Nos pas s'étaient enchaînés, lentement, et nous avions été aussi silencieuses que possible. Il faut dire que nous ne sommes pas bien épaisses et que les branchages ne craquent pas avec la même intensité sous notre corpulence, que sous celle des hommes du Clan... Et autant être honnête, ils ne sont pas forts nombreux. Comme à chaque partie de chasse, l'arc dans la main droite, la flèche déjà prête dans la gauche, il ne manquait plus que l'allonge pour que le coup parte. De par mes expériences passées, je savais que je ne devais pas être sur la défensive, je devais simplement être prête à intervenir lorsqu'il le faudrait, car nous n'étions que deux et comme tous les autres, nous n'étions pas à l'abri d'une mauvaise rencontre. Oui, mais.. Ah oui... C'est nous, les vilaines. Je ne pouvais m'empêcher de sourire à cette simple pensée, alors qu'avant de rencontrer Gabriele Corleone, j'étais une simple paysanne des royaumes du Nord, qui n'aurait pas fait du mal à une mouche. Et maintenant ? Et bien... Maintenant... J'avais changé après tout. Nous changeons tous. Et si les choses évoluent de la sorte, c'est qu'elles doivent arriver, pour une raison ou une autre.
[ Eté 1461 ]
- Avec ma famille tu sais, on forme un Clan. Et pour vivre, on force des mairies, on attaque parfois des voyageurs...
- Vous.. faire ça ?
- Si... Et si tu es avec nous, tu devras le faire aussi.
- Je... Je jamais savoir faire ça. Je.. Désolée Gabriele, mais je ne pas savoir faire ce que tu me demandes. Moi, je sais juste chasser. Juste avec l'arc.
- L'arc c'est bien aussi. C'est très pratique. Tu verras, tu seras très bien parmi nous.
Alors qu'il pose ses émeraudes sur moi, je me retrouve à rougir. Moi, pauvre fille du nord, qui ne comprends pas encore ce qui m'arrive. Moi, pauvre amoureuse de la vie, qui ne comprends pas comment on peut vivre du malheur des autres. C'est évident, il se trompe. Mais le bras qu'il a passé à ma hanche me fait rester contre lui et lui sourire. Je le regarde et je me perds dans ses yeux. Il a une emprise sur moi que j'ignore encore, mais qui ne fera qu'accroître avec le temps. Ses lèvres se posent sur les miennes et, tout comme mes jambes qui se mettent à trembler, mes convictions - elles aussi - se mettent à se bousculer. Quelques mois plus tard, il aura raison sur tout. Il aura raison sur moi. De moi, de mon mauvais français, de mon amour, de ma raison elle-même.
[ 1462 ]
Quelque chose attire l'attention de la Meneuse. Elle aussi, elle l'a senti : ce feu annonciateur de présence. Bonne ou mauvaise nouvelle, il n'y a qu'une seule façon de le découvrir. Nous nous avançons et déjà elle a troqué son arc pour son épée. Pour moi, il n'en sera pas la même chose, bien au contraire. La flèche vient épouser le crin de l'arc, alors que mes doigts se resserrent pour mieux pincer le bout de la plume, qui orne la fin de la munition. Peut-être allons-nous être le repas. Chasseuses chassées, passant de tueuses à gibier. Malgré le stress ascendant et l'accélération du palpitant, je ne peux m'empêcher de sentir cette douce excitation m'envahir. Comme à chaque fois que nous sommes montés à l'assaut, comme à chaque combat que nous avons mené, à chaque vie que nous avons prise, je ressentais une pulsion envahir mon être. Comme un vent de chaleur venant embraser ma volonté, me faisant avancer au lieu de reculer. Mais à croire que la chance nous sourit - ce qui n'est pas toujours le cas au vu des évènements passés à Chambéry - puisque nous tombons sur une jeune femme, seule. Hésitation à sa simple vue : La laisser ? Foncer ? Décision vite prise par Ina, le repas ne sera pas de chair et de sang, mais d'or et d'argent. Encore que... Qui a dit qu'il ne pouvait y avoir les deux ?!
Lorsque la Meneuse Corleone avance de front, épée en main, mes pas se font alors plus dansant, entamant cette valse simple avec la nature, me faisant contourner doucement la pauvresse. Seuls mes yeux la quittaient de temps à autre pour se poser sur la Corleone, avant d'entendre ce qu'elle avait à dire. - Je ne puis vous venir en aide financièrement. Je peux par contre vous apporter de la chaleur. Voulez vous discuter ? Voilà... C'est parti.
Un énorme sourire élargit alors mon minois si fermé lorsqu'il le faut, avant de lâcher un éclat de rire cristallin. Tout s'arrête le temps d'un court instant, alors que le rire qui me prend me donnerait presque mal au ventre. Je le sais cependant, si moi je ris, la jeune femme au feu de camps ne doit guère être rassurée, car il n'avait rien qui puisse la laisser imaginer qu'elle puisse l'être. Je la regarde avec un air redevenu sérieux, la détaillant sous sa petite cape noire. Le calme émanant d'elle... Cette sérénité... Je ne peux m'empêcher de lui sourire de manière ironique, tout en m'accroupissant non loin, l'arc venant rejoindre le sol dans un bruissement de feuilles. - C'est très gentil de votre part, vraiment, mais ce n'est pas exactement ce que nous sommes venues chercher voyez vous. Épargnez nous une recherche ou une fouille désagréable, qui ferait perdre un temps précieux à tout le monde. Nous ne sommes pas d'un naturel très patient. Quelque chose me surprend quand même chez elle, comme si elle se sentait protégée par je ne sais quoi. Est-ce que ça ne gêne que moi cette naïveté criante ? Mon regard glisse alors vers Ina, comme pour l'interroger sur ce malaise bien palpable. La jeune perdue n'était en rien en position de force et pourtant.. Ce calme olympien avait quelque chose d'horrifiant. De saint. De... Quelle horreur! - Paroles de Gabriele
- Paroles de Daeneryss
- Paroles de Quelfalas
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