Azurine
- Un frisson lui parcourut léchine. Elle avait mis du temps à se décider, beaucoup de temps. Après le départ dArnan, la jeune italienne était restée de longs mois seule, pesant le pour et le contre de cette rencontre quelle reculait toujours. De la procrastination. Elle avançait, hésitait, reculait. Trois pas en avant, quatre pas en arrière, ne se sentait pas prête pour tout ça, trouvait tellement idiot de rester dans un Royaume inconnue pour des personnes inconnues. Pourtant si déterminée, Azurine avait peur daffronter cette famille quelle ne connaissait que de nom. La peur était pourtant une émotion quelle ne connaissait pas, là-bas, en Italie. Elle lavait bravé dans toute son enfance pour ne plus revivre cette douleur insurmontable que lui avait procuré la peur de labandon. Alors elle navait plus envie de revivre ça, dangoisser pour une famille quelle ne connaissait ni dAdam ni dEve.
Bien sur, les Corleone étaient connus dans le Royaume et lorsquelle osait dire son nom, les gens la regardaient généralement comme un paria, comme quelquun de dangereux. Et elle profitait de cette réputation. En quelques mois, Azurine avait réussi à forger son caractère, avait appris à être crainte et respectée rien quavec son nom. Corleone. Un pouvoir dont elle profitait chaque jour toujours plus, comme sur les routes sur lesquelles elle pillait parfois. Corleone. Son nom, celui de sa mère. Celui dune famille nombreuse et soudée, dont les membres évoluaient ensemble, avec les avantages et les inconvénients dun tel regroupement. Une famille quelle pourrait intégrer et qui laccepterait rien que par le fait quelle était la fille de Rodrielle. Une famille avec qui elle pourrait vivre et avec qui elle ne se sentirait plus seule. Peut-être était-il temps
Le quartier Spiritus Sanguis était grand, trop grand. Elle ne savait pas où aller ni qui demander. Elle ne savait pas non plus que dire, comment se présenter. A chaque pas, dune lenteur incomparable, Azurine répétait sa présentation. « Buongiorno. Sono Azurine. Sono la ragazza di Rodrielle ». Même sans personne face à elle, sa voix était fébrile, presque timide. Parler dans sa langue natale lui donnerait une assurance quelle naurait pas avec le français quelle ne maîtrisait pas encore. Elle devait mettre toutes les chances de son côté. Et ce quelle devait faire par-dessus tout : se montrer digne des Corleone. Elle connaissait leur réputation et le caractère de chacun dentre eux. Arnan lui avait rapidement parlé des membres Corleone et de leur tempérament de feu. En soi, elle possédait le même, mais uniquement avec ceux quelle connaissait ou qui ne faisaient pas partie de son hypothétique famille. Cétait donc un effort surhumain quelle réalisait ce jour-là, en venant à la taverne familiale.
Cétait là. Face à la porte de la Sans-Nom, Azurine sarrêta et regarda la porte en bois devant elle. Cétait lheure, linstant décisif qui changerait, ou pas, le restant de sa vie. Allait-elle être acceptée ou rejetée ? Est-ce quelle serait reconnue ? Les questions tourbillonnaient dans sa tête mais la jeune italienne les chassa dun revers de la main. Il nétait plus lheure dhésiter : elle se redressa, fière et forte, puis poussa la porte de la taverne avant de savancer vers le comptoir dun pas assuré.
« Voglio vedere uno Corleone. Per favore. »
Elle retira la capuche de sa cape sombre, jeta un regard à laubergiste qui signifiait quelle ne traduirait rien et que sa demande devait être exécutée de ce pas. Aucune hésitation, aucun tremblement dans sa voix et aucun soupire. Elle était Corleone et le montrait à cet instant précis.
A ce moment-là, elle ressemblait tellement à sa mère
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