergeait dans la fantaisie rose.
Aussi, la nuit n'appartenait plus à Morphée, non, la nuit, c'était le même terrain de jeu que le jour, en plus sombre...et certes...en plus flippant.
Si le marquis de Nemours se l'était joué grand seigneur en leur offrant une piaule dans ce bouge pittoresque, il n'en restait pas moins qu'il avait été bien plus radin quant au festin qu'il aurait du être en mesure de leur accorder. C'est donc avec des gargouillis stomacaux que la fillette ressassait, étendue sur sa couche, la vision du pochon de chouquettes que Katina et Calyce s'échangeaient plus tôt dans la journée, sans même partager avec le reste de la troupe...sont quand même sacrément pingres ces Angevins....
Si la chouquette ne vient pas à toi...va donc la trouver ! Allez, zou ! C'est décidé, pieds nus, chemise de nuit blanche immaculée, cascade blonde en vrac sur les épaules, Agathe quitte la chambrée partagée avec une Lynette assoupie. Tel un fantôme, elle se glisse silencieusement dans le couloir. Des chouquettes, chui sûre, elles en ont plein leur malle... Inutile de les réveiller pour leur en quémander, sont radines, autant se servir discrètement... ( Là, on aura de suite remarqué que la seconde culture d'Agathe a nettement pris le dessus sur l'éducation Mheilienne !).
L'esprit complètement enchouquetté, la salive en alerte, la fillette se glisse sans bruit.
Bon, alors, elle a dit, une chambre plus belle que celle de Melchiore, ça ne doit pas être difficile à trouver ! Contre chaque porte, elle pose son oreille. Des ronflements ? Nan, ça doit être la chambre de Bocom... Elle continue sa muette progression.
C'est à ce moment précis qu'un grincement dans l'escalier tout proche la stoppe net, le cur chamadant ( Du verbe chamader, bien trop peu usité !), louïe en alerte. Il ne s'agit pas de se faire gauler à trois pas du buffet ! Elle s'approche du pas de l'escalier et y risque un coup d'oeil furtif. Une faible lueur vacillante l'alerte de la présence d'un déambulateur nocturne- Meuh non, il n'est pas si vieux le Nemours !-. Soudain, des voix. D'abord, une féminine, plus lointaine mais plus haute, puis, une voix masculine, qui se fait plus discrète...Cette voix...elle la connait...Hannnnn ! Le pingre ! Lui aussi, il cherche à piquer des chouquettes ! Il a trouvé le coffre aux merveilles et si sa voix se fait charmeuse c'est qu'il est en pleine négociation, c'est certain, What else ???? Le pire c'est qu'il s'est fait prendre....
je suis coupable et fort honteux...!
Agathe tend un peu plus l'oreille, de là où elle est, elle n'entend que des bribes :
l'indigent que je suis !
Oh l'affreux ! Il se la joue nouveau pauvre pour rafler le pactole ! Agathe ne peut laisser le Marquis engloutir seul les chouquettes ! Ainsi, la plus belle chambre serait à l'étage, ben oui ! Pourquoi n'y a-t-elle pas pensé plus tôt ?! La vue sur les étoiles y est plus belle !!!! ( C'est certain, Agathe ne possède pas encore tous les codes de la société renaissante !).
Bon, si la voix féminine est bien celle détentrice du trésor, rien ne semble indiquer qu'elle est prête à lâcher le butin. Il ne faut donc pas se précipiter... D'abord, repérer les lieux...Si le Marquis repart avec la faim au ventre, elle pourra toujours tenter sa chance en hurlant à l'invasion de lapins blancs, ce qui permettrait d'avoir le champs libre pour inspecter la chambre évacuée...
Il ne lui restait donc qu'une seule chose à faire : s'avancer au plus près pour repérer la pièce contenant le Graal, sans se faire remarquer, bien sûr !
Sur la pointe des pieds, Agathe poursuit son ascension...