Yade
Ils lui avaient donné rendez-vous dans une ruelle sombre de Tours, dans un tripot miteux de la vieille ville. Ce soir-là, elle devait leur donner ce qu'ils lui avaient commandé. Eux étaient des brigands notoires ; le terme de criminels serait plus exact. Elle une voleuse. Autant brigande qu'eux, au final, mais pas de la même manière : si elle avait une liste bien remplie de péchés à se reprocher - et elle ne se les reprochait pas elle-même -, ces lascars-là avaient dans leur coeur quelque chose de bien plus noir. Eux, ils avaient du sang sur les mains. Et pas qu'un peu. C'est pour cela que la brune s'en méfiait comme de la peste. Mais, pauvre comme l'était sa maigre bourse et ne pouvant ignorer son estomac criant, elle avait été obligée de mettre son grand talent d'espionne à profit et de louer ses services. Le groupe en question avait été son premier client, impossible à refuser tant il payait et menaçait bien.
Et ce qu'ils lui avaient commandé n'était pas habituel : souvent, on lui demandait la bourse de quelqu'un d'autre, la preuve d'un adultère ou de voler des bijoux précieux. Mais cette fois, ce n'était rien de tout ça. Ce qu'ils désiraient très exactement, c'étaient les plans de la mairie et du Château de Tours. Ce qu'ils voulaient en faire, la voleuse ne l'avait pas demandé, mais si elle se fiait à sa bonne jugeote et à l'annonce du porte-parole ducal, les caisses du castel du Duc étaient plutôt intéressantes à aller visiter.
Ils lui avaient donné un mois pour cette mission, et pas une minute de plus. En un mois, elle avait réussi à se lier d'amitié avec un des gardes de la mairie à coup de chopes offertes et de déjeuners apportés quand il faisait sa ronde. Si elle avait voulu, elle aurait même pu donner un peu de son corps - jeune et belle, impossible pour un homme sensé de la refuser -, mais elle ne mangeait pas de ce pain-là. Au fur et à mesure, il avait accepté de la laisser entrer dans le bâtiment municipal, pour qu'elle puisse "visiter", comme elle l'avait prétendu. Elle avait volé quelques objets de valeur pour son propre compte, et au cas où le salaire promis ne serait pas le salaire donné une fois le méfait accompli. Finalement, après de bons et loyaux services un mois durant auprès du garde en question, elle lui avait demandé de lui dessiner les plans de la mairie, à pur titre informatif, car elle voulait construire une maison exactement comme le bâtiment de la mairie. Et cet idiot-là les lui avait donnés.
Malheureusement pour la voleuse, il n'avait pas connaissance des plans du château ; il n'avait été affecté qu'à la mairie. C'aurait été trop facile, et la brune l'aurait pris comme un défi si le temps n'était pas compté : le mois alloué pour cette commande se terminait le soir-même.
Bon, elle allait leur expliquer qu'elle avait déjà une partie du contrat, et qu'elle poursuivrait sa mission le mois suivant pour avoir le reste de la commande. Tout allait bien se passer.
( Quelques heures plus tard, devant la porte du tripot miteux... )
Elle ne frappa pas à la porte, entra comme une habituée. Elle s'installa sans un mot ni un geste de plus à la table du fond, dans un coin sombre. Ouais, comme dans les pièces de théâtres dramatiques dont elle ne raffolait pas du tout. Elle expliqua sa mission, posa le plan de la mairie sur la table. Et là, ça ne se passa pas comme prévu.
Le chef jeta un il sur le plan. Puis la regarda avec ce même il. D'ailleurs, il n'en avait qu'un, l'autre était protégé par un bandeau noir. Ses quatre compères le regardèrent, puis posèrent à leur tour leur regard bovin sur la seule présence féminine de la taverne.
"Allons, Yade... Tu ne vas pas me faire croire que tu n'as que ce plan... Si ?
- Si. Je n'ai réussi à avoir que celui-là, j'aurai l'autre dans quelques jours, mais le délai était trop court pour les deux.
- Et es-tu sûre que celui que tu nous as apporté est vrai ?
- Certaine. Mon informateur me l'a affirmé."
Ce qui était faux. Elle n'avait jamais vérifié l'information, elle avait considéré que le garde était assez bête pour lui accorder confiance, donc il était assez bête pour tout le reste. Enfin, c'est ce qu'elle avait cru. Le borgne lui mit le doute. Et ce fameux borgne se pencha un peu plus vers elle avec une voix mielleuse pleine de faux-semblants.
"Yade... Tu comprends que nous ne pouvons accepter une mission à demi-terminée... Je suis un homme généreux, et je t'aurais bien donné un peu de temps en plus pour terminer ce que l'on t'a demandé... Mais mes camarades ici présents jugent que le seul pauvre plan que tu nous as apporté est faux, et je me range à leur avis. Aussi, tu comprendras qu'on ne te paiera pas..."
Ça, elle l'avait prévu. Elle repensa aux petits trésors volés à la mairie et bien cachés dans son antre, une vieille cabane sur une route forestière, impossible à trouver tant elle était bien cachée. Il fallait suivre une route bien précise pour la retrouver, chemin qu'elle connaissait par coeur. Tourner à droite après le premier et le deuxième rocher, puis faire cent pas en direction de l'Ouest, descendre le chemin de gauche, passer sous le tronc du chêne renversé et compter à nouveau cent pas vers le Nord.
"Nous avons donc décidé de prendre toutes tes possessions dans ta maison afin de nous rembourser le temps attendu..."
Ah ben non, en fait.
"Et de te trancher la gorge afin que tu n'ailles pas répéter tout ce que tu as pu apprendre sur notre organisation et nos projets lors de cette mission. Je permettrai bien sûr à chacun de mes hommes de te faire comprendre toute leur colère légitime face à ton échec. Tu comprends, Yade ?"
Le temps de réaliser et de bien comprendre les mots que le chef des brigands avait prononcés que les quatre assassins étaient déjà en train de se jeter sur elle, lui arrachant sa petite dague et attrapant son corsage pour la retenir de s'en aller. Elle parvint cependant à s'échapper de leurs gros bras et à s'élancer vers la sortie en balançant après elle des tables et des chaises, mais combien de temps leur échappera-t-elle ?
(edit pour fautes d'orthographe.)
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Et ce qu'ils lui avaient commandé n'était pas habituel : souvent, on lui demandait la bourse de quelqu'un d'autre, la preuve d'un adultère ou de voler des bijoux précieux. Mais cette fois, ce n'était rien de tout ça. Ce qu'ils désiraient très exactement, c'étaient les plans de la mairie et du Château de Tours. Ce qu'ils voulaient en faire, la voleuse ne l'avait pas demandé, mais si elle se fiait à sa bonne jugeote et à l'annonce du porte-parole ducal, les caisses du castel du Duc étaient plutôt intéressantes à aller visiter.
Ils lui avaient donné un mois pour cette mission, et pas une minute de plus. En un mois, elle avait réussi à se lier d'amitié avec un des gardes de la mairie à coup de chopes offertes et de déjeuners apportés quand il faisait sa ronde. Si elle avait voulu, elle aurait même pu donner un peu de son corps - jeune et belle, impossible pour un homme sensé de la refuser -, mais elle ne mangeait pas de ce pain-là. Au fur et à mesure, il avait accepté de la laisser entrer dans le bâtiment municipal, pour qu'elle puisse "visiter", comme elle l'avait prétendu. Elle avait volé quelques objets de valeur pour son propre compte, et au cas où le salaire promis ne serait pas le salaire donné une fois le méfait accompli. Finalement, après de bons et loyaux services un mois durant auprès du garde en question, elle lui avait demandé de lui dessiner les plans de la mairie, à pur titre informatif, car elle voulait construire une maison exactement comme le bâtiment de la mairie. Et cet idiot-là les lui avait donnés.
Malheureusement pour la voleuse, il n'avait pas connaissance des plans du château ; il n'avait été affecté qu'à la mairie. C'aurait été trop facile, et la brune l'aurait pris comme un défi si le temps n'était pas compté : le mois alloué pour cette commande se terminait le soir-même.
Bon, elle allait leur expliquer qu'elle avait déjà une partie du contrat, et qu'elle poursuivrait sa mission le mois suivant pour avoir le reste de la commande. Tout allait bien se passer.
( Quelques heures plus tard, devant la porte du tripot miteux... )
Elle ne frappa pas à la porte, entra comme une habituée. Elle s'installa sans un mot ni un geste de plus à la table du fond, dans un coin sombre. Ouais, comme dans les pièces de théâtres dramatiques dont elle ne raffolait pas du tout. Elle expliqua sa mission, posa le plan de la mairie sur la table. Et là, ça ne se passa pas comme prévu.
Le chef jeta un il sur le plan. Puis la regarda avec ce même il. D'ailleurs, il n'en avait qu'un, l'autre était protégé par un bandeau noir. Ses quatre compères le regardèrent, puis posèrent à leur tour leur regard bovin sur la seule présence féminine de la taverne.
"Allons, Yade... Tu ne vas pas me faire croire que tu n'as que ce plan... Si ?
- Si. Je n'ai réussi à avoir que celui-là, j'aurai l'autre dans quelques jours, mais le délai était trop court pour les deux.
- Et es-tu sûre que celui que tu nous as apporté est vrai ?
- Certaine. Mon informateur me l'a affirmé."
Ce qui était faux. Elle n'avait jamais vérifié l'information, elle avait considéré que le garde était assez bête pour lui accorder confiance, donc il était assez bête pour tout le reste. Enfin, c'est ce qu'elle avait cru. Le borgne lui mit le doute. Et ce fameux borgne se pencha un peu plus vers elle avec une voix mielleuse pleine de faux-semblants.
"Yade... Tu comprends que nous ne pouvons accepter une mission à demi-terminée... Je suis un homme généreux, et je t'aurais bien donné un peu de temps en plus pour terminer ce que l'on t'a demandé... Mais mes camarades ici présents jugent que le seul pauvre plan que tu nous as apporté est faux, et je me range à leur avis. Aussi, tu comprendras qu'on ne te paiera pas..."
Ça, elle l'avait prévu. Elle repensa aux petits trésors volés à la mairie et bien cachés dans son antre, une vieille cabane sur une route forestière, impossible à trouver tant elle était bien cachée. Il fallait suivre une route bien précise pour la retrouver, chemin qu'elle connaissait par coeur. Tourner à droite après le premier et le deuxième rocher, puis faire cent pas en direction de l'Ouest, descendre le chemin de gauche, passer sous le tronc du chêne renversé et compter à nouveau cent pas vers le Nord.
"Nous avons donc décidé de prendre toutes tes possessions dans ta maison afin de nous rembourser le temps attendu..."
Ah ben non, en fait.
"Et de te trancher la gorge afin que tu n'ailles pas répéter tout ce que tu as pu apprendre sur notre organisation et nos projets lors de cette mission. Je permettrai bien sûr à chacun de mes hommes de te faire comprendre toute leur colère légitime face à ton échec. Tu comprends, Yade ?"
Le temps de réaliser et de bien comprendre les mots que le chef des brigands avait prononcés que les quatre assassins étaient déjà en train de se jeter sur elle, lui arrachant sa petite dague et attrapant son corsage pour la retenir de s'en aller. Elle parvint cependant à s'échapper de leurs gros bras et à s'élancer vers la sortie en balançant après elle des tables et des chaises, mais combien de temps leur échappera-t-elle ?
(edit pour fautes d'orthographe.)
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