--Rapine
Des masures difformes, des volets défigurés qui claquent au vent. Cela braille, cela jure. Le quartier s'anime lorsque les engeances pourrissent ses entrailles. Les petites mains se dressent au dessus des visages blafards et des tonsures grouillantes de poux. Leur haleine fétide se personnifie en une exhalaison blanchâtre. La mendicité est un bien vilain défaut mais ici, c'est le seul moyen de grailler. Au sein de l'école du crime, se dressent des frimousses pomponnées et bien plus amènes. De frêles silhouettes qui dénotent avec la compagnie des replets quémandant à leurs côtés. Les hirondelles se fagotent à la manière de bourgeoises sans goût afin de mieux dérober le chaland. Les corsages, aux échancrures scandaleuses, débordent d'une peau diaphane. On les confondrait presque avec les ribaudes simulant la jouissance suprême telles de mauvaises actrices. Pour finalement essuyer avec dédain la souillure des pécores venus les trousser. Les faquins ne sont pas en reste, collectionnant les stigmates les arborant comme s'il s'agissait de trophées sanglants. Le possesseur des plus nombreuses entailles ou de la plus répugnante rafle la mise. Rien d'étonnant d'y croiser la présence d'un gonze à la cicatrice bleuit par le temps, prémisse des affres de la mort.
La belladone farde les prunelles, les biches ornées gambadent dans les fourrés urbains avec pour cible le stupre et la concupiscence. Le quartier s'écroule depuis des centaines d'années à moins que les pans de mur, aux gueules cassées, se soutiennent les uns, les autres. Compagnons de beuverie hurlant à la lune lorsqu'elle s'obscurcie derrière les nuages larmoyants. L'odeur du purin est délectable pour les amateurs du surin. Si bien qu'ils reniflent avec jubilation les effluves avant de rougir leur lame d'une gorge innocente. Quelques rares nobliots s'hasardent dans ce quartier poussés par la charité ou par un profond désir d'altruisme. Offrir l'aumône en échange du salue de l'âme. Oublient-ils leur raison en franchissant le seuil du territoire des condamnés.
Les joyeux drilles claudiquent dans les ruelles dégueulasses affichant, aux généreuses personnes, leurs infirmités. Le plus souvent ce sont des anciens tire-laines reconnus coupables et ayant donc subis les mutilations de rigueur. Ceci n'étant pas assez glorieux et attendrissant, ils brodent des mensonges justifiant leurs membres manquants. On transforme les conséquences de la rapine en souvenirs de guerre aux services du roi. C'est la coutume. Ainsi les malingreux s'époumonent à la vue des passants et recouvrent la santé dans leur sillage esquissant des sourires noirâtres et ajourés. Les mercandieux, quant à eux, arnaquent par paire. Les jumeaux de l'escroquerie enfument le quidam en prétextant la misère. Anciens marchands touchés par la faillite. Tout ce beau monde profite de leurs exactions en échange d'une taxe et de la protection des seigneurs de ce lieu.
Viendrez-vous alléger votre bourse en franchissant la porte des miraculeux ? Ceux qui vous plument dans un rire gras comme la terre qui les accueille. Pénétrez au cur de la dépravation, mais sachez que vous le faîtes à vos risques et périls...