Lean
...sur le lieu qu'elle domine.
Shakespeare
[I will stay with you tonight
Hold you close ‘til the morning light]
Je resterai avec toi cette nuit.
Je te garderai tout près jusqu'à ce que le jour se lève.
Stay Alive - José González
L'odeur dans la taverne est infecte. Un mélange de moisissure et d'urine qui donne à Léan envie de vomir. Elle reste impassible. Du regard elle parcourt la salle, comme si elle tenait à s'assurer que rien ne viendra la gêner alors qu'elle boit seule, assise à l'écart, et pourtant elle sait que ça ne sera pas le cas. Sa frêle stature n'est pas imposante, mais ses yeux ourlés de cernes sombres émettent un message bien trop clair pour être ignoré, même par un soûlard lent à la réflexion. Elle détruira quiconque ose l'importuner.
Passant la main au dessus de la flamme vacillante de la bougie qui orne la table bancale à laquelle elle est assise, Léan tente de se concentrer sur son objectif et de laisser de côté les questions parasites. La lettre de son père, reçue quelques semaines plus tôt, l'a jeté dans un océan de confusion, ou tristesse et colère se mêlent et où la nostalgie prend une place bien trop importante. Sa mère l'a abandonné pour un homme et pour l'enfant qu'elle portait. L'annonce, si elle a jeté la lumière sur une partie de la vie de l'Insensible, a aussi eu le mérite d’amener à sa connaissance une existence qui bouleverse tout. Elle n'est pas enfant unique.
L'intégralité de ses sens tourné vers la porte, la Derocher Corleone attend sa cadette. Elle ne sait pas grand chose de celle-ci, pour ne pas dire rien. Quelques informations éparses glanées par un soldat à la retraite devenu détective pour ceux qui ont les moyens de faire enquêter à leur place. L'enfant est née alors qu'elle avait deux ans, fille d'Emmanuelio Dante et de Ludovica Corleone. Sa mère. Leur mère. Leur lien.
La cadette, Lived puisque tel est son nom, a été décrite avec force de détail. Sa blondeur et sa saleté ont été soulignées, tout comme sa tendance à traîner dans des endroits malfamés. Son itinéraire à travers les chemins de France et de Navarre a été analysé et décrypté, puis comprit et emprunté par l'aînée. Et surtout, elle doit être un peu paumée. La supposition est du Caillou et non du soldat reconverti. Lui, il a arrêté de faire de jouer aux devinettes lorsque le travail ne l'exige pas. Il ne sait que trop bien que ça n'attire jamais rien de bon.
La porte de bois s'ouvre dans un inaudible grincement, sans que les joueurs à leurs tables ou les catins à leurs joueurs n'y prêtent attention, et apparaît sur le seuil une ombre pâle, dont la maigreur semble familière à Léan tant elle est similaire à la sienne. Une main est portée au cou et vient effleurer les perles délicates qui l’enserrent joliment, tandis que l'amour de Fleur pour sa benjamine, incompréhensible jusqu'alors, devient clair. Il n'est pas lié à la connaissance de l'autre et ne nécessite aucun souvenir. C'est un amour physique, animal. Presque maternel. C'est l'amour de celle qui protège, et Léan malgré ses failles et ses faiblesses se sent devenir cet être alors qu'elle se lève à demi, adressant à la jeune femme un signe de la tête l'enjoignant à la rejoindre.
Viens à moi petite sœur, que plus jamais je ne te lâche. Viens à moi.
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Shakespeare
[I will stay with you tonight
Hold you close ‘til the morning light]
Je resterai avec toi cette nuit.
Je te garderai tout près jusqu'à ce que le jour se lève.
Stay Alive - José González
L'odeur dans la taverne est infecte. Un mélange de moisissure et d'urine qui donne à Léan envie de vomir. Elle reste impassible. Du regard elle parcourt la salle, comme si elle tenait à s'assurer que rien ne viendra la gêner alors qu'elle boit seule, assise à l'écart, et pourtant elle sait que ça ne sera pas le cas. Sa frêle stature n'est pas imposante, mais ses yeux ourlés de cernes sombres émettent un message bien trop clair pour être ignoré, même par un soûlard lent à la réflexion. Elle détruira quiconque ose l'importuner.
Passant la main au dessus de la flamme vacillante de la bougie qui orne la table bancale à laquelle elle est assise, Léan tente de se concentrer sur son objectif et de laisser de côté les questions parasites. La lettre de son père, reçue quelques semaines plus tôt, l'a jeté dans un océan de confusion, ou tristesse et colère se mêlent et où la nostalgie prend une place bien trop importante. Sa mère l'a abandonné pour un homme et pour l'enfant qu'elle portait. L'annonce, si elle a jeté la lumière sur une partie de la vie de l'Insensible, a aussi eu le mérite d’amener à sa connaissance une existence qui bouleverse tout. Elle n'est pas enfant unique.
L'intégralité de ses sens tourné vers la porte, la Derocher Corleone attend sa cadette. Elle ne sait pas grand chose de celle-ci, pour ne pas dire rien. Quelques informations éparses glanées par un soldat à la retraite devenu détective pour ceux qui ont les moyens de faire enquêter à leur place. L'enfant est née alors qu'elle avait deux ans, fille d'Emmanuelio Dante et de Ludovica Corleone. Sa mère. Leur mère. Leur lien.
La cadette, Lived puisque tel est son nom, a été décrite avec force de détail. Sa blondeur et sa saleté ont été soulignées, tout comme sa tendance à traîner dans des endroits malfamés. Son itinéraire à travers les chemins de France et de Navarre a été analysé et décrypté, puis comprit et emprunté par l'aînée. Et surtout, elle doit être un peu paumée. La supposition est du Caillou et non du soldat reconverti. Lui, il a arrêté de faire de jouer aux devinettes lorsque le travail ne l'exige pas. Il ne sait que trop bien que ça n'attire jamais rien de bon.
La porte de bois s'ouvre dans un inaudible grincement, sans que les joueurs à leurs tables ou les catins à leurs joueurs n'y prêtent attention, et apparaît sur le seuil une ombre pâle, dont la maigreur semble familière à Léan tant elle est similaire à la sienne. Une main est portée au cou et vient effleurer les perles délicates qui l’enserrent joliment, tandis que l'amour de Fleur pour sa benjamine, incompréhensible jusqu'alors, devient clair. Il n'est pas lié à la connaissance de l'autre et ne nécessite aucun souvenir. C'est un amour physique, animal. Presque maternel. C'est l'amour de celle qui protège, et Léan malgré ses failles et ses faiblesses se sent devenir cet être alors qu'elle se lève à demi, adressant à la jeune femme un signe de la tête l'enjoignant à la rejoindre.
Viens à moi petite sœur, que plus jamais je ne te lâche. Viens à moi.
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