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[RP] Je vois mon esprit exploser quand je perds la raison *.

Alida.


    [Cour Brissel]


Parchemin marronnasse sous une plume fine usée.
La main tremble, quelques gouttes noires et épaisses tombent sur la feuille. Déjà le papier boit l'encre, s'imbibe et se tâche. Elle fronce les sourcils.


- Mais pourquoi il s'écrit tout seul dessus ? J'lui ai rien demandé encore. Après on dit que j'fais rien bien mais c'est pas moi, c'est lui !

Elle montre d'une main accusatrice et rageuse le parchemin et agite cette fois-ci la plume tenue entre deux doigts, au dessus. De nouvelles gouttes tombent immanquablement. Elle soupire, ne cherche même plus à comprendre pourquoi le sort s'acharne sur elle et l'empêche d'écrire une lettre propre. Tant pis, missive sera tâchée de noir.



Folie chérie,

Je t'écris aujourd'hui pour te demander de me laisser un peu tranquille, parfois. Je t'avoue que ça me ferait quand même très plaisir. Mais je sais que tu m'aimes trop pour m'abandonner. Alors tant pis.

J'ai tout un tas de trucs à te raconter, autant que tu serves à quelque chose.
Hier j'ai trouvé comment devenir richissime. J'faisais mon tour de la Mortellerie, comme à peu près tous les jours, pour voir les nouvelles têtes des mendiants et pour trouver un ou deux gosses à revendre. La routine quoi. Sauf qu'hier, j'ai aussi rencontré un faussaire, drôlement chouette si tu veux savoir. Et là tu te demandes quel est la rapport avec ma richesse future. En fait, c'est tout con. Le faussaire me fait des fausses pièces tu vois, j'en jette une dans la fontaine Sainte Gontrule donc au passage j'récupère les piécettes qu'il y a dans la fontaine pour faire d'la place à ma pièce, parce qu'avec toutes les pièces qu'y'a dedans, Sainte Gontrule peut pas exaucer tout l'monde, que si y'a que moi... Tu piges ?
Donc je demande la richesse à Sainte Gontrule qui verra pas de tout la bas si ma pièce est vraie ou pas, mais il me reste encore plein de fausses pièces.
Donc ! Je retourne chercher des gosses à vendre, je les vends contre écus sonnant, mais j'm'arrange pour qu'on vienne me les ramener, et là j'refile les faux écus. Comme ça, j'ai besoin d'un seul gosse, ou deux. Et j'garde tout un tas d'pièces.

Je suis un génie.

Je peux aussi faire le tour des fontaines, mais je vais devenir folle. L'eau ça rend les gens bizarres je trouve. Ils font des trucs étranges quand ils en boivent trop, je préfère m'en éloigner.

Bon, et toi ? Il se passe quoi sur ton beau nuage rouge ? Il pleut toujours des grenouilles et des libellules ? C'était comme ça la dernière fois que je t'ai vue. C'est joli les bourdons.

Je te laisse, je dois aller cueillir des champignons au cimetière, ils ont plus de goût là bas, me demande pas pourquoi.

La Pipistrelle.


Lancer de pigeon au hasard qui vole difficilement, un peu trop chargé. Pauvre bestiole.
Pas d'adresse ni de destinataire. La Folie se reconnaîtra.

Mais en attendant que sa Folie lui réponde, elle va aller faire une sieste.

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- Blablabla réponses d'Alida...
Henrii
« J'envoie une carte postale
Peu importe qui voit ce que j'ai envoyé
Ou que le monde sache ce qu'il y a dans ma tête »

James Blunt – Postcards


Dunkerque


En Mai, il n'y avait rien de spécial à faire. Regarder le blé pousser n'était pas considéré comme une activité à part entière. Traire les vaches, ça ne durait pas la journée. De même que ramasser les œufs. Et les paysans préféraient surveiller eux-mêmes leurs bêtes paître dans les pâturages.

Pour un garçon comme Henri, Mai était le mois idéal pour s'adonner à la chasse. Les nobles exposaient leurs beaux atours. Montés sur leurs chevaux, ils parcouraient forêts et vallons, revenant les bras chargés de gibiers d'eau. Le blondinet évitait donc soigneusement tous ces endroits là. Il ne voulait pas risquer de se faire voir par les seigneurs et leurs troupes. Il s'enfonçait alors dans les bois à l'opposé des nobliaux, arc en main, et tirait sur les pigeons dodus, les lièvres bondissants, les faisans colorés ou toutes autres créatures à poils ou à plumes qui pouvaient le nourrir et l'enrichir.

C'était un bon jour, que celui-ci. Henri revenait, la besace pleine et le sourire aux lèvres. Il pourrait tirer un bon prix de la fourrure des deux lapins qu'il avait attrapé au collet. Quant à la viande... Qu'y avait-il de meilleur qu'une de ces bêtes rôties au-dessus des flammes d'un feu de camp ?

Il était en train de dépecer son gibier lorsque son ouïe fut attirée par le roucoulement d'un pigeon. Animal commun dans les villes, pas de quoi l'intriguer. Non, ce qui l'étonnait plus, c'était cette lettre, accrochée à la patte. La bestiole ne savait pas à qui la remettre, apparemment. Après tout, les pigeons ne savaient pas lire. Celui-ci ne faisait sans doute pas exception à la règle.

Délaissant le fruit de sa chasse, Henri attrapa d'un geste ample l'animal à plumes, et en décrocha la missive. Soigneusement pliée, certes, mais il n'y avait pas de précisions ni sur le nom du destinataire, ni sur une éventuelle adresse. Peut-être qu'en la lisant, il en apprendrait plus... ?
Ce ne fut malheureusement pas le cas. « Folie chérie » n'était pas considéré, même à ses yeux, comme un véritable prénom. Et la personne qui avait écrit ladite lettre n'avait pas signé de sa vraie identité. A moins qu'elle ait eu des parents vraiment particuliers, qui l'avaient appelé du nom d'une chauve-souris.

Il fallait qu'il réponde, ou au moins qu'il essaie. Henri détestait écrire, mais là, c'était un cas d'urgence. Cette fille attendait une réponse, sans aucun doute. C'était bien sa veine, pensa le blondinet. Rédiger une lettre à une parfaite inconnue. Lui qui avait déjà du mal à trouver quoi dire à ses connaissances et amis ! Était-ce un genre de mission divine ? Le Très-Haut le mettait-il au défi de laisser une demoiselle en détresse ? Bien que la dénommée Pipistrelle semblait savoir se débrouiller toute seule pour gagner sa vie.

Soupirant, découragé avant même d'avoir commencé, Henri délaissa tout de même son travail, planquant le gibier dans un fut vide. Se saisissant du pigeon, seul lien avec l'inconnue, il serra dans son autre main la lettre, et monta dans sa chambre d'auberge. Il avait besoin de calme pour écrire. S'il restait en bas, il se ferait distraire par un rien, comme les rondeurs attrayantes de la jolie fille du tavernier. Ce n'était pas le moment de laisser ses pensées dérivées vers ce genre de sujet. L'heure était grave, que diable !

Une fois derrière la table bancale, le pigeon voletant dans la chambre en roucoulant comme un fou, Henri se mit au travail, tout prêt à suer sang et eau pour cette étonnante demoiselle.

Citation:

    Demoiselle Pipistrelle,

    J'ai trouvé votre lettre par hasard. Le pigeon s'est égaré. Il faut dire aussi que vous n'êtes pas très précise, dans votre courrier. Je veux dire que vous n'avez pas mis d'adresse ni de nom. Remarquez, les pigeons ne savent pas lire, même si vous aviez mis une adresse, ça ne l'aurait pas beaucoup aidé pour trouve Folie Chérie.

    Vous avez dû comprendre que je ne suis pas le bon destinataire. Je suis à Dunkerque, voyez-vous. Je ne sais pas si votre amie vit dans le coin. Je peux peut-être essayé de la trouver, si vous me donnez son nom.

    En parlant de nom, le mien, c'est Henri. Vous voilà renseignée. Et vous, c'est quoi ? C'est pas vraiment Pipistrelle, je suppose ?

    Je me permets de dire que j'admire votre façon de vous enrichir. C'est un peu tordu, mais si ça marche, faites-le moi savoir. Oh, et si vous pouviez m'envoyer un exemplaire de votre fausse pièce, ce serait gentil. Je voudrais vérifier que ça marche, même ici.

    Une fois, quand j'étais vraiment dans la misère, ou tout au bord, vous voyez ? J'ai pu renflouer mes caisses, mais pas comme vous. Et vous savez peut-être à quel point il est pénible de faire la manche. Poireauter des heures devant une église, en plein soleil ou sous la pluie, ce n'est vraiment pas ce qu'il y a de mieux. Alors vous savez, j'ai passé ma plus belle chemise, j'ai emprunté une canne au bedeau (il a été prise d'une brusque envie de faire la sieste...), et j'ai fait la quête, soit disant pour le clocher de l'église (c'est une excuse courante, mais elle fonctionne toujours !). Il y avait un orage, dehors, je n'ai pas eu trop de mal à convaincre les bigots et bigotes que c'était le châtiment du Très-Haut pour qu'on ose laisser le clocher dans cet état. Sitôt la messe finie bien sûr, je suis parti en courant. Et au village voisin, j'ai pu passer deux jours à l'auberge, et j'ai même trouvé du travail. Je devrais regretter, mais... Après tout, les nobles volent aussi, et sans se cacher, et appellent ça "impôts". Alors bon, chacun son tour, pas vrai ?

    Je sais pas pourquoi je vous raconte tout ça. Je m'en vante pas, d'habitude. Je suis discret. Mais comme j'ai lu votre plan d'enrichissement, je trouve ça équitable que vous connaissiez le mien.

    J'espère que ce pigeon saura vous retrouver. Si vous voulez me répondre, ou m'envoyer cette fameuse fausse pièce, notez bien l'adresse cette fois. Henri, auberge du "Petit Navire" à Dunkerque. Y'en a qu'un.

    Bien à vous,

    Henri


Le volatile fut expédié sans plus tarder, laissant un Henri tâché d'encre, le regarder disparaître dans le ciel. Ce n'était pas tout ça, songea-t-il bientôt, mais il avait des lapins à vider.
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Henri pense. « Henri parle. »
Alida.
    [Cour Brissel, encore et toujours]


- J'm'ennuie !
- Tu m'ennuies !
- Gnagnagna, arrêtes de m'ennuyer dans mon ennui.
- ...

Énorme soupir.
Cui cui cui.


- Oh, un oiseau ! Là ! Il me fonce droit dessuuuuuuuuus, tous aux abriiiiiis !

Elle se jette à plat ventre sur les pavés boueux, accuse le choc, et prend sa tête entre ses mains pendant que le piaf se pose tout essoufflé -sisi, même les oiseaux s'essoufflent d'abord !- à côté d'elle. Elle ose ouvrir un œil pour voir si le danger est passé, puis ouvre le deuxième. Elle se relève et s'époussette, plus pour tenter de faire bonne figure devant les mendiants hilares que par nécessité de propreté.

- Fermez la bande d'abrutis, jamais vous n'égalerez mon élégance !

Et toc.
Elle attrape le volatile qui, elle le jurerait, se fout d'elle aussi et pour la peine, lui arrache le message des pattes un peu brusquement.
L'oiseau dans une main, la missive dans l'autre, elle lit, assez concentrée, sourire aux lèvres.

De retour dans son antre : elle répond.




Ma belle Henri,

C'est pas très commun Henri comme nom de folie, mais c'est joli, et puis Henri et Folie ça rime, ça doit être pour ça, je comprends mieux. Parce que le pigeon ne s'est pas égaré, il sait parfaitement où il va, il suit les courants, les nuages et les graines des pissenlits. Ainsi c'est donc toi ma Folie qui m'écrit. Il ne faut jamais douter du pouvoir du pigeon. Jamais. Donc en fait, Folie habite là où se pose le pigeon. Il faut croire que c'est à Dunkerque.

Sinon je m'appelle Alida, ça rime pas trop avec Folie, ni avec Henri. Mais Pipistrelle c'est plus joli. Ça vole une Pipistrelle, et je m'entraîne dur pour y arriver un jour, mais pour le moment, mes bras ne sont pas assez gros je crois, il y a trop de vide entre eux et mes côtes, alors c'est pas terrible terrible pour voler. Mais j'y arriverai !

C'est un bon début la quête dans l'église, tu iras loin. C'est comme ça qu'on commence tu sais. On le fait une première fois en se convainquant qu'on n'a pas le choix, on a des remords pendant quelques jours, on oublie et puis étrangement, on recommence. Par nécessité, et puis parce qu'on y a pris goût aussi inconsciemment : le goût du risque, de l'audace, du plan presque foireux qui peut quand même marcher. Après on ne s'en aperçoit même plus qu'on le fait. Comme picoler, c'est devenu indispensable.

Et puis après on fait des plus gros coups que la quête à l'église. Parce que c'est quand même pour les débutants ça : tout le monde est assis, coincé sur les bancs, le temps de prendre la fuite qu'ils ne seront toujours pas levés. Mais c'est un bon début, je nie pas.

Tu devrais essayer de voler dans les maisons la nuit, c'est drôlement plus excitant. M'enfin je sais pas comment c'est foutu à Dunkerque, mais à Paris, c'est très beau de marcher sur les toits et de se faufiler dans les masures.
Tu me diras si c'est pareil chez toi.

La Pipistrelle

PS : J'ai mis la pièce dans le bec de l'oiseau que j'ai noué, pas la pièce, le bec. Un peu comme un paquet cadeau. Elle est précieuse, faut pas la donner à n'importe qui.


Vole mon pigeon.
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- Blablabla réponses d'Alida...
Henrii
Arras, où il faut payer un écu pour passer la nuit à l'hôtel même si on préfère dormir dehors.


La Chauve-Furie (car c'est ainsi qu'Henri nommait Alida dans le secret de son cœur) lui avait répondu. Depuis quelques jours, déjà, mais le blondinet avait été occupé. Parti de Dunkerque sans se retourner, il avait traversé quelques villes, avant d'arriver dans la capitale du Comté d'Artois. La prochaine pause serait à Compiègne. Il y resterait trois ou quatre jours, pas plus, avant de reprendre la route, direction... Direction ? Toulouse. La chaleur, la proximité d'une mer où on pouvait se baigner sans avoir les pieds bleus... De quoi faire rêver le moins imaginatif des hommes, et Henri possédait une bonne capacité à se laisser aller à la rêverie.

Toutefois aujourd'hui, il devait répondre à la Pipistrelle. Peut-être qu'elle était impatiente d'avoir de ses nouvelles ? Même si elle le prenait pour une fille... Pourtant, Henri n'avait rien de féminin. Il en était atteint dans sa virilité. Il devait donc non seulement lui parler de ses projets, mais également rétablir la vérité sur son identité.
Plume en main, le jeune homme coucha enfin sa réponse sur un parchemin plus ou moins vierge, si l'on occultait les minuscules gouttes de sang qui le maculait. Ce vélin s'était malencontreusement heurté à une perdrix morte...

Citation:

    Chère Pipistrelle,

    Je suis décidé à vous appeler comme ça. Vous avez raison, c'est joli comme surnom. Et surtout amusant.

    Je tiens à rétablir la vérité. Je ne suis pas une femme, je n'ai aucun de vos charmants attributs que la Nature vous a donné. Disons que j'en ai d'autres, purement masculins.

    Si ce pigeon, comme vous le dites, ne s'est pas trompé, alors... J'en suis ravi. Correspondre avec une totale inconnue est une activité amusante, et je ne la cèderai pas pour tout l'or du monde. Enfin, si, peut-être que pour tout l'or du monde... Mais passons, hein ?

    Merci pour la pièce. Je vais payer avec ça ce soir, pour voir. Je vous tiendrai au courant. Mais n'ayez crainte, je la récupèrerai ! L'aubergiste, semble-t-il, perd sa faculté de raisonnement une fois six bières avalées, et je compte en profiter pour rafler plus qu'une fausse pièce. Ma parole, mais vous êtes en train de me pervertir !

    Je ne sais même pas où vous habitez. C'est comment chez vous ? Dites-moi tout.

    Pour voler, il faut des plumes ! Ou de la peau comme... eh bien, comme les pipistrelles, les vraies. Je peux pas fabriquer de peau, et j'en piquerai pas à un mort, c'est vraiment trop affreux. Mais des plumes... Et avec de quoi les souder... De la cire, peut-être bien. Ça doit pouvoir se faire, je pense. Ou des voiles, comme les navires ! Vous savez quoi ? Je vais essayer d'en fabriquer. Et si ça marche, je vous les enverrai, ou je viendrai vous les donner.

    Qu'est-ce vous faites de vos journées ?

    Follement,
    Henri


En deux temps, trois mouvements, la lettre fut suspendue à la patte d'un pigeon. Et en moins de temps qu'il en faut pour dire « oust » le volatile filait à tire d'ailes vers la Pipistrelle.
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Henri pense. « Henri parle. »
Alida.
    La Mare des Amarres : taverne Pique.


Elle jette les missives froissées et tâchées sur les autres soiffards qui commencent à en avoir leur claque de la Pipistrelle. Godet en main, plume dans l'autre, elle tente de répondre à Henri Folie. Seulement c'est difficile lorsque les lettres se dédoublent mystérieusement une fois tracées sur le parchemin. Mais elle persévère, tire la langue et avale de grandes gorgées de gnôle pour se donner du courage.

- Gnn, foutues lettres, r'garde ! Elles sont trois là !

Elle prend à témoin un type aussi torché qu'elle qui hoche vivement de la caboche pour confirmer.



Henri Lili,

Si tu vois des lettres en double, c'est normal, je sais pas ce qu'elles ont aujourd'hui. C'était pas le bon jour pour écrire, c'est tout.

Tu veux savoir où j'habite ? Et bien je vis dans une jolie Mare, avec tout un tas de Canards, de roseaux et de clodos. Mais les clodos je leur donne des coups de pieds. C'est charmant comme endroit, c'est original, ça a une certaine classe même. J'ai même dessiné des petits canetons roses sur les murs. Mais bon, les dessins c'était un peu comme les lettres aujourd'hui, ils bougeaient tout seul sur le mur, c'était pas très facile pour que ça ressemble à quelque chose.
Enfin ici je me plais bien. Si un jour tu passes à Paris, tu demandes la Mare aux Canards, la plaie vaseuse de Paris, on t'indiquera. Ça devient touristique ces temps ci.

Et toi, elle est comment ta Mare ?

Tu as réussi à fabriquer des ailes pour voler ? Parce que j'ai réessayé toute à l'heure de voler devant un public, je me disais que je serais portée par la clameur et ce genre de choses, mais ils m'ont pas portée du tout, ils m'ont juste regardée m'écraser en rigolant. Mais ils riront moins quand je volerai pour de vrai. J'irai pisser sur le toit de leur maison, avec un peu de chance, ça gouttera à l'intérieur. Je compte sur toi.

Mes journées tu sais, en ce moment c'est pas bien varié. Je me lève, je bois, je mange ce que j'pique au marché, je fais la sieste, je me relève et j'fonce à la Mare des Amarres pour picoler. Hier j'ai fait le tour des fontaines pour y jeter mes pièces. J'attends que les Saints me répondent à coup d'écus sur le crâne. Puis là je te réponds et en même temps je picole. Je suis multitâches, c'est bien pratique. Demain soir j'irai peut être voler, mais sans ailes. Mais en attendant, je vais finir ma gnôle.

Piquement,
La Pipistrelle

PS : Et ma pièce alors, ça a marché ? Je serais follement déçue sinon.


Aidée de son voisin de beuverie, elle attache le message à la patte de l'oiseau qu'elle jette d'un air théâtral à travers la fenêtre qui, grâce au tavernier prévoyant, est miraculeusement ouverte.
Bien.


- J'paye ma tournéééééééééééééééééée !

Hips.
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- Blablabla réponses d'Alida...
Henrii
Azincourt : demi-tour !

Quelle vie ! Henri se rendait dans le sud, en passant par la Champagne. Avant de quitter Dunkerque, il avait mis en vente le seul champ qu'il eut jamais possédé. Et on le lui achetait. Formidable, dans l'absolu. Chiant, quand on devait faire demi-tour dès le départ.
Heureusement, il y avait les lettres d'Alida pour le distraire. Finalement, lire, ce n'était pas si terrible que ça. Ce n'était pas sa passion, mais certains écrits méritaient d'être lus, et même relus. C'était le cas pour les courriers de la Pipistrelle.

Adossé au tronc d'un arbre, le blondinet croisa les jambes en tailleur. Plume en main, il mordillait distraitement la tige d'une marguerite. Il faisait beau, les oiseaux chantaient, et la chasse avait été bonne. Ce qui le mettait indubitablement de bonne humeur. Le moment idéal pour se lancer dans une réponse à la lettre reçue quelques jours plus tôt.

Citation:

    Chère Pipistrelle,

    C'est bizarre, mais que t'habites dans une mare, ça m'étonne même pas. Eh, t'as vu ? Je te tutoie maintenant.
    Donc : tu vis dans une mare. C'est original. Une mare dans Paris ? C'est stupéfiant ! Les canards, j'aime bien, surtout leurs plumes. Au printemps et en automne, ils perdent leurs plumes et je les ramasse.

    Et tu sais quoi ? C'est vraiment bête que je n'ai pas été au courant avant. Je suis allé à Paris la semaine dernière. J'étais chargé de porter une lettre à un type. Si j'avais su ! Je suis resté deux jours. Et pas deux jours de perdus, tu peux me croire. J'ai fait cocu mon frère. J'ai rien contre lui, je le connais même pas en plus, juste son nom. Par contre je connais sa femme, et bien. Surtout maintenant.
    Qu'est-ce que tu dis de ça ? C'est pas... grandiose ? Faire cocu son propre frère ! Faut dire qu'il parait que c'est un coureur de jupons, et je suis pour l'égalité dans le mariage. J'aide, voilà tout.

    Ma mare à moi ? Elle change tout le temps. Je suis sur les routes, en voyage. Là, je vais chercher mes sous. J'ai vendu mon champ à Dunkerque. Quatre-cents écus c'est pas rien, je vais pouvoir me payer une nouvelle chemise. Celle que j'ai est pleine de trous. On me prend à moitié pour un vagabond je crois. Et s'il me reste des sous, peut-être une hache. J'aime pas les épées. La hache a quelque chose de plus... définitif. Enfin, c'est mon idée.

    Tes ailes ! Eh bah imagine-toi justement que j'ai tué une oie exprès pour toi. J'ai étudié la taille des ailes par rapport à son corps. Faudrait pas que t'ais l'air idiote avec des ailes trop petites ou trop grandes. J'essaie de reporter mes mesures pour une taille humaine. Dis-moi, t'es grande ou petite ?
    Et une fois les mesures bien prises, je vais aller en forêt pour chercher le bois. Ensuite, restera plus qu'à trouver du tissu, je vais me procurer des draps. Et après, le système pour te les accrocher, j'ai déjà une idée. Mais j'en dis pas plus ! Ce sera la surprise.
    Tu sais quoi ? Quand j'aurais fini, je viendrai à Paris pour te les apporter. Tu pourras sauter du haut d'un toit, par exemple. Je vais me grouiller pour te faire ça, j'ai hâte de voir !

    Ta pièce a fonctionné. J'ai pu payer avec quelques coups au tavernier. Et lui reprendre, ainsi qu'une poignée d'autres, qui sont bien vraies.

    Follement,
    Henri

    PS : tiens, je t'offre la plus belle plume de faisan que j'ai trouvé. Magnifique, non ?


La réponse fut accrochée à la patte du pigeon d'Alida, maintenu tranquille dans la sacoche du blondinet. Henri lança le volatile et son chargement, avant de s'allonger dans l'herbe fraiche, à l'ombre de son arbre.
_________________

Henri pense. « Henri parle. »
Alida.
    Cour Brissel, au milieu de la nuit.


Elle n'arrive pas à dormir, alors elle se tourne et se retourne sur sa paillasse miteuse dans l'espoir que Morphée vienne se blottir contre elle rapidement. Mais rien à faire, la divinité a d'autres chats à fouetter ce soir. Dans une dernière roulade, elle tombe de sa couche et se retrouve sur les planches déglinguées du sol de la bâtisse. A tâtons, elle se lève pour allumer un chandelier, non sans se cogner dans le mur au passage.

Lumière.

Elle s'étire et se frotte les yeux, pose le chandelier par terre et s'assoit en tailleur à côté. Son regard se pose sur la lettre reçue il y a quelques jours déjà et qui traîne sur le plancher en attente d'une réponse. Pipistrelle étire un fin sourire fatigué, cherche de quoi écrire et se lance, à la lumière vacillante de la bougie.




Henri Riri,

La prochaine fois que tu viens faire cocu ton frère à Paris, tu me feras le plaisir de visiter la Mare avant de repartir. Enfin assures-toi que j'y suis avant de venir, sinon tu risques d'y perdre des plumes, un peu comme les Canards à l'automne. Sauf que cette fois c'est moi qui les ramasserai pour faire un bouquet. C'est joli les bouquets de plumes.

Tu as raison pour la hache, c'est plus imposant qu'une épée. C'est plus intimidant je trouve. L'épée c'est devenu trop banal, alors que se balader avec une hache en ville, c'est plutôt classe. Et puis t'es sûr qu'on viendra pas t'emmerder. Sinon, PAF, la hache. Mais ça risque de trouer ta nouvelle chemise si t'arrives pas à bien t'en servir, fais attention, ça serait quand même un peu con.

J'ai hâte de les voir mes ailes ! Je suis pas bien grande, alors évite de m'en faire comme pour les grands oiseaux, ça sera trop grand pour moi. Mais je suis quand même plus grande que les moineaux, tu vois. Donc vises entre. Mais tardes pas trop, j'aime pas trop les surprises qui viennent jamais, ça fait des surprises ratées, ou même plus de surprise du tout. C'est encore pire. J'ai fait du repérage de toits pour tester les ailes. Mais ça fait peut être un peu haut un toit pour un premier essai. J'ai peur de pas pouvoir redescendre sur terre après si je m'envole trop haut, tu comprends ? Donc je cherche autre chose pour que tu puisses me rattraper et me clouer au sol si jamais je reste bloquée en l'air. Il me tarde !

Je suis contente pour la pièce, au moins pour toi ça a marché. J'ai pas eu de retour des fontaines moi. Les Saints Glinglins ont du flairer l'embrouille de leurs nuages. Tant pis, j'aurai essayé.

Piquant pique piqué,
La Pipistrelle.

PS : Elle est jolie ta plume, je vais la mettre dans mes cheveux.


Ni une ni deux, elle enfonce la plume dans ses cheveux de jais noués et sourit, contente d'elle.
Elle envoie son pigeon qu'elle balance sans grande délicatesse par la fenêtre et retourne se coucher.

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- Blablabla réponses d'Alida...
Henrii
Dunkerque : « patience et longueur de temps font mieux que force ni que rage » ? Bah va dire ça à celui qui poireaute !
Le Lion et le Rat – La Fontaine

Ennui. Un jour était plus long qu'une semaine. Il ne se passait rien. Du tout. Henri n'avait jamais autant baillé de sa vie. S'il n'était pas retenu ici pour une cause de la plus haute importance !... Il voulait des vêtements. De beaux vêtements, tout neuf, sans trou, ni espèce de coloration marron aux coudes et aux genoux. Il voulait être présentable. Le blondinet avait juste assez d'économies pour se payer tout ce qu'il voulait. Le problème... c'était que Dunkerque ne fournissait rien, ou alors au compte goutte. Bouger avec son magot ? Il y avait pensé, des centaines de fois, mais... s'il se faisait brigander ? Il serait obligé de trimer pour se payer une chemise, alors que là... il n'avait qu'à attendre. Dure bataille, entre le risque de l'activité et du voyage, ou l'ennui de rester sur place en sécurité. Qui avait dit que la vie était simple, déjà ?

Alors pour s'occuper, le blondinet venait de décider d'écrire à sa mystérieuse correspondante. Enfin au moins, pour elle, cet ennui était profitable ! Le blondinet était en pleine réalisation des ailes de la Pipistrelle. Ça avançait vite ! Et bien.
Henri prit donc sa plume en main et répondit d'un jet à sa correspondante.

Citation:

    Chère Pipistrelle,

    J'espère retourner à Paris sans refaire cocu mon frère. Pas parce que c'est mon frère et que je l'aime bien, non, je ne le connais même pas. Et tout le monde raconte que c'est un drôle de bonhomme. Je lui ai écrit, imagine-toi qu'il n'a jamais répondu. Alors que... J'ai fait un effort quand même.

    Mais bon, on s'en fiche. Tu aimes les bouquets de plumes ? J'ai une idée ! Quand je reviendrai à Paris, j'irai à ta mare avec un bouquet de plumes, que tu puisses me reconnaître. Ce sera plus pratique. Et si tu as ta plume de faisan dans les cheveux, moi aussi je saurais qui tu es. C'est bien.

    J'attends toujours ma hache. C'est fou ce qu'on s'ennuie ici. Y'a rien à faire, à part travailler. Et bon, c'est bien, le travail, mais j'ai des choses plus importantes à faire.

    Tu me parles de tes ailes, et c'est bien justement de ça que je parle aussi en disant que j'ai autre chose à faire que de casser des cailloux. J'avance, que dis-je, je cours ! Tu verrais ça ! Après l'étude des ailes de l'oie, j'ai reporté les mesures à taille humaine. Comme tu m'as dit que t'es petite, j'ai demandé à une jeune fille si elle voulait bien que je lui mesure les bras, et maintenant, j'ai les bonnes dimensions. J'ai presque fini l'armature. J'aurais fini la prochaine fois que tu m'écriras, c'est sûr. Je n'ai plus qu'à trouver de la toile. Je vais utiliser les draps de l'auberge. Et après ça, un système pour que ça te tienne bien au corps. Ce sera le plus dur je pense. Mais j'y arriverai.

    Tu sais quoi ? Je te donne rendez-vous dans deux semaines, avec les ailes, dans ta mare. Tu peux attendre deux semaines tu crois ?
    Si jamais t'as peur de plus pouvoir atterrir, je vais prévoir une corde pour que je puisse te tirer vers le bas. Je voudrais pas que tu t'envoles trop haut !

    Seras-tu dans ta mare, dans deux semaines ?

    Follement,
    Henri

    PS : je te rends ta pièce, peut-être que les Saints Glinglins veulent qu'elles y soient toutes ?


Le pigeon est balancé sans ménagement, lettre à la patte. C'est qu'il a du travail devant lui, s'il veut avoir fini dans deux semaines !
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Henri pense. « Henri parle. »
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